• Aucun résultat trouvé

2. APPROCHE NORMATIVE INNOVATRICE

2.1 La planification du réseau routier forestier

2.1.1 L’importance de la planification

Il est couramment reconnu que les opérations forestières, dont font partie la construction et la fermeture des chemins forestiers, doivent être correctement planifiées279. Les différents objectifs économiques, sylvicoles, environnementaux et sociaux sont ainsi généralement atteints280. Selon le Code modèle FAO des pratiques d’exploitation forestière, les plans de récolte, qui constituent une partie des « plans d’aménagement forestier intégrés opérationnels » dans le jargon du MRNF281, devraient indiquer les moyens permettant d’atteindre divers objectifs dont :

- minimiser l’impact sur l’environnement et les autres conséquences des opérations de récolte;

278 Issalys et Lemieux, supra note 195, à la p. 9.

279 Lindenmayer, supra note 237 et Dennis P. Dykstra et Rudolf Heinrich, Code modèle FAO des pratiques

d’exploitation forestière, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome 1996, au

chapitre 2, en ligne : www.fao.org <http://www.fao.org/docrep/v6530f/v6530f00.htm#Contents> (consulté le 17 janvier 2011) et Leblanc, supra note 78.

280 Dykstra, ibid.

58 - faciliter l’accès à la forêt aux fins de sylviculture, de protection de l’environnement

et de transport;

- réduire au minimum les frais de récolte et de transport, qui font l’objet de contraintes liées à des considérations environnementales, écologiques et sociales; - protéger la santé et assurer la sécurité des travailleurs et du public282.

Se contenter d’un plan de récolte ou d’aménagement forestier trop simple fait en sorte que la planification du réseau de transport n’est pas assez élaborée. En effet, l’emplacement des chemins forestiers est alors choisi au fur et à mesure pour chacun des aménagements forestiers plutôt qu’à l'avance pour l’ensemble des aménagements. On entreprend donc de construire des chemins secondaires dès qu’il s’agit d’accéder à une coupe donnée. Par conséquent, il y a plus de chemins forestiers qui sont aménagés que nécessaire. Cela entraîne ainsi les effets potentiellement nuisibles à la biodiversité tout en augmentant les coûts283.

L’inefficacité d’une mauvaise planification du réseau routier forestier est clairement établie dans le Manuel de foresterie284 dont les schémas ci-dessous donnent une bonne

illustration285. On peut y voir deux tracés de chemins secondaires issus du chemin primaire. Le premier a été fait de manière à répondre aux besoins immédiats des travaux tandis que le deuxième tracé a été effectué en prenant en compte les travaux d’aménagement prévus dans 5, 10 et 15 ans.

282 Dykstra, supra note 279.

283 Ibid.

284 OIFQ, Manuel, supra note 78, à la p. 1201.

59 Figure 1 : Schéma d'une mauvaise planification du réseau routier forestier ne prévoyant pas les besoins immédiats dans 5, 10 et 15 ans

Figure 2 : Schéma d'une bonne planification d'un réseau routier forestier prévoyant les besoins immédiats dans 5, 10 et 15 ans

Besoins dans 15 ans Besoins dans 10 ans Besoins dans 5 ans

60 On voit donc à l’aide des Figures 1 et 2, ci-dessus une optimisation de la distance moyenne de transport et on peut y supposer l’évitement des obstacles majeurs comme une pente abrupte ou un cours d’eau 286. Une bonne planification permet également d’éviter d’avoir à rehausser la qualité ou les caractéristiques du chemin à un niveau supérieur faute d’avoir bien anticipé les besoins futurs287, ce qui coûte d’ailleurs plus cher que de construire du premier coup le chemin aux critères de qualité requis288. La planification des chemins forestiers nécessite donc l’établissement d’un calendrier des activités d’aménagement à long terme. Il faut bien sûr prendre aussi en considération les budgets disponibles et le contexte économique289. Comme il s’agit de conditions qui peuvent changer dans le temps, toute planification n’est pas infaillible290, mais tout de même rarement inutile. En plus des considérations économiques, la planification du réseau routier doit avoir comme principal objectif d’éviter l’apport externe de sédiments dans les cours d’eau en limitant le plus possible les traverses de cours d’eau 291.

