1. Le squelette
Le corps humain est composé de plus ou moins 206 os qui interfèrent au moyen de ligaments, tendons, muscles et du cartilage. L'ensemble des os forme le squelette dont la principale fonction est mécanique. Il constitue une charpente rigide qui permet de transmettre les efforts d’une partie du corps à une autre assurant ainsi le soutien du corps humain et permettant également le mouvement, mis en œuvre par les articulations et les muscles.
La deuxième fonction importante du squelette est de constituer un bouclier qui protège les organes vitaux de notre corps par les grandes cavités qu’il forme. C'est par exemple le cas du crâne qui présente a priori une structure étonnamment solide alors que son rôle dans la charpente du corps humain est quasi inexistant. Ceci s'explique par le fait qu'il protège notre cerveau, organe central du corps humain. Un autre exemple est la cage thoracique qui protège nos organes respiratoires et cardiaques.
Enfin, le squelette constitue aussi une grande réserve minérale pour notre organisme, en particulier de calcium et de phosphore, et la moelle osseuse permet la fabrication de cellules sanguines.
Il peut être noté que le fœtus n'a pas encore de squelette solide, celui-ci se formera graduellement durant les neuf mois de gestation. Un nouveau né a plus d'os qu'il n'en possèdera à l'âge adulte (environ 270). La différence vient de la fusion ultérieure de petits os au niveau du crâne, de la colonne vertébrale, du coccyx et du bassin.
2. Os de la tête
Située au-dessus du rachis, le squelette de la tête compte 30 os.46 Il comprend deux parties : le
crâne, qui renferme l’encéphale, et le massif facial qui contient les organes sensoriels et
supporte les muscles et organes de la mastication, ainsi que les muscles de la mimique.47
Le crâne est une cavité de forme ovoïde à grosse extrémité postérieure. Il comprend huit os plats. Le frontal présente une portion verticale et une horizontale. Il est creusé de deux sinus. L’éthmoïde est situé à la base du crâne, entre le frontal et le sphénoïde. Il prend part à la constitution des fosses nasales. Le sphénoïde est situé dans la partie moyenne de la base du crâne, entre l’éthmoïde et le frontal en avant, l’occipital et les temporaux en arrière. L’occipital forme la majeure partie du pôle postérieur du crâne. Il est percé du trou occipital communiquant avec le rachis. Les pariétaux sont situés de chaque côté au-dessus de l’écaille du temporal, en arrière du frontal, en avant de l’occipital. Les temporaux sont situés de chaque côté sous le pariétal, en avant de l’occipital, en arrière de la grande aile du sphénoïde. Ils présentent trois parties : l’écaille, partie supérieure qui entre dans la constitution de la paroi latérale du crâne, la mastoïde, postéro-inférieure et le rocher, interne. Près de l’union entre l’écaille et la mastoïde, se détache l’apophyse zygomatique ou malaire, dirigée d’abord en
Nom de l'os Nombre Situation
Pariétal 2 Calotte et parties latérales du haut du crâne
Temporal 2 Sous les pariétaux
Malléus ou marteau 2 Oreille moyenne
Incus ou enclume 2 Oreille moyenne
Stapès ou étrier 2 Oreille moyenne
Frontal 1 Front et voûte orbitaire
Occipital ou occiput 1 Arrière et base du crâne
Sphénoïde 1 Base du crâne
Ethmoïde 1 Entre les orbites
Table I-2 : Os du crâne.
Le squelette de la face comprend de nombreux os. La description suivante ne concerne que les os qui importent dans ce travail: le maxillaire et la mandibule. Le maxillaire supérieur est situé au-dessus de la cavité buccale, en dehors des fosses nasales, au-dessous de l’orbite. Il participe à la constitution de ces trois cavités et forme la plus grande partie de la mâchoire supérieure. Il est creusé d’un sinus qui communique avec les fosses nasales. Il porte l’arcade dentaire supérieure.
La mandibule, en forme d’arcade à convexité antérieure, est formée de deux moitiés soudées en avant, au niveau de la symphyse mentonnière. Chaque hémi-mandibule présente une branche horizontale et une branche montante. Sur son bord supérieur, cette dernière présente en avant l’apophyse coronoïde et en arrière le condyle, qui s’articule avec l’os temporal. Ces deux reliefs sont séparés par l’échancrure coronoïdienne. La branche horizontale supporte l’arcade dentaire inférieure et est percée du canal dentaire, occupé par un nerf. Sur sa face interne se trouve une crête très marquée, dirigée en bas et en avant, la crête mylo-hyoïdienne.
La table I-3 recense les os du massif facial.
Nom de l'os Nombre Situation
Vomer 1 Cavité nasale
Maxillaire 2 Sous le frontal
Lacrymal 2 À l'intérieur des orbites
Palatin 2 Palais osseux
Cornet nasal inférieur 2 Cavité nasale
Nasal 2 En avant de la branche montante du maxillaire
Zygomatique ou malaire 2 Sous les orbites
Mandibule 2 (soudées) Mâchoire inférieure
Hyoïde 1 En avant de la trachée
Table I-3 : Os du massif facial.
