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CHAPITRE I. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

1. L ES VOIES DE DEFENSE CHEZ LES VEGETAUX

1.1. L’interaction hôte incompatible : cas de la résistance qualitative

Les résistances qualitatives, dites aussi résistances totales, mettent en jeu les deux mécanismes du système immunitaire de la plante que sont la PTI et l’ETI. La PTI est mise en place au niveau de la plante hôte par la reconnaissance de différents motifs : i) des motifs issus de l’hôte lui-même suite aux dommages qui lui sont causés par l’agent pathogène et qui sont nommés DAMP pour Damage Associated Molecular Patterns et ii) les PAMP issus directement de l’agent pathogène (Boller & Felix,

4 2009). L’interaction entre PAMP/DAMP et les récepteurs PRR, pour Pattern-recognition receptors, entraîne l’activation de la voie PTI qui se traduit par différentes modifications cellulaires telles que : i)

un influx d’ions Ca2+ à travers la membrane plasmique conduisant à une alcalinisation extracellulaire

et à une dépolarisation de la membrane plasmique, ii) un burst d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), iii) l’activation des protéines 14-3-3 qui participent à la transduction du signal et iv) l'activation de protéines kinases qui vont phosphoryler des protéines et jouer un rôle dans la transduction du signal. Les PAMP et les DAMP sont reconnus par les récepteurs PRR qui sont situés au niveau de la membrane plasmique des cellules. Les récepteurs PRR sont classés en deux types, les RLK pour receptor-like kinases et les RLP pour receptor-like proteins. Les protéines PRR sont constituées de manière globale d’un ectodomaine impliqué dans la fixation du ligand et d’un domaine transmembranaire. Les RLK possèdent en plus un domaine kinase intracellulaire à leur extrémité C terminale qui est absent chez les RLP (Macho & Zipfel, 2014). La reconnaissance des PAMP et DAMP par les protéines PRR mène à l’activation de la voie PTI, permettant ainsi d’arrêter la propagation de l’agent pathogène au sein de son

hôte (FigureI.2). Afin de contourner cette première ligne de défense les agents pathogènes sécrètent

des effecteurs dans le but de tromper ce système de défense de la plante aboutissant à un état de sensibilité de la plante vis-à-vis de l’agent pathogène (Jones & Dangl, 2006).

Afin de bloquer la propagation de l’agent pathogène suite au contournement de sa première ligne de défense la plante possède une seconde ligne de défense, l’ETI. Ce mécanisme de défense conduit de manière générale à un phénomène de mort cellulaire programmée nommé réponse hypersensible (HR). Cette HR induit un « suicide » des cellules entourant le point d’entrée de l’agent pathogène afin

d’endiguer sa progression (Bashir et al., 2013). La HR vient renforcer la Résistance Systémique

Acquise (RSA) qui est un mécanisme de résistance qui se généralise à l’ensemble de la plante contre un large spectre d’agents pathogènes (Fu & Dong, 2013).

Le fonctionnement de cette voie a été initialement décrit suivant le modèle d’interaction gène pour gène proposé par Flor (1971). Dans ce modèle deux éléments entrent en jeu, le gène de résistance de la plante,

nommé gène R qui code une protéine R et le gène d’avirulence de l’agent pathogène, qui produit une

protéine nommée protéine d’avirulence (protéine Avr). Depuis, le terme de protéine d’avirulence a été remplacé par le terme effecteur (Boller & Felix, 2009) du fait du rôle des protéines Avr qui vont cibler des facteurs de la cellule hôte faisant d’eux de vrais facteurs de virulence (Jones & Dangl, 2006).

