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CHAPITRE TROISIEME : POUR UNE DOUBLE REECRITURE

4.2 L’inceste et le parricide:

Nous retrouvons également ces deux thématiques dans le texte de Fériel Oumsalem d’une manière totalement symbolique ; Après que la mère de Yacine le réveille de son rêve, le protagoniste se lie d’amour avec elle dans sa chambre : « avec douceur, la main maternelle caressait les cheveux d’un Yacine comblé »3 sous

1 Ibid., P45 2 Ibid., P92 3 Ibid., P93

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le toit du foyer familial, et lui avoue son affection tout comme Œdipe a avoué son affection à Jocaste autrefois : « Je t’adore maman ! On est si bien tous les deux »1. En ce moment intime qui incarne l’inceste, le père d’Œdipe les appelle pour diner mais « Ni l’un ni l’autre ne prit garde à la voix du père qui les rappelait à l’ordre»2. Le fait qu’il a ignoré ou qu’il n’a pas fait attention à la voix de la figure paternelle, fait de lui celui qui efface la présence de son père de l’histoire, celui qui le tue symboliquement.

Ainsi, le protagoniste se trouve condamné à son tour à commettre l’inceste et le parricide même si c’est d’une manière éphémère et symbolique.

4.3 L’errance :

Un des thèmes communs entre Œdipe Roi et Œdipe…sans complexe est celui de l’errance, avant d’aborder le sujet, nous essayerons d’abord de donner une définition à cette notion. Etymologiquement le mot « errance » est dérivé du verbe « errer », provenant du latin « errare » qui veut dire « errer, aller çà et là, sans but»3, d’après le Grand Robert c’est « le fait d’aller de côté et de l’autre, au hasard, à l’aventure, sans direction précise »4

, en ce sens le terme errer est associé au mouvement, plus précisément à la marche sans un but précis.

Dans Œdipe Roi, dès sa naissance, Œdipe fut abandonné dans une route pour mourir, il quitte sa famille adoptive et sa ville Corinthe pour empêcher la réalisation de la prédiction de l’oracle, il marche dans le sens inverse de la ville sans savoir vraiment où ses pieds vont le mener, c’est sur une route qu’il tue un homme plus âgé, et qu’un monstre soumit le meurtrier à une épreuve d’intelligence que celui-ci remportera et devient ainsi roi. Une fois que son oracle s’est réalisé, il

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Ibid., P93 2 Ibid., P93 3

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition, 1932-1935 [en ligne], URL :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/generic/cherche.exe?11;s=618364290, consulté le 6 juin 2016 4 Le Grand Robert, Paris, Robert, 2003, P383

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comprend qu’il est maudit et décide de s’exiler pour protéger sa descendance, et se condamne encore une fois à errer, mais cette fois ci pour le restant de sa vie.

Ce thème de voyage ou d’errance est également présent dans Œdipe…sans

complexe, Yacine quitte le foyer maternelle pour se rendre à l’université, une fois

son cours est terminé il décide de marcher seul pour mieux digérer sa déception, « Yacine s’engagea sur le chemin qui le rapprochait de la douceur du foyer maternel »1 , son errance est liée à l’idée du désarroi, à l’égarement de soi-même, il marche dans les rues « désemparé et perdu dans ses cogitations »2, une fois arrivé à sa maison, le jeune homme ne sait plus ce qu’il a à faire et continue son errance dans le vide :

Il tourna en rond, alla à la cuisine, croqua une pomme, puis se dirigea vers la bibliothèque de son père où il commença à parcourir les étagères à la recherche d’un ouvrage de divertissement parmi ceux qu’il a déjà lus et aimés…il s’empara du livre et alla s’installer dans sa chambre…

Le passage ci-dessus est abordé de termes qui travaillent le thème: l’expression « tourner en rond », et les verbes « aller », « se diriger », « parcourir » représentent le mouvement et le déplacement. Toutefois, la marche que Yacine entreprend, s’avère être sans objectif précis, et c’est ce qui l’inscrit avec Œdipe dans la logique de l’errance.

Ainsi, nous retrouvons dans l’histoire de Yacine la majorité des mythèmes qui construisent le mythe l’histoire d’Œdipe : le savoir, l’ignorance, l’errance, le parricide et l’inceste, il est vrai qu’il y a quelques modifications ou omission au niveau des dénouements, Yacine n’est pas un enfant abandonné, il n’a pas les pieds enflés, il ne se donne pas la cécité mais la fin du récit répond aux attentes des lecteurs car finalement, le protagoniste n’est pas épargné, son destin s’accomplit.

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OUMSALEM, Fériel, Œdipe...sans complexe, Op. cit., P6 2 Ibid., P9

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A travers ce dernier chapitre de notre mémoire, nous nous sommes intégrées un peu plus dans l’étude du texte réécrit, ainsi nous avons réalisé que sa structure interne –de récit enchâssé, l’insertion des figures mythiques, et la redondance au niveau des personnages et des thèmes ont permis à Fériel Oumsalem de réécrire un prototype du questionnement sur soi, qui met principalement en jeu l'énigme de l'identité personnelle.

De ce fait, Œdipe…sans complexe se présente comme étant une double réécriture qui tout en restant fidèle au texte source, arrive relier le monde antique au monde moderne à la lumière de la théorie freudienne sur le « complexe d’Œdipe ».

