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La codification intuitive de l'information par des patrons

CHAPITRE 3 : REVUE DE LITTÉRATURE SUR LES SYSTÈMES PORTÉS

3.5 Principes de design applicables à l'interface du Nex

3.5.4 La codification intuitive de l'information par des patrons

Pour livrer l'information, il faut faire des choix de design qui considèrent l'espace d'affichage, l'environnement et la codification de l'information de façon à diminuer l'impact négatif des notifications (McCrickard et al., 2003).

Codifier l'information livrée par le bracelet Nex pour qu'elle soit transparente pose quelques questions : quel type d'information veut-on livrer à l’utilisateur, à quel moment et comment ? Bien qu'il existe des lignes directrices sur la présentation d'informations visuelles statiques ou dynamiques (Sanders et McCormick, 1993), notamment avec des lumières, il n'en existe pas sur la combinaison entre le nombre de lumières allumées de différentes couleurs et les mouvements de

ces lumières. Il faut donc définir de nouvelles règles de façon empirique à l'aide de données recueillies sur le terrain.

Dans le design de visualisation et la codification de l'information, il y a deux perspectives (Ware, 2012). La première considère la codification comme étant sémiotique, soit un langage visuel appris, c'est-à-dire, des symboles et des signes basés sur des conventions sociales et des stéréotypes. Ces codes arbitraires peuvent être cependant difficiles à apprendre, facilement oubliés et empreints d'une culture particulière. Durant l'étude du LumiTouch (Chang et al., 2001), les utilisateurs ont défini différentes combinaisons d'intensité de lumière, de couleurs et de retours haptiques et ont convenu secrètement de la signification des codes entre eux. Ces combinaisons de couleurs et de patrons lumineux ont formé un langage abstrait des émotions. Les combinaisons de couleurs et de la force exercée sur l'objet déterminent la grammaire alors que la durée fournit une syntaxe dans cette forme de dialecte créatif et très personnel. Le rouge, par exemple, signifiait que l'utilisateur est occupé ou non disponible.

La deuxième perspective est basée sur la science de la perception qui nous assure une rapidité de compréhension et de discrimination tout en étant valide dans différentes cultures (Ware, 2012). On l’a écrit plus haut, le Nex utilise des patrons de lumières et de vibrations pour communiquer avec son porteur. Or, les lois de la Gestalt (Koffka, 1935) nous enseignent que l'humain est doué pour reconnaitre des patrons. En fait, notre cerveau cherche à former des patrons avec l'information qui lui parvient pour faire du sens en regroupant les éléments, en les opposant, en les complétant ou en les faisant pivoter. Il faut tirer profit de notre habileté de reconnaissance rapide de patrons pour réduire l'effort cognitif (Johnson, 2010; Kahneman, 1973). Lors de la conception d'un patron lumineux pour le Nex, cela signifie que d'allumer les cinq voyants dans une séquence précise sera plus porteur de signification et plus facile à discriminer que d'allumer les cinq voyants de façon aléatoire.

3.5.4.1 Codification de la modalité visuelle : les patrons lumineux

Les indicateurs de statuts les plus couramment utilisés sous forme de lumière sont les feux de circulation. Les lumières d'identification dans les indicateurs de statuts peuvent être codées de différentes façons : couleur, espacement, taux de clignotement et emplacement (Heglin, 1973). Dans la plupart des cas, on utilise un codage redondant (Maguire, 1985; Ware, 2012), par exemple,

les couleurs rouge, vert et jaune correspondent respectivement aux emplacements du haut, du milieu ou du bas pour les feux de circulation (Sanders et McCormick, 1993).

Un taux de clignotement rapide de 3 à 10 par seconde d'une durée d'au moins 50 ms chacun est utilisé pour attirer l'attention de l'utilisateur lorsque l'information est urgente (Sanders et McCormick, 1993). Il ne faut pas en abuser. Comme nous l'avons vu dans la section précédente, dans le cas d'un affichage ambiant, on vise plutôt une transition lente et des changements subtils pour présenter une information qui n'est pas critique. Par contre, si la variation est trop subtile dans le mouvement et le rythme avec lequel les lumières sont allumées ou éteintes, la discrimination sera plus difficile. Pour les lumières, il est recommandé de façon pratique de ne pas dépasser deux taux de clignotement (Sanders et McCormick, 1993) et deux niveaux d’intensités lumineuses lorsqu'une discrimination est nécessaire. Comme nous voulons obtenir un temps de lecture rapide pour réduire le gouffre d'exécution, un patron lumineux ne doit pas excéder plus de quatre secondes.

