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L’informatique graphique, genèse d’une discipline scientifique nouvelle

Nous n’entendons pas discuter la notion même de discipline1, ni faire l’étude de cette micro

institution et des enjeux sociaux qui la structurent, au sens qu’attribuait Émile Durkheim à ce terme, même si l’informatique graphique a connu des rapports d’autorité et de contrôle institutionnels qui fournissent des arguments aux luttes disciplinaires qui relèveraient d’une sociologie de la décision2. Les premières équipes qui se sont constituées dans les universités ont suivi par exemple la voie d’équipes déjà consacrées à l’informatique, discipline elle-même encore jeune, rappelons-le, puisque que c’est à partir de la fin des années soixante qu’elle s’est structurée en France, et qu’elle a fini par être reconnue comme discipline de l’enseignement supérieur à part entière, en dehors des mathématiques appliquées, non sans difficultés3. Nous pouvons toutefois délimiter cette aire autonome de recherche et d’expérimentations, observer comment elle s’est institutionnalisée, comment la pratique et le contenu de la discipline se sont déterminés, du point de vue de la configuration particulière de la pratique de recherche, et non du point de vue de la configuration politique4. À quel moment est apparu ce thème de recherche ? Quelles équipes graphiques se sont mises en place et dans quels lieux ? Quelles orientations scientifiques se sont développées ? Dans quels domaines d’applications ces techniques se sont-elles insérées ? En soulevant ces questions notre approche se positionne plutôt comme une sociogenèse de l’intérêt pour la discipline, qui s’appuie sur les découvertes5

et les discours qui les ont accompagnées. Il était donc nécessaire pour notre démonstration d’évoquer d’abord ces recherches, qui viennent tramer, comme toile de fond, un terreau à notre propre enquête.

1 Michel LECLERC, « La notion de discipline scientifique » dans Politique, n°15, 1989, p.23-51. 2 Lucien SFEZ, Critique de la décision, Paris : A. Colin, 1973, 367 p.

3 Pierre-Éric MOUNIER-KUHN, Le Comité national et l’émergence de nouvelles disciplines au CNRS : le cas de

l’informatique 1946-1976, Mémoire de DEA, Centre Science, Technologie et Société, CNAM, Paris, 1987.

4 Ce que nous ferons dans le chapitre 2 de cette thèse lorsqu’il s’agira de plus particulièrement de décrire le développement des images de synthèse.

5 Plus que sur les controverses. Randall COLLINS, Sociological insight: an introduction to nonobvious sociology, New York : Oxford university press, 1982, 174 p. ; Bruno LATOUR, La Science en action, traduit par Michel BIEZUNSKI, Paris : Éd. La Découverte, 1989, 450 p.

Des machines à calculer aux machines à dessiner

Il faut attendre les années 1960 pour que les capacités interactives des machines soient interrogées de manière significative, lorsque les développements matériels deviennent suffisants pour en tirer tout le parti possible. C’est donc la disponibilité du matériel qui attire les équipes graphiques dans cette direction, qu’il s’agisse d’initiatives isolées dans quelques milieux industriel, utilisateur ou constructeur, ou d’unités de recherche clairement constituées dans les institutions scientifiques d’État. Déterminer l’émergence de l’informatique graphique impliquerait donc de présenter l’éventail technologique de ces phénomènes de rencontre entre l’informatique et l’image : les périphériques d’entrée et de sorties reliés aux calculateurs pour faciliter la visualisation d’informations et le dialogue homme-machine ; la naissance et le rôle des interfaces et du concept d’utilisateur qui permettent de mettre en place les moyens du dialogue ; les algorithmes nécessaires à personnaliser les systèmes pour en faire des logiciels graphiques spécialisés, donnant la possibilité aux utilisateurs de transmettre des ordres à la machine à l’aide d’expressions iconographiques, plutôt qu’en utilisant uniquement un clavier et des cartes perforées pour envoyer des lignes de commande au calculateur.

Au fil de nos lectures historiques, quelques pistes françaises ont été mises à jour, prenant de préférence la forme d’inventaires1 : l’université Paris 6, l’Institut Blaise Pascal, ainsi que quelques entreprises telles la Société d’Électronique et d'Automatisme, Bull ou Thomson-CSF2 travaillent dans les années 1960-1970 sur la reconnaissance de caractères, les jeux et la simulation, ou encore sur le traitement de la parole3, éléments nécessaires à la mise en place d’une communication homme-machine. Le colloque consacré aux dispositifs d’affichage de Paris en 19734 présente plusieurs unités d’affichages françaises5 et les constructeurs

1 Pierre M

ORVAN et Michel LUCAS, op. cit. ; Francis MARTINEZ, La Synthèse d’image: concepts, matériels et

logiciels, Paris : Éditests, 1984, 195 p.

