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3 La configuration générale du système français

L’organisation actuelle de la prise en charge de la perte d’autonomie stricto sensu des personnes âgées repose principalement sur deux piliers : un piler national contributif, mais non intégré à la Sécurité sociale, qui finance la CNSA ; un pilier non contributif assurant une gestion de proximité et confié aux Conseils Généraux. Il faut cependant signaler que si l’APA constitue la « mesure phare » du système français, les organismes de la Sécurité sociale jouent aussi un rôle très important dans la fourniture de prestations au profit des personnes âgées dépendantes. C’est notamment le cas des régimes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse60.

a) Le pilier non contributif : l’APA

Bien que de nature hybride, L’APA mise en place en janvier 2002 est un dispositif qui s’inscrit assez largement dans la sphère de l’aide sociale, géré au niveau local (départemental). C’est en tout cas un dispositif à caractère non contributif, financé par l’impôt. La loi garantit cependant un égal accès aux prestations sur l’ensemble du territoire national61. Il s’agit bien d’une prestation universelle. La législation de 2001 mettant en place

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Cf. Rapport Gisserot, Grass précit. V. aussi « 5è risque ? 5è branche ? Entretien avec Madame Gisserot », CNSA Lettre d’information n° 7, juin 2007.

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Si on intègre les dépenses de soins des établissements et services sociaux et médicaux sociaux, les dépenses hospitalières et de soins de ville des personnes âgées dépendantes, les dépenses d’action sociale des caisses régionales d’assurance maladie, on observe que l’assurance maladie finance la dépendance à hauteur d’environ 13 milliards d’euros, ce qui représente 61% de la totalité des dépenses (Rapport Gisserot Ibid.). La Caisse national d’assurance vieillesse finance pour sa part des dépenses consacrées au maintien à domicile et aux lieux collectifs, et la Caisse nationale d’allocations familiales des dépenses d’allocations logement à caractère social (ALS) et des aides personnalisées au logement (APL).

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Cf. art. L. 232-1 Code de la Sécurité sociale selon lequel l’allocation est définie de manière identique sur l’ensemble du territoire national.

l’APA a prévu que cette allocation est financée par les départements chargés de mettre en œuvre le dispositif. Le législateur a cependant prévu un concours financier au titre de la solidarité nationale. Avant la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, ce concours a été apporté aux départements par le biais du « Fonds de Financement de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie » (FAPA) créé par la loi du 20 juillet 2001 et le décret 2001-1084 du 20 novembre 2001. Les recettes de ce fonds ont été constituées par :

- une fraction de 0,1, point de la CSG ;

- une participation des régimes obligatoires d’assurance vieillesse correspondant à 50% des sommes consacrées par ces régimes en 2000 aux dépenses d’aide ménagère à domicile au profit des personnes âgées dépendantes classées en GIR 1 à 4 ;

- le produit des placements ;

- le résultat excédentaire de l’exercice précédent.

L’Etat redistribue donc les ressources allouées au financement vers l’ensemble des départements afin de compenser les différents niveaux de ressources locales. L’article 16 de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées pose en outre le principe selon lequel les charges résultant, pour les collectivités territoriales, de la création ou de l'extension des compétences réalisées par cette loi leur sont compensées dans le cadre de la loi de finances et l'article 18 a adapté les règles de fonctionnement de la commission centrale, et des commissions départementales et territoriales d'aide sociale.

Actuellement, l’APA est financée pour 1/3 par la CNSA et pour 2/3 par les départements. Elle comptait plus d’un million de bénéficiaires en 2007 (environ 1,2 millions aujourd’hui), pour un coût estimé à plus de 4,4 milliards d’euros, assumé à 68% par les départements.

b) Le pilier contributif non intégré à la Sécurité sociale

La Loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées comporte deux volets. D’une part, elle prévoit la mise en place, dans chaque département, d'un plan d'alerte et d'urgence en faveur des personnes âgées et handicapées en cas de risques exceptionnels ; d’autre part, elle institue une journée de solidarité en vue d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées et handicapées. Ce second volet peut être perçu comme l’introduction d’un élément de nature contributive dans le régime, jusque là non contributif, de prise en charge de la dépendance des personnes âgées.

