• Aucun résultat trouvé

L’impossible soumission de la souveraineté nationale au droit

Dans le document Les métamorphoses de la souveraineté (Page 189-200)

la fin d’un pouvoir omniscient et suprême

Section 2 L’impossible soumission de la souveraineté nationale au droit

640. À plusieurs reprises, il a été démontré qu’il existait désormais une distinction entre la souveraineté de l’Etat et la souveraineté nationale. Cette distinction s’analyse de nouveau lorsqu’on compare la place de l’Etat et de la Nation par rapport au droit et surtout par rapport à la norme suprême qu’est la Constitution.

641. Le paradoxe est que le pouvoir souverain réside dans une entité abstraite, la Nation, qui conserve pourtant les attributs de la souveraineté absolue puisqu’elle a le pouvoir de modifier la norme suprême, ce qui implique qu’elle choisisse le droit applicable ainsi que les règles institutionnelles du fonctionnement de l’Etat.

642. Contrairement à l’Etat, la Nation continue d’exercer une souveraineté entière dans la mesure où elle se confond avec le pouvoir constituant. La nature de ce pouvoir constituant et la force normative des règles constitutionnelles conduit à donner à la Nation un pouvoir particulier, qui dépasse la dimension juridique de la souveraineté, pour se rapprocher d’une souveraineté de nature absolue.

§ 1. La Nation : un symbole du pouvoir constituant non soumis au droit

643. À la Révolution, le pouvoir royal est remplacé par une entité abstraite et la souveraineté change tout naturellement de titulaire, passant d’une souveraineté royale à une souveraineté nationale. La Nation devient la source du pouvoir politique, elle devient, sur la base des thèses défendues par les auteurs des lumières, une entité capable de déterminer le bien commun et donc les règles juridiques qui auront vocation à s’appliquer à tous.

644. La Nation est directement à l’origine du pouvoir constituant, mais puisqu’il est impossible de réunir la Nation, des assemblées constituantes seront désignées afin de rédiger la Constitution, norme suprême qui traduit l’exercice du pouvoir de souveraineté. La notion de pouvoir constituant va donc se développer en même temps que l’idée de Nation, et il se définit comme le pouvoir d’établir ou de réviser la règle fondamentale.

645. Ce pouvoir a deux formes principales un pouvoir originaire et un pouvoir dérivé. D’un point de vue doctrinal, cette distinction entre pouvoir constituant originaire et dérivé a eu toute son importance puisqu’elle permettait de différencier le pouvoir originaire, tout puissant, pour modifier la Constitution, et un pouvoir dérivé, qui permettait une modification de la Constitution plus restreinte666. Ainsi le pouvoir constituant originaire intervient pour fixer les modalités d’une nouvelle constitution ce qui lui laisse en théorie davantage de liberté que le pouvoir constituant dérivé, normalement soumis au contenu du texte constitutionnel.

Cette distinction doctrinale n’aura que peu de portée en droit français en raison du lien permanent qui est effectué entre la Nation et le pouvoir constituant. Ainsi, le pouvoir originaire et le pouvoir dérivé émanent toujours de la Nation et conservent donc une part d’absolutisme indéniable.

646. En raison de son lien avec la Nation et le peuple, la volonté de donner au pouvoir constituant un caractère absolu est apparue dès l’origine des Constitutions. Historiquement, en droit français, et plus généralement dans toutes les démocraties, le pouvoir constituant originaire, comme dérivé, a le pouvoir de fixer les règles fondamentales relatives à l’exercice du pouvoir politique. Il a donc le pouvoir de régir l’organisation de l’Etat et est donc en position de supériorité par rapport à l’Etat. Le pouvoir constituant originaire est associé à la Nation et à la souveraineté nationale, davantage qu’à l’Etat.

647. Cependant et là encore, il est difficile de séparer totalement ce qui est du rôle de l’Etat et du rôle de la Nation. L’intervention du pouvoir constituant originaire est assez rare et surtout est liée à l’Etat dans la mesure où ce pouvoir originaire n’intervient finalement qu’après une révolution, après un changement de République ou après la constitution d’un nouvel Etat667. Quant à l’intervention du pouvoir constituant dérivé, il ne peut être exercé sans que les organes de l’Etat en soit à l’origine, d’un point de vue matériel.

