• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV. Histoire de la recherche sur la transfiguration de Jésus dans le contexte de l’évangile de Marc

5. La composition littéraire de la section Mc 8,27—9,

5.1. Les limites de la péricope du récit de la transfiguration de Jésus

Une autre question importante pour la compréhension du sens de la transfiguration est la démarcation de la péricope. Peut-on trouver l’interprétation adéquate de la transfiguration de Jésus en définissant ces limites en Mc 9,2-8 ou 9,2-13, ou bien en 8,27—9,13 ? Pour beaucoup de commentateurs, la scène décrite en Mc 9,2-8 constitue une péricope distincte, parce qu’elle se différencie de son contexte par la forme littéraire268. Pour d’autres toutefois, le début de cette péricope, par les paroles « après six jours », l’unit définitivement au contexte précédant. C’est pourquoi, d’après les autres exégètes, ce qui se passe à la montagne traduit dans une autre forme littéraire le même contenu que la confession messianique de Pierre269. La réponse au problème de Pierre ne se trouve pas dans la section Mc 8,27—9,1, mais dans la scène de la transfiguration270. Ainsi l’analyse prend souvent en considération toute la section 8,27—9,13271.

En conséquence, il faut définir le genre littéraire de l’ensemble Mc 8,27—9,13. Bien qu’il soit composé d’éléments différents, comme la controverse en 8,32-33, la catéchèse en 8,34—9,1 et la théophanie en 9,2-8, nous essaierons de l’interpréter en tant qu’un tout possédant sa forme littéraire précise. Il s’agit d’une forme composée, dans laquelle le genre dominant est celui d’une controverse. C’est la même forme qui a été employée dans les livres de l’Ancien Testament, auxquels se rapporte Marc au début de son évangile : en Ex 32-34 et Ml 3.

268

Par exemple, J. P. HEIL cherche à définir le même genre littéraire des trois récits synoptiques de la transfiguration comme « pivotal mandatory epiphany » (ID., The Transfiguration of Jesus, p. 35-36 et 72-73). Dans cet optique, il se borne à une analyse détaillée uniquement de Mc 9,2-8. De même NÜTZEL, Verklärungserzählung, et beaucoup d’autres.

269

Cette opinion a une longue histoire. Par exemple, selon B. W. BACON, « The Transfiguration Story », The American Journal of Theology 6 (1902) 237, la transfiguration, sous la forme littéraire d’une vision, présente le même contenu que la confession de Pierre sous la forme d’une prose ordinaire ; et d’après E. WENDLING, « Die Äusserung des Petrus in der Verklärungsgeschichte (Mk 9,5) », Theologische Studien und Kritiken 84 (1911) 125, la transfiguration est un poème – symbolique pendant de la confession de Pierre.

270

E. BEST, qui suit E. HAENCHEN, « Die Komposition von Mk 8,27-9,1 », ovT 6 (1963) 81-109, analyse trop exclusivement la section Mc 8,27—9,1 pour comprendre les paroles de Pierre « Tu es le Christ » (8,29) et sa réaction à l’annonce de la mort et de la résurrection (8,32). Cf. E. BEST, « Discipleship in Mark: Mark 8:22-10:52 », dans Disciples and Discipleship, p. 6.

271

Par exemple, M. HORSTMANN, Studien zur markinischen Christologie. Mk 8,27—9,13 als Zugang zum Christusbild des zweiten Evangeliums, Münster 1969; E. NARDONI, La Transfiguración de Jesús y el diálogo sobre Elías según el Evangelio de San Marcos, Buenos Aires 1977 ; J. A. PARETSKY, Jewish Eschatological Expectation and the Transfiguration of Christ, Romae 1985.

5.2. La structure de Mc 8,27—9,13

La recherche de la structure de l’ensemble Mc 8,27—9,13 part souvent d’une supposition : la transfiguration de Jésus, notamment la voix divine en 9,7, est parallèle à la voix de Pierre, exprimant sa conviction sur la messianité de Jésus (8,29). Ce postulat est particulièrement la base de la structure concentrique de la péricope Mc 8,27—9,13 présentée par R. LAFONTAINE etP. MOURLON BEERNAERT272 :

A. Les hommes disent que Jésus est Élie ou l’un des prophètes (8,27-28). B. Pierre au nom des disciples dit que Jésus est le Christ (8,29-30).

C. Annonce de la passion-résurrection. Intervention de Pierre, « remis à sa place » (8,31- 33).

D. Section catéchétique (8,34—9,1), elle-même structurée en a b c - c’ b’ a’. C’. Transfiguration. Intervention de Pierre, « remis à sa place » (9,2-6).

