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Le droit applicable aux chemins forestiers du Québec dans une perspective de protection de la biodiversité

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(1)

MIRIAM DESMARAIS

LE DROIT APPLICABLE

AUX CHEMINS FORESTIERS DU QUÉBEC

DANS UNE PERSPECTIVE DE PROTECTION

DE LA BIODIVERSITÉ

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en droit

pour l’obtention du grade de Maître en droit (LL.M.)

FACULTÉ DE DROIT UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2012 © Miriam Desmarais, 2012

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ii

NOTE AU LECTEUR

Ce mémoire ne tient pas compte du P.L. C-38, Loi portant exécution de certaines

dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d’autres mesures, 1re sess., 41e Parl., 2012 (adopté par la chambre de communes le 18 juin 2012) dont notamment :

La section 5 de la partie 3 modifie la Loi sur les pêches pour articuler la loi autour de la protection des poissons visés par les pêches commerciale, récréative ou autochtone et pour améliorer la gestion des activités qui menacent le plus ces pêches. Les modifications procurent plus de clarté quant à l’autorisation des dommages sérieux aux poissons et quant à l’immersion ou au rejet de substances nocives. Elles permettent au ministre de conclure des accords avec les provinces et autres organismes. Enfin, elles prévoient la gestion des espèces aquatiques envahissantes, précisent et élargissent les pouvoirs des inspecteurs et permettent au gouverneur en conseil de désigner un autre ministre pour l’exécution et le contrôle d’application des paragraphes 36(3) à (6) de la Loi sur les pêches à l’égard des fins et des sujets qui sont précisés dans le décret.

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iii

RÉSUMÉ

Au Québec, les chemins forestiers causent de nombreuses répercussions environnementales en modifiant les caractéristiques de l’écosystème. L’augmentation de la densité du réseau routier a manifestement des effets négatifs sur la biodiversité. Le droit applicable au territoire forestier québécois prend-il en compte de manière appropriée ces effets sur la biodiversité? Afin de répondre à cette question, le droit applicable aux chemins forestiers est abordé sous deux angles d’analyse : l’approche de droit classique puis l’approche innovatrice. Selon l’angle d’approche, chaque source du droit est décrite, puis, analysée en se basant sur les trois stratégies suivantes : (1) Réduction significative de la construction des routes, (2) Limitation d’accès, fermeture et reboisement des routes, (3) Mesures d’atténuation des impacts liés aux routes. Au final, on constate que le droit applicable aux chemins forestiers du Québec prend en compte indirectement, mais de diverses manières, les effets potentiellement nuisibles à la biodiversité.

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iv

REMERCIEMENTS

Ce mémoire de maîtrise n’aurait pu être complété sans l’appui de plusieurs personnes et de quelques organisations. J'aimerais donc souligner leur inestimable contribution à cet ouvrage en remerciant :

Ma directrice de mémoire, la professeure Kristin Bartenstein de la Faculté de droit de l'Université Laval, pour la confiance qu'elle m'a accordée, tout au long de mes études de maîtrise et sa grande disponibilité;

Madame Pascale Pierre, de la Faculté d’aménagement, d’architecture et des arts visuels, pour avoir été l’instigatrice de ce mémoire;

L’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société (Institut EDS), la Faculté de droit et la Faculté de sciences et génie de l’Université Laval, le Centre d’étude en droit économique de l’Université Laval (CÉDÉ) et Norton Rose, s.e.n.c.r.l. qui ont cru en mon projet de mémoire et ont accepté de me financer pour sa réalisation par le biais de bourses et d’emplois à temps partiel et/ou en m’offrant un endroit idéal où travailler;

Les professeurs qui ont marqué mon parcours universitaire lavallois, plus particulièrement, Paule Halley, Georges Azzaria, Pierre Issalys et Luc Bouthillier;

Mes amis « cédéens », qui m'ont si bien entourée et souvent inspirée voire littéralement transportée : Cinthia Duclos, Pierre-Olivier Desmarchais, Sonya Morales, Audrey Létourneau et Sophie Lépine-Zaruba. Mon amie biologiste, Marianne Bachand. Merci de votre présence et d’avoir su rendre l’expérience de la maîtrise si agréable;

Ma famille et belle-famille, Michel et Simon Desmarais, Nicole Guérin, Cynthia Landry, Marie-José Cauchon et Michael O’Brien. Merci pour votre gentillesse et grande générosité; Et finalement, David O’Brien, mon amoureux, je te remercie profondément pour ta patience inouïe et tes encouragements quotidiens. Merci infiniment !

