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L’inexécution du fait de la nécessité publique

Section II Le droit à l’exécution des décisions de justice, enjeu majeur pour le justiciable

A. L’inexécution du fait de la nécessité publique

Dans ce cas cette inexécution peut être due soit à une validation législative (1), soit pour des considérations d’intérêt général (2).

600 CONSEIL D’ETAT, Rapport Public 2019 : activité juridictionnelle et consultative des juridictions

administratives en 2018, La Documentation française, 2019, p. 179.

601 Ibid.

602 Article R.921-7 du CJA. Néanmoins cette sanction apparait rare puisque l’analyse du rapport des arrêts,

jugements et communications des juridictions financières de la période de 2006 à 2017 ne relève aucun cas. V. Néanmoins, CDBF, 20 décembre 2001, Région Guadeloupe, n°469.

603 Article R.921-7 du CJA.

604 ROMIEU Jean, « Conclusion sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 août 1905 Martin (rec. p 755) », Recueil

1. L’intervention du législateur au secours de l’administration

Le caractère éminemment favorable au justiciable public de l’intervention législative ne fait aucun doute. Le Recteur Guinchard écrivait que « leur rétroactivité vise à rompre

l’égalité des armes, en dénouant le litige en cours au profit direct ou indirect de l’Etat […], par la technique consistant à redonner la vie juridique à des actes qui ne l’avaient plus ou qui allaient la perdre.»605

Les lois de validation ne sont pas dépourvues de tout encadrement puisque le risque d’atteinte à l’indépendance des juridictions est grand. À cette fin, le Conseil Constitutionnel a imposé comme condition de validité de la loi de validation qu’elle ne porte pas sur un acte annulé606. De surcroît la loi devra poursuivre un « motif impérieux d’intérêt général.»607 L’emploi du terme « impérieux » démontre bien la volonté des Sages de s’assurer d’un degré élevé d’exigence dans les conditions de recours aux lois de validation.

Toutefois le colocataire du Conseil Constitutionnel a quant à lui été plus fluctuant sur le degré d’exigence de l’intérêt général requis pour justifier une loi de validation.

Dans sa décision du 28 juillet 2000, le Conseil d’Etat impose une justification « par des

motifs d'intérêt général suffisants»608 avant de retenir dans la décision d’Assemblée

Guardedieu609 la notion « d’impérieux motifs d’intérêt général.» Pourtant la formulation du

Conseil d’Etat semble avoir acquis un retour à la formulation dans des arrêts postérieurs.610

En pratique, l’usage fait de la validation législative permet de limiter les conséquences d’une annulation d’un acte administratif dont les effets dépassent la simple instance en cours.

605 GUINCHARD Serge, CHAINAIS Cécile, DELICOSTOPOULOS S. Constantin et al., op. cit., p. 315.

606 Cons. Const., 14 février 2014, SELARL PJA, ès qualité de liquidateur de la société Maflow France

[Validation législative des délibérations des syndicats mixtes instituant le “versement transport”], n°2013-

366 QPC, JORF n°0040 du 16 février 2014, p.2724, §6.

607 Idem, §3.

608 CE, 7/5 SSR, 28 juillet 2000, Monsieur Tête et Association du collectif pour la gratuité contre le racket,

n°202798, rec. p.319.

609 CE, Ass, 8 février 2007, Guardedieu, n°279522, rec. p.78.

Il en ira ainsi en cas d’annulation d’un concours611 ou du classement d’un grand cru classé612

par exemple.

Cette pratique tend donc plus à neutraliser les effets qu’une décision juridictionnelle pourrait produire sur d’autres personnes que les parties à l’instance, que véritablement à faire échec à l’exécution de la décision pour le justiciable. Néanmoins il existe des cas où c’est bel et bien le justiciable partie à l’instance qui sera privé des effets concrets de la décision.

2. Le refus d’exécution pour motif d’intérêt général

À titre liminaire, il convient de rappeler que ce refus d’exécution est totalement différent des cas d’inexécution par l’administration de ses obligations par mauvaise foi parce qu’il est fondé dans le présent cas sur un motif d’intérêt général.

Il trouve application essentiellement dans le refus de concours de la force publique dont la célèbre décision Couitéas613 de 1923 fournit un parfait exemple. La limite à l’exécution

d’une décision de justice se trouve dans le risque de faire naître des troubles plus graves du fait de l’utilisation la force publique que du fait de l’inexécution de la décision.614

Pourtant du point de vue du justiciable, la mise en place d’un régime de responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques n’apparait qu’un palliatif peu satisfaisant. Bien que le Conseil Constitutionnel reconnaisse lui-même cette dérogation « dans des

circonstances exceptionnelles»615, la Cour européenne des droits de l’Homme adopte une

position plus stricte. En effet, la Cour a condamné la France du fait de ce refus du concours de la force publique, qui ne peut être que différé et non refusé définitivement616 ; le mécanisme de responsabilité de l’Etat n’étant pas « de nature à aboutir directement à l’exécution de cette

611 V. par exemple la validation de la liste d’admission au concours de technicien du Conseil supérieur de la

pêche par l’article 22 de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale, JORF n°3 du 4 janvier 2001, p.96.

612 Article 65 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et

d'allègement des procédures, JORF n°0110 du 13 mai 2009, p.7920.

613 CE, 30 novembre 1923, Couitéas, rec. p.789.

614 CE, 5/4 SSR, 30 juin 2010, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales c/ M. et

Mme Ben Amour, n°332259, rec. p.225.

615 Cons. Const., 29 juillet 1998, Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, n° 98-403 DC,

JORF n°175 du 31 juillet 1998, p.11710, §46.

décision.»617 C’est au titre de la « prééminence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique»618 que se justifie la sanction d’un Etat en raison du refus de

celui-ci d’exécuter ou de faire exécuter une décision de justice.

En dehors de ces deux hypothèses, il apparait de façon étonnante que l’office du juge contribue lui-même à un renouveau des annulations platoniques. « L’annulation n’est plus

platonique en dépit de la décision juridictionnelle, elle l’est précisément en raison de la décision juridictionnelle.»619

B. La contribution du juge administratif au renouveau des annulations

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