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La corrélation chronostratigraphique des sites préhistoriques du

La corrélation chronostratigraphique des sites préhistoriques du Nord et du Sud-Ouest de la France

1- La géologie du Quaternaire comme socle d’étude de la préhistoire

Le Quaternaire est une période relativement courte de l’histoire de la Terre, mais d’une importance capitale pour la préhistoire, car outre le développement de phénomènes glaciaires, il est caractérisé par l’apparition de l’Homme7.

C’est toutefois une phase délicate à circonscrire, pour diverses raisons. Sur le plan climatique, tout d’abord, il est difficile d’en déterminer avec précision le début, car le refroidissement de la Terre semble avoir débuté dès le Tertiaire. Le Quaternaire ne semble, en fait, que représenter la partie la plus étendue d’une période de développement des glaciers. Fixer une limite précise au début de cette séquence est donc un exercice complexe qui n’est pas totalement exempt d’arbitraire et de débats. Quant à la lignée humaine, il est également très difficile de lui délimiter un commencement, car l’Homme n’est pas une créature créée ex

nihilo, mais le fruit d’une longue évolution. Les Australopithèques sont plus anciens que les

premiers humains, et il n’est pas possible de marquer avec précision le passage au genre

Homo, ni même de présenter avec certitude les diverses étapes de la marche vers

l’hominisation. Le Quaternaire est donc toujours l’objet de débats pour fixer son début, même si la communauté scientifique accepte, dans sa majorité, une durée approximative d’environ deux millions d’années, avec l’apparition, aux bords des rives italiennes, d’une faune marine froide en provenance des eaux de l’Atlantique Nord.

Les variations climatiques qui caractérisent le Quaternaire agissent sur divers éléments (faune, flore, sol, etc.). Elles interfèrent, en particulier, sur l’évolution de la lignée humaine que le préhistorien souhaite comprendre. Une des approches possibles pour la reconstituer consiste donc à examiner les traces d’érosion des sols, pour mettre en place des stratigraphies, comprendre et dater les principales évolutions du climat, avant de comparer cette approche avec d’autres marqueurs thermiques tels que la paléontologie ou la

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Chaline (livre), 1985, p. 23.

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palynologie. Si l’analyse stratigraphique d’un site est satisfaisante, il est alors possible d’en proposer une chronologie relative, en y associant les vestiges lithiques découverts, et d’esquisser une corrélation avec d’autres gisements. Le travail de géologue est donc un préalable à celui du préhistorien.

Toutefois, l’étude des diverses strates géologiques du Quaternaire soulève plusieurs difficultés majeures. Tout d’abord, le phénomène de glaciation est discontinu et variable dans son intensité selon les régions, ce qui rend difficile la corrélation de stratigraphies locales dans des ensembles plus vastes. Par ailleurs, la brièveté du Quaternaire, période toujours en cours, nécessite une grande précision dans la lecture et l’interprétation de strates géologiques parfois très fines. Enfin, les dépôts laissés par le Quaternaire sont divers, en particulier en France, car ils sont situés dans des environnements géographiques très différents. Ainsi, les glaciers, très étendus, transportent des débris, les moraines. De même, les régions périglaciaires, caractérisées par un climat très froid avec des alternances de gel et de dégel, sont le siège de profondes modifications tels les éclatements de roches, les cryoturbations (c’est-à-dire des déplacements de matériaux du sol), ou les solifluxions (qui se manifestent par le glissement sur un versant de matériaux boueux ramollis par leur teneur en eau). L’influence du vent s’y manifeste par des dépôts de loess, tandis que l’humidité et la température peuvent altérer les sédiments de la partie superficielle du sol. Des traces fossiles, les paléosols, peuvent être interprétées, tel le lehm qui est un loess de roche altéré par divers agents climatiques. Les terrasses fluviatiles, par ailleurs, qui résultent de l’alternance de périodes froides et de périodes tempérées dans des vallées, sont riches de sédiments, tout comme les zones côtières, du fait de l’évolution du niveau des mers au cours du Quaternaire. Enfin, dernier exemple de la diversité en France des zones impactées par le Quaternaire et riches en dépôts, les grottes et les abris-sous-roche, fréquents dans le Périgord, qui sont la destination finale de sédiments aux origines multiples (vent, eau, gel, faune, flore, etc.).

