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La complémentarité du contre-espionnage offensif et défensif

Dans le document Renseignement public et sécurité nationale (Page 141-155)

TITRE I : Le renseignement de sécurité publique pour la stabilité intérieure

Section 1 La complémentarité du contre-espionnage offensif et défensif

Les Etats se surveillent et s’espionnent entre eux, raison pour laquelle chaque Etat dont la France dispose de services de renseignement ayant pour tâche de lutter contre toute forme d’espionnage, classiquement appréhendé comme l’espionnage politique. Pour prévenir ces ingérences, la mission de contre-espionnage défensif est confiée au ministère de l’Intérieur (§

1 CSI, art. L. 811-3 1°. 2 Ibid, 3°. 3

Le contre-espionnage politique et industriel sont des missions assignées aux services de renseignement français, et inscrits à l’article L. 811-3 du Code de la sécurité intérieure.

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1), tandis que, d’un autre côté, il y a un contre-espionnage offensif5 du ministère des Armées

(§ 2).

§ 1 : La mission de contre-espionnage défensif confiée au ministère de l’Intérieur

La mission de contre-espionnage défensif résulte de la création du contre-espionnage au sein du ministère de l’Intérieur, en 18996. Dans la première moitié du XXe siècle, le contre-espionnage français dût surtout lutter contre les ingérences du Kominterm, que ce soit en France ou en Indochine7. Dans un souci de répartition des compétences, la mission de contre-espionnage de la police est précisée non seulement avec le décret-loi du 29 juillet 1939 modifiant le Code pénal mais surtout avec le décret du 10 février 1939 sur « l’organisation

des services de contre-espionnage en temps de paix et en temps de guerre », avec pour effet,

qu’en temps de paix, que le contre-espionnage relevait du ministère de l’Intérieur, tandis que lors de la guerre, le contre-espionnage était une compétence du ministère de la Guerre8. Cette répartition des compétences ne prive cependant pas la possibilité d’une étroite collaboration entre les services du ministère de l’Intérieur et ceux du ministère de la Défense9. Si le contre- espionnage militaire est réorganisé à la fois officiellement et clandestinement à partir de 1940, l’acte dit loi du 23 avril 1941 ainsi que le décret du 1er juin 1941 maintiennent la Surveillance du territoire dans la zone libre10, mais elle fut dissoute par les Allemands, fin 1942, car elle mena une mission de surveillance et d’appréhension des espions allemands qui déplut à l’occupant11. Après la Seconde guerre mondiale et face aux nouvelles menaces d’ingérence, la mission de contre-ingérence fut maintenue au sein de la Direction de la surveillance du territoire (A), même si cette mission de contre-espionnage a été délaissée au profit du contre- terrorisme depuis la chute du mur de Berlin (B).

5

Le contre-espionnage offensif consiste en une « recherche active des informations secrètes grâce à

l’infiltration des réseaux de renseignements étrangers en dehors du territoire français », SHD/DAT, 7N,

Supplément Moscou 4/2105, 26 octobre 1932, note au sujet du contre-espionnage, in AUBIN (C.), « Contre- espionnage et sécurité intérieure pendant les années 30 : structures, défis et réponses », pp. 247-276, in GUELTON (F.) et BICER (A.) (dir.), Naissance et évolution du renseignement dans l’espace européen (1870-

1940), Service historique de la Défense, Vincennes, novembre 2006, p. 251. 6

Au sein de la Sûreté générale, la mission du contre-espionnage est attribuée au Service de la surveillance du territoire (SST) créé par la circulaire du 1er mai 1899 à partir de l’instant où « le ministre de l’Intérieur reprend

la totalité des services de contre-espionnage, de la surveillance des frontières, du littoral et des établissements militaires et maritimes », in FALIGOT (R.) et KROP (P.), DST police secrète, Flammarion, Paris, p. 16.

7

« A la Sûreté de Hanoï, le commissaire spécial Jacques Debord coordonne « la Sûreté intérieure et extérieure de la colonie » pour contrer les agents japonais qui préparent déjà la conquête de l’Asie ainsi que le parti communiste indochinois créé par Hô Chi Minh, épaulé par des hommes du Kominterm, tel Maurice Honel, l’homme qui avait enlevé à Paris le général Koutiepov », in Ibid., p. 45.

