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C. LES ACTEURS CONCERNES

2. L ES RELATIONS ENTRE LES LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES ET LES

222. Dans le secteur du médicament, et notamment lorsqu’il s’agit de médicaments remboursables, la décision d’utiliser une spécialité ou une autre n’est pas prise par le patient concerné, mais par un professionnel de santé. Par conséquent, indépendamment du fait que la publicité auprès du grand public pour les médicaments soumis à prescription obligatoire

Participation non

est interdite en France, un laboratoire pharmaceutique, qui souhaite développer ses ventes est souvent conduit à entretenir des contacts avec les professionnels de santé, ces derniers constituant les prescripteurs de l’usage des médicaments.

223. Toutefois, en vue de limiter les stratégies de communication des laboratoires pharmaceutiques et d’assurer le respect de la déontologie des médecins, les interactions entre les laboratoires pharmaceutiques et les professionnels de santé sont strictement réglementées (a). Les laboratoires recourent ainsi souvent à des méthodes indirectes d’influence, notamment au travers d’actions visant les « Key Opinion Leaders » (ou leader d’opinion de premier plan, ci-après, « KOL ») (b).

a) Les règles relatives à la promotion du médicament auprès des professionnels de santé

224. Les règles applicables pour la promotion du médicament en France ont été compilées et synthétisées par la HAS, dans un document de janvier 2013, intitulé « Description de la régulation de la promotion des produits de santé en France »26.

225. Ce document indique tout d’abord que « tous les produits de santé sont soumis aux dispositions du code de la consommation qui interdit les pratiques commerciales trompeuses (articles L. 121-1 et suivants). Une pratique commerciale (publicité par exemple) est notamment trompeuse lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ».

226. Concernant la promotion des médicaments auprès des professionnels de santé, « depuis la loi du 29 décembre 2011 (loi n° 2011-2012) la publicité pour les médicaments auprès des professionnels de santé est soumise à un contrôle a priori au terme duquel une autorisation, dénommée visa PM, est délivrée par l’ANSM. Les firmes pharmaceutiques déposent donc les supports promotionnels qu’elles souhaitent utiliser auprès de l’ANSM qui délivre ou non une autorisation (article L. 5122-9 du CSP) ».

227. Le code de la santé publique contient également un ensemble de dispositions limitant fortement la possibilité pour les entreprises pharmaceutiques d’offrir des cadeaux ou de rémunérer des professionnels de santé (voir notamment, les articles L. 4113-6 et L. 5122-10 du code de la santé publique).

228. Par ailleurs, le LEEM et le CEPS ont conclu, en 2004, une charte de la visite médicale dont l’objectif principal est de « renforcer le rôle de la visite médicale dans le bon usage des médicaments remboursés aux assurés sociaux et la qualité de l’information délivrée ». Cette charte contient un certain nombre de prescriptions relatives à la qualité de l’information transmise par le délégué médical, concernant notamment la publicité comparant deux ou plusieurs médicaments ou encore les études scientifiques postérieures à la délivrance de l’AMM.

229. En octobre 2014, le LEEM et le CEPS ont signé une nouvelle « Charte de l’information promotionnelle ». Ce document complète les informations susvisées, en indiquant notamment que « Lorsque l’entreprise utilise de telles études, elle les présente de façon complète et impartiale ».

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https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-04/description_de_la_regulation_de_la_promotion_des_produits_de_sante_-_2013.pdf

b) Les relations des laboratoires pharmaceutiques avec les « Key Opinion Leaders » 230. Selon les termes d’une présentation effecutée par un cabinet de consultant, un « KOL » est un professionnel de santé bénéficiant d’une reconnaissance significative et d’une compétence d’expert reconnu dans son domaine. Cette notoriété est généralement due à la fois au statut professionnel du praticien (notamment lorsque celui-ci occupe un poste hospitalo-universitaire dans un service hospitalier important) et au nombre d’articles et d’études publiés par ses soins (cote 14311).

231. En 2013, la HAS a publié sur son site Internet un manuel pratique intitulé « Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre »27. Ce manuel fournit des informations sur les raisons poussant l’industrie pharmaceutique à s’attacher le concours des leaders d’opinion de premier plan (ou « KOL »).

232. Ainsi, « Les médecins ne sont pas réceptifs aux campagnes classiques de vente et de marketing. Mais ils sont réceptifs aux opinions de leurs confrères. En fait, certains médecins ont un immense pouvoir de persuasion sur leurs pairs. Ces médecins ont gagné le respect et l'attention des autres prescripteurs et ont été reconnus pour leur expertise et connaissance des thérapies innovantes et émergentes. Mais surtout, ils sont à même d'essayer, d'adopter et de préconiser ces nouveaux produits ... D'un point de vue marketing, ces médecins sont au sommet de la hiérarchie médicale – ils sont les leaders d'opinion de premier plan par excellence ». De même, « une présentation faite à des confrères par un médecin éminent a moins l'air d'être une promotion qu'une présentation faite par un employé d'une entreprise pharmaceutique. Le succès de cette technique d'influence est peut-être dû en partie au fait que l'auditoire n'a pas conscience que cela fait partie d'une campagne promotionnelle pour un produit ».

233. Afin de développer les relations avec les KOL, les laboratoires pharmaceutiques ont ainsi établi en interne une fonction spécifique, celle de « Medical Scientific Liaison » (ou Référent Médical, ci-après « MSL »). Cette personne, qui est généralement elle-même médecin, biologiste ou un autre professionnel de santé, a pour rôle d’animer les relations avec les médecins et de proposer des partenariats à ces derniers.

234. Plus spécifiquement, l’industrie pharmaceutique a mis en place un ensemble de techniques permettant d’élaborer une cartographie des KOL d’un secteur donné, en fonction de leur degré de notoriété, de leur compatibilité avec le discours prôné par l’entreprise et de leur inclinaison à participer à des événements financés par l’industrie. Ainsi, des cabinets de consultants ont pu proposer, par exemple, une structuration des « niveaux » de KOL en pyramide (les KOL les plus importants – qui se trouvent tout en haut de la pyramide – sont ceux ayant une influence sur les autorités de santé et les pouvoirs publics en général, cotes 14312 et 14330) ou encore sous la forme d’une matrice (identifiant les partisans et les opposants au médicament concerné et leur niveau d’influence sur les autres prescripteurs, cote 14321).

235. Un document interne de Novartis, intitulé « M3PH Medical plan 2011 / SciOps », fournit un descriptif des ressources utilisées par Novartis dans ses relations avec les KOL (cotes 14892 à 14904). Dans le domaine de la DMLA, 93 KOL ont été identifiés par le laboratoire, comme devant être régulièrement visités par les deux référents médicaux ou « MSL » (cote 14895).

27 Ce manuel a été élaboré dans le cadre d'un projet mené en collaboration entre Action Internationale pour la Santé (HAI) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ; il est axé sur la promotion. Il a été rendu possible grâce à l'expertise et au savoir de nombreux membres de l'OMS et de HAI et d'un grand groupe d'enseignants et de militants œuvrant avec le réseau AIS sur la promotion pharmaceutique.

La présentation contient également un plan de gestion des KOL en pyramide comme présenté ci-dessus (cote 14896). Enfin, le document fait état d’une méthode d’évaluation des positions et de l’influence des KOL, par le biais d’une moyenne pondérée attribuée à ces derniers (cotes 14900 et 14901) :