Tous ces environnements font l’objet d’études géologiques diverses depuis le XIXe siècle. Toutefois, les recherches ne sont pas suffisamment avancées au milieu du XXe pour permettre une compréhension globale du Quaternaire, en particulier les divers stades de refroidissement. Plusieurs préhistoriens français de renom participent à cette tentative de faire parler les sols.

2- Victor Commont, l’abbé Henri Breuil et Denis Peyrony : trois chronologies différentes du Paléolithique ancien, moyen et supérieur

Concernant l’étude du Paléolithique ancien et moyen, tout d’abord, V. Commont donne un nouvel essor à sa compréhension en étudiant les vallées de l’Oise et de la Somme. Il présente les résultats de ses recherches en 1911 dans un article important, publié sous le titre « La chronologie des dépôts quaternaires dans la vallée de la Somme »8. Il complète ensuite cette étude par une comparaison des stratigraphies, des restes fauniques et des vestiges industriels avec divers gisements de Belgique et du Centre de la France9. Dans la vallée de la Somme, sa stratigraphie rigoureuse permet en particulier de mettre en évidence quatre terrasses fluviatiles dont l’étagement est en relation directe avec la chronologie. Il découvre en grand nombre des vestiges de pierres taillées (dont ceux de la gravière Tellier, auquel est attribué le nom d’« Atelier Commont ») et il distingue plusieurs industries lithiques du Paléolithique ancien et moyen pour lesquelles il propose une classification10 : le Pré-Chelléen, la plus ancienne, qui est constitué de bifaces sommairement taillés et d’outils sur éclats provenant de la seconde terrasse de Saint-Acheul et de l’extrémité de la troisième; le Chelléen, riche en bifaces allongés et à talon épais, qui est découvert dans les anciens dépôts fluviatiles ; l’Acheuléen, issu des loess anciens, qui présente de nombreux bifaces, et que V. Commont décompose en une phase inférieure et une phase supérieure ; le Moustérien, enfin, qui est découvert dans les loess plus récents. V. Commont, grâce à son travail de stratigraphie, détermine ainsi une séquence complète des industries lithiques de la Vallée de la Somme pour le Quaternaire11. L’abbé Breuil tente à son tour, quelques années plus tard, d’établir une chronologie des industries lithiques du Paléolithique ancien et moyen. Il entreprend, ainsi, des travaux de stratigraphie, en s’inspirant de ceux de son prédécesseur pour la vallée de la Somme et en élargissant ses recherches sur le plan géographique. Il aboutit à une classification sensiblement différente, qu’il publie entre 1931 et 1934, dans

L’Anthropologie, conjointement avec Léon Koslowski (1892-1944)12 sous le titre : « Etudes de stratigraphie paléolithique dans le nord de la France, la Belgique et l’Angleterre ». Il classe le Paléolithique ancien en deux groupes industriels séparés qui évoluent

8 Commont, 1911. 9 Commont, 1916, p. 109. 10 Truffeau (livre), 2004, p. 51. 11 Groenen (livre), 1994, p. 197. 12

L’écriture du nom de Léon Koslowski est reprise telle qu’indiquée dans les publications citées.