648. À l’égard du pouvoir constituant, la souveraineté nationale a une fonction en amont et en aval puisqu’elle est à la fois directement à l’origine du pouvoir constituant, et qu’elle transparaît également dans le pouvoir constituant dérivé. En France, et dans une décision du 2 septembre 1992, Maastricht 2, le Conseil constitutionnel a rappelé que le pouvoir constituant était souverain et qu’il pouvait modifier le texte constitutionnel en vertu du pouvoir dérivé 666 Les références bibliographiques sur cette question sont nombreuses. Nous ne citerons que les plus importantes. C. Eisenmann, la justice constitutionnelle et la haute cour constitutionnelle d’Autriche, Paris, Economica, 1986 ; H. Kelsen, in théorie pure de droit, Dalloz 1962 ; C. Schmitt, théorie de la Constitution, Léviathan PUF, 1993 ; R. Carré de Malberg, contribution à la théorie générale de l’Etat, Dalloz 2003. Pendant la seconde guerre mondiale, cette question a également connu un véritable regain d’intérêt, voir G. Liet Veaux, la fraude à la Constitution, RDP 1943, pp. 116 et suiv ; R. Bonnard, les actes constitutionnels de 1940, RDP 1942, pp. 46 et suiv.

667 Voir en ce sens, P. Pactet et F. Mélin-Soucramanien, droit constitutionnel, Sirey Université, 25ème édition, p. 65.

qu’il tenait de la Nation668. Le constituant et la Nation souveraine sont devenus deux notions totalement imbriquées et surtout pétries d’absolutisme669.

649. La norme suprême est donc entièrement soumise au pouvoir constituant originaire détenu, dans un système démocratique, par la Nation, ce qui permet d’affirmer que la souveraineté nationale n’est pas soumise au droit comme peut l’être la souveraineté de l’Etat. La Constitution est en effet un texte qui encadre l’Etat mais qui est entièrement dépendant du constituant, c’est à dire de la Nation souveraine. Le constituant reste maître de la règle de droit y compris constitutionnelle.

650. Pour autant, la norme suprême porte en elle-même des éléments qui sont de nature à faciliter un mouvement de résistance face aux modifications permanentes qui pourraient être voulues et appliquées par le constituant. C’est en ce sens qu’il serait tout de même possible d’affirmer qu’il existe une différence de nature entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.

651. Cette situation de supériorité du pouvoir constituant, symbole de souveraineté nationale, pourrait ne pas perdurer. En effet, la suprématie du pouvoir constituant est toujours incontestable dans les faits mais elle est déjà l’objet d’une remise en cause juridique et doctrinale très importante qui a pour but la limitation du pouvoir constituant dérivé jusque là peu restreint par les règles constitutionnelles procédurales.

§ 2. Les tentations de modifier la Constitution et la marge de manoeuvre du pouvoir constituant

652. Très tôt, le pouvoir constituant originaire a tenté de mettre des limites au pouvoir constituant dérivé, en instituant, dans le texte constitutionnel, des mécanismes capables de cantonner le pouvoir constituant dérivé en lui imposant des règles procédurales pour modifier la norme suprême. La théorie positiviste défendra d’ailleurs l’idée que dans sa fonction de modification et de révision de la Constitution, le constituant ne peut avoir aucune limite à l’exception de limites procédurales.

668 Décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Maastricht II, JO 3 septembre 1992, p. 13337. Le Conseil constitutionnel avait déjà évoqué cette place du pouvoir constituant dans d’autres décisions : voir décision du 6 novembre 1962, n° 62-20 DC et décision du 9 avril 1992, n°92-308 DC. JO 7 novembre 1962, p. 10778 et JO 11 avril 1992, p. 5354.

653. En réalité, la force contraignante des procédures de révision sur le pouvoir constituant dérivé, est différente en fonction de la nature rigide ou souple de la Constitution670. En France, la Constitution écrite impose des règles procédurales que le pouvoir constituant dérivé doit respecter pour procéder à la modification de la Constitution. Ainsi, l’article 7 de la Constitution de 1958 empêche toute modification de la Constitution en période d’intérim de la présidence de la République. L’article 89-5 interdit quant à lui de porter atteinte à la forme républicaine du gouvernement671.

