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L’instrument de gouvernance des architectes du système numérique

127. – La loi, instrument politique de direction des conduites. Cela ne fait

désormais guère plus de doute : les architectes de l’édifice numérique font l’objet d’une gouvernance. La question qui, dès lors, se pose est de savoir par quoi leur conduite est dirigée. Dans les sociétés politiques, ce par quoi sont gouvernés les sujets de droit n’est autre que la loi, qui constitue l’instrument de gouvernance le plus ancien et le plus répandu. Il n’y a pas ou prou, dans le monde, de civilisation qui n’a pas eu recours à l’outil législatif pour assurer la direction des conduites de ses membres. Qu’en est-il de la société numérique ? Dans la mesure où la loi repose, dans toutes ses dimensions, sur le clivage entre gouvernants et gouvernés, la possibilité qu’elle œuvre comme instrument de gouvernance dans cette société, doit, d’emblée, être écartée. Pourtant, la conduite des architectes de l’internet a bien été – et est toujours – dirigée. Cela accroît, d’autant plus, l’intérêt de notre problématique. Quel est donc cet instrument par le biais duquel la conduite des internautes pourrait-elle être gouvernée ? C’est ce qu’il faut nous employer à rechercher (section 1), afin d’identifier ce mystérieux instrument de gouvernance (section 2).

Section 1 La recherche d’un instrument de gouvernance des architectes du système numérique

128. – À défaut d’être en mesure, pour l’heure, de déterminer ce par quoi la conduite

des membres de la société numérique est dirigée, il est, en revanche, possible, pour mener à bien notre recherche, de s’intéresser à la source de la gouvernance dont ils font l’objet d’une part (§1) et de s’essayer à mieux cerner les destinataires de cette gouvernance, d’autre part (§2).

§ 1: La source de la gouvernance

129. – La notion de liberté. « La liberté consiste à faire tout ce que permet la longueur de la chaîne » a écrit François Cavana133. Bien que peu optimiste puisse

apparaitre cette pensée, elle ne l’est, en vérité, encore que trop, dans la mesure où la chaîne à laquelle il est fait référence ne devrait pas être évoquée au singulier, mais au pluriel. Celui qui s’y trouve attaché n’est pas soumis à une seule contrainte. Plusieurs s’exercent sur lui. Les contraintes sociales ou personnelles sont autant de chaînes qui restreignent l’exercice de la liberté de ceux qu’elles entravent. La liberté peut se définir comme « la qualité de ce qui n’est pas soumis à une contrainte »134. Absence de

contrainte interne pour le philosophe, en ce que l’Homme libre serait doté de « la

faculté de se décider en connaissance de cause »135. Absence de contrainte externe,

pour le juriste qui définit la liberté – malgré son scepticisme quant à la possibilité de lui donner un sens136 – comme « le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »137. Dans ces deux acceptions, la liberté s’assimile en « un pouvoir d’autodétermination, en

133 F. Cavana, Les pensées, Le cherche midi, 1994.

134 J. Robert et J. Duffar, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Montchrestien, coll. « Domat droit prive », 2009, p. 13, n°10.

135 F. Engels, Anti-dühring. M. E. Dürhing bouleverse la science, Éditions Sociales, 1963, p. 146. 136 Pour Montesquieu, « il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations […] que celui de liberté » (Montesquieu, De l’esprit des lois, Flammarion, coll. « Garnier Flammarion », 1979, vol. 1, liv. XI, chap. II, p. 291).

vertu duquel l’homme choisit lui-même son comportement […]»138. Mais, on peut,

également, prendre cette définition à l’envers, et affirmer que la liberté consiste en l’art de se départir des contraintes139. Pour Jean-Louis Le Moigne, l’Homme construit sa propre liberté sous une double contrainte : celle que génère l’environnement dans lequel il est immergé et celle qui trouve son origine dans le code génétique dont il a hérité140.