Concrètement, cette « journée de solidarité » prend la forme :

- D’une journée de travail supplémentaire non rémunérée pour les salariés du secteur privé et de la fonction publique ;

- D’une contribution de 0,3 % due par les employeurs privés et publics, en contrepartie de la suppression d'un jour férié ou équivalent Cette contribution a la même assiette que les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base d'assurance maladie. Elle s'applique aux

rémunérations versées à compter du 1er juillet 2004. Son produit est versé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, instituée par la même loi.

La démarche suivie est assez singulière et innovante. La loi ne crée pas une obligation d’assurance pour la dépendance et le dispositif nouveau ne s’intègre pas à la sécurité sociale. Elle s’en remet pourtant à la solidarité interprofessionnelle et à la sphère de l’emploi pour prendre en charge, certes partiellement, le financement des mesures en faveur de l’autonomie des personnes âgées. En outre, elle crée sous la forme d’un établissement public national à caractère administratif une caisse – la CNSA – chargée de la mise en œuvre de ces mesures.

La loi établit les recettes et les charges de la nouvelle caisse. Les recettes sont constituées par :

- la contribution de 0,3 % due par les employeurs publics et privés ;

- une contribution de 0,3 % portant sur les revenus du patrimoine et sur les revenus des placements, et définie comme une contribution additionnelle au prélèvement social de 2% qui existe déjà pour les revenus concernés ;

- le produit du 0,1 point de contribution sociale généralisée (CSG) antérieurement affecté au FAPA ;

- une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, égale à une fraction de leurs dépenses d'aide ménagère à domicile au profit des personnes âgées dépendantes bénéficiaires de l'APA (participation antérieurement versée auFAPA) ;

- la contribution des régimes d'assurance maladie aux établissements ou services sociaux et médico-sociaux accueillant principalement des personnes âgées ou handicapées.

On note au passage que la loi intègre et dirige vers la CNSA un certain nombre de sources de financement de nature et de sources fort diverses : fiscales pour certaines, mais aussi émanant de l’action de l’assurance maladie et des régimes obligatoires de retraite au profit des personnes âgées dépendantes.

Quant aux charges de la CNSA, elles sont réparties en six sections comptables distinctes qui traduisent les missions de l’institution :

- Le financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux accueillant principalement des personnes handicapées ou des personnes âgées ;

- Un concours financier versé aux départements, et destiné à prendre en charge une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie. Ce concours est réparti entre les départements en fonction des critères suivants : le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ; le montant des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie ; le potentiel fiscal ; le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (désormais RSA)

- Un concours (dans la limite des recettes affectées à cette section, soit 26 % au moins, et 30 % au plus, du produit des contributions sociales et de solidarité de 0,3 %) versé aux départements, et destiné à prendre en charge une partie du coût de la nouvelle allocation de compensation du handicap et un concours pour l'installation ou le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, institués

par la loi n° 2005-102 du 18 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

- La promotion des actions innovantes et le renforcement de la professionnalisation des métiers de service en faveur des personnes âgées.

- Le financement des autres dépenses en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées (ex : dépenses d'animation et de prévention, frais d'études dans les domaines d'action de la Caisse). Les frais de gestion de la Caisse nationale de solidarité.

Section 5. Un risque encore indéterminé. Le cas de la

Pologne

§1 – L’assurance dépendance, une question encore en débat

La dépendance n’est pas un risque identifié en tant que tel dans le système de protection sociale polonais et ne fait pas l’objet de dispositifs spécifiquement dédiés. Les soins informels jouent donc un rôle très important, assurés à domicile par les membres de la famille. Le « modèle polonais » se caractérise donc par : des liens familiaux traditionnellement forts ; une offre publique de soins insuffisante, faute de financement ; un revenu des personnes trop bas pour ouvrir des possibilités d’offres des soins privées.

