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L ES SOUS PRODUITS : NATURE , FLUX , TRAITEMENTS ET IMPACTS

Comme toute activité industrielle, la production de biogaz génère des sous produits dont la gestion peut constituer des points de blocage ou des freins importants. Concernant les déchets, le résidu solide du traitement en réacteur est un point clé. La gestion des sous produits liquide (lixiviats ou jus) est également importante : nous relevons en effet de nombreux cas où la gestion des eaux usées (notamment pour la digestion de biodéchets ou d’ordures ménagères) n’est pas évoquée.

1.6.1 Les sous produits liquides

1.6.1.1 Les lixiviats de décharge

La Directive européenne 99/31/CE du 26 avril 1999 et l’Arrêté ministériel du 09 septembre 1997 définissent le terme lixiviat comme étant «Tout liquide filtrant par percolation des déchets mis en décharge et s’écoulant d’une décharge ou contenu dans celle-ci ». Au cours de son transfert, l’eau se charge en polluants organiques et minéraux, présents sous formes solubles, particulaires ou colloïdales, via des mécanismes de transport des éléments, des mécanismes chimiques et des processus biologiques. La fraction organique se caractérise principalement par des molécules de faible poids moléculaire telles que les AGV (facilement biodégradables) et des molécules de poids moléculaire élevé apparentées aux substances fulviques et humiques (très peu biodégradables). La charge minérale des lixiviats provient du lessivage des déchets, mais également de la minéralisation des matières organiques.

Le stockage des lixiviats est en général nécessaire durant la phase d’exploitation pour faire face aux pics pluviométriques. Les bassins de stockage peuvent également servir de bassins de prétraitement des lixiviats (aération, décantation). Ces bassins sont dimensionnés sur la base d’un bilan hydrique de la décharge. Les dispositifs de stockage des lixiviats varient d’un site à un autre et sont en général des réservoirs en acier ou en béton, parfois souterrains. Le matériau de construction doit tenir compte de la nature des lixiviats et de ses effets corrosifs (Reinhart & Townsend, 1998).

La réglementation européenne (Directive 99/31/CE du 26 avril 1999) et la réglementation française (Arrêté ministériel du 09 septembre 1997) fixent l’obligation de traiter les lixiviats recueillis dans la décharge avant leur rejet dans le milieu naturel. Le traitement des lixiviats dans une station d’épuration collective, urbaine ou industrielle n’est envisageable que dans le cas où la station serait apte à traiter les lixiviats. L’arrêté du 09 septembre 1997 fixe des valeurs seuils pour le rejet des lixiviats dans le milieu. Au cours de l’exploitation du site, la fréquence du suivi du volume de lixiviat recueilli est mensuelle et l’analyse de la composition du lixiviat (DCO, métaux, etc.) est trimestrielle. Les analyses pratiquées sur le lixiviat permettent de suivre son évolution et d’autre part de vérifier sa traitabilité. En effet, la composition du lixiviat n’est pas constante au cours du temps, elle évolue en fonction de l’état de dégradation des déchets. Les procédés de traitement appliqués aux lixiviats de décharge sont de types biologiques pour les effluents biodégradables (lagunage, aération, etc.) et physico-chimiques pour les pollutions organiques et minérales (coagulation-floculation, oxydation, précipitation, adsorption et filtration, etc.). Les différents traitements sont souvent complémentaires. L’utilisation des traitements physico-chimiques peut intervenir soit pour compléter un traitement biologique, soit pour épurer un lixiviat peu biodégradable.

1.6.1.2 Les jus de process de méthanisation

La méthanisation des déchets s’accompagne presque toujours d’une étape de séparation du digestat (centrifugation ou pressage). Le flux liquide issu de ce traitement est une liqueur concentrée, qui est souvent par ailleurs réutilisée dans le procédé pour en ajuster la teneur en eau et assurer en partie l’inoculation du réacteur.

La caractéristique principale de ces jus est d’être recyclée de manière importante. C’est pourquoi ils se chargent de certains composés qui s’accumulent, comme par exemple les formes ammonifiées de l’azote (NH4

+

) ou les phosphates (PO4

3-). Cependant et selon la nature des déchets traités, d’autres composés, comme les métaux, peuvent également se concentrer dans ces jus. Il est difficile de donner des caractéristiques moyennes de ces jus, dans la mesure où ces dernières dépendent à la fois de la nature des déchets traités et du mode d’exploitation de l’installation.

Ces jus ont pendant longtemps été considérés comme des sources de pollution à traiter selon des méthodes conventionnelles (rejet en station d’épuration). Leur teneur en matière organique (DCO) est souvent très élevée, mais il s’agit surtout de matière organique réfractaire (on parle aussi de DCO « dure »).