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indépendamment : un premier groupe à bifaces, l’Abbevillien et l’Acheuléen, et un second à éclats, le Levalloisien et le Clactonien. Cette dernière catégorie fait référence aux vestiges découverts à Clacton on Sea (Angleterre) auxquels l’abbé Breuil reconnaît quelques caractéristiques : « un plan de frappe très grand le plus souvent, et très oblique par rapport au plan d’éclatement, et un bulbe généralement gros, grand et assez fréquemment détouré et conique. »13 L’interprétation qu’il donne à la répartition géologique de ces industries est entièrement corrélée aux effets des glaciations. En effet, note-t-il, « Les industries à éclats apparaissent aux approches des glaciations successives et se prolongent au début des interglaciaires. […] Au contraire les industries à bifaces se localisent étroitement dans les interglaciaires »14. Concernant le Chelléen, il le remplace par l’Abbevillien, en le caractérisant par des bifaces présentant, en particulier, des enlèvements courts. Il propose, par ailleurs, une nouvelle classification de l’Acheuléen en plusieurs cycles (ancien, moyen et final), eux-mêmes décomposés en sept stades. Enfin, concernant le Périgord, l’abbé Breuil propose la même dualité entre les industries à bifaces ou à éclats et définit deux nouveaux faciès : le Micoquien, en référence au site éponyme de La Micoque (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), qui est caractérisé par des bifaces allongés; le Tayacien, issu des couches moyennes du même site, qui est dépourvu de bifaces. Il rappelle le Moustérien, selon l’abbé Breuil, présente un débitage différent du Levallois et se caractérise par un outil typique : la pointe de Tayac. Quant à D. Peyrony, avec qui il découvre au début du XXe siècle les grottes ornées de Font-de-Gaume et de Combarelles, et qui bénéficie d’une grande expérience des sites périgourdins, il donne une nouvelle perception du Moustérien. Grâce à son exploitation du site éponyme du Moustier (Peyzac-le-Moustier, Dordogne), il distingue en 1930 un Moustérien de tradition acheuléenne (MTA), riche en bifaces, d’un Moustérien typique15, ce qui laisse entrevoir en filigrane la possibilité d’une évolution différente des cultures lithiques. La situation n’est pas plus simple pour le Paléolithique supérieur, car la chronologie que l’abbé Breuil propose lors du premier Congrès préhistorique de France en 1905 remet en cause l’interprétation retenue par G. de Mortillet concernant l’évolution du Moustérien en Solutréen. L’abbé Breuil, en effet, distingue une nouvelle industrie lithique, l’Aurignacien (sous-jacente au Solutréen auquel succède le Magdalénien), qu’il présente en 1912 dans une

13 Breuil, 1930, p. 221-222. 14 Breuil (a), 1932, p. 573. 15 Peyrony, 1930, p. 74. 28

étude intitulée « Les subdivisions du Paléolithique supérieur et leur signification »16, qui est publiée en 1913. Il divise cette industrie en trois stades et la rattache au début du Paléolithique supérieur. Elle est caractérisée par le développement d’un matériel lithique plus élaboré et diversifié avec l’apparition du burin et du grattoir, ainsi que par l’utilisation de nouveaux matériaux (bois et corne de cervidés), et l’épanouissement d’un art inconnu auparavant17. Cependant, en 1932, D. Peyrony remet en cause cette chronologie du début du Paléolithique supérieur en se basant sur ses propres fouilles des gisements de La Ferrassie et de Laugerie-Haute (Dordogne). Reprenant les trois stades de l’Aurignacien de l’abbé Breuil, il en rapproche le début et la fin auxquels il reconnaît diverses similitudes, en particulier des pointes à dos abattu. Il distingue une nouvelle industrie le Périgordien, constitué de deux phases entre lesquelles s’intercale l’Aurignacien, lui-même caractérisé par cinq faciès différents.

La situation au début des années 1950 n’est donc pas satisfaisante, voire confuse. Concernant le Paléolithique ancien et moyen, tout d’abord, le schéma proposé par l’abbé Breuil semble s’imposer dans les années 1930 du fait de la cohérence de son modèle pour interpréter l’évolution des industries lithiques. Mais la dualité industrie à bifaces et industrie à éclats ne semble pas toujours en phase avec les découvertes. De plus, la divergence de position entre deux préhistoriens de renom (l’abbé Breuil et V. Commont) concernant la succession des industries lithiques peut légitimement soulever quelques questions. Quant aux chronologies en présence pour le début du Paléolithique supérieur, elles aboutissent également à un processus de développement très différent des industries lithiques et donc des cultures humaines. Il semble donc nécessaire, au milieu du XXe siècle de solliciter de nouveau « la mémoire des sols »18. Reprendre l’analyse stratigraphique des grandes régions riches en vestiges préhistoriques est en effet le travail préalable pour tenter de démêler cet assemblage disparate et complexe d’industries lithiques et espérer obtenir une chronologie unifiée du Paléolithique. Toutefois, remettre en cause le travail de telles personnalités nécessite des éléments scientifiques tangibles et une bonne dose d’aplomb. Au début des années 1950, un jeune chercheur du CNRS ne semble justement manquer ni des uns ni de l’autre.

16 Breuil, 1913.

17 Delporte (livre), 1998, p. 14-15. 18

Cette formule est empruntée à l’ouvrage de Simon Pomel, La mémoire des sols, 2008.