Le panorama des dispositifs existants permettant de faire face au problème est en réalité assez fruste. Ces dispositifs relèvent, pour les uns du risque vieillesse, pour les autres de la maladie. Du côté de la branche vieillesse, il existe ainsi un forfait en espèces versé à partir de 75 ans, sans aucune définition légale précise ; le versement est automatique et on peut donc considérer que le besoin d’aide des personnes de plus de 75 ans est présumé. Comme on le verra, certaines formes de prise en charge des personnes âgées dépendantes sont aussi organisées dans le cadre du système de santé. Par ailleurs, les personnes âgées dépendantes peuvent s’adresser à l’Aide sociale départementale. Celle-ci est en principe non cumulable avec la prestation de sécurité sociale mentionnée, mais il semble qu’en pratique, le cumul soit fréquent. La sécurité sociale prend aussi en charge certains congés pour s’occuper d’une personne dépendante. Au final, ce sont des dispositions éparses et le risque n’est pas encore clairement identifié et évalué.

Néanmoins, dans les dernières années, une discussion s’est instaurée sur la question de la dépendance des personnes âgées. Plusieurs projets visant à mettre en place une assurance dépendance obligatoire ont été élaborés. Ces projets se sont principalement basés sur l’expérience allemande. La proposition la plus récente a été présentée en avril 2009. Elle a été préparée par un comité spécial du Sénat créé à cet effet en juin 2008. Ce comité comprenant aussi des experts en la matière a proposé une assurance dépendance complémentaire, avec une contribution située entre 1 et 1,5 % des revenus. La nouvelle assurance couvrirait tous ceux qui sont actuellement couverts par l’assurance maladie. Une nouvelle caisse serait créée, gérée par la Caisse Nationale de la Santé. Cette proposition a fait l’objet de critiques, notamment celle consistant à voir dans cette contribution une augmentation des impôts. Dans le contexte de la crise économique – qui a pourtant moins durement touché la Pologne que d’autres pays européens – cette proposition a peu de chance de prospérer. Le Gouvernement n’a pas donné de signes positifs dans ce sens. Aucune solution impliquant une augmentation

des dépenses publiques ou des impôts ne sera adoptée dans un futur proche et le projet d’une assurance dépendance « à l’allemande » sera au mieux repoussé, au pire enterré62.

Malgré cette absence d’ouverture au plan politique, la question fait l’objet d’études et de débats académiques parmi les spécialistes : Błędowski, Wilmowska-Pietruszyńska (2009), Jurek (2009) ont discuté la problématique de l’assurance dépendance, des coûts, de l’affaiblissement des liens familiaux, des conflits intergénérationnels, du hasard moral. Un certain consensus s’est établi chez ces chercheurs pour admettre les mérites d’une assurance sociale en matière de dépendance. Les auteurs y voient notamment une réponse à un problème soulevé par les medias et connu des autorités publiques, à savoir la mauvaise qualité des services et des soins aux personnes dépendantes. Les pouvoirs publics voudraient pouvoir continuer à s’appuyer sur le travail volontaire des aidants informels et des familles, quitte à leur apporter quelques soutiens en termes de formation. Mais les experts estiment que la société polonaise est en train de changer et que les plus jeunes générations n’acceptent plus ces tâches et les inégalités de genres qui vont avec. L’accès aux soins pour les personnes dépendantes, dans ce contexte et en raison du vieillissement de la population va rapidement devenir un problème. Certaines études localisées (dans la région de Łódź) mettent en évidence les stratégies individuelles: des personnes qui ne présentent pas encore un fort degré de dépendance demandent une place en institution « par anticipation ». D’un autre côté, des personnes qui auraient véritablement besoin d’une prise en charge à temps complet ne trouvent pas de place en institution. La solution assurantielle permettrait d’améliorer l’offre de soins et introduirait plus de transparence dans les modes de financement. Ce point de vue n’est toutefois pas suivi par le Gouvernement actuel.