Néanmoins, ces jus sont aujourd’hui considérés comme des ressources potentielles. Nous citerons ici trois axes possibles :

L’épandage : la réutilisation dans les sols permet d’apporter des matières fertilisantes (azote) qui pourront être fixées par les plantes. Ce débouché sera réservé aux jus issus de procédés traitant des gisements exempts de polluants persistants (métaux, micropolluants organiques).

Le stripage de l’ammoniac, qui peut être ensuite récupéré dans une tour remplie d’acide sulfurique avec formation de sulfate d’ammonium (ce dernier pouvant ensuite être utilisé comme engrais). Peu de données sont disponibles dans la bibliographie par rapport cette technique. Il semble cependant que la récupération du sulfate d’ammonium soit un procédé relativement simple à mettre en œuvre, et déjà utilisés dans certaines installations.

La struvite : ce phosphate mixte de magnésium et d’ammonium (MgNH4PO4, 6H2O) se forme parfois naturellement dans les canalisations d’eaux traitées par méthanisation. Dans certaines conditions, il peut être intéressant de récupérer ces cristaux pour leur valeur fertilisante. Cette voie a été relativement peu étudiée et utilisée en France, malgré son intérêt notamment en termes de récupération des phosphates (Wu et Bishop, 2003). Dans une étude australienne, la struvite obtenue par précipitation de jus de traitement de boues d’épuration n’a pas montrée de teneur en métaux supérieure aux limites autorisées dans l’agriculture (Münch et Barr, 2001). Il semble cependant clair que l’innocuité du produit avant retour au sol doit être assurée, notamment pour des produits issus de déchets urbains mixtes.

1.6.1.3 Perspectives en recherche sur les sous produits liquides

En tant que tels, les sous produits liquides issus de la filière biogaz sont relativement bien caractérisés. Ils représentent de plus des flux relativement limités. Les principales questions associées à leur gestion (qu’il s’agisse de traitement ou de valorisation) sont associées à des questions réglementaires ou juridiques. En particulier, la question de leur réutilisation (directe ou non) en agriculture nécessite de préciser le cadre juridique (normes, valeurs limites de certains composés, etc.).

1.6.2 Sous produits solides : digestats

1.6.2.1 Nature du digestat

Au cours du processus de méthanisation, c’est principalement la matière organique facilement biodégradable qui est décomposée. Le résidu de digestion contient donc principalement la matière organique plus difficilement dégradable (composés ligno-cellulosiques, en majorité). D’un point de vue strictement fonctionnel, il est possible d’assimiler (grossièrement) la méthanisation à l’étape de fermentation rapide qui se produit lors du compostage.

Ici encore, la nature du gisement d’origine, ainsi que la chaîne de tri des déchets conditionnent fortement la qualité du produit issu de la méthanisation.

Digestats d’ordures ménagères résiduelles : la qualité de ces digestats dépend très fortement de la chaîne de tri en amont du digesteur. Selon les installations, ces digestats seront plus ou moins contaminés par des matières plastiques, du verre ou des métaux. Une forte contamination entraîne l’impossibilité d’une valorisation ultérieure dans le cadre d’un retour au sol.

Digestats de biodéchets ou de déchets agricoles et agro-alimentaires en mélange : ces produits sont en général plus homogènes et plus aptes à être valorisés en agriculture. 1.6.2.2 Le retour au sol du digestat

Le retour au sol du digestat peut être envisagé de plusieurs façons :

Sous la forme d’un fertilisant : dans ce cas, il s’agit d’une utilisation directe, mais qui nécessite de faire la preuve que le produit est utilisable sous cette forme (procédure d’homologation).

Sous la forme d’un compost : la qualité visée est alors celle définie pour les amendements organiques par la norme AFNOR NF U44-051 révisée en 2006. Cette norme fixe en particulier des propriétés en termes de stabilité (rapport C/N, teneur en azote, indice de stabilité) mais également des valeurs seuils à ne pas dépasser sur les ETM (éléments traces métalliques), les composés traces organiques (HAP, PCB), les micro-organismes et germes pathogènes. L’utilisation de composts de digestats est un domaine qui n’est encore que partiellement abordé d’un point de vue technique et scientifique.

1.6.2.3 La mise en décharge ou l’incinération

Il est clair qu’à partir du moment ou un digestat ne peut pas être reconverti en un produit, alors il s’agit d’un déchet. Dès lors, sa gestion est orientée vers des techniques spécifiques de traitement, comme la mise en décharge ou l’incinération. La mise en décharge est par exemple la voie privilégiée en Espagne, en raison de l’essor important de la digestion des ordures ménagères résiduelles avec des prétraitements peu poussés conduisant à des digestats très contaminés. Il est cependant légitime de s’interroger sur la rationalité d’une telle filière de traitement.

