• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3. La gestion du risque naturel à La Réunion

2. L’information et la prévention

Les Dossiers Communaux Synthétiques (DCS) ont pour objectif de faire mieux connaître le risque aux populations. Ils s’avèrent en réalité peu efficaces pour différentes raisons. La principale est qu’il existe de trop nombreux types de documents rendant leur compréhension complexe : des séries de documents écrits tels que le Dossier Départemental des Risques Majeurs (DDRM) et le Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM) ; déjà évoqué précédemment, l’Information Acquéreur Locataires (IAL), portant obligation à tout vendeur ou bailleur lorsque la commune est concernée par un PPR un Plan Particulier d’Intervention (PPI) ou une zone à risque sismique ; enfin, on met en œuvre des procédures d’alertes. En France il existe par exemple quatre niveaux pour les crues par couleurs : vert, jaune, orange puis rouge. À cela, on admet une certaine observation du milieu par les populations. Par exemple, pour un cyclone les signes précurseurs sont la houle cyclonique, la présence de nuages, la fuite des animaux vers l’intérieur des terres, les pluies diluviennes, les vents violents, etc.

La gestion du risque, et plus particulièrement la prévention, est un aspect majeur de la réduction de la vulnérabilité. « Réduire les fragilités matérielles fonctionnelles face aux menaces naturelles

» (Leone et al., 2010) en renforçant la résistance des bâtiments, ouvrages et activités exposées est primordiale. Pour cela, la capacité de réponse d’une société (information, conscience du risque, préparation gestion de crise) est nécessaire afin de mieux vivre le risque et de favoriser le retour à la normale après la catastrophe. Le risque a une valeur structurelle pour la société et les personnes. Réduire la pauvreté, qui est le principal facteur de vulnérabilité, semble donc logique.

À cela, s'ajoutent la conscience et la connaissance du risque. La question de la mémoire du risque passe à court terme par un bilan post-crise ainsi qu’un Retour d’Expérience (REX) effectué par

les services adéquats. La mémoire à long terme passe aussi par l’aspect culturel. On peut résumer la gestion du risque en France à travers le schéma suivant :

Figure 6 : La gestion du risque et des crises en France (GASPAR, MEDDTL, BARPI, 2012) 3. L’outil principal : le Plan de Prévention des Risques (PPR)

Le PPR encadre l’aménagement d’un territoire. En cartographiant l’aléa, le PPR est censé rendre accessible une meilleure connaissance pour les élus et les populations. Celui-ci est prescrit par le préfet et rédigé par les services de l’Etat (DDE, DDEA et DREAL) avec des bureaux d’étude, puis est soumis à enquêtes publiques avant validation. Il vaut servitude d’utilité publique. Cet outil vise à réduire les enjeux face aux risques naturels mais présente des failles dans son application (renouvellement sans cesse de décrets, maîtrise et occupation des sols non respectées). Le PPR peut être source de conflit entre les intérêts privés (fonciers), et ceux qui le considèrent comme un frein au développement. Les mesures de gestion s’intéressent désormais à

la réduction des enjeux, c'est-à-dire à l’installation de logements, d’activités économiques et d’infrastructures dans les zones à risque. La prévention vise à mettre en place des outils coercitifs et incitatifs. La délocalisation préventive est possible mais reste rare. À ces outils français, il faut ajouter les normes à échelle mondiale et régionale. C’est le cas pour la construction antisismique à l’échelle internationale. Concernant les inondations, il existe une directive en Europe (DCE).

On constate donc un mille-feuille administratif sur le terrain (PPR, SAGE, zonages urbains, Parc National, etc.) qui tend vers une complexité de la prise en compte du risque dans l’aménagement.

On observe alors un écart entre les lois et les pratiques locales. « Dans ce contexte les contraintes réglementaires sont multiples et complexes, ce qui rend l’information peu lisible et bien souvent peu respectée, comme c’est le cas des PPR. Les révisions d’aménagement manquent bien souvent de cohérence et de logique durable. Les décideurs et les aménageurs ne prennent pas ou très peu en compte les risques du point de vue spatial et dynamique. La mise en œuvre des schémas et programmes liés aux risques est bien souvent laissée pour compte » (Simon, 2008).

Le rôle des bidonvilles, qui représentent 15 % de l’habitat en 2002, a par exemple été identifié comme facteur aggravant des impacts du cyclone Dina la même année (Anger, 2012).