8

WARUSFEL (B.), Contre-espionnage et protection du secret. Histoire, droit et organisation de la sécurité

nationale en France, Editions Charles Lavauzelle, 2000, p. 27. 9

« En ce qui concerne l’exercice de la Police du contre-espionnage, la liaison entre les trois ministères de la Défense nationale et le ministère de l’Intérieur9 est assurée normalement par la Section de la centralisation des renseignements (SCR) d’une part, et le Contrôle général de la surveillance du territoire (CGST), d’autre part, sans préjudice des liaisons en cas d’urgence », in WARUSFEL (B.), op. cit., 2000, p. 27-28.

10

Ibid., p. 31. 11

« 316 espions de l’Axe auront été présentés devant les tribunaux militaires », in FALIGOT (R.) et KROP (P.), op. cit., 1999, p. 65.

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A. La mission de contre-ingérence maintenue au sein de la Direction de la surveillance du territoire

La nouvelle Direction de la surveillance du territoire (DST) fut créée avec le décret du 16 novembre 1944 relative à l’organisation du ministère de l’Intérieur, et ses attributions en matière de contre-espionnage furent fixées par le décret du 22 novembre 1944, complété par l’arrêté non publié du 22 novembre 1944, centralisant cette direction et crée quatre12 sections13. La Direction de la surveillance du territoire (DST) garda cette mission de contre- ingérence, focalisée sur les velléités de décolonisation (1). Ensuite, cette Direction continua à mener la lutte contre l’ingérence des acteurs des deux grands blocs de la Guerre froide (2). 1. La mission de contre-ingérence focalisée sur les velléités de décolonisation

La création de la Direction de la surveillance du territoire s’inscrivait dans un contexte d’une guerre froide, avec la surveillance attentive du bloc soviétique, afin de contrer l’hégémonie communiste14. C’est d’ailleurs par opposition à l’hégémonie communiste et à l’influence soviétique de la Confédération générale du travail (CGT), que le renseignement extérieur américain (CIA), par l’entremise de l’agent Irving Brown, soutint, sur le sol français, la dissidence anticommuniste de ce syndicat en aidant à la création de Force ouvrière (FO), en 194715. Paradoxalement, alors que la France luttait contre l’ingérence communiste, les Etats-Unis profitèrent ainsi de la situation pour s’ingérer dans la vie politique française.

Alors que la France se battait en Indochine contre les Vietminh dirigés par Hô Chi Minh16, les Japonais vinrent s’ingérer et soutenir les forces communistes et nationalistes, avec

12

« a) La recherche et la centralisation, en vue de leur exploitation sur le territoire soumis à l’autorité du ministre de l’Intérieur, des renseignements de contre-espionnage. b) La police des communications aériennes, la recherche et la répression des transports aériens clandestins. c) La police des communications radioélectriques et la répression des communications radioélectriques clandestines. d) La répression de toutes les infractions tombant sous le coup du décret du 29 juillet 1939 », Arr. D.8017/SN/ST du 22 novembre 1944,

art. 1., in WARUSFEL (B.), op. cit., 2000, p. 42-43.

13

Le contre-espionnage (pris en charge par la première section concernant les services actifs) travaille en partenariat avec la section de la documentation et de l’exploitation disposant de son propre système de codage géographique ou « système Wybot »¸Plus précisément, le dossier CARU concerne l’URSS et les Russes, CABI pour la Grande-Bretagne (de Gibi, lecture anglaise de GB), CABO pour l’Allemagne de l’Ouest, CABU pour la Bulgarie, CAFA pour la France, CAVA pour le Vatican, CAYA pour l’Algérie, CAYU pour le Japon, CAZO pour la Belgique, CAGY pour la Hongrie (à cause de Magyar), CAHO pour le Viêtnam (pour Hô Chi Minh), CAKO pour la Tchécoslovaquie, CAMO pour les Etats-Unis, CAPO pour la Pologne, CARA pour l’Allemagne de l’Est, CARI pour l’Italie (RI pour Ritals), CARO pour la Roumanie, CATI pour la Yougoslavie ou CATU pour Cuba et CAKE pour les affaires diverses, in FALIGOT (R.) et KROP (P.), op. cit., 1999, p. 103

14

En 1944, le camp de Beauregard (Seine-et-Oise) est mis à la disposition des Soviétiques afin que les ressortissants de l’URSS puissent regagner leur pays et, où la France ne peut exercer aucun contrôle. C’est sur la base de leurs informations que « le contre-espionnage français a de plus acquis la certitude que Beauregard

sert de base à des officiers de renseignement du NKVD », in WOLTON (T.), LE KGB en France, Ed. Grasset &

Fasquelle, Paris, 1986, p. 28-29.

15

CHARPIER (F.), La CIA en France. 60 ans d’ingérence dans les affaires françaises, Seuil, Paris, janvier 2008, p. 42.

