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Chapitre III : Les Huiles essentielles : caractéristiques et interactions allélopathiques

2. Les huiles essentielles

2.4. Caractéristiques des huiles essentielles

2.4.1. La composition chimique

Les huiles essentielles sont formées de mélanges complexes de composants, formant des solutions homogènes. Les principaux constituants des huiles essentielles appartiennent de manière quasi exclusive à deux groupes caractérisés par des origines biogénétiques distinctes : le groupe des terpénoïdes et le groupe des composés aromatiques dérivés du phénylpropane. Baudoux, (2001) sélectionne les innombrables substances présentes dans les huiles essentielles (Tableau 1).

2. 4.1.1 Groupe des terpénoïdes

D'une manière générale, les huiles essentielles ne contiennent que les terpènes les plus volatils, c'est-à-dire ceux dont la masse moléculaire n'est pas trop élevée : monoterpènes et sesquiterpènes. Ce sont des hydrocarbures ayant respectivement dix et quinze atomes de carbone. Ils peuvent être saturés ou insaturés, acycliques, monocycliques, bicycliques ou polycycliques, comme ils peuvent également être accompagnés de leurs dérivés oxygénés (alcools, esters, éthers, aldéhydes, cétones) (Samate, 2002).

2. 4.1.2 Groupe des composés aromatiques

De manière moins systématique que les terpénoïdes, une autre famille chimique est fréquemment rencontrée parmi les composés volatils. Il s'agit des dérivés du phénylpropane. Ce sont très souvent des allyle- et propénylphénols, parfois des aldéhydes, caractéristiques de certaines huiles essentielles d'Apiaceae (anis, fenouil, persil, etc), mais aussi de celles de girofle, de la muscade, des cannelles, etc. (Bruneton, 1993).

2. 4.1.3 Composés d'origines diverses

De faibles quantités de composés acycliques non terpéniques et de poids moléculaires peu élevés peuvent se retrouver dans certaines huiles essentielles (alcools, aldéhydes, cétones, etc). Parmi les essences naturelles, on peut distinguer des essences que l'on pourrait qualifier de simples (riches en un composé prépondérant), de complexes (ne possédant aucun composé prépondérant) et tous les cas intermédiaires sont possibles. L'un des exemples typiques d'une essence simple est celui de l'essence de girofle qui contient au moins 80 % d'eugénol et de petites quantités d'autres produits. Le cas extrême de complexité peut être illustré par l'essence de vétiver (Vetiveria) qui contient une centaine de composants dont les vétivones (alpha et bêta) et le khusimol (Jouhanneau, 1991).

2. 4.2 Origine biochimique des constituants volatils

Les molécules terpéniques sont quasiment spécifiques du règne végétal et des champignons, exception faite de quelques monoterpènes synthétisés par les bactéries du sol, par les insectes et animaux marins. Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer l'origine des huiles essentielles dans la plante. Actuellement, on a pu définir deux voies

métaboliques secondaires conduisant à la formation des principaux constituants des huiles essentielles, à savoir :

- la voie de l'acide mévalonique qui conduit aux terpènes ;

- la voie de l'acide shikimique, précurseurs des composés aromatiques qui sont beaucoup moins fréquents.

Bien que leur première activité soit la photosynthèse, les cellules excrétrices foliaires sont spécialisées dans la production d’essences. Au sein de la cellule sécrétrice foliaire se fait la photosynthèse, elle aboutit à la formation de trioses puis d’hexoses. Une molécule de fructose quitte l’unité chlorophyllienne, passe dans le cytosol et arrive dans une mitochondrie où elle servira de base à de nouvelles synthèses (les cellules sécrétrices non chlorophylliennes utilisent directement le fructose venant des feuilles). (Franchomme & Penoel, 1990.) Ensuite interviennent les deux voies responsable de la production des essences ; la voie des terpénoïdes et celle des phénylpropanoïdes, comme le montre la figure 12.

2. 4.2.1 Biosynthèse des terpènes

Selon Kampranis et al. (2007), entre 30 000 et 40 000 terpènes sont identifiés. Les composés de la famille des terpènes ont des structures très variées, allant d‘une simple chaîne linéaire d‘hydrocarbones jusqu'à des agencements complexes de cycles carbonés (Connolly & Hill, 1991). Ces terpènes, aux structures pourtant si variées, ont tous en commun d‘être

constitués de multiples sous unités d‘isoprène (C5H8) d‘où l‘appellation d‘isoprènoïdes

donnée également aux terpènes.

La voie des terpénoïdes commence par une molécule de base, l’IPP (IsoPentoPyrophosphate), issue du fructose par différentes réactions intracellulaires (Arigoni et al., 1997 ; Lichtenthaler, 1999). Des travaux expérimentaux ont montré que le squelette carboné des terpènes provenait de l'acétate et que l'acide mévalonique en était le précurseur universel (Mann, 1987).La construction des squelettes hydrocarbonés à lieu par la juxtaposition « tête à queue » d’unités isopréniques à cinq carbones, comme l’IPP, assemblés enzymatiquement. Ainsi on trouve des squelettes hydrocarbonés à dix carbones (monoterpènes) puis à quinze carbones (sesquiterpènes) et, plus rarement à vingt carbones (diterpènes). A ce stade la molécule peut rester sous forme de terpène ou se transformer par oxygénation en terpénoïde.

Figure 12 : Les grandes voies métaboliques présidant à la production des molécules aromatiques selon Franchomme & Penoel (1990).

D’une manière générale, la grande diversité des terpènes s‘explique par les nombreuses possibilités de réarrangements des chaînes carbonées qui les constituent. Elle s‘explique également par les modifications secondaires (acétylation, méthylation, oxydation, hydroxylation, réduction…) que ces molécules peuvent subir après leur formation sous l‘action d‘autres familles d‘enzymes (Guitton, 2010). Ainsi, la voie des terpénoïdes amène à des composés très variés tels que des oxydes, des esters, des acides, des aldéhydes, des cétones, des alcools, des phénols et enfin bien sûr des terpènes aromatiques et autres. Ces modifications aboutissent généralement à une augmentation de la volatilité et une variation des propriétés olfactives des composés.

2. 4.2.2 Biosynthèse des dérivés du phénylpropane

Selon Mann (1987), les composés aromatiques sont biologiquement issus d'une voie métabolique secondaire dite de l'acide shikimique. Cet intermédiaire se forme par une série de conversions biologiques dont la première étape est une condensation aldolique stéréospécifique entre le phosphoénolpyruvate (P.E.P.) et l'érythrose-4-phosphate pour former

un composé en C7 dont la cyclisation conduit à l'acide déhydroquinique, qui se déshydrate

pour donner l'acide déhydroshikimique qui à son tour conduit à l'acide shikimique par une réaction de réduction (Samate, 2002).