3.2 Applications de cette gestion du risque à La Réunion

À l’origine, la loi d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles de 1982 ne s’applique pas aux DOM, c’est seulement le 25 juin 1990 (après le cyclone Hugo en Guadeloupe) que cette inégalité est réduite. Pour Lambert (2019), les populations des territoires littoraux ultra-marins tropicaux cumulent plus de vulnérabilités sociales, économiques et environnementales que les métropolitains. Et ce, malgré le fait qu’il y ait des actions de gestion de risque d’inondation et de submersion plus conséquentes qu’en métropole (Fontaine et al., 2009). Une partie des installations au niveau du littoral ont été effectuées sans droit ni titre au niveau de la « zone des cinquante pas du Roy », aujourd’hui « zone des cinquante Pas géométriques ». Cette bande de terre à l’origine de 81 m 23 parallèle au rivage depuis la ligne des plus hautes eaux est relative au domaine public maritime (DPM) et ne peut pas faire l’objet de construction privée. Cet espace est pourtant totalement urbanisé depuis les années 1980, à Saint-Gilles on parle même de « bétonnage du littoral » (Le Quotidien, 2017). La Loi littorale à réussi à ralentir quelque peu la

libre occupation des Pas géométriques mais on relève encore des contournements de la loi. Des arrêtés de démolition commencent à être pris, comme ce fut le cas en 2018 pour les paillotes en bord de mer à l’Hermitage. Directement installées sur la plage, elles ne bénéficiaient pas d’un statut réglementé. Les habitants de ces résidences privées en bord de mer ne pouvaient donc pas profiter du Fond Barnier concernant les procédures de relocalisation. Mais une partie de ces occupants payaient une taxe foncière et se considéraient donc propriétaires. L’ambiguïté sur la qualité du propriétaire pose problème lors de cette gestion. À cet effet, la loi « Letchimy » de 2011 met en place un dispositif d’indemnisation de la perte de domicile dans les collectivités d’outre-mer (Code de l’Environnement National) selon plusieurs critères.

Au même titre que les indemnisations pour les catastrophes naturelles, les PER de 1984 ne s’appliquent pas à La Réunion car les gouvernements successifs estimaient que les risques étaient trop importants sur l’île à cause des cyclones tropicaux. Suite au cyclone Hyacinthe, le gouvernement essaie de mettre en place un programme pluriannuel d’endiguement des ravines (PPER). Celui-ci repose sur des financements importants de l’Etat et de l’Europe. Cependant, en 2007 la politique change radicalement suite à des rapports d’expert et des articles de géographes sur les risques d’inondations possibles même en cas d’endiguement. L’Europe instaure donc la Directive Cadre Inondation (DCI) qui freine tout endiguement et favorise un traitement du bassin versant dans son ensemble. Cette directive s’inscrit dans une politique en lien avec les Programme d’Aménagement et de Prévention des Inondations (PAPI) de 2003.

Aujourd’hui, l’Europe joue un rôle clé dans la gestion du risque et impose différentes directives, à cela s’ajoute l’échelle locale à travers laquelle on observe une pluralité d’acteurs à La Réunion qui sont référencés dans la figure ci-dessous :

Figure 7 : Les acteurs de la gestion du risque naturel à La Réunion

Il faut comprendre que La Réunion est un territoire à part entière qui doit être appréhendé en tant que tel. La densité moyenne y est par exemple de 340 habitants par km2contre 117 habitants par km2 en métropole (INSEE) en 2016. Les méthodes structurelles utilisées, ou « mesures qui cherchent à contrôler l’aléa, souvent par ouvrages de génie civil » (Leone et al., 2010), telles que les digues, barrages, murs de déviation de coulée de lave, etc. entraînent un faux sentiment de sécurité totale pour la population. Cependant, les actions sur les inondations sont par exemple très appréciées et beaucoup pratiquées. Le PPR en ville ne reflète pas le risque de fait, mais bien l’espace accordé au risque par la société (Dupont, 2005). La vulnérabilité face au risque n’est jamais totalement explicable, elle ne dépend pas que de l’aléa, et s’inscrit dans un système complexe dont l’homme est au centre.

Chapitre 4. Trajectoires de vulnérabilité : de la nécessité d’étudier la représentation