654. Le droit constitutionnel semble vouloir se protéger lui-même des atteintes qui pourraient lui être portées par le pouvoir constituant. Cependant, force est de constater que le pouvoir constituant garde en réalité un pouvoir total sur les normes même constitutionnelles. Certains auteurs ont ainsi développé l’idée que même dans l’hypothèse d’une Constitution stricte, les règles qui permettaient d’encadrer fortement la révision peuvent être modifiées.

655. Ces auteurs mettent l’accent sur l’idée que la Constitution n’est pas immuable et que les règles restreignant sa modification peuvent également être modifiées ou abrogées. Ainsi, le pouvoir constituant peut d’abord se réunir dans un premier temps pour abolir les dispositions limitant la révision puis ensuite il peut procéder à la révision de la Constitution à sa convenance672.

656. En tout état de cause, et dans l’hypothèse où les règles de révision de la Constitution ne sont pas respectées, il n’existe pas de sanction du pouvoir constituant puisqu’il n’existe aucun contrôle des lois de révision673. Les théories formalistes mettent ainsi en évidence la grande fragilité des règles procédurales censées préserver la Constitution en indiquant que ces règles n’empêchent pas le pouvoir constituant de modifier la norme suprême comme il l’entend674, mais qu’elle lui impose davantage de respecter une procédure avant de modifier la Constitution. Le pouvoir constituant peut modifier le contenu de la norme constitutionnelle en se fixant lui-même les règles procédurales qu’il doit respecter.

670 Sur cette distinction, voir par exemple, P. Pactet et F. Mélin-Soucramanien, droit constitutionnel, Sirey Université, 25ème édition, p. 70.

671 Pour des précisions sur ces limites d’ordre juridique, voir l’article de B. Genevois, les limites d’ordre juridique à l’intervention du pouvoir constituant, RFDA 1998, pp. 909 et suiv.

672 Voir en ce sens J. Laferrière, le nouveau gouvernement de la France, Sirey 1941, p. 36. Cette analyse permet de comprendre comment un Etat respectant sa Constitution peut dériver vers un régime totalitaire au nom de l’absolutisme du pouvoir constituant.

673 Le Conseil constitutionnel n’a ainsi pas le pouvoir de contrôler les lois de révision. C’est notamment ce qu’affirme le Conseil constitutionnel dans plusieurs décisions du 6 novembre 1962, 20 janvier 1981, 28 juillet 1989 (JO 7 novembre 1962, p. 10778 ; JO 22 janvier 1981, p. 308 ; JO 1er août 1989, p. 9676).

674 Cette analyse a notamment été effectuée par J. Barthélémy et P. Duez, in traité de droit constitutionnel, Economica 1985, p. 236, à propos de la forme républicaine du gouvernement qui a été ajoutée en 1884, lors d’une modification des lois Constitutionnelles de 1875.

657. Le pouvoir constituant, qu’il soit originaire ou dérivé d’ailleurs, a donc par nature un caractère d’absolu qui rapproche son pouvoir de la conception initiale de la souveraineté675. Il peut modifier le contenu de la Constitution à sa convenance, y compris d’ailleurs les articles prévoyant des règles procédurales pour la modification676. Le pouvoir constituant dérivé peut finalement effectuer les mêmes changements constitutionnels que le pouvoir constituant originaire, dès lors que les règles procédurales ne sont pas intangibles.

658. Le pouvoir constituant s’exerce soit par référendum, soit par le biais des représentants, ce qui implique qu’une modification de la Constitution puisse parfois être imposée par une courte majorité, ou par les 2/3 d’un parlement pas toujours totalement représentatif.

Cette analyse de la souveraineté absolue du pouvoir constituant conduit naturellement à un risque pour la démocratie, risque de totalitarisme et de violation systématique des droits fondamentaux. C’est face à ce risque que certains auteurs ont tenté d’avancer l’idée qu’il existerait des normes constitutionnelles dont la nature et l’importance empêcherait toute modification. Elles s’imposeraient donc y compris au pouvoir souverain.

§ 3. L’émergence de théories de la supraconstitutionnalité : une reprise moderne de la théorie des droits naturels par l’affirmation d’une portée intangible de certains droits constitutionnels

659. Certains auteurs, favorables à la thèse de l’intangibilité de certaines règles constitutionnelles ont reproché à la thèse de la double révision de méconnaître l’esprit et le texte constitutionnel en permettant une mise en cause aisée de la norme constitutionnelle677. Ces auteurs ont défendu la thèse de la supraconstitutionnalité et donc l’idée qu’il existerait des normes qui ont par nature une valeur telle qu’elles s’imposent au pouvoir constituant.