Le périmètre de la liberté de tout être humain s’avère donc être déterminé par l’ensemble des contraintes qui s’exercent sur lui, lesquelles façonnent sa conduite141. Le

code génétique mis à part, les sources d’où jaillissent ces contraintes sont, grosso modo, au nombre de trois142. Il y a, en premier lieu, la morale, qui exerce une contrainte qui a

pour fin « la perfection personnelle de l’homme »143. Il y a, ensuite, le droit, d’où sont

issues des contraintes, dont nous nous contenterons de dire, pour l’instant, qu’elles « ne

tendent qu’à éviter l’anarchie dans les rapports entre les membres d’un groupe »144.

Enfin, on peut ajouter à cette liste, la loi du marché, laquelle exerce une contrainte qui s’exprime par le prix.

138 G. Lebreton, Libertés publiques et droits de l’Homme, Dalloz, coll. « Université », 2008, p. 11. V. également René Capitant pour qui « la liberté d’un être c’est l’autodétermination de cet être » (R. Capitant, Cours de principes du Droit public, Paris, Les cours de droit, 1956-1957. p. 32). 139 En ce sens, pour Hayek « être homme libre a toujours signifié la possibilité d’agir selon ses propres décisions et projets, par contraste avec la position de celui qui était irrévocablement assujetti à la volonté d’un autre, qui par décision arbitraire pouvait le contraindre à agir (ou ne pas agir) de façon déterminée » (F. Hayek, La constitution de la liberté, Litec, coll. « Liberalia », 1994, p. 12). Dans le même ordre idée, pour John Stuart Mill qui, à maints égards, est le pendant de Jean-Jacques Rousseau chez les penseurs anglo-saxons, il va, pour définir la liberté, partir d’une question très simple : quel est le juste milieu entre l’indépendance individuelle et les nécessités du contrôle social ? Où placer la frontière entre les deux ? Pour Mill, le tracé de cette frontière doit être gouverné par un seul principe : les hommes ne peuvent être autorisés, individuellement ou collectivement, à entraver la liberté d’action de quiconque que pour assurer leur propre protection. Autrement dit, la seule raison légitime, pour une société, d’employer la force contre un individu, c’est pour l’empêcher de nuire aux autres. Mill en déduit que la liberté consiste en l’état d’un agent qui, dès lors qu’il ne nuit pas à autrui, est souverain sur son corps et sur son esprit. Là encore, dans la définition que donne Mill de la liberté, il y a l’idée d’absence de contraintes (J. S. Mill, De la liberté, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1990, pp. 146 et s). John Rawls, partage également, d’une certaine manière, cette vision – négative – de la liberté, celle-ci étant essentiellement déterminée par les restrictions constitutionnelles et légales (J. Rawls, Théorie de la justice, points, coll. « Essais », 2009, pp. 237-241).

140 J.-L. Le Moigne, Modélisation des systèmes complexes, Dunod, coll. « Sciences Humaines », 1999, pp. 15 et s.

141 Hayek résume parfaitement cette idée en affirmant que la liberté n’est autre que « cette condition humaine particulière où la coercition de certains par d’autres se trouve réduite au minimum possible dans une société ». Cette vision de la liberté se justifie selon lui par le fait que la liberté « ne nous garantit aucune perspective spécifique, mais nous laisse décider de l’exploitation que nous ferons des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons ». C’est la raison pour laquelle, pour l’illustre penseur de l’école de Vienne, la liberté « veut dire absence de cet obstacle bien précis qu’est la coercition exercée par autrui » (F. hayek, op. préc., pp. 11-21). 142V. en ce sens L. Lessig, Code and Other Laws of Cyberspace, Basic Books, 1999, pp.86 et s. 143 J. Ghestin, Traité de droit civil. Introduction générale, LGDJ, coll. « Traités », 1994, p.26.