La couleur est un codage visuel puissant qui peut améliorer notre capacité à rechercher, compter et nous rappeler de certaines choses (Plouznikoff, Plouznikoff et Robert, 2005). Elle est couramment utilisée dans de très nombreux domaines, par exemple, pour aider les enfants à mémoriser les chiffres ou l'alphabet ou pour aider les patients souffrant d'un traumatisme crânien à réapprendre certaines opérations. De façon pratique, il est recommandé de ne pas dépasser neuf couleurs (Maguire, 1985; Ware, 2012). On peut ainsi avoir recours à des stéréotypes comme le rouge pour le chaud et le bleu pour le froid.

La couleur peut évoquer des réponses émotionnelles (Uğur, 2013). C'est pourquoi la codification des émotions par la couleur est très répandue. La représentation la plus connue est probablement la roue de Plutchik (1980) : elle peut servir de référence pour codifier des patrons lumineux qui expriment des émotions lors d'une communication au sujet de la joie, la peine ou l'amour (Figure 3.7).

Figure 3.7 : La roue chromatique des émotions de Plutchik (1980)

Les notifications couramment utilisées sur un téléphone intelligent que l'utilisateur pourrait s'attendre à retrouver sur son bracelet sont : les appels entrants, les SMS, les évènements dans les réseaux sociaux comme les mentions sur Facebook, les événements au calendrier, les courriels et enfin, les alarmes de type réveille-matin. Ces notifications peuvent être représentées par les couleurs attribuées à ces différentes applications. Par exemple, Facebook utilise le bleu et les SMS, le vert (iOS). Puisque ces couleurs peuvent être facilement reconnues par ceux et celles qui utilisent leur téléphone intelligent tous les jours, elles pourraient permettre d'abaisser le niveau d'effort requis lors de l'apprentissage des patrons.

Le mouvement peut aussi servir de code. En fait, l'humain est plus efficace à détecter et identifier un objet en mouvement qu'un objet statique (Bartram, Ware et Calvert, 2003). Le mouvement a la particularité d'attirer l'attention même dans un champ visuel large (Tilley, 1993). Ce n'est pas tant le mouvement comme tel qui capte l'attention que l'apparition d'un nouvel objet dans le champ visuel (Bartram et al., 2003). L'humain est aussi très bon à suivre et prédire la trajectoire d'un mouvement. Le mouvement peut ajouter une dimension distincte au code de couleur. L'amplitude du mouvement peut être faible, avec moins d'un degré de l'angle visuel, et tout de même être hautement détectable. C'est aussi pour cette raison qu'il ne faut pas en abuser : les bannières animées et les images qui sautillent sur une page web sont dérangeantes voire même agaçantes

lorsqu'un utilisateur essaie de lire la page (Bartram et al., 2003). La signification d'un mouvement sera utile dans la conception des patrons lumineux alors que les cinq voyants peuvent être allumés séparément et consécutivement dans une séquence. Par exemple : un déplacement de gauche à droite va vers l'avant ou est ascendant; de droite à gauche va vers l'arrière ou est descendant; le déplacement de chaque côté vers le centre va vers l'intérieur ou converge; du centre vers les côtés va vers l'extérieur ou diverge.

3.5.4.2 Codification de la modalité tactile : les patrons vibrotactiles

L'utilisation de l'haptique dans les IHO est un sujet d'étude bien documenté et il existe déjà des librairies de tactons, ces patrons vibrotactiles. Un tacton encode l'information en manipulant les paramètres cutanés de la perception (Brewster et Brown, 2004). Il utilise le rythme, la fréquence, l'amplitude et la durée pour exprimer un concept ou un symbole. Le toucher est une façon très intime de communiquer (Chang et al., 2001) et joue un rôle important dans nos relations interpersonnelles (Uğur, 2013). Dans le cadre de cette étude, nous allons réutiliser une librairie existante de patrons vibrotactiles. Comme l'étude de Saket et al. (2013) stipule que les utilisateurs peuvent distinguer cinq vibrations différents, nous allons offrir une libraire de cinq patrons vibrotactiles parmi lesquels l'utilisateur pourra choisir en fonction des différentes notifications, et qu’il pourra changer. Les caractéristiques de ces vibrations seront définies dans le protocole expérimental en chapitre 4.

3.5.4.3 Codification de la modalité tactile : l'interaction avec les cinq boutons

Avec les écrans tactiles qui sont maintenant très répandus, l’interaction au moyen de la modalité tactile est déjà largement utilisée et certaines conventions d'usage (ex., double tape, maintenir enfoncé, glisser, etc.) ont fait leur chemin, mais au prix d’une courbe d’apprentissage qui laisse quelques utilisateurs à la traine (Norman et Nielsen, 2010). Ainsi, Norman (2010) nous prévient qu'une interface utilisateur naturelle (NUI) n'est pas nécessairement naturelle pour tous les utilisateurs qui doivent apprendre des gestes qui ont parfois peu de correspondance avec le monde réel. Il sera peut-être plus facile pour les utilisateurs d'apprendre ces interactions tactiles s’ils les choisissent eux-mêmes grâce aux cinq boutons programmables du Nex.

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