Cette thèse a été l’objet d’une vive controverse doctrinale entre les partisans de la supraconstitutionalité et les partisans d’un pouvoir constituant souverain678.

660. Partisan de la thèse de la supraconstitutionnalité, L. Favoreu défendra l’idée qu’il existe, au sein des normes constitutionnelles une hiérarchie des normes, certaines d’entre elles

675 Il faut cependant citer ici des auteurs qui prônent une véritable distinction entre pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé. Voir par exemple, G. Burdeau qui indique qu’il « n’est pas concevable que le pouvoir de révision se voit attribuer la plénitude du pouvoir constituant originaire », in traité de science politique, LGDJ, 1950.

676 G. Vedel reprendra cette idée qu’il est toujours possible de modifier la Constitution après avoir procédé à la modification des articles procéduraux. « Schengen et Maastricht », RFDA 1992, p. 179.

677 C’est le cas notamment de P. Pactet, in institutions politiques et droit constitutionnel, Armand collin, 16ème édition, p. 296 et de L. Favoreu, souveraineté et supraconstitutionnalité, revue Pouvoirs 1993, n° 67, p. 76. 678 Cette controverse a donné lieu à des échanges doctrinaux importants entre L. Favoreu et G. Vedel.

constituant un noyau intangible qui ne pourrait être remis en cause par une loi constitutionnelle et par le pouvoir constituant. Ces normes recevraient une protection particulière par le biais d’un contrôle du Conseil constitutionnel sur le pouvoir constituant. Pour les tenants de cette doctrine, ces normes de nature supraconstitutionnelle reposent à la fois sur les droits naturels mais également sur une série de normes juridiques acquises au fil des années d’histoire constitutionnelle. Ils reprennent ainsi les théories d’avant guerre de Duguit et Hauriou qui affirmaient la supraconstitutionnalité de la déclaration des droits de l’Homme, mais ils vont plus loin dans la mesure où ils intègrent de nouvelles règles et notamment la forme républicaine du gouvernement679.

661. La supraconstitutionnalité défend l’idée d’une limitation du pouvoir constituant par le droit constitutionnel, ce qui suppose une autre vision du pouvoir constituant souverain et donc de l’étendue des pouvoirs de souveraineté. Certains auteurs tel S. Arné indiquent d’ailleurs que « tout dans une Constitution n’est pas révisable ou en tout cas ne devrait pas l’être » ; le souverain ne peut modifier certaines dispositions constitutionnelles intangibles680.

662. Cette théorie est contestée par G. Vedel qui retient qu’en droit français, il n’existe pas de normes juridiques de valeur supérieure à la Constitution et qu’aucune hiérarchie entre les normes constitutionnelles ne saurait être instaurée. Cette théorie s’appuie d’ailleurs sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel déjà citée pour mettre en évidence cette absence de hiérarchie681.

D’autres auteurs, en se fondant également sur les décisions du Conseil constitutionnel ont adhéré à l’idée qu’il ne pouvait exister en droit français de normes de nature supraconstitutionnelle682.

663. La thèse de la supraconstitutionnalité implique une réflexion sur la place du constituant ainsi qu’une inflexion de la souveraineté nationale absolue. Cette thèse n’a pas vocation à s’appliquer en France où le pouvoir constituant reste aujourd’hui parfaitement souverain de ce point de vue car les limites inscrites dans la Constitution peuvent elles-mêmes être modifiées, et parce que le contrôle n’existe pas.

En effet, l’impossibilité pratique d’une mise en œuvre de la supraconstitutionnalité résulte également en droit français du défaut de contrôle des lois constitutionnelles, ce qui va dans le

679 Voir en ce sens l’article de L. Favroreu, souveraineté et supraconstitutionnalité, revue Pouvoirs, 1993, n° 67, pp. 71 et suiv.

680 S. Arné, cours dedroit constitutionnel et institutions politiques, édition université de Pau et de l’Adour, 1990, 5ème édition, p. 239.

