2.4 Mesures optiques
2.4.1 L'interféromètre de Martin-Puplett
Principe de fonctionnement
L'interféromètre de Martin-Puplett est un spectromètre à transformée de Fourier. Il
nous permet de mesurer la variation de fréquence de résonance des résonateurs en
fonc-tion de l'énergie des photons illuminant les résonateurs. La descripfonc-tion du principe de
fonctionnement de l'interféromètre de Martin-Puplett est reprise du Supplementary
Ma-terial de l'article Circuit Quantum Electrodynamics of Granular Aluminum Resonators,
arXiv :1802.01859 (2018) de N. Maleeva et al [9], dont je suis co-auteur. L'interféromètre
de Martin-Puplett est schématisé en gure 2.6. Le signal optique provient de deux sources
diérentes : l'une est à 300 K et l'autre à la température de l'azote liquide : 77 K. Ces
sources sont considérées comme des corps noirs à leur température respective. Le signal
optique provenant de ces corps noirs est modulé en amplitude grâce à un polariseur
tour-nant P1 dans le but de réaliser une détection synchrone. Le polariseur P1 tourne sur
lui-même à une fréquencew
p, ce qui engendre en sortie de P1 un faisceau possédant deux
polarisations orthogonales. Le faisceau passe dans une grille séparatrice, constituée d'un
assemblage de ls d'or parallèles, à 45 degrés par rapport à l'axe optique. La composante
du faisceau parallèle aux ls de la séparatrice est transmise vers un miroir en coin xe.
La composante du faisceau perpendiculaire aux ls de la séparatrice est rééchie vers un
autre miroir en coin, mobile quant à lui. Les miroirs en coin rééchissent les faisceaux
lumineux en renversant leur polarisation de 90 degrés. Le miroir mobile peut se
transla-ter d'une distance dx, créant une diérence de marche optique entre les deux faisceaux
δ= 2dx, occasionnant une diérence de phasedφ= 2π
λδdonnant lieu à des interférences.
Les deux polarisations ont fait une rotation de 90 degrés par rapport au moment où elles
ont rencontré la séparatrice pour la première fois. Lorsque ces deux faisceaux repassent
par la séparatrice, celui qui a été transmis la première fois est maintenant rééchi et
celui qui a été rééchi est maintenant transmis. Les deux faisceaux rencontrent alors un
polariseur P2 placé devant le cryostat. Seule la polarisation orthogonale est transmise au
cryostat, en passant par une lentille à 300 K.
Figure 2.6 Schéma de l'interféromètre de Martin-Puplett, extrait de l'article [9].
L'intérêt de l'interféromètre de Martin-Puplett par rapport à un spectromètre à
trans-formée de Fourier de type vertex de la compagnie Bruker par exemple réside dans le fait
qu'il peut couvrir tout le domaine millimétrique et sub-millimétrique, grâce à la nature
de sa grille séparatrice [10]. L'or est le seul matériau qui assure 50% de réexion et 50%
de transmission dans le domaine millimétrique sans aucune absorption.
Interférogramme et spectre
L'intensité du faisceau arrivant sur les résonateurs pour une longueur d'onde vaut :
I(δ)∝I
0(λ)(1 + cos(2πδ
λ))
Lorsqu'on intègre sur toutes les longueurs d'onde, on obtient un exemple
d'interféro-gramme présenté en gure 2.7. Le maximum de l'interférod'interféro-gramme se situe à l'origine, soit
pour une diérence de marche optique nulle, car dans cette conguration les diérentes
longueurs d'onde interfèrent de manière constructive exclusivement. Pour une diérence
de marche non nulle, il y a des interférences constructives et destructives. Après calcul de
la transformée de Fourier de l'interférogramme, on obtient le spectre présenté en gure
2.7. On a tracé la variation de la fréquence de résonance des résonateurs en fonction de
la fréquence des photons incidents. Comme expliqué lors du chapitre sur la
présenta-tion des résonateurs supraconducteurs, dans le cas standard ces derniers absorbent les
photons d'énergie supérieure à2∆, modiant la densité de quasi-particules dans le
supra-conducteur et la fréquence de résonance. Les spectres Martin-Puplett permettent ainsi
une mesure directe du gap supraconducteur.
Figure 2.7 A gauche : exemple d'interférogramme sur un échantillon d'aluminium. On
a tracé la variation de fréquence de résonance des résonateurs en fonction du déplacement
du miroir mobile. A droite : spectre obtenu par la transformée de Fourier de
l'interféro-gramme de gauche. La transition donne la valeur de deux fois le gap supraconducteur2∆.
Les courbes rouges sont les données récoltées sur plusieurs résonateurs et la courbe noire
représente la moyenne.
Caractéristiques de l'instrument
L'interféromètre de Martin-Puplett est un instrument optique large bande. La
fré-quence maximale de photons arrivant sur les résonateurs est reliée au pas p de
déplace-ment du miroir mobile suivant :
f
max= c
2p
avec cla vitesse de la lumière dans le vide.
Si on considère un pas de 10 µm, on obtient f
max= 15 T Hz. L'interféromètre de
Martin-Puplett est ainsi capable de couvrir une gamme allant de 0 jusqu'à plusieurs THz.
En pratique, on place devant les résonateurs un ltre passe-bas qui coupe les fréquences
des photons ν très supérieures au double du gap supraconducteur 2∆. Comme on va le
présenter dans les chapitres suivants, on s'intéresse à déterminer la valeur de ∆dans nos
échantillons ainsi qu'à observer des excitations sous le gap, lorsqu'elles sont visibles sur
les spectres Martin-Puplett.
Par ailleurs, la résolution en fréquence de l'appareil f
resest reliée à la distance totale
que peut parcourir le miroir mobile en un aller L suivant :
f
res= c
2L
Avec L= 110 mm, qui est la distance maximale que peut parcourir le miroir mobile
de notre instrument, on obtient f
res= 1.3 GHz. La résolution en fréquence des spectres
Martin-Puplett est donc de l'ordre du GHz.
Absorption de photons sous le gap
On montre dans la troisième partie de ce manuscrit que certains résonateurs, fabriqués
dans un matériau supraconducteur adapté, peuvent absorber des photons ayant une
éner-gie très inférieure à deux fois le gap supraconducteur, ce qui constitue un phénomène non
standard, comme on l'expliquera dans la suite. On montre à titre d'exemple un spectre
Martin-Puplett en gure 2.8 sur lequel on observe des gures d'absorption sous le gap
supraconducteur, dans des résonateurs d'oxyde d'indium.
Figure 2.8 Exemple de spectre illustrant l'absorption par les détecteurs à inductance
cinétique de photons ayant une énergie inférieure à deux fois le gap. Un ltre passe-bas
dans le cryostat empêche les photons d'énergie très supérieure à deux fois le gap d'arriver
jusqu'aux résonateurs.
Pour sonder ces zones de basse énergie, on va utiliser une antenne radio-fréquences,
grâce à laquelle on peut sélectionner la fréquence ainsi que la puissance des photons
délivrés.
Dans le document
Spectroscopie optique au sub-THz et au sub-Kelvin de supraconducteurs
(Page 39-43)