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L’ORGANISATION DES TRAJECTOIRES D’UN MÉTIER À L’AUTRE ?

DU TRAVAIL DANS LA SYLVICULTURE ET LE BÛCHERONNAGE

3. L’ORGANISATION DES TRAJECTOIRES D’UN MÉTIER À L’AUTRE ?

Lorsque nous regardons l’évolution de carrière des bûcherons dans le secteur public, nous pouvons noter une possibilité plus importante de reconversion des ouvriers, notamment à partir de 50 ans, vers des activités sylvicoles.

Les personnes rencontrées nous ont toujours raconté leur métier comme celui dans lequel la force physique est utilisée et qui meurtrit leur corps. Cela fait partie du métier ; il est exercé même si les

douleurs sont là, même s’il est difficile de finir sa carrière de cette manière et de savoir que la retraite risque d’être très marquée par l’usure professionnelle.

Dans les plus petites structures, il semble que le maintien en emploi des bûcherons une fois « usés » est plus difficile, voire impossible. Les ouvriers sortent de l’entreprise et partent précocement en re-traite. L’usure articulaire et musculaire ne permettra plus de continuer le métier, car la TPE a très souvent peu de possibilités de postes de reconversion. De fait la proposition d’activités dites moins difficiles est quasiment inexistante, puisque très souvent les postes ne sont pas dimensionnés pour une reconversion ou ni reconfigurés en des postes plus adaptés aux difficultés de santé.

Dans la représentation collective (bûcherons, managers, dirigeant et même chez quelques ouvriers sylvicoles) l’activité de sylviculture est considérée comme moins dangereuse et stressante mais plus fatigante que l’activité de bûcheronnage. Cette dernière serait donc plus dangereuse et moins

fa-La structure des âges des bûcherons et des sylviculteurs

En 2009, la population « exploitation forestière (les bûcherons) » était plus importante entre 35 et 45 ans, tandis que la population « sylvicole » se situait davantage vers 45-55 ans. Cette diffé-rence s’explique souvent par une réorientation des bûcherons vers la sylviculture, souvent à la suite des restrictions d’aptitude. Toutefois, les deux populations sont vieillissantes. Les maladies professionnelles sont plus importantes de 2,7 fois dans la population « sylvicole ». Pour la po-pulation « bûcherons », les TMS concernent à 73 % les membres supérieurs et le rachis à 27 %.

L’enquête vieillissement en agriculture (EVA) menée conjointement par les Services de santé au travail et les Services du contrôle médical des caisses de MSA en agriculture (2006) faisait apparaître un certain nombre d’éléments sur la pénibilité, souvent évoqués par la population

« exploitation forestière » et la population « sylvicole ».

tigante. Toutefois, il semble difficile de faire ce type d’évaluation. En effet, la mesure de l’activité de bûcheronnage reste plus objective, par la visibilité liée à une possible vérification quantitative des objectifs à atteindre : en mètres cubes de bois façonnés, par exemple. Comparativement, l’activité sylvicole est moins évaluable sur l’aspect quantitatif puisqu’un dégagement en surface est plus dif-ficilement mesurable.

L’appréciation et la dimension de la qualité du travail ne sont donc pas identiques d’une activité à l’autre. Il reste alors difficile d’estimer une différence notable en termes qualitatifs de pénibilité et d’ef-fets d’usure physique entre ces deux activités.

Pourtant une chose est évidente, ces deux activités ne vont pas solliciter tout à fait les mêmes articu-lations et muscles. C’est pourquoi, dans le secteur public notamment, la mise en place d’une alter-nance de ces activités avait été souhaitée. Cette alteralter-nance était aussi instaurée pour respecter les activités saisonnières. Aujourd’hui, il semble que les périodes d’exploitation soient plus longues : les conséquences du contexte économique actuel et des demandes des clients ont largement modifié les activités de travail qui prenaient en compte le cycle des saisons des arbres et végétaux.