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3- La stratigraphie selon F. Bordes : la rigueur géologique au service de la précision chronologique

F. Bordes, qui est géologue de formation, s’inscrit dans la continuité des travaux de ces préhistoriens reconnus. Il souhaite toutefois soumettre à un nouvel examen leurs chronologies divergentes du Paléolithique ancien et moyen qui impactent directement la classification des industries lithiques. La rigueur et la précision de l’analyse stratigraphique des sites archéologiques constituent donc véritablement, selon lui, le socle de base pour développer l’analyse des vestiges lithiques du Paléolithique ancien et moyen et la compréhension de leur évolution.

Parmi les régions susceptibles d’être étudiées, F. Bordes s’intéresse à presque toutes, comme le montre ses remerciements dans l’avant-propos de sa thèse, pour peu qu’elles soient riches en sédiments et en vestiges préhistoriques : plateau de Villejuif, vallée du Rhône, Bassin de Paris, Sud-Ouest, Alsace, région alpine, Belgique, Chine19. Tout au long de sa carrière, il maintient cet intérêt pour la stratigraphie, dont il élargit le champ au fil des découvertes ou des collaborations : Etats-Unis, Proche-Orient, Australie, etc. Seules les régions côtières ne semblent pas retenir son intérêt, si l’on se fie à l’absence de travaux, d’articles, de correspondances ou de recherches personnelles. La raison ne peut être liée à l’état de la science, car le Quaternaire marin est étudié dès le début du XXe siècle en ce qui concerne les côtes méditerranéennes20. L’explication de ce choix démontre que F. Bordes est avant tout un préhistorien, la géologie étant une méthode d’investigation. Ainsi dans ses cours, repris dans une série d’ouvrages parue après son décès, Leçons sur le Paléolithique, il précise sa position concernant le Quaternaire marin : « Il n’a qu’assez rarement des rapports directs avec la Préhistoire. Assez peu souvent industries ou restes humains se trouvent-ils en relation directe avec des formations marines (Terra Amata) »21. Concernant ses propres activités de terrain en France, F. Bordes va axer ses efforts sur quelques régions qui vont lui permettre de situer chronologiquement les sites les uns par rapport aux autres : le bassin de Paris, la vallée de la Seine, celle de la Somme et le Sud-Ouest de la France. Si les fouilles du Roc-de-Gavaudun (1934-1936) sont une passion de jeunesse, F. Bordes, dans les traces de ses prédécesseurs, commence donc ses premières fouilles en tant que scientifique par l’étude

19 Bordes (livre), 1953, p. 2. 20 Chaline (livre), 1985, p. 166. 21

Bordes (a) (livre), 1984, p. 38.

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de quatre-vingt-seize carrières du bassin de Paris, des vallées de la Seine et de la Somme (1946-1956), ce qui couvre une large région :

« Elle comprend la vallée de la Seine en aval de Paris, la partie inférieure de la vallée de la Marne et de celle de l’Oise, la partie moyenne de la vallée de la Somme et, pro

parte, les vallées de l’Eure, de l’Iton, de la Risle, de l’Andelle, de l’Epte, etc.., et les

régions comprises entre ces vallées. »22

C’est à cette occasion que son itinéraire croise celui de Paul Fitte (1917-1997), géologue de formation et préhistorien par passion. Ensemble, ils parcourent la région afin d’étudier les complexes pédologiques, c’est-à-dire les loess et les paléosols, ainsi que leurs relations avec les industries lithiques.

4- Une approche normative et quantifiable du loess

Le loess est un marqueur important de l’évolution du climat dans le Nord de la France au cours du Quaternaire, ainsi que dans quelques autres régions (Alsace, vallée du Rhône…). C’est donc tout naturellement que F. Bordes commence son approche en tentant de le définir avec précision, selon des critères normatifs.

Dans la première moitié du XXe siècle, différentes définitions sont proposées pour déterminer l’origine du loess et caractériser ce phénomène géologique d’une grande importance sur le plan géographique. F. Bordes se réfère à quelques-unes dans sa thèse23, dont plusieurs émanent de géologues réputés : Maurice Gignoux (1881-1955), professeur de géologie à la faculté des sciences de Grenoble, le définit comme « une sorte de poussière calcaire » et « le considère comme une formation éolienne, déposée sous des conditions steppiques avec végétation herbacée » ; la définition de Lucien Cayeux (1864-1944), professeur de géologie au Collège de France, est relativement proche : le loess est une formation toujours chargée de calcaire à l’origine éolienne ; pour Emmanuel de Martonne (1873-1955), professeur de géographie, le loess est un sable particulièrement fin « dû à une précipitation continue » ; selon Emile Gustav Haug (1861-1927), professeur de géologie, le loess « à l’état non altéré, est une roche gris jaunâtre, meuble, poreuse, perméable et dépourvue de plasticité ». Toutefois, les définitions que retient F. Bordes ne sont rien d’autres que les siennes, comme le montre les deux exemples suivants:

22 Bordes (livre), 1953, p. 7. 23

Bordes (livre), 1953, p. 9.

