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La découverte du « terrain »

Partir pour la première fois « sur le terrain » avec pour mission de recueillir le plus grand nombre possible de données en vue de construire une problématique anthropologique encore ignorée, m’a fait éprouver une grande appréhension. Sans doute la peur de l’inconnu. A cela s’est ajouté le souci de répondre correctement au mandat qu’Agridea m’avait confié. Je ne travaillais en effet pas uniquement pour moi, mais également pour ne pas décevoir les attentes formulées par l’institution mandante. Ce mandat impliquait que le choix du lieu d’enquêtes n’était pas le mien. J’ai par conséquent découvert un pays, une région, des pratiques, une langue et des gens dont j’ignorais tout avant le départ, à l’exception de quelques lectures évoquées dans le chapitre précédent.

Par l’intermédiaire d’Agridea, j’ai pu entrer en contact avec Georges I., le président de l’une des trois coopératives agricoles de Koura. Cette personne m’a été d’une grande aide en me permettant d’entrer en contact avec quelques oléiculteurs de la région. Il m’a également présenté la famille Najjār à Fiaa, chez qui j’ai eu la possibilité de loger durant mes deux voyages au Liban. Ainsi introduit sur le terrain, j’avais tout le loisir de partir à la découverte de la région de Koura, de ses habitants et de ses oliviers.

Le caza Koura est délimité par les districts de Tripoli, la capitale du Liban-Nord et de Zgharta au Nord, de Bcharré à l’Est et de Batroun au Sud. Il se situe entre les fleuves nahr abou Ali et nahr el Jaouz. Outre ces deux cours d’eau, la région de Koura ne dispose pas de quantités d’eau suffisantes pour des cultures maraîchères, ce qui explique peut-être la prédominance des cultures arbustives. La topographie de la région se caractérise par un littoral qui s’étend d’Enfé à Bihsas, un village qui jouxte Tripoli. L’intérieur des terres est composé d’une vaste plaine située à 400 mètres d’altitude environ. A l’Est, la région se prolonge en collines s’élevant jusqu’à 950 mètres d’altitude et constitue les premiers contreforts des montagnes de Bcharré.

Les vergers oléicoles, que l’on peut trouver au Liban jusqu’à une altitude de 1200 mètres, s’étendent ainsi des zones côtières à l’Ouest aux reliefs de l’Est.

Après avoir effectué mes premiers pas sur le sol rocailleux des oliveraies de Koura, j’ai cherché à recueillir davantage de données sur l’oléiculture au Liban en général et à Koura en particulier.

La superficie des oliveraies libanaises est estimée par la Food and Alimentation Organization (FAO) et le Ministère libanais de l’Agriculture à 57'600 Ha (recensement agricole de 1998)12, ce qui représente 22% de la surface agricole totale du pays. C’est dans le muhafaza (préfecture) du Nord-Liban, où est situé le caza (district) de Koura, que la production d’olives est la plus importante (38% de la production nationale). Au niveau national, le Ministère de l’Agriculture a répertorié 110'000 oléiculteurs produisant en moyenne 16'000 tonnes d’huile par année. Le nombre de pressoirs de tous types est estimé à 544 pour l’ensemble du pays.

La région de Koura est caractérisée par sa densité d’oliviers. Ceux-ci représentent environ 10%

des oliveraies libanaises. L’oléiculture est une pratique millénaire dans le district de Koura, elle en est aujourd’hui l’activité agricole principale. Les oliviers représentent 84% de l’ensemble des spéculations agricoles du caza. Ce taux est le plus élevé du Liban, il se situe à 70% à

12 Dans cette section, les données concernant l’agriculture sont tirées de l’Atlas Agricole du Liban, consultable sur le site Internet du Ministère libanais de l’Agriculture : [www.agriculture.gov.lb].

Hasbaya et 63% à Zgharta. Les nombreux oliviers, plantés en terrasse dans un paysage verdoyant sont à l’origine du surnom donné à la région : al koura l’khadra (Koura la verte).

Dans son atlas agricole, le Ministère de l’Agriculture a répertorié pour le caza de Koura, 7051 exploitants agricoles pour une Superficie Agricole Utile (SAU)13 de 6393 ha (la superficie totale du district équivaut à 17'585 Ha).