2 Fusion du Groupe électronique Thomson avec la Compagnie Générale de Télégraphie sans fil.

3 Richard GUEDJ, « Histoire de la communication homme-machine en France », Histoire de l’informatique,

Quatrième Colloque, Jacques André et Pierre-Éric Mounier Kuhn éditeurs, IRISA/INRIA Rennes, 1995, p. 267.

4 Colloque international sur les dispositifs et systèmes d’affichage alpha numérique, bâtiment des conférences de l’UNESCO, 9 et 10 avril 1973, Paris.

5 Pour mémoire : la console graphique Vu 2000 de la Société industrielle des nouvelles techniques radioélectrique (Sintra) ; le terminal de visualisation graphique quatre couleurs VG 1610 de CIT-Alcatel ; les consoles graphiques

Afigraf de Compagnie des Signaux de l’Entreprise Électrique CSEE et Intergraphe de Thomson-CSF ; l’unité de

visualisation Graphix, élaborée dans les services d’électronique du Centre d’Études Nucléaires de Saclay ; les tubes électroniques et écrans à cristaux liquides de Thomson-CSF ; les études de la Société d’Exploitation et de Recherches Électroniques (SEREL), du Laboratoire d’Électronique et de Technologie de l’Informatique (LETI) ou de la Société pour l’Étude et la Fabrication de Circuits Intégrés Spéciaux (EFCIS). Cf Archives Nationales versement 19990333 article 1 à 88, Direction Générale de l'Industrie des Technologies de l'Information et des Postes (DIGITIP), Service des Technologies et de la Société de l'Information (STSI), Mission Économique et Financière, 1973-1989.

d’ordinateurs s’attaquent au graphique en favorisant le développement de groupes d’études au sein des clubs d’utilisateurs, à l’exemple de la CII ou d’IBM, pendant que des séminaires ou journées spécialisées sont organisées en Europe à Berlin, Delft, Pise et Paris par la Compagnie Internationale de Services en Informatique1.

Les travaux de Benjamin Thierry dressent d’autre part un premier tableau de cette interactivité « à la française », à travers l’étude d’interfaces, depuis l’aviation civile jusqu’à la télématique, qui permet de suivre la naissance et le rôle de l’interactivité et du concept d’utilisateur, depuis la sphère des entreprises spécialisées jusqu’au grand public2. Des initiatives qui démontrent qu’un milieu de l’informatique graphique se met en place au sein d’établissements publics comme privés, en même temps que le matériel proposé s’adapte de plus en plus à une pratique de la visualisation, du graphique et de l’interaction.

Nous avons choisi de suivre l’évolution de la recherche fondamentale en informatique graphique, qui élabore les concepts de la programmation dédiée à la production d’images, indispensable aux développements des interfaces graphiques, en définissant à la fois les langages pour visualiser et les procédures pour représenter avec un ordinateur. Si l’on peut penser que cette étape ne concerne pas directement notre champ – l’audiovisuel – elle est pourtant primordiale pour comprendre l’objet industriel qui nous intéresse – les images de synthèse –, puisque c’est grâce à elle que l’informatique acquiert les aptitudes pour donner à voir et pour représenter des objets. Comment figurer des courbes, des surfaces, des couleurs, des textures, des éclairages à l’aide de formules mathématiques et de physiques interprétables par un ordinateur ? Pour comprendre comment on est parvenu à produire des images par ordinateur, il nous faut comprendre comment une discipline de l’informatique appliquée à l’image s’est mise en place.

1 La Compagnie Internationale de Services en Informatique (CISI) est une filiale du Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA).

2 Benjamin THIERRY, Donner à voir, permettre d’agir. L’invention de l’interactivité graphique et du concept

d’utilisateur en informatique et en télécommunications en France (1961-1990), thèse de doctorat en histoire, sous

La transcription mathématique d’une forme

À la fin des années 1950, l’émergence de l’ordinateur et son utilisation pour commander numériquement des machines-outils modifie, de manière radicale et en un bref laps de temps, le travail des techniciens dans le tracé des carrosseries et la fabrication des outils de presse. C’est à la fois ce contexte de production industrielle, et son automatisation en pleine évolution, qui motivent les premières « inventions » de programmation graphique dans le secteur automobile, dont l’objectif est de transmettre des informations à l’armoire de commande, à l’aide de ruban perforé, de bande magnétique, ou de données issues d’un ordinateur.