681 Voir G. Vedel, souveraineté et supraconstitutionnalité, revue Pouvoirs 1993, N° 67, pp. 83 et suiv.

682 Voir par exemple l’article de B. Mathieu, la supraconstitutionnalité existe-elle, les petites affiches, 8 mars 1995, n°29, p. 12 et suiv.

sens d’une conception absolue du pouvoir constituant de la Nation souveraine683. Dans sa décision du 26 mars 2003, le Conseil constitutionnel a refusé d’effectuer un contrôle sur les lois et référendums permettant une révision constitutionnelle684, ce qui tend à accréditer l’idée que le pouvoir constituant peut tout faire.

664. La place du pouvoir constituant doit trouver un équilibre entre deux écueils majeurs, l’un étant de permettre au pouvoir constituant de tout faire et l’autre étant de l’empêcher d’agir au nom d’une supraconstitutionnalité défendue par un gouvernement des juges.

Pour ce qui est de la souveraineté du pouvoir constituant, ces deux écueils font en réalité apparaître nettement les transformations que la souveraineté subit. La souveraineté doit oublier ses tentations d’absolutisme qui sont incompatibles avec l’Etat de droit et la démocratie mais en même temps, elle doit garder toute indépendance pour rester le symbole du pouvoir de la Nation.

665. Dans ce contexte de prise en compte accrue du droit et de la limitation des pouvoirs, l’idée de démocratie impose nécessairement la mise en place d’un Etat de droit ce qui implique une certaine forme de renonciation à la notion politique de la souveraineté de l’Etat. Ainsi, lorsque l’Etat se soumet au droit, il s’oblige à le respecter ce qui constitue l’une des premières brèches dans la conception absolue de la souveraineté, après l’atteinte à l’indivisibilité.

666. Cette prise en compte croissante du modèle de l’Etat de droit va également contribuer à l’essor du droit international. La souveraineté de l’Etat va alors s’en trouver beaucoup plus affaiblie que celle de la Nation qui au final résiste plutôt fortement à ces mouvements visant à abolir la forme politique de la souveraineté, pour la cantonner à une relativité juridique685.

683 Voir en ce sens, J.-P. Camby, supraconstitutionnalité : la fin d’un mythe, RDP 2003, pp. 683 et suiv. 684 Décision n° 2003-469 du 26 mars 2003, RDP 2003, pp. 359 et suiv.

685 On aura l’occasion d’y revenir, mais à ce stade, on peut indiquer que l’Etat et la Nation ne sont plus sur le même plan à l’égard de la souveraineté.

CHAPITRE 2 :

L’absolutisme de la souveraineté de l’Etat français confronté aux engagements internationaux

667. Le caractère suprême de la souveraineté s’évalue aujourd’hui par la capacité de l’Etat à maîtriser la compétence de sa compétence. Cette liberté de l’Etat pour déterminer son champ d’intervention se matérialise essentiellement par la Constitution. Notre texte constitutionnel est en effet le fondement qui permet à la souveraineté de l’Etat de s’exercer légitimement, sans contrainte. C’est aussi ce texte qui fait le lien entre le pouvoir de l’Etat et la souveraineté nationale.

668. Traditionnellement, la Constitution d’un Etat est le texte de référence qui se situe au sommet de la hiérarchie des normes. Il traduit la volonté de la Nation exprimée par le biais du pouvoir constituant et c’est en cela qu’il constitue un acte de souveraineté, qu’il est le symbole matériel de l’existence de cette souveraineté.

669. Or ce texte constitutionnel n’est plus seulement la marque de l’Etat. Il détermine des compétences en fonction des choix internationaux de l’Etat ainsi que des engagements pris au sein des instances européennes. Le texte de la Constitution n’est plus seulement national, il emprunte de plus en plus au droit européen, sans que l’Etat s’y oppose. L’interprétation retenue par les juridictions confirme d’ailleurs cette forme d’européanisation de la Constitution qui démontre que la souveraineté de l’Etat n’a plus un caractère suprême puisqu’elle est conditionnée par d’autres sources que celles édictées par la souveraineté nationale686.

670. L’Etat doit en effet faire face à ses engagements internationaux et la doctrine internationale a nécessairement une incidence sur la souveraineté tant elle porte davantage sur une relativité des pouvoirs de l’Etat (Section 1). De même, les engagements communautaires impliquent des transformations de l’Etat, notamment lorsqu’il s’agit d’intégrer les dispositions

Dans le document Les métamorphoses de la souveraineté (Page 189-200)