Cependant, les connaissances que j’ai acquises sur l’oléiculture ne me satisfaisaient pas entièrement. Il me tardait de découvrir quelles sont les personnes qui taillent les oliviers, en cueillent les fruits, les pressent, lesquelles ne le font pas et pourquoi, etc.

« Nous sommes arabes avant les Arabes » : autour de la notion de groupe

La population du caza Koura est estimée à 130’000 habitants par le Sérail d’Amioun (le centre administratif). La région de Koura regroupe quarante-six villages répartis en trente-quatre municipalités (cf. carte p. 6). Amioun, le chef-lieu, compte environ 10’000 personnes14. Durant mes enquêtes de terrain, j’ai pu constater que mes interlocuteurs se définissent fréquemment en référence à leur appartenance religieuse et aux particularismes de cette dernière. Le caza Koura est habité en grande majorité par des membres de la communauté grecque orthodoxe15. Il s’agit probablement de la quatrième en nombre sur l’ensemble du Liban, après les chrétiens maronites, les musulmans chiites et sunnites16. A ce titre, il est intéressant de relever ce qu’un oléiculteur de Fiaa répond lorsque je l’interroge sur l’origine des grecs orthodoxes au Liban :

« Nous sommes arabes avant les Arabes » (Michel S., 11.04.06, Fiaa). Il rejetait par ce propos l’imposition de l’arabité lors de la conquête de Tripoli et d’une partie de l’actuel caza Koura par les Mamelouks. Pour Michel S., l’identité des habitants de la région de Koura repose sur deux éléments essentiels : l’arabité et l’appartenance à la communauté grecque orthodoxe.

Ayant recueilli par la suite quantités d’autres discours allant dans le sens d’une identité propre

13 « La S.A.U d’une exploitation comprend la somme de la superficie des terres cultivées (temporaires, permanentes, ou sous couvert de protection) et celle des terres en jachère temporaire, c’est-à-dire mises en repos durant la campagne agricole de référence et jusqu’à une durée maximale de cinq ans. » Définition tirée de l’Atlas Agricole du Liban (cf. note 12).

14 Ce nombre inclut les personnes qui ne possèdent qu’une résidence secondaire dans la région de Koura, c’est-à-dire qu’elles vivent ailleurs la majeure partie du temps. La diaspora libanaise de par le monde étant très importante (environ 12 millions), les données du Sérail d’Amioun sont sans doute surestimées. De plus, le Liban n’a pas connu de recensement depuis 1932, ce qui oblige à considérer toutes les statistiques de ce chapitre avec prudence.

15 Lors des élections législatives de 2005, 65,6% des inscrits dans les caza Koura étaient répertoriés en tant que grecs orthodoxes (Patrie et Español 2007 : 292-293).

16 Ce travail n’a pas pour ambition de discuter les termes de « confessionnalisme » ou encore « communauté ».

J’utilise simplement ces derniers dans un sens emic, à savoir tels qu’ils apparaissent dans le sens commun.

aux grecs orthodoxes de Koura, j’ai tenté de mener des recherches en vue de déterminer s’il existe un lien entre la référence à l’appartenance religieuse et la pratique de l’oléiculture.

Cette orientation se justifie par le fait que le Liban est un pays où l’appartenance confessionnelle est indissociable du code du statut personnel. Selon la Constitution libanaise de 1943, les registres de naissance, de mariage et de décès sont gérés par les communautés religieuses. Pour Kamal Salibi, le pluralisme politico-religieux est considéré comme le principal obstacle à une définition nationale de l’identité. Ceci depuis l’exacerbation des tensions qui caractérisent la « guerre de 75 » (la guerre civile de 1975 à 1990), durant laquelle

« des groupes libanais variés [combattaient] sous des bannières historiques variées » (Salibi 1989 : 20). La construction d’une histoire propre à chaque communauté religieuse par ses membres engendre l’hétérogénéité qui caractérise l’actuelle « nation » libanaise. Le système politique (« ta’ifyya », litt. : confessionnelle) lui-même, comme le stipule la Constitution, se fonde sur la proportionnalité démographique des dix-neuf confessions religieuses répertoriées au Liban. Le Parlement par exemple doit être composé à moitié par des députés chrétiens et à moitié par des musulmans. Le président de la République doit être un chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite et le président du Parlement un musulman chiite. Mais la proportionnalité démographique n’ayant jamais été actualisée depuis 1932, il conviendrait davantage de parler d’une « fiction démographique » entretenue par le jeu des rapports de pouvoir.

