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La Charte des droits fondamentaux de l'union européenne

LES NORMES CONSTITUTIONNELLES DU DROIT DE L’ENFANCE DÉLINQUANTE

2. La Charte des droits fondamentaux de l'union européenne

142.- La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne548 ne crée pas de droits. Son objectif est de « rendre visibles des droits déjà existants à divers titres dans l'Union européenne 549 ». Adoptée le 7 décembre 2000, composée de cinquante-quatre articles organisés autour de sept chapitres550 et précédés d'énonciations préambulaires, la Charte des droits fondamentaux reprend, pour l'essentiel, les droits et les libertés consacrés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en y apportant, lorsque les rédacteurs les ont estimés nécessaires, quelques correctifs. Cette charte a acquis une valeur juridique, identique à celles des traités institutifs de l'Union, aux termes de 547. Art. 6.2 TUE

548. V. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0389:0403:FR:PDF.

549. DUTHEIL de laROCHÈRE, (J.), « Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », J.-Cl Dr. int., fasc. 161-25, Cote : 01, 2011, 71 p.

550. Les sept chapitres de la Charte portent sur la dignité ; les libertés ; la solidarité ; la citoyenneté ; la justice et

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l'adoption du traité de Lisbonne551. Deux catégories de stipulations de la Charte sont de nature à nous intéresser dans la présente recherche. Il s’agit, d’une part, des droits afférents à la matière pénale, et d’autre part, de ceux relatifs aux droits de l'enfant.

143.- Les dispositions de la Charte des droits fondamentaux relatives à la matière pénale sont

édictées aux articles 2, 4, 6, et 47 à 50. Les articles 2 et 4 sont classés dans le chapitre552 I relatif à la dignité. L’article 2 consacre le droit à la vie et énonce que « nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté», l’article 4, quant à lui, interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 6, contenu dans le chapitre II relatif aux libertés, garantit le droit à la liberté et à la sûreté. Les articles 47 à 50, qui organisent le chapitre VI relatif à la justice, consacrent le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial553, le principe de la présomption d’innocence et des droits de la défense554, les principes de la légalité et des délits et des peines555, et le droit de ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction556. On adjoindra à ces articles intéressant la matière répressive l’article 7 relatif à la vie privée et familiale557. Les mineurs délinquants bénéficient de ces droits et libertés au même titre que les majeurs. Une remarque doit néanmoins être formulée. Les droits de la Charte sus-décrits sont une simple reprise des prescriptions issues des instruments de protection des droits de l’homme précédemment étudiés, mais à une différence près. En effet, et contrairement aux conventions précédemment étudiées, la Charte ne prévoit aucune adaptation spécifique des droits de l’homme, en matière répressive, à l’égard de l’enfant en conflit avec la loi pénale. Cela est d’autant plus regrettable que les prescriptions de la Charte portant sur les droits de l’enfant ne sont pas de nature à combler ces lacunes.

144.- Les droits de l’enfant sont visés par l’article 24 du chapitre III de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui porte sur l’égalité. On peut combiner cet article avec les stipulations de la Charte relatives au droit à l’éducation558. La prise en compte des droits de l’enfant par le droit communautaire et le droit de l’Union européenne est néanmoins

551. Art. 6.1 TUE

552. On notera que la Charte des droits fondamentaux utilise la terminologie de titre. 553. Art. 47 de la Charte 554. Art. 48 de la Charte 555. Art. 49 de la Charte 556. Art. 50 de la Charte 557. V. supra 558. Art. 14 de la Charte.

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antérieure à l’adoption de la Charte des droits fondamentaux, et résulte de l’influence opérée par la Convention internationale des droits de l’enfant559 dans la mesure où tous les États membres de l’Union l’ont ratifiée. L’analyse du contenu de l’article 24 de ladite Charte établit que celui-ci n’est pas de nature à transposer voire à renforcer, au sein de l’Union, les obligations qui découlent de la CIDE à l’égard des États membres.

L’article 24 de la Charte des droits fondamentaux stipule que « 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.

2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt ». Ces énonciations permettent de réaliser que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est bien en deçà des ambitions de la Convention onusienne. Non seulement elle occulte la situation de l’enfant en conflit avec la loi pénale mais encore, elle octroie aux prescriptions susceptibles de participer à sa protection, une portée moins ambitieuse que celle conférée par la Convention de New-York. Cela apparaît tout particulièrement sur la question du primat de l’intérêt supérieur de l’enfant précédemment étudié560. La Charte des droits fondamentaux n’impose cet impératif que pour les actes relatifs aux enfants. L’expression « actes relatifs aux enfants » restreint le champ d’application donnée à ladite notion par la CIDE561 dans la mesure où la Charte circonscrit l’application du principe aux situations concrètes et individuelles tandis que la CIDE impose que celui-ci structure également les réponses générales et abstraites afférentes à l’enfance. Les actes contraignants adoptés par les institutions de l’Union européenne ne sont pas plus de nature à combler les faiblesses du droit primaire actuel sur les droits de l’enfant.

