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Selon les projections, la population mondiale devrait atteindre 9.3 milliards d’habitants en 2050 (United Nation 2017). La pêche à elle seule, ne parviendra pas à subvenir au besoin de cette population croissante. D’ici 2050, il est prévu que la majorité des produits de la mer consommés proviennent de l’aquaculture (Diana 2009, Tacon et Metian 2013). Les bénéfices d’une alimentation riche en poissons sont basés sur l’abondance des omégas 3 à longue chaîne, ainsi que de la qualité des protéines, des acides aminés, des vitamines et des minéraux caractéristiques aux poissons (Tacon et Metian 2013). En effet, le poisson représente la première source d’oméga-3 à longue chaîne (EPA et DHA) pour l’Homme (Arts et al. 2009). Les bienfaits de ces acides gras sur la santé

humaine ont été démontrés par de nombreuses études (pour revue: Riediger et al 2009). C’est pourquoi les autorités sanitaires de plusieurs pays recommandent une augmentation de la consommation des omégas-3 à longue chaîne par la population (pour revue voir: Salem et Eggersdorfer 2015). Dans un contexte où un déclin d’oméga 3 est en cours au plus bas des réseaux trophiques aquatiques (phytoplancton), où la majorité des stocks de poissons sont surexploités (Jackson et al. 2001, Pauly et al. 2002), la nutrition des poissons est un enjeu crucial pour relever les défis de l’aquaculture de demain et valoriser au mieux l’utilisation des omégas 3 à longue chaîne EPA et DHA. A noter qu’en parallèle la recherche sur des sources alternatives d’EPA et DHA durables est en pleine expansion (AGLPI n-3 d’origine algale [Ryckebosch et al. 2014], végétaux génétiquement modifiés [Petrie et al. 2012, QI et al. 2004, Venegas- Calerón et al. 2010], huile de krill [Olsen et al. 2006]).

Ces dernières années, d’énormes progrès ont été réalisés dans le domaine aquacole concernant la nutrition des poissons. En aquaculture, le but est d’obtenir un taux de croissance important pour assurer une certaine rentabilité, tout en s’assurant que l’animal est en santé et qu’il ait une bonne qualité nutritionnelle finale. C’est pourquoi une partie importante des recherches s’est concentrée sur la détermination du besoin nutritionnel en AG, plus particulièrement AGLPI n-3 et n-6 et de leurs impacts sur la physiologie des poissons. Chez plusieurs espèces il a été démontré qu’une déficience en AGLPI ou un déséquilibre entre les voies n-3 et n-6, pouvait affecter les fonctions immunitaires et ainsi induire une réponse inflammatoire (Henderson et al. 1985, Sheldon Jr. et al. 1991, Lie et al. 1992, Ashton et al. 1994, Kiron et al. 1995, Bell et al. 1996, Montero et al. 2003, Ganga et al. 2005). Les AGLPI sont également impliqués dans la résistance au stress et aux maladies (pour revue, voir Sargent et al. 2002). Ces AG ont un rôle essentiel en tant que précurseurs des eicosanoïdes qui sont des médiateurs cellulaires agissant sur le système nerveux, l’excrétion rénale et branchiale et l’osmorégulation (Bell et al. 1996, Tocher 2003). Très peu d’informations sont disponibles concernant les besoins nutritionnels du bar rayé. En revanche pour le bar européen le besoin en EPA + DHA, en condition d’élevage piscicole, a été établi à 0.7% n-3 AGLPI de la MS (Skalli et Robin 2004).

En étudiant la composition lipidique des aliments commerciaux couramment utilisés pour le bar européen, notamment leur contenu en EPA et DHA on peut observer que ces contenus sont 4 à 5 fois supérieurs aux besoins qui ont été définis par Skalli et Robin (2004 ; cf la gamme Néo Start, Le Gouessant). Ces données expliquent pourquoi les bars issus d’élevage sont souvent plus gras et plus riches en EPA et DHA que les bars sauvages (Bhouri et al. 2010, Orban et al. 2003). Notre étude sur le bar européen montre qu’avec AL++ (richesse équivalente aux aliments commerciaux), la croissance est améliorée par rapport à AL (richesse équivalente au besoin de l’espèce). Pour rappel, la croissance est un trait intégrateur, c’est-à-dire qu’elle est dépendante de nombreuses fonctions physiologiques. C’est le trait le plus recherché et donc étudié en aquaculture. En revanche, ce bénéfice peut ne pas être profitable à l’ensemble des traits d’une espèce. Comme l’a montré notre étude, les poissons nourris avec AL présentaient de meilleures performances de nage (bar européen) et de résistance au stress thermique (bar rayé) sans pour autant montrer de signe clinique physiologique (bar européen). Ces résultats montrent donc l’importance d’avoir une approche multi-traits lors de la définition du besoin chez une espèce particulièrement lorsque les études se situent dans un contexte écologique, avec des conditions environnementales pas toujours très favorables contrairement au contexte piscicole. Cette observation pose clairement la question d’une redéfinition du besoin tel que celui établi actuellement.

Un nouvel indice a été calculé dans le cadre de cette thèse et pourrait permettre de mieux appréhender le besoin nutritionnel des espèces en lien avec les conditions d’élevage ou environnementales: l’indice nutritionnel environnemental (INE). Cet indice a été construit en se basant sur le postulat que la composition en AG des tissus (notamment muscle et foie) chez les poissons reflète celle de l’alimentation (Person-Le Ruyet et al. 2004, Gourtay et al. 2018). L’INE permet de recalculer les besoins nutritionnels en AG en fonction d’une condition environnementale, afin d’évaluer comment cette condition impacte le besoin en lui-même. Non seulement cet indice permet de s’affranchir de la composition en AG des aliments utilisés, des conditions expérimentales/ environnementales testées mais permet également une comparaison inter-espèces. Dans le cadre des travaux

réalisés sur le bar rayé, la condition physiologique des poissons a pu être reliée à l’INE. Pour ce qui est de l’étude du bar européen, on peut observer que les besoins des poissons élevés à 15°C et ayant reçu AL, étaient les moins bien couverts en AG, excepté en EPA (ENI > 1, Figure 25), ce qui pourrait peut-être expliquer le faible taux de croissance observé. De manière surprenante, au second temps d’échantillonnage, les poissons ont dû mettre en place des mécanismes compensatoires car leur ENI était semblable aux juvéniles élevés à 20°C. L’ENI des poissons à 20°C est resté stable, en revanche seuls les besoins en AGE étaient couverts. L’ENI corrobore l’idée que ces poissons, élevés à 15°C étaient à un stade physiologique plus précoce, dans ce cas on observe une « dynamique » du besoin nutritionnel. Pour ces poissons, l’indice souligne également que le DHA est fortement préservé, voire synthétisé (ce qui pourrait confirmer la tendance [non significative] observée pour l’expression du gène fads2 dans le chapitre 2, expression la plus élevée chez les RD 15°C à la fin de l’expérimentation). Chez nos deux espèces, cet indice met en évidence l’importance de l’acide palmitique comme indicateur d’une situation physiologique inconfortable, surement du fait de son rôle énergétique.

Figure 25: Effet du temps et de la température sur l’indice environnemental nutritionnel (ENI) chez les juvéniles de bar européens. DD : degrés-jours.

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