B’. Le Père révèle aux disciples que Jésus est son Fils bien-aimé (9,7-10). A’. L’écriture relue par Jésus situe à sa place le vrai Précurseur (9,11-13).273

E. NARDONI a repris cette structure et l’a élargie sur l’ensemble de Mc 8,22—9,29274.

D’une façon semblable J. A. PARETSKY présente la composition de la section Mc 8,27—

9,50275. Encore une fois, l’auteur accepte sans discussion l’hypothèse que la déclaration céleste de la nuée pendant la transfiguration de Jésus et la confession de Pierre sont des miroirs l’une pour l’autre. Cependant les recherches sur la structure du texte ne doivent pas, à notre avis, partir de tels postulats, mais au préalable prendre en considération le texte seul. La structure ainsi dégagée peut aider à trouver le dessein de l’évangéliste, et non pas l’inverse.

272

R. LAFONTAINE —P. MOURLON BEERNAERT, « Essai sur la structure de Marc 8,27—9,13 », RSR 57 (1969) 543- 561.

273

De même R. G. LEE, Thinking the Things of God: A Literary Study of Mark 8:27-9:13, 1995, propose la structuration de Mc 8,27—9,13 en cinq unités, regroupées de manière concentrique autour de l’unité centrale, Mc 8,34—9,1. Dans ces cinq unités Marc répond aux trois questions principales de son évangile : Qui est Jésus ? Pourquoi doit-il souffrir et mourir ? Que doit-on faire pour suivre Jésus ? Pour pouvoir trouver les réponses à ces questions, on a besoin de « penser ce qui est de Dieu plutôt que ce qui est des hommes » (Mc 8,33). La thèse de R. G. LEE ne m’est malheureusement connue que par le biais de Dissertation Abstracts International (vol. 43(1982), nr 6, p. 2000 et vol. 56(1995), nr 6, p. 2281).

274

NARDONI, La Transfiguración, p. 41-44.

275

Cf. PARETSKY, Jewish Eschatological Expectation, p. 189-194. Cependant la structure du texte qu’il propose diffère de celle proposée par NARDONI. J. A. PARETSKY s’intéresse spécialement à l’aspect eschatologique de la péricope, et sa structuration du texte dépend principalement de la position des propos eschatologiques (Mc 8,35—9,1 et 9,42-50).

En comparaison avec la structure ici montrée, voici notre proposition. Une structure propre du texte se dégage des formes littéraires utilisées. Prenant cela comme point de départ, on voit d’abord en Mc 8,27—9,13 trois parties :

I. Narration 8,27-33.

II. Groupe des logia 8,34—9,1. III. Narration 9,2-13.

Plus exactement, 8,34—9,1 n’est qu’un intervalle dans une seule narration continue, 8,27-33 ; 9,2-13. On y discerne encore trois formes littéraires :

1. D’abord, deux dialogues entre Jésus et les disciples du type questions-réponses : 8,27-29 et 9,11-13.

2. Ensuite, deux enseignements à caractère de déclaration solennelle concernant le Fils : Jésus enseigne « ouvertement » (parrhsi,a|) sur le Fils de l’homme (8,30-32a) et la voix céleste enseigne sur le Fils bien-aimé (9,7-10).

3. Enfin, deux scènes présentant « l’histoire de Pierre », au cours de lesquelles il prend la parole de sa propre initiative. La première fois il est réprimandé et réduit au silence (8,32b-33), et la deuxième fois, après le geste de Jésus, il reprend la parole (9,2-6).

La structure symétrique de l’ensemble se clarifie ainsi :

A. 8,27-29 : Jésus et les disciples : deux questions et réponses (ouverture). B. 8,30-32a : L’enseignement concernant le Fils de l’homme.

C. 8,32b-33 : L’échange des reproches entre Pierre et Jésus.

D. 8,34—9,1 : Jésus enseigne à tout homme qui vient à Lui (la foule avec les disciples). C’. 9,2-6 : La transfiguration de Jésus devant Pierre, Jacques et Jean. La réponse de Pierre. B’. 9,7-10 : La voix de la nuée concernant le Fils bien-aimé.

A’. 9,11-13 : Jésus et trois disciples: deux questions et réponses (conclusion).

Au centre (8,34—9,1) se trouve le groupe des logia lui-même structuré de manière symétrique selon leur forme et contenu :

a. 8,34 la situation de « quelqu’un » (tij) devant la croix (commence par ei=pen auvtoi/j) b. 8,35 la situation eschatologique de l’homme (commence par o]j ga.r eva.n)

c. 8,36 question de l’âme (de la vie) de l’homme c’. 8,37 question de l’âme (de la vie) de l’homme

b’. 8,38 la situation eschatologique de l’homme (commence par o]j ga.r eva.n)

a’. 9,1. la situation de « quelques-uns » (tinej) devant la mort (commence par e;legen auvtoi/j)