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L’expérience subjective des adolescents par rapport à la pharmacothérapie est différente de celle des adultes considérant les particularités de leur trouble (caractéristiques diagnostiques, chronicité des symptômes) et de leur traitement (type de médication psychotrope, durée du traitement, effets secondaires) ainsi que de leur stade développemental (Townsend, Floersch, & Findling, 2009).

Les adolescents transitent vers l’âge adulte par l’appartenance au groupe de pairs et le détachement de l’autorité parentale (Rappaport & Chubinsky, 1999), tâches développementales pouvant contrevenir à l’observance du traitement qui peut être perçu comme une tentative de contrôle sur eux, un frein au développement de leur autonomie ou un obstacle à leur sentiment

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d’invulnérabilité (Rappaport & Chubinsky, 1999). De plus, les effets secondaires de la médication psychotrope, particulièrement ceux se faisant sentir au niveau de l’image corporelle, peuvent constituer une grande source d’inquiétude et d’inconfort avec la prise de la médication pour les adolescents (Rappaport & Chubinsky, 1999). Finalement, la peur de la stigmatisation par les pairs peut également nuire à l’observance chez les jeunes.

Les adolescents comprennent et perçoivent les traitements à partir de croyances découlant de leur propre expérience du traitement et de l’interprétation de cette expérience par leurs parents et le médecin (Floersch et al., 2009).

Une étude récente de Emilsson et coll. (2017) auprès de 101 patients adolescents atteints de TDAH recevant une médication psychotrope va dans le même sens que l’étude présentée précédemment de Horne et Weinman (1999) en démontrant que l’écart entre la nécessité perçue de la médication et les inquiétudes s’y rapportant ainsi que les effets secondaires perçus prédisent l’inobservance au traitement psychopharmacologique avec une variance expliquée de 21% dans le cas de l’inobservance globale, 24% pour l’inobservance intentionnelle et 12% pour l’inobservance non intentionnelle.

Une étude auprès de 133 adolescents ayant des problèmes de santé chronique a évalué que les croyances relatives au traitement et à la maladie prédisent l’observance de la médication psychotrope (22% de variance expliquée) (Riekert & Drotar, 2002). Ce sont plus précisément les attentes quant aux effets négatifs de la prise de la médication (ex. : effets secondaires, stigmatisation…) qui défavorisent l’observance.

Une étude de Moline et Frankenberger (2001) auprès de 651 adolescents recevant un psychostimulant révèle que plus du tiers des jeunes désiraient cesser la médication psychotrope, légèrement moins de la moitié des jeunes voulaient continuer de la prendre et près d’un jeune sur

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quatre se disait indécis. Les jeunes déclaraient que l’effet bénéfique le plus important de leur médication est que leurs parents et professeurs les aiment davantage lorsqu’ils en sont sous l’effet. D’ailleurs, la réussite scolaire est l’effet bénéfique de la médication le moins souvent rapporté par les participants de l’étude, malgré que cela constitue un objectif du traitement. En fait, ceux-ci attribuent davantage leurs habiletés attentionnelles à leur intérêt pour la tâche qu’à un trouble neuropsychologique permanent (Moline & Frankenberger., 2001), ce qui a un impact sur la nécessité perçue de leur traitement psychopharmacologique. L’efficacité perçue de la médication sur l’attention à l’école et le fait d’aimer prendre la médication sont des facteurs prédicteurs de l’envie de continuer à la prendre. Les effets secondaires du traitement, quoique fréquemment rapportés, ne prédisent pas l’envie de cesser ou de continuer à faire usage de la médication psychotrope.

Une étude qualitative de Floersch et collaborateurs (2009) a exploré les croyances relatives au traitement et à la maladie mentale de 20 adolescents recevant une médication psychotrope. Il semble que les adolescents comprennent leur traitement et agissent sur celui-ci en fonction de leurs inquiétudes relativement au trouble dont ils sont atteints, la nécessité perçue de la médication, leur perception du fonctionnement de celle-ci, la gestion de leurs activités quotidiennes et l’influence des parents et des professionnels de la santé et leurs attitudes envers la pharmacothérapie (Floersch et al., 2009).

Dans cette étude, au niveau des expériences positives avec le traitement, la majorité des adolescents interviewés reconnaissent le changement comportemental et/ou émotionnel qu’a provoqué la médication au niveau de leur trouble ou leurs symptômes. Plusieurs jeunes identifient également des effets bénéfiques secondaires de la médication psychotrope tels que les aider dans leur relation avec les pairs, dans leur travail scolaire et à la maison. Certains adolescents

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entretiennent de grandes attentes relativement à leur traitement comme diminuer le stress à la maison, guérir leur trouble et empêcher les manifestations de colère (Floersch et al., 2009). Du côté des expériences négatives relativement au traitement psychopharmacologique, plusieurs jeunes de l’étude de Floersch et coll. (2009) souhaitent qu’il soit simplifié. Aussi, la grande majorité des jeunes rapportent vivre des effets secondaires liés à la médication psychotrope et certains rapportent être inquiets des effets indésirables de la médication comme la dépendance, le fait d’être trop heureux, excité ou la tendance à agir différemment.

Les auteurs de l’étude indiquent que la nécessité perçue de la médication et la perception positive de celle-ci seraient intimement liées aux attentes et espoirs des jeunes relativement aux effets du ressentis. Si ces attentes sont comblées et ces espoirs fondés, il est fort probable que les jeunes adoptent une attitude positive envers le traitement (Floersch et al., 2009). Si au contraire, les attentes des jeunes sont déçues (effets secondaires, attentes trop élevées…) ou les effets du traitement sont imperceptibles (faible compréhension du trouble, trouble ne causant pas de détresse psychologique ou en synchronie avec le soi), il y a des risques que les jeunes perçoivent leur traitement négativement et n’en reconnaissent pas sa nécessité (Floersch et al., 2009).