Est-il possible pour autant de définir les grecs orthodoxes de Koura comme un « groupe » ? Ce concept fréquemment employé en anthropologie et peu remis en question est plus problématique qu’il ne paraît. Interroger la notion de « groupe » est particulièrement intéressant dans une situation de conflit ethnique, religieux ou national telle qu’elle peut être observée au Liban. Le « groupe » désigne souvent à tort un ensemble d’individus homogène et coupé de l’extérieur. Le sociologue Rogers Brubaker s’attache dans Ethnicity without groups, à rompre avec la notion de « groupe » telle que la définit le sens commun, c’est-à-dire en désignant par exemple les conflits ethniques comme des conflits entre des groupes ethniques (Brubaker 2004 : 9). Il appelle les sciences sociales à dépasser les usages vernaculaires de cette notion :

« we should not uncritically adopt categories of ethnopolitical practices as our categories of social analysis » (Brubaker 2004 : 10). Il ne nie pas ces catégories mais affirme que les chercheurs ont pour tâche de comprendre les conditions qui mènent à leur construction dans les discours des acteurs. Dans cette perspective, les catégories identitaires emic doivent être

considérées comme des définitions relationnelles, processuelles, dynamiques et désagrégés (Brubaker 2004 : 11). Par conséquent, la revendication d’une identité grecque orthodoxe de la part des interlocuteurs de Koura interrogés à ce sujet doit être analysée comme la construction d’une réalité, d’un pouvoir, d’une histoire ou encore de systèmes de classification. Pour le dire autrement, il est plus pertinent de porter un regard analytique sur les conditions de production des identités que de légitimer ces dernières en les considérant comme acquises. Une telle démarche s’inscrit dans le prolongement de l’argument émis par Eric Hobsbawm au sujet des mécanismes de construction de l’histoire à des fins identitaires (Hobsbawm 1983). L’étude de ces mécanismes dans le cas de la région de Koura ne fait pas partie des objectifs de ce travail. Il me manque trop de données pour tenter de comprendre les raisons pour lesquelles certains de mes interlocuteurs se définissent comme faisant partie d’un « groupe ». Des recherches mériteraient à mon avis d’être effectuées sur ce sujet. Il en existe en ce qui concerne les principaux groupes confessionnels libanais : chrétiens maronites, musulmans druzes et chiites.

En revanche, il n’existe à ma connaissance pas d’étude anthropologique sur les conditions de productions d’une identité de « groupe » par des membres de la confession grecque orthodoxe.

Partir à la rencontre des habitants de la région de Koura m’a amené à écouter ce qu’ils avaient envie de raconter. A travers leurs discours sur l’huile d’olive, j’ai découvert le rôle hautement symbolique de ce produit dans les représentations de mes interlocuteurs. Ce rôle s’articule autour de deux notions essentielles pour la compréhension du sens attribué localement à l’huile d’olive : la notion de baraka et celle de harām.

Le système symbolique de l’huile d’olive

Etudier le système symbolique d’un produit tel que l’huile d’olive revient à se questionner sur le sens que les acteurs sociaux lui attribuent. Qu’est-ce que l’huile d’olive évoque aux habitants de Koura ? Pour y répondre je me suis rendu attentif aux divers usages que mes interlocuteurs en font ainsi qu’à ce qu’ils en disent. J’ai découvert ce faisant, que l’alimentation n’est de loin pas l’unique destination de l’huile d’olive. Et que par ailleurs, les pratiques qui lui sont associées dépendent grandement des représentations symboliques et du sens qui l’entourent.

Les notions de baraka et de harām apportent à ce titre un éclairage intéressant.