La plupart des gènes de résistance R codent des protéines de la famille des récepteurs de type

nucleotide-binding domain leucine rich repeat (NBS-LRR ou NLR ; Dangl & Jones, 2001 ; Chisholm et al., 2006 ;

Jones & Dangl, 2006 ; Dodds & Rathjen, 2010 ; Maekawa et al., 2011). Les protéines NLR sont

constituées de manière globale i) d’une P-loop ATPase de la famille AAA + qui assure de nombreux rôles complexes tel que la régulation de l’activation des NLR, ii) d’un domaine central de liaison aux

Figure I.3. Configuration intronique / exonique et motifs protéiques de gènes NBS-LRR chez

Arabidopsis. (A) Configuration et motif des gènes CNL (CC–NBS–LRR). (B) Configuration et motif des

gènes TNL (TIR–NBS–LRR). Les CNL diffèrent de TNL par la présence respective d’un domaine coiled-coil (CC domain) et d’un domaine Toll-interleukin 1 (TIR domain). Les exons sont représentés par des boîtes et les introns par les traits qui connectent les exons. Les nombres indiqués en amont des introns indiquent la phase

des introns. Adaptée de Meyerset al. (2003).

Figure I.4. Diversité du nombre de gènes codant des NLR chez les plantes.Le nombre de gènes NLR par génome identifiés par calcul varie largement, comme le montre cet arbre évolutionniste stylisé (branches non à l'échelle). Le nombre de NLR peut varier de façon marquée même à travers les génomes provenant de taxons étroitement apparentés. L'astérisque pour la tomate indique que des preuves expérimentales existent pour donner cette précision. Le double astérisque pour le blé indique le nombre de NLR par génome diploïde (le blé

5 nucléotides (NB) et iii) d’un domaine LRR à leur extrémité C-terminale. Les NLR se différencient au niveau de leurs extrémités N-terminales et sont classées en deux groupes principaux : les NLR avec un domaine Toll-interleukin 1 (TIR) qui sont appelés des TNL et les NLR avec un domaine coiled-coil

(CC) qui sont appelés CNL (FigureI.3 ; Maekawa et al., 2011). Chez les génomes des plantes, le

nombre de gènes codant des protéines NLR est très variable (FigureI.4) avec par exemple environ 150

gènes codant des protéines NLR chez Arabidopsis thaliana (Meyers et al., 2003) alors que la pomme

en possède 737 et que l’algue Chlamydomonas n’en possède aucun (Jones et al., 2016).

Les plantes maintiennent un certain niveau de diversité des NLR leur permettant de conserver des mécanismes de défense efficaces face aux agents pathogènes. Cette diversité peut être généré par des modifications de la séquence de l’ADN reposant sur des mécanismes divers tels que i) une variation du nombre de copies (CNV) résultant de duplications en tandem menant à la création de clusters de gènes complexes, ii) la variabilité des NLR due à des mutations dans différentes espèces végétales, iii) des

phénomènes de fusion de domaines par des recombinaisons inter-alléliques (Baggs et al., 2017).

Une deuxième source de diversité des NLR repose sur les modalités de leur activation qui se fait de manière spécifique par la présence d’effecteurs qui leurs sont propres. Différents modèles existent pour expliquer le mécanisme par lequel l’interaction entre les protéines NLR et les effecteurs se met en place. Historiquement le premier modèle décrit dans le contexte de l’interaction entre l’effecteur et les protéines R suggérait que la protéine R entrait en contact direct avec l’effecteur (Keen, 1990). Cependant parmi toutes les études menées seul un nombre très restreint a réussi à démontrer une interaction directe entre les deux protéines (Jia et al., 2000 ; Deslandes et al., 2003 ; Dodds et al., 2006

; Krasileva et al., 2010). Depuis d’autres modèles ont été proposés tels que i) le modèle de « garde »

qui propose que la protéine R surveille non pas l’effecteur mais une protéine accessoire impliquée dans la signalisation de défense qui est elle la vraie cible de l’effecteur (Van der Biezen & Jones, 1998) et ii) le modèle du « leurre » qui fait lui intervenir une protéine leurre qui a pour rôle d’être comme la protéine de garde la cible de l’effecteur. Dans le cadre de la présence d’une protéine R fonctionnelle, le mécanisme mis en place est similaire à celui du modèle de garde. Par contre dans le cas d’une protéine R non fonctionnelle, la sélection naturelle va favoriser les mutations au niveau de la protéine leurre afin

de piéger l’effecteur en l’empêchant de déclencher l’ETS (FigureI.5; van der Hoorn & Kamoun, 2008).