Par ailleurs, la planification des chemins forestiers ne se limite pas à la planification des tracés. Il faut en effet également planifier la fermeture des chemins. Nous avons recensé trois types de fermeture de chemins : temporaire ou définitive292 et entre les deux, une fermeture que nous qualifions de désactivation planifiée.

La fermeture temporaire d’un chemin consiste à placer une barrière ou divers matériaux comme des branches d’arbres ou des barils à l’entrée du chemin afin d’en bloquer le passage293. Des panneaux de signalisation indiquant la fermeture peuvent également être utilisés294. Cette pratique est pertinente dans le cadre de réfection du chemin par

286 Ibid. 287 Ibid. 288 Ibid. 289 Ibid., à la p. 1202. 290 Ibid.

291 Rapport Coulombe, supra note 11, à la p. 67. 292 Rapport Coulombe, supra note 11, à la p. 81.

293 Matthew Thompson et John Sessions, «Optimal Policies for Aggregate Recycling from Decommissioned Forest Roads » 42 Environmental Management (2008) 297, à la p. 298.

294 Kim Mihell et Len M. Hunt, « Understanding resident’ desired approaches to manage forest access roads: a case from northeastern Ontario, Canada » (2011) 41 Can. J. For. Res. 1808.

61 exemple295. Cependant, il semble que cela constitue la manière la plus courante de fermer un chemin même si, au final, le chemin ne fait que se détériorer au point de ne plus être utilisable296. Le vieillissement des chemins négligés cause d’ailleurs une grande partie des problèmes environnementaux liés aux chemins puisque la qualité des mesures d’atténuation des effets potentiellement nuisibles des chemins se détériore297.

La désactivation planifiée consiste à retirer les infrastructures traversant les cours d’eau (ponceaux, ponts, traverses, etc.) ou susceptibles de s’éroder et de causer des dommages au milieu hydrique et aux sols298 quitte à réhabiliter le chemin quelques décennies plus tard si nécessaire299. Il s’agit en quelque sorte d’un abandon du chemin bien planifié entre les interventions. Il est pertinent de noter que nous n’avons pas trouvé ce type de désactivation dans la documentation du MRNF, mais en tant que proposition scientifique traitant de manière générale de l’aménagement écosystémique300.

La fermeture définitive, qui ressemble à la désactivation planifiée, du chemin forestier peut se faire de plusieurs manières. Généralement, on retire également les infrastructures traversant les cours d’eau ou susceptibles de s’éroder et de causer des dommages au milieu hydrique et aux sols301 quand on ne prévoit pas rouvrir le chemin ultérieurement. Certaines fermetures définitives de chemins peuvent aller plus loin dans la désactivation en récoltant également la matière granulaire afin de la réutiliser lors de la construction d’autres chemins302. Il a d’ailleurs été démontré que cela peut être très avantageux économiquement303. Nous n’avons cependant pas trouvé trace qu’une telle méthode soit pratiquée au Québec. Enfin, certaines désactivations des chemins vont jusqu’à optimiser le reboisement du chemin, voire à y planter des arbres ou tout simplement laisser un substrat

295 Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 29 (8 décembre 2006), en ligne : www.assnat.qc.ca (consulté le 12 juillet 2010)

296 Rapport Coulombe, supra note 11, à la p. 81. 297 Thompson, supra note 293.

298 Ibid., à la p. 298.

299 Gauthier, supra note 243. 300 Ibid.

301 Thompson, supra note 293, à la p. 298. 302 Ibid.

62 favorisant la recolonisation naturelle afin de réduire au minimum la perte de superficie productive en même temps que certains inconvénients écologiques304.

Les avantages environnementaux de fermer les chemins sont multiples et reconnus de manière générale. La fermeture des chemins est bénéfique pour conserver la biodiversité305. Comme on le sait, elle peut être nécessaire pour protéger les milieux aquatiques menacés par la dégradation de ces infrastructures306. Elle permet également de mieux contrôler l’accès aux territoires fauniques et incidemment, les comportements prohibés tel le braconnage 307 ou tout simplement la présence humaine. Toutefois, il faut mentionner que l’approche restrictive des chemins ne fait pas l’unanimité socialement308.

Les principaux avantages de planifier le réseau routier forestier établis, il faut évaluer si la partie de la planification de l’aménagement forestier québécois portant sur le réseau routier est appropriée dans une perspective de protection de la biodiversité.

Documents relatifs