Baraka et souillure

L’olivier est considéré par les habitants de la région de Koura comme un arbre mabrūk (de baraka, béni par Dieu). Cette bénédiction est décrite comme un phénomène « naturel » (c’est Dieu qui bénit), elle ne requiert pas d’intervention humaine et réside en chaque olivier. L’huile d’olive quant à elle, peut être bénie par le prêtre d’une église lors d’une cérémonie (salāt al-zeit, la prière de l’huile) qui a lieu chaque année durant la Semaine sainte. Cette huile sert notamment à l’onction des nouveaux-nés, des malades ou des personnes décédées. Toutefois, cette huile n’est pas nommée mabrūka mais zeit muqaddas (huile sacrée, sanctifiée). Cette distinction est importante car elle implique que la notion de baraka est un concept absolu, une sorte d’essence divine et son emploi est par conséquent commun au registre religieux de l’islam et à celui du christianisme orthodoxe.

Les oléiculteurs disent croire que la récolte des olives, lorsque celles-ci sont entreposées dans la maison des producteurs avant d’être emmenées au pressoir, « amène la baraka sur la maison » (Amer S., 14.03.06, Fiaa). Ce point est important, car la baraka se définissant comme un moyen de bénéficier de la bénédiction divine, un attachement particulier s’exprime à l’égard des lieux où celle-ci est dite se manifester. Parmi les lieux plus importants figurent la terre oléicole (sur laquelle sont plantés des oliviers, porteurs de baraka), ainsi que la maison familiale (beit al-aila). De même que les oliviers, par le biais des olives récoltées, transmettent la baraka à la maison des oléiculteurs, l’huile d’olive produite sert à son tour à transmettre la baraka aux personnes à qui elle est distribuée ou par qui elle est consommée.

Ces données permettent de comprendre et d’analyser le lien qui fait sens entre les représentations religieuses que des oléiculteurs de Koura partagent et la pratique de l’oléiculture. Ces représentations détiennent une grande influence sur certaines pratiques sociales parmi lesquelles que la conservation des terres oléicoles au sein de la famille et ce, en dépit du fait que l’oléiculture soit fréquemment décrite comme une activité non rentable. En effet, les propriétaires terriens rencontrés se montrent très réticents à l’idée de vendre maisons et terres, des biens qu’ils ont en principe hérités. Il se peut par ailleurs que les représentations selon lesquelles le stockage des olives au sein de la maison amène la baraka sur celle-ci renforce le lien fort qu’expriment de nombreux oléiculteurs à l’égard de beit al-aila (la maison familiale) : « la famille est très importante au Liban, c’est dans la maison familiale qu’on passe le plus de temps. Elle se transmet par héritage et se vend très rarement (Simeon H., 14.03.06, Fiaa). L’affirmation selon laquelle beit al-aila est un bien inaliénable revient souvent

dans les entretiens. Amer S. par exemple affirme que « la maison (beit al-aila), c’est sacré, ce n’est pas un bien commercial comme une voiture par exemple » (Amer S., 14.03.06, Fiaa).

L’inaliénabilité de la maison familiale et des terres oléicoles n’est pas sans rappeler le propos de Maurice Godelier par lequel il s’oppose à la théorie maussienne du don qui affirme que toutes les sociétés seraient basées sur l’échange : beit al-aila ou encore la terre oléicole, s’apparentent-elles à « des choses qu’il ne faut ni vendre ni donner, mais qu’il faut garder, [comme] par exemple les objets sacrés » (Godelier 2007 : 82) ? Au sens où l’entend Godelier,

« [g]arder, c’est ne pas séparer les choses des personnes parce que dans cette union s’affirme une identité historique qu’il faut transmettre […] » (Godelier 2007 : 88). Cette posture originale par rapport à l’échange est susceptible d’apporter un éclairage sur le rôle de la propriété foncière dans le caza Koura : la maison familiale et les terres oléicoles sont des biens inaliénables constitutifs d’une identité particulière. Il va de soi qu’il arrive dans la pratique que de tels biens deviennent des objets de vente. Toutefois, ce qui m’intéresse est de décrypter ce que les représentations partagées par mes interlocuteurs disent du lien entre propriété, oléiculture et symbolisme. Le propos de Thana A.G., l’agronome employée par Agridea, est à ce titre fort intéressant :

La culture de l'olivier est différente de toutes les autres cultures, le lien entre le propriétaire et ses oliviers est très fort, car ils ne représentent pas qu'une source de profit, comme peut-être la culture de la pastèque ou de la banane. Les oliviers sont souvent un héritage familial et symbolisent un bien qui perpétue la lignée familiale.

