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Après la validation et l’interprétation de la mesure, c’est son utilisation dans une étude de cohorte par une méthode d’analyse statistique pour données longitudinales, la LCGA, qui a fait l’objet de la dernière étude de ce travail de thèse. Dans cette étude, c’est finalement l’influence du niveau de précision de l’estimation du phénomène subjectif (le score ou l’estimation du niveau sur le TL par un modèle de Rasch) sur les performances de la LCGA qui a été étudiée. La conclusion est que si le score ne permet pas d’estimer le phénomène avec une précision suffisante par manque d’items présents à tous les temps, l’utilisation d’un modèle de Rasch pour estimer le TL peut permettre d’améliorer cette précision et donc d’améliorer les performances de la LCGA, en prenant en compte certains items non disponibles pour le calcul du score.

La figure 22 résume la situation rencontrée dans cette étude à l’aide d’un DAG (seuls trois temps sont représentés) où les estimations TLt* des niveaux sur le TL à chaque temps t sont associées à une erreur de mesure

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t. Cette erreur est habituellement liée à la vraie valeur du TL au même temps et, dans le cadre de cette étude, corrélée aux erreurs des mesures faites aux autres temps car utilisant les mêmes items. Le défaut de précision ainsi représenté n’entraine que des biais non-différentiels sur l’estimation des liens entre, par exemple, l’ordonnée à l’origine de la trajectoire latente O et les TLt, ou entre la pente P et les TLt, etc (cf. figure 4, partie B dans le chapitre 1). Dans la dernière étude de ce travail, le principal facteur qui varie entre les différentes configurations et entre les deux types d’analyses LCGA- Sc et LCGA- est le nombre d’items utilisés pour estimer le phénomène subjectif. Moins il y a d’items pris en compte, plus l’effet des

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t est important et plus les performances de la LCGA sont altérées.

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Figure 22 : Graphe orienté acyclique représentant une analyse en classe latente (C) de trajectoires (de pente P et d’ordonnées à l’origine O) (LCGA). Les TLt sont les vrais niveaux sur le trait latent à chaque temps t, les TLt* représentent les estimations des TLt ; les εt sont les erreurs de mesure à chaque temps t et U123 représente la cause commune (méthode d’évaluation) responsable de la corrélation entre les εt

Dans cette étude, une distinction a été faite entre les deux configurations comportant sept items concernant la difficulté des items disponibles pour le calcul du score. Dans un questionnaire, les difficultés des items doivent être réparties sur l’ensemble de l’étendue des valeurs du niveau sur le TL représentées dans l’échantillon auquel il va être appliqué. Ceci permet d’assurer une précision suffisante aux estimations du phénomène subjectif mesuré pour l’ensemble des sujets de l’échantillon, qu’ils aient un niveau haut, bas ou moyen. Le scénario simulé dans cette dernière étude comporte trois groupes : un premier ayant une trajectoire basse et stable au cours du temps, un autre une trajectoire stable et haute et le troisième une trajectoire croissante au cours du temps. Dans la configuration « 7 item faciles » où certains items difficiles manquent pour le calcul du score, les estimations de la mesure du phénomène subjectif des sujets ayant un haut niveau seront donc moins précises que celles des sujets ayant

TL2 C O P TL1 TL3 TL1* TL2* TL3*

ε

1

ε

2

ε

3 U123

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un niveau bas. Ainsi, dans la figure 22, une flèche pourrait être ajoutée entre l’ordonnée à l’origine O, représentant le niveau de base pour le phénomène subjectif dans les trois groupes, et chaque εt.De même, une flèche pourrait être ajoutée entre la pente P, représentant le temps, et les εt étant donnée la présence d’un groupe de trajectoire croissante au cours du temps. Cette situation est donc celle entrainant un biais différentiel pour l’estimation des différentes associations entre O, P, C et les TLt (c.f. figure 4, partie D dans le chapitre 1) et il est probable que les erreurs de classement fourni par la LCGA dans ce type de configuration soient donc des erreurs différentielles.

Ce type de biais est aussi celui qui pourrait théoriquement survenir lorsque l’hypothèse d’invariance temporelle de la mesure est faite à tort. Dans les modèles IRT, l’invariance de la mesure peut être supposée lorsque les paramètres d’items, difficultés et discriminations, ont une valeur stable au cours du temps. Dans le modèle en facteurs communs et spécifique, ceci correspond à la stabilité temporelle des charges factorielles et des constantes. Si cette hypothèse est faite à tort lors de l’estimation de la mesure du phénomène subjectif au cours du temps, l’erreur de mesure associée à cette estimation sera dépendante du temps et, là aussi, une flèche pourrait être ajoutée entre la pente P, représentant le temps, et les εt dans la figure 22. L’influence du non respect de cette hypothèse sur les performances de la LCGA n’a pas été étudiée dans cette dernière étude car le modèle de simulation supposait l’invariance temporelle de la mesure.

L’impact du biais évalué dans la dernière étude restait faible dans les conditions du scénario simulé. Il est difficile de l’évaluer dans des scénarios différents sans la mise en place d’autres études par simulation. Les recommandations qui peuvent donc être faites à l’heure actuelle lors de l’utilisation d’instruments de mesure subjective dans une étude épidémiologique ayant pour but d’étudier l’évolution du phénomène subjectif au cours du temps sont donc de deux types. Le premier concerne les caractéristiques de l’instrument utilisé avec la vérification de l’adéquation entre les difficultés des items le composant et les niveaux du phénomène subjectif dans l’échantillon lors de la période étudiée. L’invariance de la mesure au cours de la période étudiée doit aussi être évaluée et des méthodes statistiques permettant la prise en compte d’un phénomène de « response-shift » doivent être utilisées le

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cas échéant. Le deuxième type de recommandations concerne la méthode statistique à utiliser pour l’estimation de la mesure du phénomène. Si la méthode de calcul du score est basée sur un modèle de mesure issu d’un modèle à variable latente et que l’ensemble des items disponibles à chaque temps sont identiques, les résultats de cette troisième étude indiquent qu’il n’y a aucune raison de ne pas s’en servir. Voire même, il est préférable de s’en servir car les estimations du niveau sur le TL obtenues à l’aide des modèles IRT pourraient être moins précises. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, l’utilisation de techniques plus sophistiquées pour l’estimation de la mesure du phénomène subjectif peut être avantageuse dans certains cas et est donc à discuter. Enfin, des méthodes statistiques non paramétriques sont aussi disponibles lorsque les propriétés mathématiques du score (hypothèse d’invariance temporelle non respectée, difficultés des items non-régulièrement espacées sur l’étendue des niveaux sur le TL, etc.) ne répondent pas aux exigences de l’application des méthodes paramétriques. Par exemple, dans le contexte des groupes de trajectoires homogènes, le package KML du logiciel R permet d’appliquer un algorithme non-paramétrique ayant le même but que la LGCA : la clusterisation de données longitudinales (Genolini et Falissard, 2010).