1.6.2.4 Les aspects sanitaires

Comme tout système septique, la méthanisation n’a pas vocation a éliminer les contaminants contenus dans les gisements en entrée. Une étude de 1999 sur les aspects sanitaires liés à la méthanisation des déchets (Couturier et Galtier, 1999) a dressé un premier bilan des connaissances sur le sujet.

Eléments trace métalliques (ETM) :

Les métaux présents ont vocation à évoluer au sein des procédés anaérobies. Certains d’entre eux (Fer, Nickel, Cuivre, …) sont même utilisés par les micro-organismes pour constituer des cofacteurs. D’autres vont se complexer avec les acides organiques. Les métaux vont également avoir tendance à former des sulfures métalliques dans le milieu. Globalement, les métaux se retrouvent majoritairement sous forme solide ou adsorbée.

Micro-organismes et germes pathogènes :

Les milieux de digestion contiennent une quantité importante de micro-organismes, organisés en « communauté trophique », c’est-à-dire en chaîne alimentaire. On ne connaît pas a priori de germes pathogènes parmi ces communautés. La problématique est donc de connaître l’évolution de ces germes lorsqu’ils sont présents en entrée du procédé. Globalement, la digestion anaérobie a un effet hygiénisant sur les pathogènes. Cet effet est à moduler en premier lieu en fonction du couple température – temps de séjour du système (il est en particulier plus efficace en thermophile qu’en mésophile, et peu efficace à température ambiante). Certains germes sporulant sont également peu sensibles (Clostridium, Bacillus Cereus). L’efficacité de la réduction des pathogènes est également variable selon le type de marqueurs considérés (plutôt efficace pour les salmonelles et les entérocoques, un peu moins pour les E. coli). La question du devenir et du développement des pathogènes dans un tel milieu est cependant loin d’être tranchée, car nous ne disposons pas d’une approche systématique permettant de prévoir quel type de pathogène sera plutôt touché, et quel type plutôt préservé par le traitement anaérobie.

La question de la présence de bactéries dans le biogaz a également été soulevée en France dans le cadre de la problématique de la réinjection du méthane dans le réseau de gaz de ville. Une campagne de prélèvement a permis d’établir la présence de bactéries dans le biogaz (Moletta, 2005) qui, globalement, peuvent représenter n’importe laquelle des espèces présentes dans le milieu (certains comportements d’aérosolisation étant toutefois différents selon les espèces). Il semble cependant que cette présence, quoi qu’établie, mérite d’être comparée avec, d’une part, la présence de bactéries dans le réseau de gaz de ville et, d’autre part, avec l’air que nous respirons. A ce jour, aucune campagne dans ce sens n’a été entreprise.

Micropolluants organiques :

Les hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAP) semblent être globalement réduits lors de la digestion anaérobie, en tous cas partiellement. Les PCB et les organochlorés sont moins touchés ; de plus, pour ceux-ci, les molécules issues de la dégradation présentent parfois des toxicités plus aigües que les molécules mères. Il semble également que les perturbateurs endocriniens (tels que les nonylphénols NP) puissent également subir des transformations lors de la digestion.

D’un point de vue expérimental, la notion de « dégradation » reste toutefois ambigüe en raison des différents mécanismes pouvant intervenir pour « masquer » les polluants (les mécanismes de sorption par exemple). A ces incertitudes s’ajoutent des problèmes analytiques complexes liés aux très faibles concentrations considérées et aux problèmes d’extraction.

1.6.2.5 Perspectives en recherche sur les digestats

Dès lors que la question du retour au sol (et donc de la valorisation matière) du digestat est abordée, le digestat devient un produit et non plus un déchet. Il existe ici une contradiction dans la forme du point de vue réglementaire, mais également pour le citoyen.

En termes de recherche, la question de l’innocuité des digestats est prégnante : on demande avant tout qu’un digestat ne soit pas potentiellement dangereux lorsqu’il est épandu. Il semble cependant que la caractérisation des digestats comme produit intéressant du point de vue agronomique soit également d’actualité : il ne suffit pas en effet que le produit soit compatible, il est

Ici encore, et à l’instar des sous produits liquides, la gestion des digestats est à la fois une question de connaissance des produits (composition, innocuité, valeur agronomique), mais également une question d’ordre social et une question d’image.

1.7 BILAN DE LANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE : LES QUESTIONS DE RECHERCHE