Après avoir reçu une formation d’ingénieur de l’École Nationale d’Arts et Métiers, d’où il sort en 1927, et après avoir effectué une année complémentaire à l’école supérieure d’électricité en 1931, Pierre Bézier est recruté à la Régie Nationale des Usines Renault en 1933 comme ajusteur outilleur. Il est ensuite transféré au bureau d’études, service qui a à choisir, à concevoir et à mettre en œuvre les moyens de production des pièces mécaniques. À cette place, il est le témoin de l’automatisation de la chaine de montage1 comme celui de l’usinage des prototypes et des outillages2, et s’interroge sur les moyens de communiquer les instructions à l’ordinateur qui commandent les instruments. Il faut en quelque sorte numériser, ou en tout cas automatiser plusieurs phases de fabrication, depuis les plans jusqu’à la confection des pièces, qu’il s’agisse des modèles de voiture ou des outils d’usinage.

Pierre Bézier, qui critique l’approximation et la subjectivité des dessins utilisés comme modèles aux gabarits de fabrication des pièces automobiles, perçoit dans l’utilisation de ces commandes numériques le procédé adapté pour améliorer l’ensemble du processus de conception et de fabrication, notamment dans la précision de tracé de la carrosserie des voitures.

Trente années d'expérience dans une spécialité exigeante m'avaient appris que, lorsqu'apparaît un moyen nouveau, on peut tenter de l'appliquer, de-ci, de-là, dans quelques phases d'une séquence classique d'opérations. On y gagne un peu sur la précision, le délai ou le prix. Le bénéfice est de quelques centièmes sur l'ensemble du processus, ce qui n'est pas à dédaigner. Une autre démarche est d'imaginer de bout en bout une solution tirant tout le parti possible de la technique nouvelle. On n'invente pas l'automobile en plaçant un moteur à pétrole sur une voiture à cheval.3

1 Pierre BÉZIER « Évolution de l’automatisation dans une grande entreprise » dans Journées d’informations

électro-industrielles, Paris, 25-28 octobre 1960, S.O.D.E.L, Paris, 1961, Communication n°6, 6 p.

2 Pierre BÉZIER, Emploi des machines à commande numérique, Paris : Masson et Cie Eyrolles, 1970, 224 p. 3 Pierre BÉZIER, « Petite histoire d'une idée bizarre » (1), dans Bulletin de la Section d'Histoire des Usines Renault, tome 4, juin 1982, n°24, p. 262.

Il opte pour la solution la plus ambitieuse1, afin d’apporter de la rigueur et de la cohérence dans toute la phase de production, dès le bureau d’études, et met au point dès 19612 une méthode

pour concevoir, sous formes d’expressions mathématiques, des courbes et des surfaces qui pourront par la suite représenter numériquement les dessins des voitures et leurs multiples composants.

Pratiquement en même temps et de façon tout à fait indépendante, Paul de Casteljau, employé mathématicien par Citroën, met au point la notion de formes à pôle dès 19583, après avoir remarqué lui aussi que la conception des formes de la carrosserie paraissait « relever beaucoup plus du doigté et de l’à peu près que de l’absolu mathématique »4. Aussi, il s’attèle à

proposer une ébauche de solution à la société Citroën, en commençant une étude consacrée au problème de la transcription mathématique d’une forme, courbe ou surface, afin de rendre réalisable la représentation fidèle d’une forme par une équation, en prenant soin d’éviter le plus possible les singularités intempestives.

Christophe Rabut5 nous indique toutefois les disparités de leur approche : alors que l’un

travaille sur la « déformation des hyper-espaces », l’autre prend comme point de départ une construction géométrique. Mais elles proposent toutes les deux une définition des courbes et surfaces par des points de contrôle qui permettent la déformation des figures représentées, afin d’apporter les qualités recherchées par la conception et la fabrication assistée par ordinateur (CFAO)6.

Bien que menés par des individus isolés, ces travaux précurseurs sont considérés comme des étapes clés dans le développement du domaine de l’informatique graphique7, notamment

parce qu’ils s’effectuent au sein de grands groupes qui permettent l’accès à du matériel précieux, et à l’application directe des résultats échelle un. Pendant que l’industrie automobile développe des protocoles pour mettre à profit les nouvelles commandes numériques des machines-outils, l’enseignement supérieur en informatique suit les récents développements matériels en termes de graphique, des développements essentiellement américains.

1 Trois possibilités sont discutées par Christophe RABUT, « Petite Histoire d'une Idée Bizarre : les Courbes et les Surfaces de Bézier », dans Actes du colloque Pierre Bézier: ENSAM Paris, 30 novembre 2000, Paris : ENSAM, Département Informatique et mathématiques, 2001, 115 p.

