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Au départ, la relation médecin-patient était considérée selon un modèle paternaliste où le médecin adopte une position d’expert et qu’il dicte au patient le comportement à suivre, ce dernier étant perçu comme en état de dépendance (Giroux, 2016). Par la suite, différents modèles ont été proposés à la communauté médicale tels que le modèle actif-passif où le médecin prend en charge le patient parce que celui-ci est dans l’incapacité de le faire, le modèle de guide-coopérant où le patient vulnérable décide de remettre le pouvoir décisionnel dans les mains du médecin et le modèle de participation mutuelle où le médecin et le patient travaillent sur un pied d’égalité et dans lequel le patient est actif dans la prise de décision concernant ses soins (Giroux, 2016).

L’importance grandissante accordée à l’alliance thérapeutique dans le milieu médical suit la tendance actuelle voulant que le patient soit davantage impliqué dans les décisions concernant son traitement, comme le stipule le modèle de participation mutuelle (Dubyna & Quinn, 1996; Stevenson et al., 2002; Berk et al., 2004). En effet, pour qu’il y ait alliance, il doit y avoir collaboration des deux parties afin d’en arriver à un accord au sujet des buts et des moyens à

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utiliser dans un contexte relationnel teinté d’affectivité (Horvath, 1994). Dans le milieu de la santé, l’accent est davantage mis sur l’égalité dans la relation entre le médecin et le patient où chacune des deux parties doit être en accord avec les décisions concernant le traitement au profit de la position autoritaire et directive plus traditionnelle du médecin (Berk et al., 2004; Vermeire et al., 2001).

La participation du patient aux décisions concernant son traitement est de plus en plus préconisée et encouragée dans les milieux de pratique afin de favoriser une bonne alliance de travail (Bennett, 2008, Dubyna & Quinn, 1996; Thomas, Alptekin, Mauri, Olivares, & Riedel, 2009; Mead, Bower, & Hann, 2002) et une meilleure adhérence aux comportements de santé (Berk et al., 2004; Deci & Ryan, 2008b). En effet, le partenariat entre le médecin et son patient est plus souvent préconisé vu la facilité d’accessibilité de l’information médicale pour le grand public, la hausse de la prévalence des maladies chroniques impliquant une relation à plus long-terme ainsi que la prise en charge plus autonome des traitements par les patients, l’importance grandissante accordée à l’empowerment du patient et la conception élargie de la personne du patient qui est passée d’uniquement biologique à biopsychosociale (Giroux, 2016; Fuertes et al., 2007).

L’alliance de travail du médecin et de son patient est une des composantes du modèle relationnel médical patient-médecin centré sur le patient. Une alliance de travail de qualité suppose que le patient et son médecin sont en accord avec les buts et objectifs du traitement, le traitement comme tel et ses composantes et qu’ils aient développé une relation de confiance et d’appréciation mutuelle (Fuertes et al., 2007).

Des auteurs avancent que l’aspect affectif de l’alliance de travail entre le médecin et son patient peut aider le patient en comblant ses besoins en tant qu’individu malade et donc vulnérable, angoissé et en détresse (Fuertes et al., 2007; Suchman & Matthews, 1988). Quant à l’accord au

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sujet des décisions médicales, cela augmenterait la confiance mutuelle, permettrait une meilleure communication entre le médecin et son patient, augmenterait la satisfaction du patient quant à son suivi médical et favoriserait l’adhésion du patient à ces décisions (Fuertes et al., 2007).

En effet, de nombreuses études ont entre autres lié la qualité de l’alliance de travail avec les comportements d’observance chez des patients souffrant de troubles physiques comme psychologiques (Zeber et al., 2008; Lacro & al., 2002; Fenton et al., 1997; Fuertes et al., 2007; Shrank et al., 2009; Awad, 2004; Keller, Hirschfeld, Demyttenaere, & Baldwin, 2002) et les croyances relatives à la médication des patients (Strauss & Johnson, 2006; DiMatteo, 2003; Fuertes et al., 2007). Certaines études indiquent même que l’alliance de travail serait le facteur le plus déterminant dans la prédiction des comportements d’observance (Zolnierek & DiMatteo, 2009; DiMatteo, 2003; DiMatteo, 1995; Holzinger, Loffler, Muller, Priebe, & Angermeyer, 2002; Llorca, 2008; Maly, Leake, Frank, DiMatteo, & Rueben, 2002).

D’autres études situent l’objectif du développement d’une bonne alliance de travail avec la personne qui consulte au centre du plan d’intervention pour favoriser les meilleurs résultats du traitement (Thomas et al., 2009; Julius et al., 2009). En effet, une alliance de mauvaise qualité ou l’absence d’alliance entre le médecin et son patient peut être lié à une mauvaise observance non intentionnelle (Sewitch et al., 2004) ou à l’échec du traitement (DiMatteo, 1998).

