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2. Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.1. Concepts clés

2.1.5. La conception universelle de l’apprentissage (CUA)

Aujourd’hui, il existe des solutions pour instaurer des pratiques aux visées inclusives. Ces pratiques, s’appuyant sur l’équité et l’égalité des réussites (Potvin, 2013), peuvent être favorables à tous les élèves. Effectivement, les recherches démontrent de plus en plus les bénéfices sur les plans scolaires et sociaux de l’inclusion scolaire pour tous les élèves (Gagliardi, 2014; Leonard, 2013; Zigmond et Baker, 1997). Même que, les tensions recensées précédemment au Québec entre l’équité, l’inclusion et la performance pourraient être renouées car, selon l’étude internationale de Field, Kuczera et Pont (2007), les pratiques équitables et inclusives sont complémentaires à la performance des systèmes scolaires. De plus, la recherche de Dupriez et Dumay (2005) et l’analyse du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de 2009 (OCDE, 2013a), ont démontré que les systèmes inclusifs atteignent mieux l’égalité des réussites. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la CUA ne nécessite pas des ajustements continuels, mais implique de planifier dès le départ l’accessibilité pour tous les élèves en anticipant leurs besoins et obstacles potentiels, comme c’est le cas en architecture (Conseil supérieur de l’éducation, 2017). À titre d’exemple, un enseignant pourrait offrir plusieurs modalités aux élèves pour lire un livre obligatoire (papier, numérique, interactif, audio) et ils pourraient choisir celle qui leur convient le mieux. En ce sens, cette conception n’est pas une « taille unique », mais, au contraire, implique la reconnaissance des besoins uniques de chaque apprenant et stipule que tous les élèves doivent avoir

l’opportunité d’apprendre le même contenu que tout le monde et de vivre des réussites, en utilisant les moyens qui leur correspondent le mieux et pour leur permettre d’exploiter leurs forces (Hall et al., 2015; Kortering, Mcclannon et Braziel, 2008).

La conception universelle de l’apprentissage (CUA) est une façon de concevoir l’enseignement et l’apprentissage en concordance avec l’inclusion scolaire (Bergeron, Rousseau et Leclerc, 2011; Tremblay, 2013). En lien avec le modèle social du handicap, plus particulièrement avec le modèle du processus de production du handicap (MDH- PPH2) qui sous-tend que ce sont les obstacles présents dans l’environnement en interaction avec les caractéristiques individuelles d’une personne qui créent une situation de handicap (Bélanger et Duchesne, 2010), la CUA implique de réduire les obstacles aux apprentissages et à la participation de tous les élèves (Booth et Ainscow, 2005). Ce sont donc aux programmes de formation de s’adapter à chacune des différences individuelles des élèves et non l’inverse (Hall, Meyer et Rose, 2015). Bergeron, Rousseau et Leclerc (2011), proposent une bonne interprétation de cette conception :

Il ne s’agit donc plus de concevoir les différences de “l’élève inclus”, mais d’élargir notre rapport à la différence en concevant les caractéristiques de tous ceux qui composent la classe; de penser la classe comme un lieu où se côtoient autant de différences qu’il y a d’élèves. (Bergeron, Rousseau et Leclerc, 2011, p. 93).

Une représentation imagée de cette conception voulant réduire les obstacles à l’apprentissage est fréquemment utilisée (voir Figure 6. L’accès universel par l’élimination au préalable des barrières (Conseil supérieur de l’éducation, 2017, p. 33). Cette dernière illustre bien que l’égalité suppose de traiter tous les élèves de la même manière, indépendamment de leurs besoins, tandis que l’équité admet un traitement en

fonction des besoins. Cependant, avec la conception universelle, les mesures d’aide ne sont plus nécessaires puisque les obstacles sont le plus possible éliminés en prévenant les potentielles difficultés.

Figure 6. L’accès universel par l’élimination au préalable des barrières (Conseil supérieur de l’éducation, 2017, p. 33).