2 Les premiers résultats sont visibles en 1961 mais Bézier y réfléchit de manière isolée depuis 1956.

3 Pierre Bézier cite d’ailleurs les travaux de Paul de Casteljau dans Pierre BÉZIER, Courbes et Surfaces pour la

CFAO, Ed. Techniques Ingénieur, 16 p.

4 Paul DE CASTELJAU, Mathématiques et C.A.O., 2: Formes à pôles, Paris : Hermès, 1985, 115 p. 5 Christophe RABUT, COLLOQUE PIERRE BÉZIER, op. cit.

6 Il faut distinguer conception assistée par ordinateur (CAO) et fabrication assistée par ordinateur (FAO). 7 Il s’agit encore de tracé vectoriel et pas d’image de synthèse.

Le précédent américain

Au début des années 1960, plusieurs projets voient le jour quasi simultanément aux États-Unis, permettant à l’informatique graphique d’émerger. Citons les plus connus. Le système graphique de conception assistée par ordinateur DAC-I à la General Motors d’une part, destiné à l’étude des prototypes automobiles1 ; la thèse d’Ivan Sutherland d’autre part,

consacrée à l’élaboration d’un ordinateur « more approachable » avec le logiciel Sketchpad2,

qui décrit les principes fondamentaux de l’infographie 3D appliquée au prototypage virtuel ; et le dispositif graphique très voisin Digigraphic développé à la Itek Corporation. Du point de vue de la France, le domaine parait entièrement dominé par les États-Unis. Le pays produit la quasi- totalité du matériel commercialisé, héberge la plupart des sociétés qui vont se spécialiser dans la production d’images par ordinateur, et le congrès annuel international consacré à l’informatique3, dont les actes sont toujours considérés comme l’état de l’art du domaine, va

s’y tenir chaque année à partir de 1974. De ce fait, lorsque ces développements se commercialisent en France, et qu’elle découvre à son tour le graphique, elle le fait en s’appuyant sur cette avance américaine, tant en recherche fondamentale qu’en dotation en matériel, envisagée comme un modèle à suivre, si ce n’est à dépasser4. En 1973 par exemple, quand Bill Newman et Bob Sproull publient les listes complètes d’algorithmes5, « les chercheurs français s’approprièrent les codes aimablement fournis et se lancèrent alors dans la course. Les résultats ne se firent pas attendre. »6 Ils s’appuient sur les premiers ouvrages de synthèse pour entamer le développement de leur propre langage et personnaliser leurs machines, bien souvent de construction américaine ; leurs articles prennent fréquemment les recherches étrangères7

1 Design Augmented by Computer (DAC), réalisé à partir de 1949, avec l’aide d’IBM vers 1960 et présenté à la

Fall Joint Conference en 1964. Fred N. KRULL, "The origin of computer graphics within General Motors". IEEE Annals of the History of Computing, volume 16, N°3, 1994.

2 Ivan SUTHERLAND, Sketchpad : A Man-Machine Graphical Communication System, thèse de doctorat, Lincoln Laboratory, Massachusetts Institute of Technology, 30 janvier 1963. Le chapitre 2 « History of Sketchpad » revient sur la genèse du projet, et sur les préoccupations de plusieurs professeurs au MIT intéressés par la réalisation d’un ordinateur « more approachable », p. 11 à 14. Une version électronique a été éditée par l’université de Cambridge en septembre 2003, le chapitre 2 (page 31 à 36) diffère quelque peu dans ses premières phrases de la dissertation de 1963 (en ligne), consulté en mai 2013, http://www.cl.cam.ac.uk/techreports/UCAM-CL-TR-574.pdf

3 The Special Interest Group on Computer Graphics and Interactive Techniques – SIGGRAPH.

4 Ce que nous observerons également dans le chapitre 2, lorsque l’État français s’intéressera à l’économie de l’image de synthèse.

5 William NEWMAN et Robert SPROUL, Principles of Interactives Computer Graphics. McGraw-Hill Inc., 1973, qui comportait les listes complètes de deux programmes d’élimination de parties cachées dus à Warnock et Watkins.

