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Chapitre 1 : Recension des écrits 8 

7. Cadre théorique : l’étude des représentations sociales et des pratiques

Les termes de « représentations sociales » et de « pratiques sociales » constituent le cœur de notre projet d’étude. Il importe donc, de présenter les concepts théoriques à l’étude et de les situer quant à notre problématique de recherche.

7.1 Les représentations sociales

Les représentations sont définies en tant que « système d’interprétation de la réalité » (Blin, 1997 :70). Ce système dirige et détermine les relations que les individus entretiennent face au monde et aux autres, en guidant et en organisant les comportements et les « communications sociales » (Blin, 1997 :70). Les représentations seraient considérées comme des « grilles de lecture » qui permettent l’interprétation des réalités qui nous entourent (Moliner, 1988 cité dans Vidaller, 2007 : 2). Jodelet (1989 : 31) souligne que « les représentations nous guident dans la façon de nommer et de définir ensemble les aspects de notre réalité de tous les jours, dans la façon de les interpréter, statuer sur eux et, le cas échéant, prendre position à leur égard et la défendre ». Il s’agirait en fait, d’un « univers d’opinions » (Moscovici, 1966, cité; dans Vidaller, 2007 : 2) et de croyances propres à une culture, une classe sociale ou un groupe homogène et associés à des objets de l’environnement social (Vidaller, 2007 ;

Moliner, 2001).

C’est de cette façon, dans le cadre de cette étude, que nous définissons et employons le concept de représentations. Nous proposons donc d’étudier, dans un premier temps, le point de vue, les croyances et les interprétations que les enquêteurs entretiennent à l’égard de la problématique des fausses allégations d’agression sexuelle.

7.2 Les pratiques sociales

La littérature propose de nombreuses définitions de la notion de pratiques. Dans le cadre de cette étude, nous retenons celle proposée par Jodelet et Moscovici (1990 : 287) qui définit les pratiques comme des systèmes d’action socialement structurés et institués en relation avec des rôles. Selon Blin (1997 : 139), les pratiques concernent l’action humaine entendue comme transformation intentionnelle de la réalité. […] Une action se caractérise par une succession ordonnée d’activités cohérentes destinées à atteindre un objectif. À ce sujet Blin (1997 : 140) soutient que :

les actions ne dépendent pas uniquement de l’analyse des informations provenant d’un objet auquel il suffirait d’appliquer une logique, mais aussi de la capacité des acteurs à développer cette logique et des valeurs attachées à ces informations. Toute action se situe dans un contexte physique, social et culturel où les valeurs morales et éthiques sont influentes et les représentations sociales de l’action sont capitales.

7.3 La relation entre les représentations sociales et les pratiques

Différents travaux établissent l’idée d’un lien indissociable entre les représentations sociales et les pratiques. La manière dont les sujets interprètent les différents aspects des situations dans lesquelles ils se trouvent détermine les comportements mis en œuvre dans cette situation (Flament, 2001 : 46). Les représentations sont donc des « guides pour l’action » (Moscovici, 1961 ; cité dans Abric 1994). Selon Abric (1994), elles possèdent différentes fonctions; elles contribuent notamment à l’acquisition et à l’intégration de connaissances, elles guident les

comportements et les pratiques, en plus de permettre la justification des conduites à l’égard d’une situation.

Par ailleurs, certaines études ont démontré que les représentations sociales exerceraient aussi une influence dans le cadre de contextes et de situations professionnelles. En effet, nombreux auteurs soutiennent que « les sujets et les groupes se situent par rapport à leur travail, plus par l’appropriation de la situation, par les significations qu’ils lui attribuent et par leurs systèmes de représentations sociales liés à leurs activités, que par les caractéristiques objectives de la situation » (Aubrée et Raspaud, 1986 ; Morin, 1989 ; Guimelli et Jacobi, 1990 cités dans Blin 1997 : 67 ; Abric, 1994). À ce sujet Blin (1997 : 67) souligne que :

le système de représentations situe le rapport d’un individu à son travail et à sa pratique, c’est le modèle explicatif, la grille de lecture, le code, qui lui permettent de donner un sens, une signification aux activités qu’il effectue et à l’environnement qui l’entoure. […] On sait maintenant que le comportement au travail et les efforts consentis sont étroitement associés à la manière dont est perçue la situation professionnelle dans sa complexité et à la signification que les acteurs et les groupes lui attribuent.

Abric (1996 ; cité dans Tafani et Bellon, 2003 : 258) quant à lui, fait état de l’existence d’un lien dynamique entre les représentations et les pratiques. Il souligne que : « représentations et pratiques sont indissociablement liées : elles s’engendrent mutuellement ; les représentations guident et déterminent les pratiques et ces dernières agissent en créant ou en transformant les représentations ».

Notre projet de recherche prend en considération ces diverses perspectives théoriques et accorde une importance particulière aux conclusions formulées par les études réalisées dans le domaine des représentations sociales et des pratiques. Nous souhaitons dans ce contexte étudier les représentations des enquêteurs à l’égard d’enquêtes impliquant de fausses allégations d’agression sexuelle afin de voir comment celles-ci s’arriment aux conduites et aux pratiques professionnelles. Il s’agit en fait d’interpréter l’articulation des représentations

et des pratiques dans le cadre d’enquêtes portant sur des allégations d’agression sexuelle non fondées. Nous tenterons également de déterminer si la prise de conscience de l’existence de la problématique des fausses allégations et la participation active d’enquêteurs à ce type de dossier a pu entraîner des modifications au sein des représentations des différentes organisations policières et mener les enquêteurs à mettre en œuvre des pratiques adaptatives qui contrastent avec leurs méthodes habituelles d’enquête. Finalement, nous désirons estimer l’existence et l’impact possible du phénomène de la vision tunnel quant au déroulement d’enquête impliquant de fausses allégations d’agression sexuelle.