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Chapitre VIII : L’interprétation des résultats

1. Les représentations sociales des enseignantes quant aux disciplines de

1.2 L’interprétation des résultats pour la discipline de la géographie

La structuration de la vision de la géographie chez nos participantes est comparable à plusieurs niveaux avec la discipline précédente. Les enseignantes ont aussi décrit la géographie d’une multitude de façons, et, de la même manière que l’histoire, elles ont structuré leur vision sur un seul aspect lié à la définition du MELS (18 d’entre elles). En- core une fois, ceci nous laisse perplexes, car le programme de formation des enseignantes du primaire définit la géographie autour de quatre (4) composantes. Essentiellement, les enseignantes considèrent que la géographie s’articule autour du rapport de l’Homme avec la nature. Ainsi, l’étude de l’espace, notre relation avec l’espace et le développement de notre culture deviennent très secondaires dans leur vision de cette discipline.

Le schéma 8.2 nous illustre clairement ce qui a influencé les enseignantes dans la structuration de leurs représentations de la géographie. La première sphère d’influence entourant la création de la représentation de la géographie demeure toujours le monde scolaire. Encore une fois, le passage des enseignantes au niveau secondaire constitue l’élément déterminant dans la mise sur pied des bases de leur noyau. À l’instar de l’histoire, les enseignants et les savoirs scolaires en géographie ont un poids important dans la mise sur pied du noyau et de ses éléments périphériques.

Pour certaines enseignantes, le niveau primaire a aussi été mis à contribution. Bien que très limitée comme influence, certaines enseignantes avaient des souvenirs de leur passage à ce niveau et les activités d’enseignement d’alors avaient tout de même apporté des éléments périphériques. Le niveau primaire avait-il d’ores et déjà formé leur noyau de la représentation de la géographie? Les enseignantes ne pouvaient pas nous préciser cette information. Il serait par contre probable que certains éléments du noyau furent mis en place au primaire, mais que la fusion de ceux-ci dans une pensée structurée fut établie au niveau secondaire.

Certaines enseignantes nous ont mentionné une influence du monde universitaire dans la formation de leurs représentations. Bien que très limitées également, les données nous révèlent que les cours universitaires sont venus consolider leur vision de la géogra- phie plutôt qu’apporter un changement. Nous avions exposé plus tôt un questionnement

quant à l’influence des cours d’univers social dans la formation des maîtres au Québec. Encore une fois, les données recueillies nous forcent à nous questionner sur l’impact réel de ces cours dans la structuration de la vision de l’univers social et de la géographie des enseignantes. Cherchons-nous dans ces cours à modeler leur vision aux nouvelles ten- dances didactiques? Cherchons-nous à consolider leurs savoirs? Cherchons-nous à struc- turer leur vision de la géographie? Nous devons admettre que les étudiantes en éducation arrivent déjà à l’université avec une représentation bien ancrée et que celles-ci semblent imperméables aux savoirs enseignés. Une analyse plus approfondie de cette situation nous apparaît importante.

De plus, les enseignantes nous ayant exprimé que le monde universitaire a joué un rôle dans leurs représentations étaient toutes de jeunes enseignantes. Or, aucune ensei- gnante « aguerrie » ne nous a mentionné que le monde universitaire avait aidé à structurer leurs visions. Il se dégageait plutôt une idée contraire où aucun souvenir ou savoir pro- bant n’est sorti de leur formation. Nous constatons qu’il existe véritablement un fossé entre le monde universitaire et les enseignantes une fois sur le marché du travail. Nous réitérons l’importance de créer des ponts entre les didacticiens et les enseignantes en exercice afin d’atténuer l’écart entre les nouveautés didactiques en sciences humaines et les pratiques en classe.