130. – Les contraintes qui s’exercent sur les internautes. D’emblée, il nous faut

exclure cette dernière de notre champ d’étude, seule les normes sociales faisant l’objet de notre théorie, ce à plus forte raison que les pères fondateurs du réseau ont moins été guidés par des considérations économiques, que scientifiques. En outre, s’agissant du droit étatique et de la morale, il ne saurait être nié que, s’ils jouent certainement un rôle dans la direction des conduites des architectes du réseau, ce rôle n’est que subsidiaire. Cela s’explique par le fait que, tant les règles juridiques, que morales, ne sont pas d’application universelle. Le contenu de ces règles varie d’un pays à l’autre. Or les internautes sont de nationalités et de cultures très différentes. S’il est, par conséquent, une contrainte qui s’exerce sur eux, sa source – principale – doit être recherchée ailleurs que dans le droit étatique et la morale. L’édifice numérique a été façonné de manière relativement uniforme, ce qui laisse à penser que la même contrainte s’est exercée sur ses architectes. Il nous faut donc trouver une source de gouvernance des conduites qui soit universelle. Par chance, il est une quatrième source de contrainte, autre que le droit, la morale et le marché, vers laquelle on peut se tourner. Si, l’on s’en tient à ces trois sources de contraintes, il apparaît que les seules limites qui restreignent la liberté des êtres humains ne trouvent leur origine que dans des dispositifs instaurés par eux, de sorte que l’Homme ne serait gouverné que par l’Homme. Bien que, très séduisante, puisse, à de nombreux égards, être cette idée, la soutenir revient, néanmoins, à se méprendre sur la place que l’espèce humaine occupe dans l’Univers. Certes, pour nombre d’entre nous, il est extrêmement difficile de ne pas céder à l’irrésistible tentation de croire que l’Homme est seul maître de son évolution. L’histoire de l’humanité s’est, en grande partie, construite sur cette croyance. Elle ne saurait, pour autant, conduire à occulter une quatrième source de contrainte, qui est à rechercher, ailleurs, que dans le fait humain. Nous rappelant, chaque jour, la finitude de notre existence, cette contrainte à laquelle tout être est soumis, sans distinction, n’est autre que celle inhérente au référentiel dans lequel l’Homme évolue. Dans le référentiel physique, la source de cette contrainte porte le nom de Nature.

144 C. Laroumet, Droit civil, introduction à l’étude du droit privé, 4e éd., Economica, 2006, t. 1, p. 30.

131. – La contrainte physique. L’environnement dans lequel est immergé l’Homme

ne se limite pas aux contraintes générées par lui, que sont les contraintes sociales et économiques. La nature exerce, également, à sa manière, une contrainte, en ce que le comportement des agents est, nécessairement, régi par les lois de l’univers. Comme l’explique le professeur Lessig, l’incapacité pour l’être humain de voir à travers les murs l’empêche d’espionner ce qu’il se passe derrière. L’impossibilité pour une personne de lire dans les pensées de son interlocuteur est, pour elle, un obstacle à son désir de savoir s’il lui est dit la vérité145. De la même manière, l’Homme sera toujours

dépourvu de la faculté de voler dans les airs comme un oiseau tant que la loi de la gravitation l’en privera, tout autant qu’il ne pourra jamais devenir invisible, aussi longtemps que le soleil brillera. Et l’on pourrait poursuivre, indéfiniment, cette liste d’exemples avec chacune des contraintes qui s’exercent dans le cadre du référentiel physique. Sans que l’on s’en aperçoive, elles dirigent, en permanence, notre conduite. Lorsque, dans un immeuble, l’ascenseur tombe en panne, celui qui habite à l’étage devra, nécessairement, prendre les escaliers, sauf à sauter par la fenêtre et risquer de se blesser. Pareillement, celui qui désire traverser la rivière devra emprunter un pont sans quoi, à moins de savoir nager, il lui sera impossible de se rendre sur l’autre berge. Toutes ces contraintes, qui prennent leur source dans l’environnement qui l’entoure, s’exercent sur l’Homme, au quotidien, et gouvernent son comportement, au même titre que les contraintes sociales. Leur action sur lui est, d’ailleurs, si grande que cela a conduit Montesquieu à développer la théorie des climats146. Celui-ci n’hésite pas à affirmer que « ce sont les différents besoins dans les différents climats, qui ont formé les

différentes manières de vivre […] »147. En lui offrant tout ce dont il a besoin pour

subsister, la nature exerce sur l’Homme, en contrepartie, une contrainte physique, contrainte dont il ne peut pas se départir, quel que soit le référentiel dans lequel il évolue.