6 Témoignage Michel Lucas, 14 février 2012 dans le cadre du programme de recherche EnsadLab Hist3d, (en ligne), consulté en mars 2013 http://hist3d.fr/seminaire/la-recherche-universitaire/

7 Prenons l’exemple de l’ouvrage de Paul de Casteljau. Sur 26 titres cités en bibliographie, publiés de 1964 à 1983, un seul est en français (traduit du russe), les autres sont américains. (Paul DE CASTELJAU, op. cit.) L’ouvrage de

comme références ; et ils encouragent la diffusion de leurs recherches à l’international1. Ce qui encourage quelques français à soutenir leurs thèses aux États-Unis – Jean-Yves Leclerc2, Philippe Loutrel3, Robert Mahl4, Henri Gouraud5, Patrick Baudelaire6, Bui Tuong Phong7, Philippe Coueignoux8 - alors même que la première équipe graphique se constitue en France, à Grenoble9.

Nous examinerons le parcours d’Henri Gouraud pour comprendre les cas particuliers de chercheurs français qui ont souhaité s’orienter vers la synthèse d’image sans pour autant trouver l’engouement requis dans leur école d’origine, et qui ont préféré parfaire leurs parcours outre- Atlantique.

« L'informatique graphique m'intéressait », raconte Henri Gouraud, « parce que c'était concret : on voyait ce qu'on faisait. Mais je n'y connaissais rien. J'avais seulement fait du Fortran et du calcul numérique à l'École Centrale, et commencé à découvrir l’informatique dans ma spécialisation Automatique et Informatique à Sup'Aéro10». Sur les conseils de Jean-Yves Leclerc, qui vient de passer son doctorat à Berkeley, il décide de poursuivre son cursus aux États-Unis. Jeune marié, et avec le soutien d’une bourse d’études de l’IRIA11, il rejoint le

Morvan et Lucas publié douze ans plus tard, dresse un panorama des recherches françaises. Sur 223 références bibliographiques, 90 sont en langue anglaise (majoritairement américaines), dont 6 écrites par des français, illustrant leur volonté d’acquérir une part de marché (Pierre MORVAN et Michel LUCAS, op. cit.).

1 En accueillant des cherches étrangers en France (nous citons le colloque de Seillac (Workshops IFIP, Seillac I

« Methodology in Computer Graphics », mai 1976, Seillac, France.)), mais aussi en publiant à l’étranger, et en

montant un groupe de recherche européen, Eurographics, en 1980.

2 Jean-Yves LECLERC, Memory Structures for Interactive Computers, Electrical Engineering and Computer Sciences, PhD, Advisor Robert Evans, University of California Berkeley, USA, 1966.

3 Herbert FREEMAN et Philippe LOUTREL, « An algorithm for two-dimensional « hiddent line » problem », IEEE Trans. Electron. Comput., vol.EC-16, no.6, pp.784-790, 1967.

4 Robert MAHL, An analytical approach to computer-systems scheduling, PhD, Computer Science, Advisor David Evans, University of Utah, USA, 1970.

5 Henri GOURAUD, Computer Display of Curved Surfaces, PhD, University of Utah, 1971.

6 Patrick BAUDELAIRE, Digital Picture Processing and Psychophysics: A Study of Brightness Perception, PhD, Computer Science, Advisor Thomas Stockham, University of Utah, USA, March 1973.

7 Bui PHONG, « Illumination for computer generated pictures », Communications of the ACM, Vol.18, n°6, pp311- 37, juin 1975.

8 Philippe COUEIGNOUX, Generation of Roman printed fonts, PhD dissertation, Massachussetts Institute of Technology, Dept. of Electrical Engineering and Computer Science, Cambridge, Massachusetts, USA, 1975. 9 Parmi les chercheurs de cette « French connection », seul Philippe Coueignoux rejoindra l’enseignement supérieur afin de constituer une équipe graphique à l’école des mines de Saint-Etienne. D’autres s’appuieront sur ce réseau pour participer aux grandes étapes de développement de la discipline de l’informatique graphique versant industriel, à l’image d’Henri Gouraud qui fut d’abord recruté par Tecsi, une jeune société de conseil en informatique créée par ses anciens professeurs et collègues de Sup’Aéro Jean-Yves Leclerc et Vincent Tixier. 10 Henri Gouraud cité par Isabelle BELLIN, « Image de synthèse, palme de la longévité pour l’ombrage de Gouraud », Interstices, 15/09/2008, (en ligne), consulté en juin 2014 https://interstices.info/jcms/c_25256/images- de-synthese-palme-de-la-longevite-pour-lombrage-de-gouraud

département informatique de l'Université de l'Utah et l'équipe de David Evans, où il est nommé

research assistant de 1968 à 1971.

Pour mener à bien ses recherches, Henri Gouraud sait mettre à profit la diversité des approches étudiées dans son environnement de recherche, très fourni. « Il faut dire que l'université de l'Utah et en particulier notre département était une vraie pépinière de chercheurs

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