La diversité des fonctions portées par les NLR (senseur de l’effecteur, senseur de la cible de l’effecteur, participant à la voie de signalisation…) traduite par l’ensemble des modèles d’activation décrit est très importante dans la diversité des NLR. Récemment de nouveaux types de NLR ont été décrits augmentant encore la complexité et la diversité des réponses NLR : i) les NRL dénommés NLR-ID qui présentent un domaine intégré ressemblant à la cible de l’agent pathogène ; ces NLR reposent sur le modèle du « leurre intégré » où l'intégralité ou une partie de l’élément ciblé par l’effecteur est fusionnée à une protéine NLR issue de l’expression d’un gène R (Cesari et al., 2014 ; Wu et al., 2015 ; Kroj et al.,

leurre afin de bloquer sa modification par l’effecteur et la mise en place de l’ETS. Dans le quatrième modèle, la protéine leurre n’est plus indépendante de la protéine NLR mais est intégrée à cette dernière. Adaptée de

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2016 ; Giolai et al., 2017). ii) Les NLR helpers qui sont des NLR qui garantissent ou amplifient la

réponse induite par d’autres NLR (Bonardi et al., 2011). Pour le moment trois NLR helper ont été

identifiés : ADR1 pour Activated Disease Resitance 1, NRG1 pour N Requirement Gene et NRC1 pour

NB-LRR required for Hypersensitive Response-Associated Cell Death 1 (Gabriëls et al., 2007 ; Dong

et al., 2016). Les NRL ADR1 et NRG1 possèdent tous les deux à leur extrémité N-terminale un domaine

similaire à RPW8 (Resistance to Powdery mildeW 8) qui contient un motif coiled coil. Des analyses

phylogénétiques récentes suggèrent que les NLR de l’ancienne sous-clade des coiled coil (CCR-NBS-

NLR) ont évolué en NBS helper qui ont un rôle durant l’ETI (Collier et al., 2011). Le rôle de NRG1 a

été montré chez Nicotiana benthamiana où elle est nécessaire pour le fonctionnement du NLR TNL N

du tabac. Chez A. thaliana quatre gènes codant des protéines de la famille ADR1 existent : ADR1

(At1g33560), ADR1-L1 (At4g33300), ADR1-L2 (At5g04720) et ADR1-L3 (At5g47280). Le rôle helper

des trois premiers membres de la famille a été démontré par Bonardi et al. (2011) via leur importance

dans la transduction du signal lors de l’ETI. En ce qui concerne le dernier membre de la famille ADR1-L3, aucun phénotype n’a été reporté dans leur étude en utilisant des mutants T-DNA de Col-0. De plus, il a été montré que ce dernier membre des ADR1 a perdu approximativement les 190 premiers nucléotides de son extrémité N-terminale modifiant ainsi son domaine RPW8 spécifique des NLR de

la famille des helpers. Cependant, malgré la perte de ce domaine Bonardi et al. (2011) ne réfutent pas

la possibilité d’une fonction spécifique de ADR1-L3.

La diversité des mécanismes de reconnaissance disponibles met en avant la capacité des réponses NLR d’être rapidement activées ou éteintes en fonction des conditions environnementales (stress… ; Jones et al., 2016). En effet, les NLR nécessitent un système strict de contrôle de leur expression du fait d’un possible risque délétère pour la plante à des niveaux d’expression trop élevés. Leur expression est ainsi contrôlée par divers mécanismes aussi bien pré-transcriptionnels (avec par exemple la modulation de la présence de facteurs de transcription et la régulation de la structure de la chromatine par modulation de marques épigénétiques) que post transcriptionnels par l’utilisation de petits ARN conduisant à la destruction des ARN synthétisés (Lai & Eulgem, 2018).

Un affaiblissement ou une absence d’ETI, due à la non fonctionnalité de gènes impliqués dans le mécanisme ou à sa suppression par d’autres éliciteurs permet à l’agent pathogène de progresser dans son hôte. Cette progression peut par la suite être stoppée par d’autres métabolites ou protéines de

résistance conduisant à un état de résistance quantitatif (Kushalappa et al., 2016).

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