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La crise des opioïdes en Amérique du Nord

Partie 1 : La consommation illicite des opioïdes

B. La crise des opioïdes en Amérique du Nord

En Amérique du Nord, le problème de Santé Publique représenté par la consommation d’opioïdes de manière abusive est qualifié d’ « épidémie » ou de

34 « crise » des opioïdes. Cette épidémie touche principalement les Etats-Unis mais aussi, de manière moindre mais significative, le Canada.

Le nombre de décès par overdose est tellement important qu’il est devenu la première cause de morts par blessures non intentionnelles aux Etats-Unis. Le nombre de décès augmente dramatiquement chaque année avec 54 207 morts en 2015, 66 012 en 2016 et 72 287 en 20178,24. Une grande part de ces décès est liée à la consommation d’opioïdes avec 33 091 décès par overdose d’opioïdes (licites et illicites) en 2015 et 42 249 décès en 2016 25. Grâce aux chiffres de 2015 et 2016, le nombre de décès par overdose causé par des médicaments opioïdes représente entre 40 et 46% des décès par overdose d’opioïdes. Le problème est donc majoritairement lié à l’usage détourné de médicaments opioïdes ou à l’utilisation d’opioïdes illicites24,25. L’endiguement de cette épidémie est donc devenu l’un des objectifs de la FDA (Food and Drug Administration).

Cette crise a débuté lors par la mise en place de campagnes d’incitation à la prescription d’opioïdes visant à faciliter leur accès et ainsi d’améliorer la prise en charge de la douleur. Mais la forte croissance des prescriptions a contribué à alimenter le réseau illicite : les médicaments opioïdes ont été détournés vers le marché de rue et une augmentation de la dépendance iatrogène s’est développée. Par suite, pour lutter contre le développement des abus liés à ces stupéfiants, des mesures correctives de justice pénale (et non des dispositifs de Santé Publique) ont été mises en place. Ces mesures politiques étaient plus centrées sur les prescriptions réalisées pour traiter la douleur et moins sur le détournement des produits de leur usage médical, ce qui a eu pour effet de restreindre les prescriptions et de complexifier le circuit de délivrance des médicaments opioïdes. Par ailleurs, les personnes souffrant d’addiction n’ont pas réellement été prises en charge car le seul dispositif implémenté était basé sur l’abstinence. Or, lorsque le patient rechute après une période d’abstinence, sa tolérance aux opioïdes est diminuée et le risque de faire une overdose est nettement augmenté. La mise en place des dispositifs d’abstinence n’ont donc pas aidé à faire reculer le nombre de décès par overdose. Enfin, les politiques de restriction de l’approvisionnement du marché de rue en médicaments opioïdes obtenus sur prescription médicale ont eu pour effet d’amener de nombreux patients à se tourner vers l’héroïne pour assouvir leur dépendance.

35 Ainsi, malgré les actions mises en place, le nombre de personnes dépendantes aux opioïdes et le nombre de décès par overdose a continué à augmenter.

Actuellement, la FDA essaie de modifier sa politique en ciblant des actions de santé publique, dans la continuité du plan Obama mis en place en 2013. De la nouvelle politique nommée « Healthy innovation, safer families: FDA’s 2018 strategic policy roadmap »26 émerge une volonté de :

- Régulariser les prescriptions de médicaments opioïdes ;

- D’améliorer la prise en charge thérapeutique des addictions aux opioïdes (prises en charge pharmacologique mais aussi psycho-comportementale) ; - Limiter les détournements d’opioïdes du circuit pharmaceutique usuel ;

- Favoriser le développement de nouvelles stratégies de prise en charge de la douleur.

- Rationaliser l’addiction, notamment au niveau de l’opinion publique de cette maladie.

Cette politique devrait donc entrainer une amélioration des dispositifs de prise en charge de l’addiction. On estimait, en 2015, que les médicaments de substitution à la dépendance des opioïdes étaient uniquement utilisés par 8 à 10% des programmes thérapeutiques, et de plus, sur des périodes trop courtes pour être efficaces. De plus, la sur-régulation des conditions de prescription et de délivrance de ces médicaments limitait leur efficacité. A titre d’exemple, la méthadone ne pouvait être dispensée que dans des cliniques spécialisées et était strictement encadrée. La buprénorphine pouvait être prescrite par les médecins en dehors des cliniques, mais à cause de nombreux obstacles (administratif lié à la réalisation d’une prescription, formation des soignants, limitation du nombre de prescription par médecin), ce médicament restait difficile d’accès. Il y avait néanmoins la mise en place de dispositifs efficaces comme la formation des médecins aux gestes d’urgence en cas d’overdose et la mise en place de salles de consommation à moindre risque (même si leur nombre restait encore insuffisant).

Concernant le Canada, la gravité de la situation reste difficile à estimer car le pays tient peu de statistiques nationales. Toutefois en 2016, 2 458 morts par overdose d’opioïdes ont été dénombrées, à l’exclusion du Québec (données non

36 disponibles). Il semblerait néanmoins que, à l’inverse des Etats-Unis, la consommation était plus d’origine illicite (héroïne et médicaments opioïdes détournés) qu’iatrogène. Les solutions envisagées par le Canada sont différentes de celles prises par les Etats-Unis. La prise en charge cible plus la gestion de l’état de dépendance que la réduction du nombre de mésusage et de détournement de médicaments opioïdes.

Les interdictions très restrictives du passé semblent avoir eu un impact sur le mode de consommation actuel ; cela a probablement incité l’arrivée sur le marché de rue de substances entièrement synthétiques et plus puissantes que la morphine comme les fentanyloïdes, des dérivés du fentanyl. En effet, 50g de morphine a quasiment la même puissance d’effet qu’1g de fentanyl. De la même façon, 10 000g de morphine ou 200g de fentanyl a le même ordre de puissance qu’1g de carfentanyl. Ainsi, du fait de leur forte puissance d’action, une faible quantité est nécessaire pour avoir un fort effet. Elles sont donc plus dangereuses et entraîneront plus d’overdoses que les substances actuellement utilisées. Ces produits sont donc un danger à prendre en compte pour l’avenir et menace l’Amérique du Nord mais aussi l’Europe 13,26–28.

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