Il est nécessaire de décrire plus en détails les trois grands principes qui sont au cœur de la CUA pour bien comprendre ses fondements. Ceux-ci sont basés sur le cadre conceptuel provenant de la neuroscience des trois types de réseaux de pensées, soit les réseaux de reconnaissance, qui sont les réseaux qui permettent à un individu de comprendre les informations, les réseaux de stratégies, qui permettent d’être capable de planifier et d’exécuter des tâches en mobilisant des compétences, et les réseaux affectifs, qui permettent de donner du sens et de s’engager (Hall, Meyer et Rose, 2015; Rose et Meyer, 2002) (voir Figure 7. Les trois réseaux de pensée de la CUA selon CAST, 2011).

Figure 7. Les trois réseaux de pensée de la CUA selon CAST, 2011.

Le premier principe est de fournir de nombreux moyens de représentation (le quoi de l’apprentissage) et est basé sur les réseaux de connaissances (recognition networks) puisque chaque élève a des préférences de modalités de présentation pour bien apprendre une notion. Le second principe est de fournir de nombreux moyens d’action et d’expression (le comment de l’apprentissage) qui est basé sur les réseaux de pensées de stratégies (strategic networks), car les élèves utilisent différentes stratégies pour apprendre. Le troisième principe, fournir de nombreux moyens de participation (le pourquoi de l’apprentissage), est basé sur les réseaux affectifs (affective networks) (Bergeron, Rousseau et Leclerc, 2011; CAST, 2011; Hall, Meyer et Rose, 2015), en accord avec le principe que les divers intérêts et la motivation des élèves sont favorables à leur engagement dans leurs apprentissages. En outre, le CAST (2011) propose neuf

lignes directrices de la CUA reliées à chacun de ses trois principes pouvant servir à pallier les obstacles présents dans les programmes de formation. Les trois premières lignes directrices sont associées au premier principe : offrir des options sur le plan de la perception; offrir des options en matière de langue, d’expressions mathématiques et de symboles; et fournir des options en matière de compréhension. Les quatrième, cinquième et sixième lignes directrices, reliées au deuxième principe, sont de fournir des options en matière d'action physique, de fournir des options en matière d'expression et de communication et de fournir des options pour les fonctions exécutives. Le troisième principe est lié aux lignes directrices sept, fournir des options pour solliciter l'intérêt, huit, fournir des options pour soutenir les efforts et favoriser la persévérance, et neuf, fournir des options pour la maitrise de soi. Afin de respecter chacune des lignes directrices, le CAST (2011) propose différents points de contrôle (voir Figure 8. Lignes directrices de la CUA selon les trois réseaux de pensée (CAST, 2011)).

Figure 8. Lignes directrices de la CUA selon les trois réseaux de pensée (CAST, 2011).

Pour s’inscrire à l’intérieur de la conception universelle de l’apprentissage, les enseignants doivent donc, dès la planification de leurs cours, anticiper les différences des élèves, c’est-à-dire de tous les élèves et pas seulement de ceux avec des besoins particuliers, afin de pouvoir apporter le soutien et les accommodations nécessaires à leur participation aux activités d’apprentissage de manière autonome (Bergeron et al., 2011; Kalubi, 2010; Table ronde des experts, 2005). D’ailleurs, la première étape à une implantation efficace de la CUA est d’établir des attentes et des buts directement en lien avec la ZPD de Vygotski (1980) (CAST, 2011; Rose et Meyer, 2002). Ainsi, les attentes

et les buts établis doivent être adaptés aux élèves, c’est-à-dire ni trop difficiles, ni trop faciles (Rose et Meyer, 2002). Les enseignants doivent alors réfléchir sur les obstacles potentiels que pourraient rencontrer certains élèves et sur leurs connaissances antérieures (Booth et Ainscow, 2005; Hornby, 2014; Webb et Hoover, 2015). Subséquemment, ces enseignants doivent avoir une bonne capacité à tenir compte des besoins de leurs élèves (Potvin, 2013). Or, de nombreux enseignants éprouvent de la difficulté à gérer le programme de formation lorsque leur classe comprend plusieurs élèves ayant des besoins diversifiés (Bergeron et al., 2011; L. Prud’homme et al., 2011). Pour répondre à ces besoins diversifiés, plusieurs méthodes pédagogiques peuvent être utilisées. En fait, pour plusieurs auteurs, la CUA est un amalgame de plusieurs pratiques pédagogiques existantes, telles que la différenciation pédagogique (Rose et Meyer, 2002), puisque cette dernière vise à répondre aux besoins et intérêts de tous les élèves (Tomlinson, 2014).