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La bonne foi, outil complétant le contenu contractuel

Section 1. La bonne foi dans la détermination du contenu contractuel

A) La bonne foi, outil complétant le contenu contractuel

Dans certains hypothèses, le juge s’est octroyé le pouvoir de découvrir des obligations au sein du contrat, obligations alors qualifiées d’implicites par la doctrine. En quelque sorte, il s’agit d’obligations intrinsèquement liées à la nature du contrat. En raison de la nature du contrat, il est évident que cette obligation existe, qu’elle ait été prévue ou non, car elle fait partie de son essence. C’est le cas des diverses obligations de sécurité qui ont été découvertes avec la saga jurisprudentielle entre obligations de moyens et obligations de résultat. Pour compléter le contenu contractuel et justifier le fait que ces obligations faisaient nécessairement partie du contrat, le juge a utilisé pendant longtemps comme fondement l’article 1135 du code civil devenu l’article 1194 qui dispose que « les contrats obligent non

seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi ». Le texte est clair et permet de justifier la création de ces obligations. C’est

notamment l’équité qui le justifie plus que l’usage ou la loi qui ne sont pas prépondérants. L’équité comme on l’a évoqué en introduction générale est par certains aspects rattachée à la bonne foi au point que les notions peuvent se confondre. D’autant plus que l’ancien code civil les faisaient se suivre. La bonne foi de 1134 alinéa 3 répondait à 1135 et ils formaient alors une paire dans la vie contractuelle : le premier s’intéressait au comportement des contractants, le second au contrat en lui-même. C’est d’ailleurs à propos de ce dernier que certains auteurs parlaient d’« une nouvelle source du contenu contractuel »150. Le messe était dite si on peut le dire ainsi. Les choses ne paraissent pas avoir bougé avec la réforme du droit des contrats si ce n’est que les articles ont été modifiés (peu, pour l’un) et renumérotés.

Cependant, dans l’étude qui est la nôtre il convient de s’intéresser de manière plus approfondie aux liens entre bonne foi et équité, qui pourraient alors justifier une possible intervention de la bonne foi dans ce rôle créateur d’obligations. Les deux poursuivent une idée

V. sur cette question : MOULY-GUILLEMAUD (C.), Retour sur l’article 1135 du code civil - Une

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de justice contractuelle. Justice contractuelle étant incarnée au sein du droit des contrats par l’article 1104 devenu disposition liminaire et principe irrigateur. De sorte que, le juge utilise parfois l’équité ou parfois la bonne foi mais toujours dans le même but, restaurer l’équilibre et parvenir à une forme de justice contractuelle. C’est sur ce fondement qu’ont vu le jour les célèbres obligations de sécurité et d’information. Ce que l’on peut voir ici c’est que l’obligation d’information est une manifestation qui a sa place au sein du devoir de collaboration, manifestation de la bonne foi. La frontière est donc ténue et il semble que peu importe le fondement textuel, c’est la justice contractuelle et la loyauté qui priment.

Il n’est pas impensable de voir la bonne foi justifier certaines obligations qui pourraient être créées. En effet, elle pourrait déjà, comme on l’a vu, venir créer certaines obligations au stade de la négociation voire de la formation du contrat, des obligations précontractuelles étant indéniablement liées à la bonne foi et à la justice contractuelle. Elle pourrait permettre de faire le pont entre une création prétorienne et une consécration législative, le tout en gardant dans l’intensité de ces obligations une certaine mesure. Il ne faut pas non plus oublier que la bonne foi contractuelle est plus large que l’équité et que dès lors des obligations différentes pourraient voir le jour selon les contrats et leur esprit, notamment des obligations de comportement. On pourrait d’ailleurs imaginer une répartition entre obligations de comportement créées par la bonne foi et obligations de technique contractuelle justifiées par l’équité. Tout reste à faire et le juge tirera lui-même les conséquences de ce nouvel agencement. La bonne foi pourrait prendre le relais en dehors du contrat.

De manière plus pragmatique, il convient de dire que la bonne foi en général, pas celle de l’article 1104 mais plutôt l’idée philosophique de justice contractuelle justifie de voir certaines obligations introduites dans les contrats. On ne vise pas la bonne foi textuelle mais son essence, son esprit. Il s’agirait de rattacher cette bonne foi déliée de l’article 1104 à l’idée de principe irrigateur. Pas un principe textuel, mais une manière de négocier, conclure et exécuter le contrat qui pourrait venir souffler aux oreilles du juge certaines règles. Ce rôle créateur ne semble pas être la priorité de l’article 1104 en raison de l’article 1194 mais s’il justifiait une obligation contractuelle implicite mesurée et pertinente, les boucliers ne se lèveraient pas forcément. Là encore, tout est question d’une certaine mesure car il ne faudrait pas que l’article 1104 devienne la bonne (foi) à tout faire.

Si cette première intervention dans l’appréciation contractuelle pourrait être justifiée, il en est une qui pourrait créer des débats. Il s’agit de la bonne foi venant sanctionner le contenu contractuel (B).