132. – La translation de la contrainte physique dans le référentiel numérique.

Cette contrainte physique se retrouve dans le référentiel numérique. Sa source ne prend, certes, pas la forme que revêt habituellement la nature. Pour autant, de par son action sur les conduites, elle se substitue à elle. Il serait une grossière erreur de penser que,

145 L. Lessig, op. préc.

146 Montesquieu, liv. XIV, op. cit. note n°136, pp. 373 et s. 147 Ibid., chap. X, pp. 381 et s.

parce que le cyberespace a été conçu comme un lieu où l’Homme peut s’émanciper des lois de la physique, les contraintes que génèrent, par exemple, la matière, l’espace ou le temps, ne s’y exerceraient pas. En vérité, où que l’on aille, ces contraintes, comme toutes celles qui s’exercent dans le monde réel, sont toujours présentes. Elles ne sauraient disparaitre sous le coup d’un assemblage de machines. Dans le référentiel numérique, l’origine de ces contraintes fait seulement l’objet d’une translation. Ainsi, le flux de matière que constitue l’électricité est-il traduit par les ordinateurs, grâce à leurs transistors, en une suite de zéros et de un. Ce signal sert ensuite de support à la codification de programmes informatiques, de protocoles de communication ou bien encore de données. Par ce processus de numérisation, ce qui était à l’état de matière devient immatériel. Dans ce changement d’état, il ne faut pas y voir un quelconque gain ou perte, mais plutôt une transformation. La source de contrainte que constitue la nature ne s’est pas tarie au cours du processus de numérisation, elle s’est simplement transformée en autre chose : le cyberespace. Le cyberespace n’exerce pas plus ni moins de contraintes que la nature dans le monde de la matière. Lorsqu’ils le parcourent, les internautes voient leur conduite toujours gouvernée par les contraintes de l’environnement qui les entoure. Le professeur Lawrence Lessig a, le premier, exprime cette idée dans son ouvrage Code and Other Laws of Cyberespace148 par la désormais

célèbre formule : « Code is law, architecture is politics ».

133. – La contrainte numérique. Pour cet auteur, le code informatique, entendu

comme la base de la couche logique du système numérique, « détermine la manière

dont nous vivons dans le cyberespace »149. Il exerce, au même titre que le droit, la

morale et le marché, une contrainte, que nous qualifions de numérique. Lorsque des agents pénètrent dans le cyberespace leur comportement serait donc voué à être conditionné par les propriétés physiques et logiques qu’arborent l’environnement dans lequel ils évoluent. Les ordinateurs, la bande passante, les protocoles de communications, le système d’adressage, les ramifications filaires, les disques durs des serveurs, toutes ces composantes de l’architecture du réseau exercent, de par leur puissance, leur taille, leur format, leur nombre ou bien encore leur capacité, une contrainte matérielle sur les internautes. La faculté de ces derniers à se mouvoir dans l’internet s’arrête là où il n’est plus de câbles pour s’interconnecter, ni d’applications

pour communiquer. Cette contrainte est multipliée en autant de fois qu’il est d’éléments que l’on peut identifier comme appartenant à l’architecture du réseau. En un sens, chacun de ces éléments constitue, de par la particularité qui le singularise, une contrainte différente. Pour exemple, tandis que le protocole TCP/IP impose, à quiconque souhaite se connecter au réseau, de se voir attribuer une adresse IP150, le web

oblige ceux qui le parcourent à disposer d’un navigateur susceptible de lire le langage HTML, JavaScript, ou encore XML151. Chaque fois qu’il est procédé à l’ajout ou au

démantèlement d’une composante architecturale de l’édifice numérique, c’est une contrainte que l’on est susceptible de compter en plus ou en moins parmi celles qui pèsent sur les internautes. C’est pourquoi, la moindre parcelle d’architecture du réseau peut être assimilée à un bord de l’univers numérique.