Fig. I-20 : Principaux os de la tête.48
3. Nature et composition
Chaque pièce osseuse est composée principalement de deux tissus : la moelle hématopoïétique (65 à 70%) et le tissu osseux (20 à 25 %). A ceux-là s'ajoutent le système
vasculaire et le périoste.49
La moelle hématopoïétique se trouve dans les espaces médullaires, c'est-à-dire dans les
cavités des os (voir figure I-21 ). Elle contient des cellules souches, des cellules sanguines en
formation, des adypocytes et des cellules stromales. Ces dernières servent de soutien afin de permettre la différenciation des cellules souches. On y retrouve également des cytokines et des facteurs de croissance libres qui permettent une interaction avec les cellules osseuses.
Fig. I-21 : Moelle hématopoïétique au sein d'une section de tête fémorale humaine.21
Le tissu osseux est une classe de tissu conjonctif qui dérive du mésenchyme embryonnaire. Il est composé d'une matrice organique et d'une phase minérale. Ses éléments cellulaires
principaux, les ostéocytes, proviennent de cellules mésenchymateuses50,51 qui se sont
différenciées sur la lignée ostéogénique. Imbriqués dans la matrice osseuse, ils ont une forme étoilée et possèdent de nombreux et longs bras cytoplasmiques. Le tissu osseux contient également de l'eau à hauteur de 25 %.
La partie organique contient essentiellement des protéines de collagène de type I (environ 90 %) secrétées par des cellules ostéogéniques appelées ostéoblastes. Le reste est rempli par d'autres types de protéines (plus de 200) provenant des cellules osseuses et hématopoïétiques ainsi que du sang. Le collagène de type I possède une structure de microfibrilles de diamètre variant de 40 à 80 nm. Chaque microfibrille est composée de trois molécules de tropocollagène enroulées en triple hélice. Alors que les protéines jouent un rôle structurel, les autres types sont des messagers intervenant notamment dans les processus de formation et de minéralisation de la matrice osseuse.
La phase minérale est quant à elle essentiellement constituée de cristaux de phosphate de calcium (souvent appelé hydroxyapatite) et de carbonate de calcium. La calcification s'effectue par dépôt de sels de calcium, notamment phosphate et carbonate de calcium, dans la matrice intercellulaire, sels minéraux apportés par la circulation sanguine.
L'ensemble du tissu osseux est en effet vascularisé par un réseau complexe imbriqué dans la matrice. Chaque os, à l'exception des surfaces articulaires, est recouvert de périoste. Ce tissu conjonctif dense est composé d'une couche externe fibreuse, d'une couche intermédiaire fibroélastique et d'une couche interne cellulaire (ostéoblastes). Ce tissu permet notamment l'insertion des tendons et des ligaments sur l'os. Il est également vascularisé et innervé et joue également un rôle majeur dans la construction des os.
4. Texture, structure et architecture de l'os
Les microfibrilles de collagène qui constituent la matrice sont regroupées selon un alignement particulier. Cette organisation a pour conséquence de donner une texture de type lamellaire
caractéristique à l'os mature (voir figure I-22).
Cette structure lamellaire provient de la manière dont est généré l'os : par apposition. Les ostéoblastes, cellules en charge de la construction osseuse, déposent les microfibrilles de collagène par couches successives, dans et entre lesquelles se disposent les ostéocytes. On peut noter que ces strates sont appliquées avec une orientation croisée. Les microfibrilles de deux couches consécutives forment un angle d'environ 45°. Les longs bras cytoplasmiques des ostéocytes noyés dans le tissu induisent la formation de micro-canaux appelés canaliculi. Dans certains cas, on peut observer une texture osseuse différente et totalement désorganisée. Il s'agit de l'os tissé qui ne se trouve pas chez l'adulte sain (voir figure I-23). Il peut être observé lors de l'embryogenèse, en cas de certaines maladies comme la maladie de Paget et au sein des cals de fracture récents. Hors pathologie, il s'agit d'une texture qui apparaît lorsque l'ossification doit se faire de manière rapide : cette construction désorganisée requiert moins de temps qu'une fabrication structurée. La maladie de Paget est caractérisée par une destruction excessive d'une partie du squelette par l'organisme lui-même. En contrepartie, les
ostéoblastes maximisent leur vitesse de construction osseuse afin de pallier à la résorption.53
Fig. I-23 : Microfibrilles de collagène de la matrice d'un os tissé.48
Par ailleurs, on constate la présence de deux structures osseuses différentes : corticale et spongieuse. L’os cortical, également appelé compact ou haversien, constitue les parois diaphysaires ou corticales des os longs. Cette coque de tissu compact et dense protège la partie interne constituée de tissu spongieux et participe grandement à la rigidité des os.