559. GRANET-LAMBRECHTS, (F.), « Les droits de l’enfant dans les législations européennes », RLDC, 2011, supplément au n°87, p. 41.

560. V. supra 561. V. supra

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B.LE DROIT DÉRIVÉ

145.- Les institutions de l’Union européenne562 ont la possibilité d’adopter des actes juridiques unilatéraux ou conventionnels, dont le degré de contrainte varie selon la nature de l’acte considéré. Ces actes constituent le droit dérivé de l’Union européenne. Certains d’entre eux ont une portée obligatoire à l’égard des États membres et bénéficient de la primauté sur les normes législatives et infra-législatives internes. Il s’agit du règlement, de la directive et de la décision.

Le règlement est « un acte de portée générale obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tous les États membres563 ». La directive, quant à elle, « lie tout État membre quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens564 ». Enfin, la décision « est obligatoire dans tous

ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne, qui peuvent être des États membres, des

personnes physiques ou morales565 ». Il convient de déterminer si les institutions de l’Union européenne ont adopté de tels actes en matière d’enfance délinquante. Les recherches opérées

via la base officielle d’accès au droit de l’Union européenne (EUR-LEX566) n’ont permis de recenser que deux textes de nature à imposer des obligations particulières aux États membres de l’Union dans le traitement de la délinquance des mineurs.

146.- Le premier est la décision du Conseil de l’Union européenne du 12 février 2007567 établissant, pour la période 2007-2013, dans le cadre du programme général « Droits fondamentaux et justice », le programme spécifique « justice pénale ». L’article 2 viii) de cette décision fixe aux États membres de l’Union un objectif de promotion des mesures visant à une resocialisation effective des délinquants, en particulier des jeunes délinquants. Bien que ces stipulations soient de nature à participer à la garantie européenne du principe de protection de l’enfance délinquante, elles restent néanmoins assez évasives tant dans le public visé (on peut inclure à la catégorie des jeunes délinquants, les jeunes adultes auteurs d’infractions) que

562. V. infra

563. CARTOU, (L.), CLERGERIE, (J.-L), GRUBER, (A.) et RAMBAUD, (P.), L’Union européenne, 6ème éd.,

Paris : Dalloz, 2006, § 261, p. 216.

564. Ibid., § 262, p. 217. 565. Ibid., § 263, p. 219.

566. V. http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm.

567. Déc. Cons. UE 12 févr. 2007 établissant, pour la période 2007-2013, dans le cadre du programme général

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dans les modalités à adopter pour atteindre cet objectif. Le second texte n’est pas susceptible d’apporter plus de précisions.

Le Parlement européen et le Conseil ont adopté, le 20 octobre 2010, une directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales568. Ce texte, contrairement à la présentation qui en est faite par la Commission européenne569, ne vise pas directement les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infractions à la loi pénale, mais oblige les États à tenir compte « de toute vulnérabilité éventuelle affectant la capacité à suivre la procédure et à se faire comprendre, (…) en prenant les mesures appropriées pour garantir

l’exercice de ces droits570 (des droits consacrés par la directive). » Bien que les enfants délinquants intègrent logiquement le champ d’application de ces stipulations, il aurait été plus pédagogique de les viser spécifiquement. Ce caractère lacunaire de la directive est un élément supplémentaire pour fonder l’affirmation selon laquelle la protection conventionnelle de l’enfance délinquante souffre de nombreuses imperfections.

CONCLUSION DU TITRE I

147.- Ce chapitre a décrit le cadre juridique dans lequel le principe de protection de l’enfant délinquant est consacré sur le plan supra légal. Cette description a été l’occasion de mettre en lumière, d’une part, les divergences d’approche entre les protections constitutionnelle et conventionnelle de la spécificité de la justice pénale des mineurs, et d’autre part, les forces et les faiblesses inhérentes aux garanties supra légales du relèvement éducatif de l’enfant en conflit avec la loi pénale. Cette étape était un préalable nécessaire à l’étude des organes-garants du principe de protection de l’enfant délinquant. En effet, le prochain chapitre démontrera que l’absence d’homogénéité du cadre juridique qui consacre le principe de protection de l’enfant délinquant, sur le plan supra légal, et ses imperfections, se reportent sur l’efficacité des mécanismes juridictionnels et institutionnels, internationaux et internes, mis en place pour garantir le relèvement éducatif des mineurs délinquants.

568. Dir. 2010/64/UE PE et Cons. UE 20 oct. 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le

cadre des procédures pénales, JO L 280, 26 oct. 2010, p. 1.

569. V. infra

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TITRE II

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