134. – Code, lex informatica et architecture. À l’instar de la nature, le cyberespace

exerce une contrainte sur les internautes, qui voient leur conduite dirigée par l’environnement dans lequel ils évoluent. Et si, chez Lawrence Lessig, la source de cette contrainte numérique s’est vue baptisée « code », tel n’est pas le nom que lui donnent tous les auteurs. Le professeur Reidenberg préfère l’appeler Lex Informatica, laquelle regrouperait « l’ensemble des règles de circulation de l’information qui émaneraient de

la technologie sur laquelle repose les réseaux de communication »152. Graham

Greenleaf suggère, quant à lui, de la désigner sous le vocable d’« architecture ». Selon cet universitaire, le mot « code » employé par Lawrence Lessig est trop étroit. Par cette terminologie, la couche physique du réseau ne serait pas visée alors que, pourtant, est exercée par elle une contrainte de même nature que celle générée par la couche logique. En recourant au terme architecture cela permettrait de chasser l’ambigüité sémantique que soulève la notion de « code »153, et de renvoyer, à travers un même terme, tant à la 149 L. Lessig, « Code is Law: on Liberty in Cyberspace », Harvard Magazine, Janv. 2000.

150 V. infra, n°377 et s. 151 V. infra, n°412-413.

152 J. R. Reidenberg, « Lex Informatica and The Formulation of Information Policy Rules through Technology », Texas L. Rev. 553 (1998). Disponible sur: http://ir.lawnet.fordham.edu/cgi/view

content.cgi?article=1041&context=faculty_scholarship.

153 Comme le souligne très justement Graham Greenleaf, la notion de Code renvoie à d’innombrables sens et pas seulement en langue anglaise. Aussi, le terme « code » est beaucoup trop ambigu pour être repris ici. Il est employé, par exemple, pour désigner les «codes de conduite» (risque de confusion avec les normes), et à la codification, par opposition à des lois moins systématique (risque de confusion donc à la législation) (G. Greenleaf, «An endnote on Regulating Cyberspace: Architecture vs Law», [1998] 21 UNSWLJ, pp. 593-622).

couche physique, qu’à la couche logique du système. Sans hésiter un instant, c’est derrière cette analyse que nous nous rangeons. Nous y souscrivons d’autant plus que si, nous rejetons avec véhémence, le terme « code », pour les mêmes raisons que Graham Greenleaf, nous écartons, également, celui de « lex informatica ».

135. – Le choix du concept d’architecture. L’expression employée par Joël

Reidenberg est trop proche de celle connue de tous les commerçants : la lex mercatoria. L’adopter reviendrait à prendre le risque de voir cette expression teintée d’une forte connotation économique, si bien qu’elle serait susceptible d’être assimilée à la loi du marché. Or ces deux sources de contraintes ne se confondent pas. Elles sont concurrentes. L’expression « lex informatica » prête trop à confusion. Il est, par ailleurs, un second argument qui conduit à ne pas la retenir. Cet argument tient à une question de vocabulaire. Le néologisme « informatica » est un dérivé du mot informatique, qui renvoie à un ensemble bien plus vaste que celui que constitue l’environnement numérique. Dans cette perspective, il est opportun de rappeler que se rapporte à la science informatique tout ce qui a trait au traitement automatique de l’information, et pas seulement ce qui participe à sa communication154. Pour toutes ces raisons, nous

n’adopterons, ni l’expression « lex informatica », ni le terme « code », afin de désigner la source de la contrainte numérique. Nous leur préférons le terme d’« architecture ». Contrairement aux apparences, il ne faut pas voir dans ce terme une solution de repli, faute de mieux, mais un véritable choix. Opter pour cette terminologie, permet de mettre en exergue l’ambivalence dont est empreinte l’architecture du réseau. C’est là, véritablement, une double facette qu’elle revêt. Cette dernière n’a pas seulement vocation à commander le fonctionnement du système. Elle gouverne, également, la conduite des internautes qui l’utilisent. Par la contrainte qu’elle exerce sur eux, l’architecture du réseau régit les rapports que les internautes entretiennent avec l’environnement numérique.

136. – Architecture et territoire. Bien que l’intelligibilité de ces rapports puisse

apparaître, pour le moins, brouillée, de par la grande complexité technique qui les