Ainsi, si l'on peut observer des agriculteurs qui passent de la pastèque à la banane en fonction de la demande du marché, cela ne se fait pas en ce qui concerne l'olivier.

(Thana A.G., 13.03.06, Beyrouth).

A la notion de baraka s’opposent des représentations concernant la souillure. La perspective de genre me permet d’évoquer cette dichotomie : Amer S. raconte au sujet de son père qu’il employait des ouvriers et des ouvrières lors de la récolte, mais qu’il interdisait aux femmes de cueillir les olives se trouvant sur l’arbre car selon lui, elles risqueraient d’ôter la baraka de l’arbre dans l’éventualité où celles-ci auraient leurs règles (les olives cueillies sur l’arbre servent à l’extraction d’huile tandis que celles tombées sur le sol à la production de savon).

Cet exemple confirme l’hypothèse selon laquelle la notion de baraka influence la pratique de l’oléiculture et les représentations liées à la terre, à la maison familiale et au genre. La croyance

en la souillure que les menstruations des ouvrières pourraient apporter aux oliviers engendre une économie de la récolte indissociable du sexe des employés du père d’Amer S.

Par ailleurs, la notion de harām (interdit d’ordre religieux) m’aide à comprendre les raisons pour lesquelles les propriétaires terriens, bien qu’affirmant qu’ils perdent de l’argent en pratiquant l’oléiculture et bien que tirant leurs revenus du secteur tertiaire principalement, perpétuent cette pratique. Ils sont soumis à des obligations et des interdits, dont l’évocation souligne la forte charge symbolique de ce produit :

Il est impossible de laisser une partie des olives sur le ris’q (la terre, la propriété), c’est harām (cette notion définit les interdits d’ordre religieux). Elles ont été offertes par Dieu, il faut les ramasser. Que l’huile soit vendue ou non, cela dépend d’autre chose, mais le don de Dieu, on ne peut pas le négliger (Nola S., 04.05.06, Fiaa).

Le propos de cet oléiculteur et restaurateur de Fiaa indique que la production d’huile d’olive est soumise d’une certaine manière à une « loi divine », impliquant l’obligation de récolter les olives et de produire de l’huile. Ce même interlocuteur affirmait par la suite, que les habitants de Koura étant fils ou petits-fils de paysans, sont obligés en raison de cet héritage, de produire de l’huile s’ils sont propriétaires d’oliviers pour le simple de fait de ne pas devoir acheter ce produit d’usage multiple et quotidien à forte valeur symbolique.

Est-ce cette obligation qui fait du caza Koura l’une des régions libanaises comptant le moins de terres en jachère permanente (environ 7% de la surface agricole17) ? Il semble délicat de spéculer sur une telle causalité. Toutefois, le fait que la notion de harām fasse partie du registre sémantique oléicole m’aide à expliquer un paradoxe qui caractérise la région de Koura.

Des oléiculteurs « poly-actifs »

Selon l’Atlas agricole du Ministère de l’Agriculture18, le caza Koura détient la plus importante production d’huile d’olive du Liban. Paradoxalement, la même source affirme que cette même région compte le plus faible taux d’agriculteurs permanents du pays (8% d’exploitants s’adonnant exclusivement à l’agriculture). Des interlocuteurs rencontrés, très rares sont ceux qui ne travaillent que dans le domaine agricole. Une grande majorité d’entre eux détient un

17 Atlas Agricole du Liban (cf. note 12).

18 Id.

emploi dans le secteur tertiaire (les professions de médecin, d’avocat et d’ingénieur sont fortement représentées). Ce paradoxe entre l’important rôle agricole de Koura et son faible taux de professionnels de l’agriculture laisse supposer que l’huile d’olive ne se produit pas forcément dans le but d’en vivre économiquement. Cette hypothèse pose une question fondamentale pour comprendre le contexte social qui m’intéresse : pourquoi – et comment – les

emploi dans le secteur tertiaire (les professions de médecin, d’avocat et d’ingénieur sont fortement représentées). Ce paradoxe entre l’important rôle agricole de Koura et son faible taux de professionnels de l’agriculture laisse supposer que l’huile d’olive ne se produit pas forcément dans le but d’en vivre économiquement. Cette hypothèse pose une question fondamentale pour comprendre le contexte social qui m’intéresse : pourquoi – et comment – les