16

Hô Chi Minh, de son vrai nom Nguyen Tat Thanh dit Nguyen Ai Quoc pour « Nguyen le patriote » est le fondateur du Parti communiste vietnamien, qui devient le Parti communiste indochinois ou Vietminh. Il fut élu Président de la République démocratique du Vietnam en 1954 et s’opposa ensuite à la politique américaine menée au Sud-Vietnam, in Le Robert encyclopédique des noms propres, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2007, p. 1 058.

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la création de guérillas17. De la même manière, les Américains s’ingérèrent dans le conflit indochinois en envoyant dès la mi-mars 1945, un agent de l’Office of strategic service (OSS) afin de récupérer un aviateur américain18. Par la suite, un groupe appartenant au renseignement américain (OSS) fut parachuté derrière les lignes du Vietminh pour renforcer cette collaboration19 avec les forces communistes, et contre la France20.

La France considéra donc, et en toute logique, comme indispensable le travail de contre-espionnage en Indochine, en créant donc une Brigade de recherche et de contre- sabotage (BCRS), qui opéra en Indochine en travaillant avec la « Sûreté fédérale » d’Indochine, à savoir la Direction de la surveillance du territoire, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage et la Sécurité militaire21. Cette Brigade fut mise en place en plus du service déjà existant, le Bureau central de surveillance du territoire (BCST) relevant du Service de surveillance du territoire, ce dernier coopérant lui aussi avec la Sûreté et le renseignement extérieur, les services secrets français disposant, en outre, d’un bureau de contre-espionnage appelé Bureau central de renseignements de l’Indochine (BCRI)22.

De manière similaire, l’instruction interministérielle du 13 septembre 1945 annonça la création d’un Service de la surveillance du territoire en Algérie, dépendant de la direction centrale, mais le directeur de ce Service devra en revanche rendre des comptes au Gouverneur général en Algérie23.

Au regard de ces conflits de décolonisation inextricablement liés aux tentatives d’ingérence, dès les débuts de la Vème République, la Direction de la surveillance du territoire maintint son travail de surveillance de l’Organisation armée secrète (OAS) ainsi que du Front de libération national (FLN) algérien, « après l’aggravation de la situation et sous la pression

des autorités politiques »24. C’est ainsi que le 10 mai 1960, après l’arrestation de la sœur du

chef du Service action du FLN, Zina Haraigue, le renseignement intérieur français découvrit que dans les rangs de la Police, des agents pro-FLN soutenaient la cause algérienne et fichaient leurs collègues, et tous les ennemis du FLN25, c’est-à-dire les agents de la Direction de la surveillance du territoire, dont principalement ceux du service Algérie. Ce travail qui pouvait s’apparenter à une lutte contre des actes de guérilla et de terrorisme, resta, néanmoins, du contre-espionnage au sens propre, puisque les Français eurent à se battre contre l’ingérence

17

« Les services japonais favorisant l’implantation de futures guérillas. Ils soutiennent des nationalistes engagés contre la politique française, tel le futur président du Viêt-Nam du temps des Américains, Ngô Dinh Diêm, alors directement manipulé par la Kempetai », c’est-à-dire la police secrète militaire du Japon, in

FALIGOT (R.), Naisho, enquête au cœur des services secrets japonais, Ed. La découverte, Paris, 1997, p. 115.

18

BROCHEUX (P.), Hô Chi Minh, Presses nationales de la fondation de sciences politiques, Paris, 2000, p. 43- 44

19

Cette collaboration a été renforcée à tel point qu’Hô Chi Minh a été inscrit sur la liste des informateurs du service américain sous le nom de code « agent Lucius » et a même été sauvé d’une mort certaine due au paludisme par cette équipe de l’OSS ou Deer Team, in Ibid., p. 43.

20

Il y a, « côté américain, deux idées complémentaires : lutter contre le colonialisme des vieilles puissances

européennes, certes, mais aussi profiter de l’occasion historique offerte par leur affaiblissement [ndlr : les Français] pour se ménager une zone d’influence nouvelle », in FALIGOT (R.) et KAUFFER (R.), Les maîtres espions. Histoire mondiale du renseignement. Tome 2 : De la guerre froide à nos jours, Ed. Robert Laffont,

Paris, 1994, p. 220.

21

FALIGOT (R.) et KROP (P.), op. cit., 1999, p. 143.

22

LE PAGE (J.-M.), Les services secrets en Indochine, Nouveau Monde éd., Paris, 2014, p. 63.

23

FALIGOT (R.) et KROP (P.), op. cit., 1999, p. 161.

24

WARUSFEL (B.), op. cit., 2000, p. 61.