Aussi, des études examinant la relation entre la qualité de l’alliance de travail, l’observance du patient et ses croyances relatives à la médication ont démontré que la perception de la qualité de l’alliance par le patient a la plus grande influence sur les deux autres variables (Langer, 1999; Moses, 2004). Une étude de Zeber et collaborateurs (2008) a mesuré le lien entre l’observance du traitement psychopharmacologique et la qualité de l’alliance telle que perçue par la personne qui consulte chez 435 adultes ayant un trouble bipolaire. Les résultats de l’étude indiquent qu’une

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alliance de travail positive est significativement reliée au taux d’observance chez les patients (taille d’effet de 13% à 20%) (Zeber et al., 2008).

Une étude de Weiss, Smith, Hull, Piper et Huppert (2002) a obtenu des résultats semblables chez 162 adultes atteints d’un trouble psychotique. L’étude révèle que la qualité de l’alliance de travail est le prédicteur le plus fortement et constamment associé à l’observance de la prescription de médication par le patient (Weiss et al., 2002).

Toutefois, à travers les études, le concept d’alliance est souvent mal défini, voire non défini (Berk et al., 2004). Les composantes de l’alliance de travail en jeu dans les études la liant à l’observance et aux croyances relatives au traitement ne sont souvent pas identifiées ni même distinguées.

Malgré tout, certaines études ont tenté d’identifier les composantes de l’alliance de travail qui favorisent l’observance du traitement ainsi que les comportements et attitudes du médecin qui entraînent l’établissement d’une alliance de travail de qualité avec le patient (Vermeire et al. 2001). Une étude de Baumann, Baumann, Aubry et Alla (2005) a déterminé que les attitudes professionnelles des médecins favorisant l’alliance de travail avec leurs patients et l’observance de ces derniers à partir d’entrevues effectuées avec 40 adultes recevant un traitement médicamenteux. Les attitudes professionnelles se regroupent sous trois thèmes : la fonction d’information où le clinicien fournit de l’information claire au patient sur le traitement et ses effets secondaires, la fonction de communication où le médecin écoute la personne qui consulte et ses questions sur le traitement et la fonction d’éducation où il encourage l’observance du traitement, traitement découlant de l’accord entre le soignant et le patient (Baumann et al., 2005).

Une revue de littérature de DiMatteo (1995) sur les éléments de la communication entre le médecin et le consultant pouvant favoriser l’observance du traitement psychopharmacologique

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indique qu’une communication efficace et exacte de l’information, l’empathie, la sensibilité et le soutien face au vécu émotionnel du patient et l’établissement d’une confiance mutuelle sont essentiels à l’observance du traitement en plus d’augmenter la satisfaction du patient et son rappel des éléments d’information transmis.

Toujours selon la recension des écrits de DiMatteo (1995), un médecin qui se limiterait à discuter des symptômes sans s’attarder à l’expérience de la personne qui consulte et sa détresse, qui le presserait, dévaloriserait son point de vue, serait irrespectueux et peu à l’écoute risque d’influencer négativement la qualité de l’alliance de travail avec celui-ci en plus de limiter le partage des questionnements et inquiétudes du patient envers son traitement et ses difficultés relatives à celui-ci (inobservance, effets secondaires…).

DiMatteo (1995) énonce également que l’observance est fortement associée à l’implication du patient dans son traitement et les décisions relatives à celui-ci. Cette implication nécessite une bonne communication et une bonne collaboration entre le médecin et l’individu qui consulte, éléments favorisés par les contributions du clinicien susmentionnées.

Une autre revue de littérature au sujet de l’observance du traitement des patients identifie de nombreuses variables relatives à la relation entre le patient et le médecin qui sont régulièrement fortement associés à l’observance et souvent mises de l’avant dans les interventions visant à l’améliorer (Vermeire et al., 2001). Les caractéristiques du médecin favorisant l’observance sont d’être amical et accessible, collaboratif, centré sur le patient et son expérience, éducatif au sujet du trouble et du traitement et capable d’identifier adéquatement la problématique du patient (Vermeire et al., 2001). Le clinicien doit également être actif dans le développement et le maintien de la motivation du patient, de sa compréhension et de son rappel des informations transmises pour encourager l’adoption de comportements d’observance (Vermeire et al., 2001).

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Vermeire et coll. (2001) affirment de surcroît que la relation entre le soignant et le patient devrait être respectueuse du droit du patient à l’autodétermination et que le médecin devrait donc mettre l’emphase sur l’autonomie du patient dans le processus de traitement. Cette conclusion va dans le même sens qu’une autre revue de littérature effectuée par Berk et collaborateurs (2004) qui relève que les patients observant mieux leur traitement sont les plus impliqués dans la planification du traitement et ceux dont les cliniciens comprennent le mieux les attentes et demandes, par exemple en les suscitant dès la première rencontre. L’étude stipule également que les indications claires du médecin, une discussion relative aux effets secondaires du traitement, une compréhension mutuelle de l’expérience subjective du patient avec son trouble et du sens de celui- ci peuvent avoir un impact positif sur l’observance (Berk et al., 2004).