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L’intérêt public : seule frontière du droit de propriété.La CEDH

d’enregistrement : Indivision invisible

Paragraphe 2 :Les règles de la préemption en droit fiscal marocain

43. L’intérêt public : seule frontière du droit de propriété.La CEDH

avait jugé à l’occasion de l’’arrêt Hentrich, que la requérante était victime de l’exercice du droit de préemption, a supporté une charge spéciale exorbitante.99 La CEDH a fait remarquer à travers cet arrêt que la préemption fiscale n’existait pas dans les législations des autres Etats partis à la convention.100 La législation française a été modifiée, en matière de préemption, dans le sens du respect du principe du contradictoire. En droit marocain, bien que la décision d’expropriation soit prise par Décret du premier ministre précisant le bien objet de l’expropriation, la loi oblige l’Administrationau profitdelaquelle l’expropriation sera effectuée, de faire une demande au tribunal administratif pour concrétiser le transfert effectif de propriété101. Cette autorisation, illustre, à notre sens, l’importance que représente la protection du droit de propriété par la soumission de toute restriction de ce droit au contrôle judiciaire.

99 CEDH 22 Septembre 1994, Hentrich c/ France , Séri A n°296-A, Annuaire fr.dr.int.1994 p658

obsV.Coussirat-Coustére, JDI ,1995 p 776 ET 1996 p 235 obs, E.Decoux et P.Tavernier, JCP 1995-II- 22374,J-f ;Flauss , Une nouvelle avancée de la Cour européenne des droits de l’homme dans le domaine fiscal : l’arrêt Hentrich du 22 Septembre 1994, LPA 1955 n°69 p8 et s

100 J-F.Renucci, Traité de droit européen des droits de l’homme, op cit, p525

101Article 19 de la loi 7-81 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique, : « Le juge des référés est

seul compétent pour autoriser par ordonnance la prise de possession, moyennant le versement ou la consignation d'une indemnité provisionnelle égale au montant des offres de l'expropriant. Le président du tribunal ou son délégataire, statuant comme greffe du tribunal administratif, est seul compétent pour prononcer par jugement au profit de l'expropriant le transfert de propriété des immeubles et/ou des droits réels faisant l'objet de l'expropriation et fixer le montant des indemnités. »

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Le tribunal ne doit pas toutefois se contenter de s’assurer que les formalités requises sont réunies, mais il doit surtout se pencher sur la réalité de l’objectif recherché. La Cour de Cassation a confirmé le rôle protecteur du juge administratif dans le contrôle du caractère utilitaire de l’acte d’expropriation à travers un arrêt qui précise que « …….La justice

administrative, ne se contente pas de constater l’utilité publique requiseuniquement de l’expropriation, mais constate les conséquences de cette décision dans laréalisation d’une utilité publique maximale…le juge administratif peut établir l’équilibre entre l’intérêt général recherché et la protection de l’intérêt particulier qui sera atteint » 102

. A partir de là on retrouve une volonté certaine de la protection judiciaire de la propriété individuelle.

Ainsi le tribunal ne saurait s’opposer au transfert de propriété même si l’exproprié n’acquiesce pas à l’indemnisation proposée. C’est ce qui ressort de la motivation d’un jugement rendu en la matière et qui précise que : « …le défaut de signature du procès amiable par toutes les parties

concernées lui retire son caractère probant d’arrangement amiable

……… »103

. Il s’agit d’une garantie maximale du droit de propriété notamment dans la réparation du dommage que le propriétaire aurait subi suite à l’extraction de son bien.104

44. Le contrôle juridictionnel : Quelle portée pour la préemption fiscale.Le juge administratif exerce, en matière d’expropriation, un contrôle

de proportionnalité entre la valeur du bien exproprié et l’indemnisation

102Arrêt CC n° 500 daté du 05/05/1997 dossier 63/95, RCS 1995 à 1997, p 473 et s ; obs M.TERAB, Justice

administrative te la protection de la propriété immobilière, 2013, p 31

103

CAA Rabat n° 716 daté du 10/10/2007 dossier n°11/07/41, Héritiers LHAN c/ Ministère des Travaux publics, non publié.

104CS n° 288 daté du 05/10/2005 dossier n°1164-4-3-2005 ; ChAdm CS n° 486 daté du 05/10/2005 req

n°1066-4-3-2005obsM.Terab, Justice administrative te la protection de la propriété immobilière ; op cit, p 52

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proposée par l’administration expropriante et ce, dans un objectif de soulager les conséquences néfastes que produit un tel acte. Ce qui n’est pas le cas pour la préemption en matière fiscale puisque le paiement du prix d’achat n’est pas garanti et le non-paiement n’emporte pas annulation de l’acte de préemption.

A l’occasion de l’arrêt Hentrich ,la CEDH n’avait pas condamnée le droit de préemption dans son principe mais son exercice était devenu très difficile. D’une part la privation de propriété, qu’il implique, n’était pas disproportionnée avec l’objectif recherché et d’autre part, le seul remboursement du prix était insuffisant. 105L’exercice du droit de préemption, en droit fiscal français, était devenu sans aucune substance.

Le droit de préemption conçu comme étant un moyen de dissuasion et de pression exercé sur l’acheteur en matière d’enregistrement dans un objectif de paiement des droits complémentaires d’enregistrement, ne constitue, en fait, qu’un tremplin pour atteindre le vendeur dans le cadre de l’impôt sur le revenu/profit foncier et l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, le cas échéant. Les dispositions de l’article 65 du code général des impôts marocain permettent à l’Administration de retenir le prix de cession révisé en matière d’enregistrement dans le cadre d’un accord amiable comme prix de cession opposable au vendeur en matière d’impôt sur le revenu/profit foncier, l’ISet la TVA.Ainsi l’acheteur ayant fait l’objet d’un redressement en matière d‘enregistrement est contraint d’accepter ce redressement par crainte de se voir évincer dans le cadre de la procédure de préemption. L’acquéreur peut faire valoir, postérieurement, à l’occasion de la vente du même bien, le prix d’acquisition révisé en matière

105J.Molonier, Le premier volet de la réforme des procédures fiscale etdouaniéres, RF fin.publ.1987 n°18

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d’enregistrement au lieu du prix d’achat réel tel que stipulé dans le contrat d’acquisition.

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Section 2 : La révision du prix de cession des biens

immeubles face au droit de propriété