CONCLUSION

Nous savons que les « TMS résultent d’un déséquilibre entre les capacités fonctionnelles des per-sonnes et les sollicitations qui apparaissent dans un contexte de travail, notamment sans possibilité de récupération », c’est-à-dire une combinaison de facteurs de risques identifiés (dits biomécaniques) mais également d’autres facteurs comme le stress, les ambiances de travail et d’environnement, qui, au cours de la vie professionnelle peuvent entraîner des douleurs, de l’incapacité à exercer certains gestes, un handicap, une incapacité pouvant aller jusqu’à la perte d’emploi.

Plusieurs pistes existent pour améliorer les conditions de travail, sécuriser les parcours et développer l’attractivité. C’est le cas, notamment avec les évolutions et transformations technologiques et le développement de nouvelles compétences. En effet, l’introduction d’outils numériques, la conduite de nouveaux engins impliquent de développer des connaissances et de maîtriser de nouvelles techniques de travail. Un autre levier consiste à accompagner ces travailleurs sur d’autres activités possibles (écologie, tourisme). L’organisation et la conciliation des temps travail-hors travail en déve-loppant une meilleure coordination des marchés régionaux et en prenant en compte la localisation géographique des chantiers pourraient également être un levier d’actions.

BIBLIOGRAPHIE

--- Dronne, A. (2012), « Le travail n’a plus de saisons ! Saisonnalité et travaux forestiers en Lorraine », Aract Lorraine, Rapport Recherche-action.

--- Mambie, S. (2013), Pénibilité(s) chez les opérateurs de travaux forestiers en France métropolitaine, thèse de troisième cycle de Médecine du Travail, faculté de médecine de Nancy.

--- Puech J. (2009), « Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière bois », Rapport remis à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République.

--- Scheppens, F. (2003), « Bûcheron : une profession d’homme des bois ? », in ethnographique.org, n° 4.

L

e vieillissement démographique amène les décideurs à allonger la durée de la vie profession-nelle. Acteur majeur de la santé au travail, l’INRS analyse les pratiques organisationnelles des entreprises afin de permettre le développement de solutions de prévention que les acteurs puissent effectivement s’approprier. Dans ce cadre, l’INRS a conduit une étude abritant une thèse réalisée au CERAG (Université Grenoble Alpes). Ce travail visait à favoriser une meilleure prise en compte de la santé au travail, envisagée sous l’angle de la prévention des risques professionnels, dans la gestion des âges par les acteurs détenteurs des pratiques de Gestion des Ressources Humaines (GRH) en entreprise. Tout d’abord, une importante revue de littérature en économie et gestion a permis d’exa-miner le concept de « gestion des âges », constatant qu’il ne permettait pas suffisamment de gérer les liens entre santé et travail. Un nouveau concept est donc proposé pour répondre aux probléma-tiques induites par l’allongement de la vie professionnelle : la gestion de l’employabilité et des par-cours par la santé au travail (ou GEPaST). Ce construit théorique a été confronté au terrain dans cinq entreprises de collecte de déchets ménagers, en combinant plusieurs modes de recueil de données et plusieurs types de données. La démarche a conduit in fine à proposer une traduction empirique du concept de GEPaST mais aussi un outillage concret, destiné aux gestionnaires en entreprise, et présenté ici. Le concept de GEPaST, en remettant la santé au travail au cœur du débat, a abouti à la proposition d’outils concrets pour aider le gestionnaire comme le préventeur à mieux prévenir les effets néfastes du vieillissement en cas de fortes contraintes liées au métier. Elle fournit également de nombreuses pistes pour des recherches ultérieures : les diverses propositions du modèle devront être testées, affinées, complétées (autres secteurs, configurations organisationnelles différentes, etc.).

Mots-clés : gestion des âges, GEPaST, ripeur, modèle, GRH

Isabelle Salmon, INRS, Jean-Yves Juban, CERAG, Université Grenoble-Alpes, Bertrand Delecroix, INRS

LA GESTION DE L’EMPLOYABILITÉ