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Évaluation de l’interdiction de vente d’alcool et de tabac aux mineurs

des parents et des enfants, et éventuellement en milieu scolaire. Le manque de connaissance de la réglementation de la part des parents est souvent pointé, les buralistes se plaignant que ces derniers « envoient » leurs enfants acheter leur tabac, sans se préoccuper de la loi. Derrière ce message, se cache un leitmotiv des revendications buralistes : il faut d’abord éduquer les parents.

« …nécessité d’une campagne d’information touchant toutes les classes d’âges, afin de commencer par éduquer les parents, encore nombreux à confier leurs achats de tabac à leurs enfants » (La Revue des Tabacs, juin 2010 [13])

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de vendre aux moins de 16 ans puis 18 ans, droit de demander une pièce d’iden-tité, mention de poursuites judicaires en cas de non-respect) est plutôt mal inté-gré par les buralistes ou du moins les dispositions réglementaires sont très peu retenues. Les buralistes reconnaissent eux-mêmes ne pas y prêter attention, bien qu’ils l’aient apposé dans leur débit, « pour être en règle ».

« Bah ça c’est obligatoire pour tous les buralistes. »

« On peut être contrôlé alors je mets l’affiche, c’est comme pour les jeux, j’af-fiche tout comme ça je ne veux pas avoir d’ennuis. » (CNCT, 2011)

Le système de sanctions et de contrôles

Les mesures de la loi HPST visant à lutter contre le tabagisme des mineurs ont été assorties d’un éventail de sanctions qui sont rappelées dans le tableau ci-après.

Tableau C - Dispositions pénales aux infractions des mesures de protection des mineurs contre le tabagisme

Mesure Sanction applicable Articles de loi relatifs à la sanction Interdiction de vente de produits

du tabac ou ingrédients aux mi-neurs : extension de l’interdiction de 16 à 18 ans Article L.3511-2-1 du CSP modifié par l’article 98 de la loi HPST

Le non-respect de l’interdiction de la vente des produits du tabac ou ingrédients aux mineurs est puni d’une contravention de 4ème classe sauf si le contrevenant fait la preuve qu’il a été induit en erreur sur l’âge des mineurs

En outre, le contrevenant perd le bé-néfice de la prime de service public de proximité en faveur des débitants de tabac pendant trois années civiles

Article L.3512-1-1 du CSP Article R3512-3 du CSP

Article 6 du Décret n° 2012-1163 du 17 octobre 2012 portant création d’une prime de service public de proximité en faveur des débitants de tabac

Interdiction des cigarettes aromatisées

Interdiction de la vente, de la distribution ou de l’offre à titre gratuit de cigarettes aromatisées dont la teneur en ingrédients donnant une saveur sucrée ou acidulée dépasse des seuils fixés par décret. Article L.3511-2-2 du CSP modifié par l’article 98 de la loi HPST

Le non-respect de cette interdiction est puni de 100 000 d’amende (le maximum.

de l’amende pouvant être porté à 50

% du montant des dépenses con-sacrées à l’opération illégale).

En outre, la responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée.

Article L.3512-2 du CSP

Apposition d’une affiche spéci-fique rappelant l’interdiction de vente (Article D3511-15 du CSP)

Le législateur n’a pas affecté une autorité spécifiquement pour contrôler l’applica-tion des mesures de protecl’applica-tion des mineurs de la loi HPST. Il revient aux officiers de police judiciaire et aux agents de la force publique de rechercher, constater et

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dresser les procès verbaux pour établir les infractions. Ces procès verbaux sont transmis au procureur de la République. En cas de condamnation, le tribunal correctionnel peut ordonner que son jugement soit affiché à un certain nombre d’exemplaires et dans les lieux qu’il indique (articles 1, 2 et L.3353-6 du CSP).

L’impact du dispositif de sanctions prévues pour une bonne application de la loi est suspendu à la mise en œuvre effective des contrôles et des sanctions d’une part et au caractère dissuasif de ces dernières d’autre part. Dans le cas de l’inter-diction de vente de tabac aux mineurs, comme il a été dit pour le cas de l’alcool, le dispositif de contrôle prévu pour la mise en œuvre des sanctions en cas de non-respect de la loi pose la question de sa faisabilité. Outre l’incertitude concernant la mise à disposition effective des agents concernés pour la réalisation des contrôles – une incertitude de moyens pointée lors des débats parlementaires –, établir le constat de l’infraction s’avère difficile

À ce jour, on ne dispose pas de vision globale de l’activité de contrôle conduite depuis l’adoption de la loi, ni des sanctions infligées aux contrevenants.

La circulaire du 3 août 2011 relatives aux mesures de lutte contre le tabagisme prévues par la loi HPST enjoint aux préfets de département de mettre en œuvre localement un plan de contrôle et à fournir à leur préfet de région un bilan au 30 septembre 2011 de la mise en œuvre de ces mesures, des contrôles effectués et des infractions constatées, en vue d’une transmission au ministère de la Santé dans les trois mois suivant la publication de la circulaire. Une lettre circulaire rap-pelant ces modalités a été adressée aux préfets le 10 février 2012 par le ministère de l’Intérieur.

En réponse à une question parlementaire portant sur la mise en œuvre des contrôles, le ministère de la Santé a fait savoir le 9 octobre 2012 qu’il avait été destinataire des bilans réalisés dans trois régions et un département (Corse, Haute-Normandie, Lorraine et Eure-et-Loir). Un cas de non-respect de l’interdic-tion de vente de tabac aux mineurs lui a également été signalé et a donné lieu à une procédure spécifique.

Par ailleurs, un buraliste exerçant à Limoges a été traduit en justice, à la suite d’une plainte déposée par une mère de famille, pour avoir vendu du tabac à une mineure de 17 ans et 9 mois au moment des faits. Le 18 novembre 2011, sur citation du CNCT, le buraliste a été reconnu coupable mais dispensé de peine. En seconde instance, la Cour d’appel de Limoges a rejeté toute responsabilité pénale du buraliste. Le CNCT s’est pourvu en cassation, la procédure judiciaire était tou-jours en cours en octobre 2012 [24].

Les entretiens avec les débitants permettent de disposer de quelques éléments d’information : le caractère dissuasif du dispositif de contrôle en place n’y appa-raît pas ou peu. En 2011, les buralistes, tout en ayant connaissance de la possibi-lité de faire l’objet de contrôles par les autorités, signalent qu’ils sont rares et se sentent peu concernés. D’autant plus qu’ils identifient mal les autorités censées les contrôler, et craignent plutôt les « provocations » (selon un terme employé dans la presse), c’est-à-dire une stratégie émanant de parents ou d’associations, visant à les mettre en défaut et déposer une plainte à leur encontre.

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« Il y a des amendes, on peut avoir des contrôles mais jusqu’à présent on n’en a pas eus. »

« Je ne pense pas que ce soit la police qui contrôle, c’est plutôt des inspecteurs qui viennent et qui vérifient comme dans les magasins pour la vente d’alcool aux mineurs. »

« Et puis comme l’affaire avec la plainte de la mère de famille, vous voyez les proportions que cela peut prendre ! Je crois bien que c’est au Mans qu’il y avait eu une histoire et ils avaient envoyé un mineur en éclaireur exprès. » (CNCT, 2011)

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Application de l’interdiction