La deuxième sphère d’influence autour de leur noyau reste les influences liées à leur vie d’adulte. Ce qui est intéressant dans notre analyse est la similitude avec la repré- sentation de l’histoire. En fait, mis à part des éléments propres à l’histoire au regard de la généalogie et des musées, les éléments périphériques sont identiques, d’autant plus que ces enseignantes ont aussi exprimé que les modifications de leurs représentations se sont situées à ce niveau. Encore une fois, ces modifications n’ont pas modifié le noyau, mais certains éléments périphériques ont redonné les lettres de noblesse à la géographie. En fait, l’influence scolaire avait, pour la plupart des enseignantes, terni leur vision de la géographie. Avec le temps et le développement de leurs intérêts géographiques, leur vi- sion de cette discipline s’est améliorée.

Schéma 8.2

La troisième sphère d’influence autour de leur noyau demeure l’influence fami- liale. Si les relations des enseignantes avec leurs proches restent des éléments importants dans la structure de leurs représentations, les voyages familiaux sont probablement en- core plus marquants. Les voyages en bas âge (avant leur arrivée à l’école secondaire) sont pour nous une révélation dans cette étude quant à l’impact sur le noyau. Si les voyages à l’âge adulte ont aidé à voir plus positivement la géographie, l’adage indiquant que les voyages forment la jeunesse prend ici une signification intéressante. En bas âge, les voyages structurent non seulement les éléments périphériques de leurs représentations, mais aussi leur noyau. L’accès à des cultures différentes, ainsi qu’à des paysages et à un environnement différents est déterminant dans sa représentation de la géographie.

Les modifications professionnelles et personnelles jouent un rôle dans la remise en question de leur vision de la géographie. Or, si la représentation de l’histoire possédait seulement deux vecteurs externes exerçant une « pression » sur celle-ci, la géographie en possède un troisième. Il est intéressant de noter que les pressions sociales sont impor- tantes à ce niveau. Ces pressions sociales représentent des éléments médiatiques, mais aussi une évolution du regard social posé sur l’environnement en général. Les discussions entourant un possible réchauffement planétaire, la pollution et les efforts de nos sociétés contemporaines à baisser leur production de gaz à effet de serre sont autant d’éléments venant confronter leur vision de la géographie. Plus tôt, nous décrivions l’impact que pourrait avoir une valorisation de l’histoire dans nos sociétés sur les représentations so- ciales des enseignantes. Nous avons ici un exemple concret de l’importance de ce mou- vement social à l’égard de l’environnement et de l’influence exercée sur leurs représenta- tions de la géographie.

Nos réflexions sur les représentations sociales des enseignantes quant à la géogra- phie nous forcent à admettre que les enseignantes n’engagent presque aucune discussion sur cette discipline dans leur milieu de travail. Nous avions évoqué antérieurement des réflexions quant à la place de l’univers social dans les réflexions éducatives des ensei- gnantes lors des journées pédagogiques. Or, la géographie ne fait guère mieux que l’histoire. Les chercheurs en didactique doivent impérativement se pencher sur cette

question afin de trouver un moyen d’intégrer les sciences humaines dans les réflexions éducatives des enseignantes du primaire, sans quoi la dérive entre les savoirs « savants et didactiques » et les savoirs « scolaires » ne fera que s’accentuer.

1.3 L’interprétation des résultats pour la discipline de l’éducation à la citoyenneté

L’analyse des représentations sociales des enseignantes quant à l’éducation à la ci- toyenneté a été une source de découvertes pour nous. Nouvelle arrivée au sein de la fa- mille des sciences humaines, cette jeune discipline était une source de questionnements pour plusieurs enseignantes. Au cœur de leurs représentations, les enseignantes, en grande majorité, nous ont signalé considérer le développement d’une conscience ci- toyenne comme description de l’EDC. Cette orientation de l’EDC est aussi structurée à partir d’éléments périphériques autour du noyau semblable à l’histoire et à la géographie, mais avec des nuances importantes.