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d’autres Etats : les services secrets italiens26, mais aussi, le service de renseignement ouest- allemand (BND) qui a échangé des médicaments et du matériel allemand au FLN, contre des informations fournies par le ministre de la Santé du FLN, Mohamed Seghir Nekkache27.

Parallèlement, la Direction de la surveillance du territoire mena aussi la lutte anti-OAS avec la création d’un Bureau de liaison (BDL), une structure comprenant des membres de la surveillance du territoire et des Renseignements généraux28. Par exemple, le 4 mai 1962, ce Bureau arrêta le chef de la mission France III, André Canal29 dit « le Monocle », portant un coup sérieux à l’OAS métropole30.

2. La lutte contre l’ingérence des acteurs des deux grands blocs de la Guerre froide

La menace liée à l’ingérence étrangère principalement soviétique et américaine amena la Direction de la surveillance du territoire à effectuer sa mission de surveillance même à l’égard des hauts fonctionnaires ce qui lui permit, par exemple, de découvrir que Pierre Guay, un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur espionnait pour le compte des Soviétiques31. L’importance de la menace soviétique s’expliquait par le fait que le renseignement extérieur soviétique (KGB)32 disposait de quatre directions générales, dont la première était chargée de l’étranger et de l’espionnage33 avec un nombre extrêmement important de personnels34, que ce soit en Russie soviétique, en tant qu’agents clandestins, mais encore dans les ambassades35.

Concernant la contre-ingérence américaine, la surveillance par les services français s’effectua même directement au cœur de l’Elysée quand, en juin 1964, Jean de la Grandville, un directeur du Quai d’Orsay espionna la France pour le compte du renseignmet extérieur américain (CIA) en répercutant toutes les informations de l’Elysée concernant l’OTAN et la

26

« L’Italie avait agi contre les intérêts de la France après Suez. Elle avait protégé et aussi armé le FLN

pendant la guerre d’Algérie, elle soutenait les séparatistes corses jusqu’à les équiper d’une station radio », in

ADINOLFI (G.), Orchestre rouge. L’internationale terroriste des années de plomb, Avatar éd., septembre 2013, p. 46.

27

Il était immatriculé sous le numéro ALA 10 et sous le nom de code « Charles » dans les fichiers des services allemands du BND , in FALIGOT (R.) et KAUFFER (R.), op. cit., 1994, p. 136.

28

FALIGOT (R.) et KROP (P.), op. cit., 1999, p. 195-196.

29

Condamné à mort par l Cour militaire de justice, le 17 septembre 1962, ce dernier exerça un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de l’ordonnance du 1er juin 1962 instituant la Cour militaire de justice. Par l’arrêt d’assemblée Canal, Robin et Godot du 19 octobre 1962, le Conseil d’Etat a estimé qu’au regard des principes généraux du droit pénal, les requérants sont fondés à demander l’annulation de ladite ordonnance du 1er juin 1962. CE Ass., 19 octobre 1962, Canal, Robin et Godot, Rec. 552 ; GAJA, n°79.

30

HARSTRICH (J.) et CALVI (F.), R.G. 20 ans de police politique, Calmann-Lévy, Paris, 1991, p. 52.

31

Pierre Guay travaillait à un poste important concernant la sécurité nationale était un membre du service B, le service de renseignement des Francs-tireurs partisans (FTP), il été limogé de la police en 1940, eu égard aux rapports qu’il entretenait avec le Parti communiste français (PCF) et les Soviétiques, mais il était aussi un

« collaborateur actif » selon le service de renseignement de la France libre basé à Londres (BCRA), raison pour

laquelle il faillit être exécuté par le réseau de résistance Virat. Après ces différentes révélations, il n’aura aucune sanction mais perdit son accréditation « secret-défense ». « Franc-maçon, il a bénéficié de l’appui de sa

confrérie, très influente dans le monde politique, pour qu’on oublie son authentique biographie », in

WOLTON (T.), op. cit., 1986, p. 34-35.

32

Komitet Gosoudarstvennoi Bezopaznosti (KGB) ou Comité de sûreté de l’Etat, le KGB est l’agence de

renseignement soviétique.

33

MARIE-SCHWARTZENBERG (N.), Le KGB, PUF « Que sais-je », Paris, 1993, p. 46.

34

Ils étaient 490 000 en 1973, 700 000 en 1983 et encore 488 000 en 1991, in Ibid., p. 54.

