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1. Apprentissage implicite et explicite de la langue : apports et conséquences pour l’enseignement de la

1.3 La conscience métalinguistique en production écrite

Le langage écrit possède un niveau d’abstraction et d’exigence plus élevé que le langage oral. Pour Gombert (1990), cette différence d’ordre cognitif explique que l’écrit nécessite une réflexion consciente plus développée. Reprenant la pensée vygostkyenne, il défend l’idée que « Le développement métalinguistique apparait donc être d’une importance primordiale dans l’accès à l’écrit » (Gombert, 1990 : 198).

Les activités métalinguistiques peuvent concerner tous les aspects du langage et on parle alors d’activités métaphonologiques, métasémantiques, métapragmatiques ou encore métasyntaxiques. Nous nous intéresserons plus particulièrement à cette dernière capacité pour son rôle et son importance dans la maitrise des compétences grammaticales.

 L’émergence et le développement des capacités métasyntaxiques

Pour Gombert (1990), le discours métalinguistique en syntaxe porte sur la grammaticalité des phrases. Ainsi « la compétence métasyntaxique renvoie à la possibilité pour le sujet de raisonner consciemment sur les aspects syntaxiques du langage et de contrôler délibérément l’usage des règles de grammaire » (Gombert, 1990 : 59).

Pour comprendre les phénomènes métalinguistiques dans le domaine de la syntaxe et parvenir à les développer, de nombreuses études se sont intéressées aux jugements de grammaticalité émis par les enfants et les adultes. Pour Gombert (1990 : 59) : « la connaissance consciente de la syntaxe se manifeste dans les discours métalinguistiques portant sur la grammaticalité des phrases ».

Les chercheurs sont plutôt partagés dans l’interprétation des résultats, surtout en ce qui concerne les jugements de grammaticalité précoces observés chez les jeunes enfants. Pour résumer la multitude de recherches effectuées dans ce domaine, nous retiendrons quelques conclusions présentées par Gombert (1990).

Comportements métalinguistiques précoces ou connaissances implicites ?

Certains chercheurs comme Clark (1978, cité par Gombert, 1990) défendent la thèse que les enfants, dès qu’ils commencent à parler, auraient des comportements métalinguistiques. Ils s’appuient pour cela, sur les autocorrections que les enfants font lorsqu’ils produisent des énoncés, que celles-ci soient spontanées ou qu’elles surviennent à la demande d’un adulte qui

leur demande de répéter. En travaillant sur des corpus d’enfants âgés de 2 à 3 ans et demi, les chercheurs ont observé l’augmentation de ces autocorrections avec l’âge, ce qui montre que l’enfant apprend progressivement que ses productions sont inadaptées et qu’il le manifeste en les corrigeant. L’enfant réfléchirait alors sur sa propre production pour pouvoir se corriger, ce qui pour les chercheurs, témoignerait de capacités métalinguistiques « de bas niveau correspondant à un contrôle préconscient du discours » (Slobin, 1978, cité par Gombert, 1990 : 75).

Pour d’autres chercheurs, ces comportements « pourraient refléter leurs connaissances tacites des règles du langage plutôt que leur maitrise consciente » (Gombert, 1990 : 75). D’autres études convergeraient donc plutôt vers l’utilisation de connaissances implicites pour juger de la grammaticalité : «En fait, la notion de grammaticalité, quelle que soit la façon dont on la formule, n’a vraisemblablement aucun sens pour le jeune enfant. C’est l’acceptabilité globale des phrases qui détermine ses réponses. La grammaticalité n’est qu’un composant parmi d’autres de cette acceptabilité, composant qui ne constitue en aucun cas un objet privilégié (ou même particulier) de réflexion pour le jeune enfant » (Bialystok, 1986, cité par Gombert, 1990 : 72).

Il semblerait que les facteurs sémantiques soient déterminants dans les jugements d’acceptabilité syntaxiques émis par de jeunes enfants (dès l’âge de deux ans). Les enfants accepteraient les énoncés qu’ils peuvent comprendre et rejetteraient les autres. « S’appuyant sur les résultats de nombreux travaux, Markman (1981) souligne que souvent les enfants, bien qu’utilisant correctement la syntaxe de leur langue dans leurs productions spontanées, échouent à des tâches qui requièrent l’analyse explicite et la maitrise consciente (conscious awareness) de la structure du langage » (Gombert, 1990 : 59).

Un phénomène difficile à identifier chez les adultes aussi

Chez les adultes aussi, l’origine du jugement de grammaticalité ne va pas de soi. Ainsi, même s’il arrive aux adultes d’être incapables d’expliquer l’utilité d’un déterminant dans une phrase, la plupart sont capables de déterminer la grammaticalité d’une phrase ainsi que son acceptabilité sémantique.

Gombert (1990) souligne qu’il faut faire attention à ne pas confondre la capacité à comprendre les règles de grammaire et celle de les expliquer. Un enfant comme un adulte peut juger de la grammaticalité d’un énoncé parce qu’il ‘sonne mal à l’oreille’, sans pour autant être capable de

dire pourquoi, ni même de situer où le problème se trouve. Le plus souvent, c’est donc une interprétation sémantique rendue impossible qui alerte le sujet de problèmes syntaxiques.

Les recherches effectuées admettent qu’il est très difficile de pouvoir affirmer que les processus qui permettent les corrections et les jugements chez les jeunes enfants, appartiennent au domaine de la métasyntaxe. Mais pour Gombert, quels que soit leur origine, ces comportements jouent un rôle déterminant dans l’acquisition de la syntaxe : « ces manipulations précoces de la syntaxe sont […] souvent efficaces et constituent vraisemblablement l’objet de la prise de conscience permettant l’accès ultérieur à une capacité métasyntaxique véritable » (Gombert, 1990 : 86).

Selon Vygotsky (1934), l’apprentissage du langage se ferait de façon automatique et inconsciente. Ce n’est que plus tard, grâce aux apprentissages scolaires que les enfants parviendraient à développer un contrôle actif et conscient sur la langue : « […] grâce à l’instruction de la grammaire et de l’écriture, il devient conscient de ce qu’il fait et apprend à utiliser ses habiletés intentionnellement » (Vygotsky, 1934, cité par Gombert, 1990 : 234). Selon cette théorie, Gombert (1990) émet l’hypothèse qu’un entrainement régulier et adapté permettrait de développer les capacités métalinguistiques dès l’âge de 5ans.

Dans la lignée de ces travaux, il nous parait indispensable que la formation des étudiants leur permette de développer des capacités métalinguistiques en morphosyntaxe.

2. Les apports des recherches en sciences cognitives et en sciences du langage