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L’INSTRUMENT DE MESURE

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1 ère partie Introduction

L’INSTRUMENT DE MESURE

Se pose avant tout la question de l’instrument de mesures à adopter. Il doit répondre à 3 exigences :

- Permettre en même temps la mesure de l’activité de l’ensemble ou de la plus grande partie du cerveau.

- Avoir une valeur localisatrice élevée, c'est-à-dire que le signal d’une région ne se mêle pas (ou peu) aux signaux de ses voisines.

- Permettre un nombre de mesures conséquent chez un même sujet au cours d’une tâche donnée. Il y a deux raisons à cela : i) l’évaluation d’une connectivité est d’autant plus fiable que le nombre de mesures est élevé, ii) pour l’évaluation de l’intégration fonctionnelle, il est préférable d’avoir autant, si ce n’est plus de mesures qu’il y a d’éléments dans le système (éviter un problème mal posé).

L’imagerie fonctionnelle cérébrale fournit de nombreuses possibilités techniques, que l’on peut distinguer en 2 grandes familles de méthodes :

- Les techniques débimétriques ou métaboliques comme le SPECT, le PET et l’IRM fonctionnelle (IRMf) . Elles ne permettent pas une mesure directe de l’activité neuronale, mais reposent sur la mesure d’indices corrélés avec l’activité neuronale : débit sanguin, volume sanguin, extraction d’oxygène, consommation de glucose.

Pour l’IRMf, l’effet BOLD28 est un signal composite mêlant ces trois premiers paramètres. Elles sont généralement tomographiques, c'est-à-dire qu’elles fournissent des images en coupe d’un volume qui peut couvrir tout le cerveau. Ainsi la totalité des régions cérébrales sont imagées, avec une seule exception pour l’IRMf : les structures présentant un dépôt de fer comme le pallidum, la substance noire, les noyaux rouges ou les noyaux profonds du cervelet pour lesquels la méthode manque de sensibilité. La valeur localisatrice de ces techniques est élevée, même si cette notion doit être tempérée :

o Il y a en effet toujours une certaine corrélation entre le signal d’un voxel avec celui de ses voisins, liée à la technique de mesure.

o De plus l’indice physiologique mesuré peut lui-même s’étendre au-delà des régions véritablement activées. Si on prend l’exemple du BOLD en IRMf à 2T,

28 BOLD pour Blood Oxygen Level Dependant

le contraste vient non seulement des veinules, mais aussi des veines de drainage dans lesquelles diffusent les modifications d’activité.

L’évaluation de l’intégration bénéficie d’une certaine stabilité dans la tâche que le sujet effectue. Si le sujet se trouve dans deux états très différents, par exemple, tâche – repos, la corrélation entre 2 régions sera pour une part due au paradigme. Cette corrélation liée à un événement extérieur nous intéresse cependant moins que les corrélations spontanées, liées aux fluctuations endogènes de l’activité cérébrale. Or comme le temps de mesure est important, même pour des techniques comme l’IRMf, il est nécessaire de placer le sujet dans un même état cognitif pendant un temps assez long (plusieurs minutes dans le cas de l’IRMf).

Enfin, seule l’IRMf permet en pratique d’avoir un nombre de mesures suffisamment élevé pour l’évaluation de l’intégration chez un sujet unique. Le PET ne peut raisonnablement être envisagé que si on accepte de fusionner les variations intra-sujet avec les variations inter-intra-sujets. Dans notre cas, où il s’agit de distinguer 2 populations, une telle étude à effet fixe n’est pas adaptée.

- Les techniques électrophysiologiques comme l’EEG et la MEG (magnétoencéphalographie) permettent bien une mesure de l’activité électrique cérébrale, mais il ne s’agit pas de la mesure de l’activité électrique de tous les neurones . Trois facteurs doivent être pris en compte :

o La configuration géométrique des neurones : elle influence l’extension des champs électriques créés. En pratique, on admet que seules les cellules pyramidales corticales contribuent significativement au signal. Ainsi l’intégration de structures comme le thalamus, le striatum ou le cervelet n’est pas possible. Plus exactement, le signal qui en émane ne peut être mis en évidence que par des techniques de potentiels évoqués et avec un très grand nombre d’essais, inadaptés pour l’étude de l’intégration.

o La distance entre le neurone et le senseur : la sensibilité de l’instrument diminue proportionnellement au carré (EEG et le système MEG que nous

avons utilisé), voire au cube (MEG utilisant des gradiomètres) de la distance entre les neurones et le senseur. Ainsi certaines structures profondes comme les hippocampes émettent un signal difficile à mesurer car noyé dans le bruit des structures plus superficielles.

o L’instrument de mesure : en effet , l’essentiel des systèmes MEG dont celui que nous avons utilisé dans le cadre de ces expériences, ne sont sensibles qu’aux sources tangentielles (les sillons). Ce problème est moindre pour l’EEG29 en raison de la diffusion du signal électrique ce qui lui permet de détecter environ 95 % des sources.