Il est composé de systèmes de Havers ou ostéons (voir figure I-24). Chaque système est formé
d’un canal central (de Havers) entouré concentriquement de lamelles osseuses. La structure haversienne est en effet caractérisée par la disposition particulière des lamelles qui s'enroulent successivement les unes autour des autres. Au cours de sa formation, la croissance par apposition des ostéons s'est poursuivie jusqu'à ce qu'ils se rejoignent. C'est pour cette raison qu'on peut distinguer des ostéons complets et intermédiaires. L'espace non comblé par le tissu osseux se réduit alors aux canaux contenant la vascularisation et l'innervation. Par conséquent, la porosité n'est que de 5 à 15 % et sa masse représente environ 80 % de celle du squelette. Ces canaux sont de véritables voies de communication permettant à la fois le transport de l'influx mais également de toutes les protéines impliquées dans les processus cellulaires. Les canaux principaux de Havers sont reliés par des canaux intermédiaires dits de Volkmann.
Le diamètre d'un ostéon (couramment 200 à 300 µm) est déterminé par l'efficacité de la diffusion dans le système canaliculaire. Il est en général composé de 10 à 15 lamelles. La dernière couche, qui ferme l'ostéon, est appelée ligne cémentante. Le canal de Havers a un diamètre de l'ordre de 50 µm.
Fig. I-24 : (a) Structure de l'os cortical. (b) Coupe d'un système Haversien. (c) Micrographie d'un système Haversien.56
Le tissu osseux spongieux constitue quant à lui la partie interne poreuse de l’os. Il est surtout présent dans les os courts, comme les vertèbres, et au niveau des épiphyses des os longs, comme la tête de fémur. L'os spongieux a une structure de plaques perforées distantes les unes
des autres et dont l'épaisseur varie entre 120 et 180 µm (voir figure I-25). Cette épaisseur
dépend de la performance du réseau canaliculaire. Ces plaques, appelées travées ou trabécules sont reliées entre elles par des piliers ou cordons. La porosité de ce type de tissu varie de 50 à 95 % et dépend principalement de l'espacement entre les trabécules. Les cavités formées entre les travées contiennent la moelle hématopoïétique et du tissu adipeux.
Les lamelles constitutives ont la même orientation que les travées et ne sont donc pas
concentriques contrairement à celles de l'os compact. Sur la figure I-26, les lacunes laissées
par les ostéocytes illustrent l'orientation de la texture du tissu. Chaque travée est également recouverte d'une ligne cémentante.
Fig. I-26 : Micrographie d'os spongieux
(tissu osseux marqué en rose et moelle hématopoïétique en bleu).21
Par ailleurs, si on considère l'architecture des os, on remarque qu'en dehors de l'os tissé, l'orientation mésoscopique des constituants osseux n'est pas quelconque. Tant les ostéons de l'os cortical que les trabécules du tissu spongieux ont une direction préférentielle. Cette caractéristique architecturelle s'explique lorsqu'on considère la manière dont sont sollicitées les pièces osseuses. La partie suivante présente ainsi quelques considérations importantes sur le comportement mécanique de l'os. De plus amples détails sur la texture, la structure et
l'architecture des os peuvent être trouvés dans la littérature.57,58
5. Comportement mécanique de l'os
D'un point de vue mécanique, l'os constitue un matériau particulièrement complexe. Sa texture, sa structure et son architecture subtiles influencent fortement ses propriétés mécaniques à l'échelle mésoscopique. En effet, il est hétérogène, multiphasé, poreux,
visqueux, anisotrope et réagit différemment à la compression et à la traction.57
Les propriétés de l'os constituent un compromis entre la rigidité nécessaire à autoriser une cinématique efficiente, la viscosité permettant l’absorption des chocs et la masse du squelette. Les impératifs de ces fonctions ont permis à l’os d’acquérir au cours de milliers d’années d'adaptation ses propriétés actuelles. La texture de l'os en couches croisées lui procure des propriétés mécaniques massiques excellentes.
Par ailleurs, on peut noter que chaque os est unique. Sa structure et son architecture se montrent parfaitement adaptées à celles requises. La forte anisotropie de l’os est due à sa structure : orientation des ostéons pour l’os cortical et des trabécules pour l’os spongieux. Ses propriétés dépendent également fortement de sa densité.
De nombreux auteurs ont donc cherché à mettre en évidence une corrélation entre composition et propriétés mécaniques qui sont utiles notamment pour la compréhension des phénomènes d'ostéoporose et de remodelage osseux. Le premier modèle recensé est celui de
Vose & Kubala59 qui établit une relation entre résistance à la flexion et contenu minéral.
Ensuite, Carter & Hayes60 ont proposé un modèle liant respectivement le module d’Young et
la résistance de l'os trabéculaire et cortical au cube et au carré de la densité apparente.
D'autres auteurs61-65 ont par la suite développé des relations associant les propriétés
mécaniques à la densité apparente et au contenu minéral. Lotz et al.66 puis Pietruszczak et
al.67 ont fait évoluer ces modèles en ajoutant la dépendance de la direction.
Par ailleurs, la structure et l'architecture d'un os ne sont pas figées mais évoluent depuis l'embryogenèse où il est généré puis au cours de la vie où il va s'adapter à son environnement. Une description plus précise du comportement mécanique de l'os ne sera pas entreprise ici puisque notre travail s'oriente plutôt vers les phénomènes de formation et d'évolution. La partie suivante sera donc consacrée aux mécanismes qui permettent au tissu osseux toutes ces transformations.