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« Pour notre part, nous définirons le loess comme un sédiment dont plus de 75 p. 100 des éléments, une fois l’échantillon décalcifié, sont situés en dessous de 50 microns, donnant une courbe granulométrique de sédiment éolien, et composé principalement de quartz, avec accessoirement des minéraux lourds ou légers et, accessoirement aussi, un certain pourcentage de calcaire. Contrairement à la plupart des auteurs, nous ne considérons pas la présence de calcaire comme indispensable dans un loess typique […]. Un lehm sera défini par deux caractères : 1° une rubéfaction plus ou moins poussée, parfois presque insensible ; 2° un enrichissement en éléments de taille inférieure à 2 microns. En accord avec l’Ecole de Gand, nous appellerons lehm tout sédiment loessique dans lequel les éléments plus petits que 2 microns compteront pour 15 p. 100 ou plus. » 24

« on réserve le nom de loess typique à un limon formé essentiellement par des grains de quartz anguleux, de 0,01 à 005 mm de diamètre, avec un maximum de 2 % de grains plus gros que 1,50 mm. Il contient de 10 à 30 % de CO3 Ca, avec un peu de CO3 Mg ;

aux grains de quartz sont mélangés de petits cristaux de calcite avec un peu d’argile colloïdale ferrugineuse et des métaux lourds en faible proportion. Il ne doit pas être stratifié »25.

Les définitions de F. Bordes diffèrent ainsi par rapport à celles des chercheurs précédemment citées par leur aspect normatif : les éléments chimiques et les métaux entrant dans la composition sont désignés, tandis que les quantités sont précisées. La granulométrie, par ailleurs, permet l’évaluation numérique des tailles des divers éléments constituant le loess, avec réalisation de diagrammes. L’institut de Géologie de l’Université de Gand (Belgique) constitue une aide précieuse pour ses analyses, comme le montrent diverses correspondances entre 1951 et 1953 avec le professeur René Tavernier (1914-1992), telle celle du 12 mars 1953 que ce dernier adresse à F. Bordes: « Il est entendu que vous pouvez toujours envoyer vos éléments à granulométrer. »26 Les méthodes relevant de la géologie appliquées par F. Bordes se révèlent en touts points comparables à celles que préconisent dès 1946 André Cailleux (1907-1986), maître de conférences à la Sorbonne, dans un article intitulé « Application de la pétrographie sédimentaire aux recherches préhistoriques ».27 Il y explique tout l’intérêt que peuvent dégager les préhistoriens dans l’utilisation de méthodes numériques complétant les informations issues de la paléontologie et de la palynologie. Mais l’examen critique des stratigraphies déjà réalisées, afin de vérifier la chronologie des industries lithiques du Paléolithique, nécessite d’aller plus loin dans l’analyse du loess afin

24

Bordes (livre), 1953, p. 10.

25 Bordes (a), 1947, p. 364.

26 Lettre du 12 mars 1953 de R. Tavernier à F. Bordes, Fonds Bordes, Sous-Fonds Gradignan, DRAC

d’Aquitaine, boîte 30, dossier n° 3 : correspondances R. Tavernier, Gand, Belgique.

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Cailleux, 1946.

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d’en comprendre les mécanismes fondamentaux. F. Bordes examine donc en détail les carrières de deux régions portant les traces de ce phénomène en adoptant une démarche rigoureuse et identique pour chaque site, ce qui ressort clairement dans sa thèse.

Chaque carrière étudiée, tout d’abord, est présentée en détail. Elle est localisée (altitude, proximité d’un fleuve ou d’une ville, etc.), son orientation est indiquée par rapport aux quatre points cardinaux, sa géologie est détaillée (plateau, talweg, minéraux présents), son étage stratigraphique renseigné (Crétacé supérieur, Cénomanien ou autre), et F. Bordes n’omet pas de noter les renseignements obtenus d’études antérieures. Ainsi, à titre

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