Mais ni l’EEG, ni la MEG ne sont des instruments tomographiques, autrement dit, ils ne fournissent pas de carte en coupe de l’activité cérébrale, mais une simple projection sur le scalpe des champs générés par l’activité corticale. Certes, il existe des techniques de reconstruction de source. Leur application exige un rapport signal-bruit suffisant et nécessite de faire un certain nombre d’hypothèses qui peuvent biaiser le résultat de façon conséquente.

Le signal d’un capteur est corrélé avec le signal de ses voisins. Cela présente un véritable problème en EEG où la diffusion du signal électrique est telle que les signaux de 2 sources, pourtant distantes de plusieurs centimètres, peuvent parfaitement se superposer. À l’inverse, une seule source peut être responsable d’un signal sur 2 électrodes éloignées. Les champs magnétiques ne diffusant pas, et le rapport signal à bruit étant faible en MEG, l’analyse essai par essai permet généralement de distinguer 2 sources pour peu qu’elles soient distantes de plusieurs centimètres (empiriquement > 3-5cm).

Enfin, en ce qui concerne la quantité de mesures, la fréquence d’échantillonnage est largement suffisante pour évaluer l’intégration fonctionnelle dans de bonnes conditions. Mieux encore, les techniques électrophysiologiques ne nécessitent pas de période de stabilité cognitive aussi importante que les techniques tomographiques, et

29 A l’inverse de la MEG, l’EEG serait plutôt sensible aux sources perpendiculaires.

sont donc adaptées pour évaluer l’intégration sur des périodes relativement brèves.

Cependant cela ne dispense pas de placer les sujets dans un état cognitif défini en leur demandant de réaliser une tâche.

Ces deux familles d’instruments informent non pas sur l’activité neuronale (potentiels d’action), mais sur l’activité synaptique (potentiels postsynaptiques) . En pratique une grande partie des connexions intracorticales reste locale (> 90 %) et, par conséquent, ce point joue peu pour cette structure. Ce n’est pas le cas des noyaux gris centraux où, par exemple, une augmentation d’activité détectée dans le thalamus peut provenir d’une augmentation d’activité des neurones du pallidum.

Enfin, comme l’activité doit émaner d’un grand nombre de neurones pour être détectable, encore faut-il que les neurones soient actifs en même temps ou plus exactement au cours d’une même fenêtre temporelle donnée, variable selon la modalité d’enregistrement. D’une certaine façon, pour qu’un signal soit enregistrable, il faut qu’à l’échelle locale, le comportement neuronal soit hautement intégré. Ainsi une modification de niveau d’activation entre patients et témoins au cours d’une tâche peut être vue comme un niveau différent d’intégration locale. Reste que la fenêtre temporelle durant laquelle cette intégration doit avoir lieu, est très différente entre les techniques tomographiques et électrophysiologiques :

- Les techniques tomographiques les plus rapides comme l’IRMf sont dépendantes de la réponse hémodynamique : la réponse vasculaire liée à l’augmentation d’activité neuronale. Celle-ci se développe sur une quinzaine de seconde, avec un pic à 5 sec environ. Ainsi il suffit que les neurones d’une même région soient actifs ensemble dans une fenêtre temporelle de quelques secondes pour qu’ils soient à l’origine d’un signal BOLD.

- À l’inverse en électrophysiologie, il faut que l’activité d’un ensemble de synapses soit synchrone à la milliseconde près pour qu’elles se somment et soient détectables.

Cependant cette différence pourrait ne pas trop jouer en pratique. En effet, la fenêtre d’intégration neuronale est de l’ordre de 10 millisecondes (~temps maximum séparant deux potentiels d’action pour que leurs effets s’additionnent au niveau du neurone postsynaptique) . Or comme nous aurons l’occasion de le voir, les neurones ont besoin qu’un très grand nombre de potentiels d’actions arrive dans cette courte fenêtre afin d’être suffisamment excités pour émettre à leur tour un potentiel d’action. La population des neurones actifs a donc avantage à être synchrone. Ainsi, une meilleure synchronie aura une plus grande efficacité, sur l’ensemble du système pour recruter une plus large population (Singer 1999).

Pour conclure, hors situations pathologiques, il est possible qu’en IRMf aussi, le niveau d’activité soit dépendant d’un comportement intégré sur des fenêtres temporelles plus courtes que la réponse hémodynamique.

De façon à rendre nos résultats les plus indépendants possible de la technique de mesure, nous avons décidé d’utiliser les deux types de techniques : une technique tomographique et une technique électrophysiologique. Pour la technique tomographique, le choix s’imposait de lui-même étant donné que nous voulions comparer 2 populations. Seule l’IRMf permet de fournir une quantité de mesures suffisante pour une étude à effet mixte. Pour la technique électrophysiologique, nous avons privilégié la MEG en raison de l’absence de diffusion du signal qui, certes, nous prive d’une partie des sources corticales, mais nous offre une résolution spatiale suffisante pour distinguer 2 régions pour peu qu’elles soient suffisamment éloignées.

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