La première sphère d’influence entourant leur noyau demeure le monde scolaire, mais, contrairement à l’histoire et à la géographie, le niveau secondaire n’est pas aussi déterminant. Cela s’explique principalement parce que cette discipline ne se retrouvait pas à l’intérieur du cursus scolaire lors de leur passage à ce niveau d’enseignement. Par contre, les enseignantes ont facilement associé l’enseignement moral aux buts et aux ob- jectifs de l’EDC. Ainsi, elles ont été en mesure de nous signaler que l’école primaire et secondaire avaient tout de même joué un rôle important dans la création de leurs repré- sentations.

À cela s’ajoute le rôle joué par leur formation universitaire dans la structuration de leur vision de l’EDC. Contrairement à l’histoire ou à la géographie, leurs cours de didac- tique ont ouvert un terrain presque « vierge » en matière de connaissances et de compé- tences à développer vis-à-vis de cette discipline. Il est évident que les enseignantes ayant une formation des maîtres échelonnée sur quatre (4) ans et ayant récemment obtenu leur diplôme se retrouvent avantagées, car l’EDC vient à peine d’être intégrée à la program- mation universitaire.

Une autre particularité dans la structuration des représentations sociales des ensei- gnantes réside dans l’apport de l’expérience professionnelle dans cet exercice. Les lec- tures et la préparation de leur enseignement ont largement aidé les enseignantes à com- prendre et à saisir les particularités de l’EDC.

Le traitement de nos données nous a aussi permis d’inverser deux sphères d’influence chez les enseignantes. L’influence familiale devient un enjeu plus important chez les participantes que les expériences liées à leur vie adulte. Nous ne nous attendions pas à voir ce phénomène, d’autant plus que les éléments périphériques liés à la famille se résument à un seul élément : l’éducation à la maison. À la lecture de ces données, nous pouvons mieux saisir la portée de l’association de l’éducation morale délivrée par l’école et l’éducation à la maison dans la structuration de leurs représentations. Malgré cet unique élément, il demeure essentiel chez de nombreuses enseignantes dans leur vision de l’EDC.

La dernière sphère d’influence liée aux événements de leur vie d’adulte vient clôtu- rer l’ensemble des éléments périphériques de leur noyau. Encore là, le passage du temps et l’actualité demeurent importants, mais la présence de la « formation personnelle » ap- porte une singularité. À l’intérieur de cet élément périphérique, nous voyons l’importance de la curiosité des enseignantes quant aux questions sociales. Leurs intérêts personnels sont ainsi directement transposés dans leurs représentations, mais aussi dans leur ensei- gnement. De toutes les disciplines en sciences humaines, l’éducation à la citoyenneté était la moins « solide » conceptuellement. Voilà pourquoi nous retrouvons beaucoup plus de vecteurs externes pouvant influencer les représentations des enseignantes. Aux modifica- tions personnelles et professionnelles, ainsi qu’aux pressions sociales, s’ajoutent l’environnement et les médias. Or, la difficulté dans notre analyse a été de savoir si leurs représentations de l’EDC avaient effectivement évolué au cours des dernières années. Tout près de la moitié de nos participantes n’ont pas été en mesure de répondre à cette question. Ce manque de précision quant à la représentation sociale des enseignantes en éducation à la citoyenneté a aussi été relevé par Moisan (2010) pour les enseignants du secondaire. La nouveauté de cette discipline dans le cursus scolaire explique beaucoup

cet état de fait, selon cette étude. Reste à savoir si, avec le temps, la représentation sociale des enseignantes du primaire évoluera et, si oui, de quelle manière?

Puisque l’EDC est une nouvelle discipline, nous nous attendions à ce que les ensei- gnantes discutent plus régulièrement de celle-ci entre elles. Or, tout comme l’histoire et la géographie, presque aucune discussion n’a lieu dans les écoles. Ainsi, cela nous confirme l’importance d’analyser ce phénomène plus en détail.

2. LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DES ENSEIGNANTES QUANT À