35

Il faut savoir que, « dans une ambassade soviétique de presque cinq cent cinquante personnes, environ 10%

du personnel diplomatique travaillent pour le GRU, et 40% pour l’agence centrale de renseignement », in

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politique étrangère36. Grâce à cet espionnage, les Américains étaient même informés de ce qu’il y avait dans les réunions confidentielles de l’Elysée37.

Le décret non publié du 26 août 1964 relatif au contre-espionnage vint redéfinir la répartition des compétences entre le Service de documentation extérieure et de contre- espionnage (SDECE) et la Direction de la surveillance du territoire en affirmant expressément à son article III que « la Direction de la Surveillance du Territoire a la charge de la lutte

contre les activités d’espionnage et d’ingérence des Puissances étrangères sur les Territoires

relavant de la souveraineté française »38. Par ce décret, le renseignement intérieur eut donc la

compétence en matière de contre-espionnage sur la métropole39 et les territoires d’outre- mer40, tandis que le renseignement extérieur perdait son monopole de contre-espionnage, pour ne l’exercer qu’à l’extérieur du territoire français.

En pleine Guerre froide, le directeur de la DST, Jean Rochet41 réaffirma la mission essentielle de contre-espionnage de cette Direction qui devait « détecter et neutraliser sur

l’ensemble du territoire national y compris l’Outre-mer, toute tentative d’espionnage et d’ingérence étrangère dans tous les domaines : politique, militaire, administratif,

scientifique, technique ou économique »42. Ainsi, en 1966, la Direction de la surveillance du

territoire put arrêter quatre ressortissants allemands membres d’un réseau d’espionnage pour les services de l’Allemagne de l’Est en France43, et même, un général de l’Allemagne de l’Est, à propos d’une affaire d’espionnage sur le consortium franco-anglo-allemand commercialisant les systèmes d’armes antichars44.

Cette mission de contre-ingérence était complété par les Renseignements généraux, qui surveillaient quant à eux les mouvements d’extrême-gauche, car ils soupçonnaient des liens de ces mouvements avec les services secrets du bloc de l’Est comme le KGB, le StB tchécoslovaque ou encore le service des opérations d’espionnage de haut-niveau du Nord- Vietnam (Nhà Tình báo Trung ương)45.

Les nouvelles attributions furent ensuite fixées par le décret du 22 décembre 198246 où le contre-espionnage y était envisagé de manière large, puisque « la direction de la

36

NOUZILLE (V.), Les dossiers de la CIA sur la France 1958-1981. Dans le secret des présidents, tome I, Librairie Arthème Fayard/Pluriel, Paris, 2010, p. 156-157.

37

« Ainsi, la réunion confidentielle tenue à l’Elysée le 7 mai 1966 fait-elle l’objet d’un compte-rendu détaillé de la CIA dès le 1er mai ! », in Ibid., p. 236.

38

WARUSFEL (B.), op. cit., 2000, Annexe 12, p. 449.

39

Dès 1965, la section filature de la DST qui travaille avec le service de contre-espionnage « obtient que les

voitures des ambassades aient une immatriculation Corps diplomatique (CD) qui permet de les suivre dans la circulation devenue importante à Paris », in FALIGOT (R.) et KROP (P.), op. cit., 1999, p. 212.

40

C’est la division A 4 qui s’occupe du contre-espionnage au sein de la DST, in NART (R.) et DEBAIN (J.),

L’affaire Farewell vue de l’intérieur, Nouveau monde éd., Paris, 2013, p. 22. 41

Jean Rochet fut directeur de la Direction de la surveillance du territoire de 1967 à 1972.

42

CÉCILE (J.-J.), Le renseignement français à l’aube du XXIe siècle, Charles Lavauzelle, Paris, 1998, p. 32.

43

LAURENT (S.-Y.), « Quand la DST surveillait et arrêtait un réseau d’espionnage est-allemand en France (1966-1967), pp. 345-358, in LAURENT (S.-Y.) (dir.), Les espions français parlent. Archives et témoignages

inédits des services secrets français, Nouveau Monde éd., Paris, 2011, p. 347. 44

C’est en août 1980, que sur information de la Sûreté belge, la Direction de la surveillance appréhende « à

Lille le général est-allemand Heinz Bernhart Zorn et découvrent dans ses valises des « renseignements militaires concernant plus particulièrement les chars et les armes antichars » », in FALIGOT (R.) et

KAUFFER (R.), op. cit., 1994, p. 44-45.

45

ARBOIT (G.), Des services secrets pour la France, CNRS éd., Paris, 2014, p. 347.

46

D. n°82-1100 du 22 décembre 1982 fixant les attributions de la direction de la surveillance du territoire,

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surveillance du territoire a compétence pour rechercher et prévenir, sur le territoire de la

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