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Le mythe d’Œdipe est un mythe qui a pu survivre aux outrages du temps, et réapparaitre au fil des siècles à travers les différentes réécritures qu’il a subit. La réécriture du mythe n’est pas simplement répétition de son histoire, elle raconte aussi l’histoire de son histoire, elle se porte au-delà de l’actualisation d’une simple référence, les opérations de transformation assurent la survie du mythe et son continuel encrage dans la mémoire humaine.

Notre travail de recherche ayant pour objectif, l’étude de la réécriture du mythe d’Œdipe dans Œdipe…sans complexe de Fériel Oumsalem, nous a permis de montrer comment l’auteure s’est approprié la version sophocléenne –qui devient notre hypotexte, en assurant à la fois la continuité du mythe et sa part d’originalité.

Pour rendre notre analyse fructueuse, nous avons eu recours à différentes méthodes et approches qui nous ont permis d’atteindre notre objectif principal qui est de trouver comment cette réécriture se distingue-t-elle du texte original et de répondre à nos interrogations, à travers les trois chapitres. Dans le premier chapitre, qui constitue la base théorique de notre recherche, nous nous somme référé à l’étude de Anne-Claire Gignoux qui nous a permis d’affirmer que l’auteure a fait recours, à une réécriture intertextuelle lors de son adaptation du texte sophocléen.

Lors du deuxième chapitre, les méthodes comparative et analytique nous ont aidé à mettre en parallèle Œdipe…sans complexe de Fériel Oumsalem et Œdipe roi de Sophocle, pour déterminer les transformations qu’à subit ce dernier lors de sa réécriture. Nous nous sommes rendues compte que l’auteure reprend fidèlement la trame de son hypotexte : l’Œdipe sophocléen intervient dans le roman pour raconter son histoire telle qu’elle est sans changement radical au niveau des personnages ou du déroulement des évènement ; La seule différence est que contrairement à Sophocle, l’auteure tente de donner une épaisseur psychologique au héros mythique. Ainsi nous nous somme résulté à dire que l’auteur porte prétention à la fidélité du texte originel, et que sa réécriture s’inscrit dans une volonté de renouveler l’œuvre originelle.

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Toutefois, l’auteure ne s’est pas contentée d’une seule réécriture du texte source, elle a procédé à travers la structure enchâssée de son texte à une seconde réécriture du mythe d’Œdipe, à travers la mythification de son récit cadre.

Dans le troisième chapitre nous avons fait appel à la mythocritique de Pierre Brunel, aux travaux de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss ainsi qu’à l’étude du titre et de l’ensemble para-textuel, qui nous ont permis de déceler les traces du mythe d’Œdipe dans l’histoire du protagoniste Yacine –qui constitue le récit cadre, notamment avec la présence des mythèmes et les figures mythiques qui confèrent au texte une dimension mythique ; le système de dédoublement des personnages, qui a fait que chaque personnage de l’histoire de Yacine incarne par le biais de son caractère et de sa fonction un personnage d’Œdipe Roi ; Ces signes nous ont permis d’affirmer que l’auteure a pu se réapproprier le mythe d’Œdipe sans pour autant transgresser la version originel. Sa seconde réécriture s’inscrit donc dans une optique de modernisation, voire d’une algérianisation du mythe d’Œdipe vu qu’elle le représente à travers le vécu d’un jeune homme algérien, de famille algérienne, dans une ville algérienne.

Œdipe…sans complexe représente donc une double réécriture du même

hypotexte, le génie de son auteure, offre au lecteur l’occasion de savourer à nouveau la tragédie sophocléenne qui lui est familière, tout en lui ménageant la part de surprise, celle de redécouvrir par soi-même une nouvelle version du mythe qui convient à l’ère moderne.

Au cours de la réalisation de cette recherche, nous avons pu trouver des réponses adéquates à nos interrogations, or, nous ne prétendons pas tout dit, car nous nous sommes heurtées à deux obstacles d’ordre théorique. Le premier est dû au manque d’étude à la fois sur notre corpus malgré qu’il n’est pas si récent que ça ; Et sur le domaine de la réécriture qui semble être peu étudié jusqu’à présent.

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Le second quant à lui, est dû au fait que nous avons désiré aborder également, le côté psychanalytique du récit, mais ceci semble être un domaine assez vaste qui pourrait être sujet d’une autre étude sur le texte.

De ce fait nous concluons notre réflexion en laissant le champ ouvert vers d’autres analyses et des perspectives de recherche, où nous proposons qu’il serait possible d’approfondir d’avantage notre travail dans une autre étude :

L’auteure a tenté lors de cette réécriture de donner une épaisseur psychologique au personnage d’Œdipe ; Mais est-ce qu’elle a pu vraiment atteindre cet objectif ? Sachant que si l’on suit la primauté aristotélicienne de l’action sur le caractère, « les personnages de la tragédie n’agissent pas pour présenter des caractères, c’est à travers leurs actions que se dessinent leurs caractère », Œdipe de Sophocle n’a pas de psychologie ou d’inconscient, il est notre psychologie, notre inconscient et toute tentative d’attribuer une psychologie à cette figure mythique s’avère être dérisoire jusqu’à présent.

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BIBLIOGRAPHIE

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