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Des deux côtés de l’Atlantique Nord, les bars sont des espèces économiquement importantes et à forte valeur patrimoniale. Bien que le bar européen et le bar rayé ne soient pas du même genre, ces espèces appartiennent toutes les deux à la famille des Morinidae (Tableau 1). Les genres Morone et Dicentrarchus formeraient une lignée monophylétique, c’est-à-dire qu’ils seraient issus d’un même ancêtre commun (Williams et al. 2012). L’hypothèse de la présence d’un ancêtre commun anadrome, dont M. saxatilis, serait une radiation évolutive plus récente que D. labrax a été avancée par différents auteurs (Leclerc et al. 1999, Williams et al. 2012).

Tableau 1: Nomenclature des espèces

Au cours des 2 dernières décennies, et à l’image de nombreuses espèces de l’Atlantique Nord-Est, l’aire de répartition du bar européen s’est très largement étendue vers le nord (Figure 6). Alors que dans les années 90, la limite septentrionale de son aire de distribution était le sud de la Mer du Nord (Pickett et Pawson 1994), il est aujourd’hui très couramment pêché dans les fjords norvégiens, d’Oslo à Tromsø. On retrouve le bar européen dans les eaux côtières mais aussi dans les eaux saumâtres des zones estuariennes, les lagunes côtières, et parfois en rivières. Cette espèce est considérée comme eurytherme et euryhaline, capable de tolérer une large gamme de températures (de 2 à 32°C; Hidalgo et

Alliot 1988) et de salinités (de 0.5‰ à 40‰; Eroldoğan et al. 2004). Depuis 2005, les stocks de bars européens sont menacés par la surpêche et la pollution qui induisent un déclin des populations (ICES 2018).

Figure 6: Carte de distribution du bar rayé (Morone saxatilis) et du bar européen (Dicentrarchus labrax). L’aire en jaune représente l’aire géographique où est présente l’espèce (fonds de carte modifiés de Freytof et Kottelat 2008, NatureServe 2013).

Le bar rayé (M. saxatilis) est un poisson typique des estuaires et du littoral de la côte Est de l’Amérique du Nord (Scott et Scott 1988). Son aire de distribution naturelle couvre la côte Est de l'Amérique du Nord, de l’estuaire du Saint-Laurent à la rivière St. Johns, dans le nord de la Floride (Figure 6). Poisson anadrome, le bar rayé doit se déplacer, pour compléter son cycle vital, entre un habitat de reproduction en eau douce et des aires d’alimentation en eau saumâtre ou salée, en estuaire ou le long des côtes. Aux stades d’immature et d’adulte, on retrouve ponctuellement le bar rayé dans les habitats côtiers et les milieux estuariens (Bain et Bain 1982). En revanche, les populations canadiennes de bar rayé sont caractérisées par une remontée automnale et un hivernage en eau douce ou saumâtre. Dans le passé, on dénombrait au Canada trois populations distinctes de bars rayés, dont une au Québec occupant une partie du fleuve et de l’estuaire du Saint-Laurent (Figure 6). La population de bars rayés du fleuve du Saint-Laurent a longtemps été exploitée dans le cadre de pêches commerciales et sportives, mais a disparu vers le milieu des années 1960 (Pelletier et al. 2011). La surexploitation par la pêche, les activités de

dragage et d’entretien de la voie maritime, ainsi que le braconnage seraient les causes probables de sa disparition (Beaulieu 1985, Beaulieu et al. 1990). Depuis lors, les travaux de réintroduction de l’espèce ont débuté et sont toujours en cours pour essayer de rétablir une nouvelle population dans le corridor fluvial du Saint-Laurent.

Le bar européen et le bar rayése situent à un niveau trophique similaire. Considérés comme superprédateurs, le bar européen et le bar rayé sont adaptables et opportunistes, ce qui leur permet de se nourrir avec les proies les plus abondantes (Boulineau-Coatanea 1969, Kennedy et Fitzmaurice 1972, Hartman et Brandt 1995, Sánchez Vázquez et Muñoz- Cueto 2014). Les jeunes bars, de petite taille, se nourrissent d’invertébrés aquatiques et deviennent majoritairement piscivores avec l’âge et l’augmentation de leur taille (Boynton et al.1981, Gardinier et Hoff 1982, Rulifson et McKenna 1987, Sánchez Vázquez et Muñoz-Cueto 2014). En revanche, leur écologie trophique, notamment la nature des proies consommées diffère en fonction de l’accomplissement de leur cycle de vie, et de l’habitat qu’ils occupent (Hartman et Brandt 1995). Issues d’un ancêtre commun, et morphologiquement proches, ces deux espèces se différencient largement lorsque l’on étudie leurs traits d’histoire de vie (Secor 2002, Tableau 2). Les deux espèces n’évoluent pas dans le même habitat, leur écologie est différente: D. labrax se reproduit en mer alors que son cycle de vie se déroule principalement dans les eaux côtières et parfois en estuaires; M. saxatilis possède un cycle de vie majoritairement estuarien et fraye en eau douce. A la lumière des traits d’histoire de vie de chacune des espèces (Tableau 2), on observe que D. labrax et M. saxatilis possèdent globalement une stratégie de reproduction différente. En effet, la taille des œufs (rayé > européen), le taux de croissance larvaire (rayé > européen), l’âge de maturité des femelles (rayé > européen), la longévité des femelles (rayé > européen), le temps de génération des femelles (rayé > européen) ou encore la taille maximale des femelles (rayé > européen) soulignent des différences marquées. Nous avons donc choisi ces deux espèces, car elles semblent avoir un rythme de vie différent (voir partie « Les stratégies de vie des espèces », page 4): D. labrax possèderait un rythme de vie rapide tandis M. saxatilis aurait un rythme de vie plus lent.

Tableau 2: Traits d’histoire de vie du bar européen (Dicentrarchus labrax) et du bar rayé (Morone saxatilis, inspiré de Secor 2002)

Le bar européen est une espèce dont la domestication est bien maitrisée en Europe, car elle est depuis longtemps élevée en aquaculture et utilisée comme espèce modèle pour la science. En revanche, il existe très peu de données concernant le bar rayé. La plupart des publications datent des années 70-90, où un engouement certain s’est développé aux Etats- Unis pour l’aquaculture du bar rayé hybride (croisement entre un bar rayé [M. saxatilis] et un bar blanc [M. chrysops]), aussi appelé bar américain, palmetto bass (♀ saxatilis × ♂ chrysops) ou sunshine bass (♀ chrysops × ♂ saxatilis; Hodson 1990). Le bar rayé hybride présente une meilleure croissance que le bar rayé (Smith et al. 1985), ce qui explique l’engouement pour sa production et les différentes études scientifiques portant sur cet hybride. Par le passé, le bar rayé a suscité un intérêt limité parmi la communauté scientifique, mais les défis de protection et de réintroduction actuels nécessitent l’acquisition de nouveaux savoirs scientifiques sur cette espèce.

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