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v

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... III REMERCIEMENTS ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES FIGURES ... VII LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ... VIII

PARTIE INTRODUCTIVE ... 1

Mise en contexte ... 2

Importance des chemins et de la foresterie ... 2

Répercussions environnementales ... 7

Cadre conceptuel du mémoire ... 11

Définition, catégorisation et classification de chemin forestier ... 11

Question de recherche ... 16

Hypothèse ... 17

Méthodologie ... 17

1. APPROCHE NORMATIVE CLASSIQUE ... 21

1.1 Le réseau d’aires protégées ... 21

1.2 Le Règlement sur les normes d’intervention (RNI) ... 31

1.2.1 Objectifs généraux du RNI ... 32

1.2.2 Objectifs spécifiques du RNI portant sur les chemins ... 36

1.2.3 Guides du MRNF ... 38

1.2.4 Application du RNI ... 40

1.3 Le futur Règlement sur l’aménagement durable des forêts ... 43

1.4 L’aménagement écosystémique et le réseau routier ... 45

1.5 Les municipalités et les propriétaires ... 50

Conclusion de la partie 1 ... 55

2. APPROCHE NORMATIVE INNOVATRICE ... 57

2.1 La planification du réseau routier forestier... 57

2.1.1 L’importance de la planification ... 57

2.1.2 Son application au Québec ... 62

(6)

vi 2.1.2.2 Le plan régional de développement intégré des ressources naturelles et du territoire (PRDIRT) 68

2.1.2.3 Les plans d’aménagement forestier intégré (PAFI) ... 70

2.2 Le rôle des ingénieurs forestiers ... 72

2.3 L’allègement réglementaire ... 78

2.3.1 Remarques générales ... 78

2.3.2 Mesures économiques ... 82

2.3.3 Mesures volontaires ... 86

2.3.3.1 Normes de certification ... 88

2.3.2.2 Entente sur la forêt canadienne boréale ... 97

Conclusion de la partie 2 ... 104

CONCLUSION ... 107

V - BIBLIOGRAPHIE ... 111

Sources de normes juridiques ... 111

Fédérales canadiennes ... 111 Provinciales canadiennes ... 111 Québécoises ... 111 États-Unis ... 113 France ... 113 Internationales ... 113 Privées ... 114 Jurisprudence ... 114 Américaine ... 114 Canadienne ... 114 Littérature secondaire ... 115

Documentation gouvernementale et onusienne ... 115

Canada (fédéral) ... 115

Canada - Québec ... 115

Assemblée nationale ... 115

Ministère du conseil exécutif (MCE) ... 116

Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) ... 117

Ministère des ressources naturelles et de la faune (MRNF) ... 117

Autres ... 121

États-Unis ... 122

Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) ... 122

Organisation des Nations Unies (O.N.U.) ... 122

Monographies ... 123

Textes d’ouvrages collectifs ... 123

Articles de périodiques ... 124

Mémoires et thèses universitaires ... 126

Articles de journaux ... 126

Autres ... 126

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vii

LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1:ÉVOLUTIONS DES VOLUMES DE BOIS ATTRIBUÉS ET RÉCOLTÉS ET DES DROITS DE COUPE EN 2005, 2007 ET 2009 ... 4 TABLEAU 2:DÉSIGNATIONS DES AIRES PROTÉGÉES AU QUÉBEC, LEUR CATÉGORIE UICN ET LEUR SUPERFICIE

ABSOLUE ET RELATIVE ... 27 TABLEAU 3:LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DU RÈGLEMENT SUR LES NORMES D’INTERVENTION (RNI) PAR CATÉGORIE

... 34 TABLEAU 4:DISPOSITIONS CHOISIES DU RNI CONCERNANT LE TRACÉ ET LA CONSTRUCTION DES CHEMINS ET

LEUR OBJECTIF SPÉCIFIQUE ... 37 TABLEAU 5:COMPARAISON DES NORMES DE CERTIFICATION PROPRES À LA FORESTERIE ET APPLIQUÉES AU

QUÉBEC ¤ ... 91 TABLEAU 6:DÉFINITIONS DES APPELLATIONS DES AIRES PROTÉGÉES AU QUÉBEC ... 131

LISTE DES FIGURES

FIGURE 1:SCHÉMA D'UNE MAUVAISE PLANIFICATION DU RÉSEAU ROUTIER FORESTIER ... 59 FIGURE 2:SCHÉMA D'UNE BONNE PLANIFICATION D'UN RÉSEAU ROUTIER FORESTIER ... 59 FIGURE 3:SCHÉMA DES INTRANTS À LA PLANIFICATION DE L'AMÉNAGEMENT FORESTIER ... 65

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viii

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

APFC Association des produits forestiers du Canada BFEC Bureau du forestier en chef

BMMB Bureau de la mise en marché des bois

COSEPAC Comité sur la situation des espèces en péril au Canada CRÉ Conférence régionale des élus

CRRNT Commission régionale des ressources naturelles et du territoire CSA Association canadienne de normalisation

DGR Direction générale régionale FSC Forest Stewardship Council GES Gaz à effet de serre

GIRT (Table de) Gestion intégrée des ressources naturelles LADTF Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier

LAU Loi sur l’aménagement et l’urbanisme

LCÉE Loi canadienne sur l’évaluation environnementale

LQE Loi sur la qualité de l’environnement

MAPAQ Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec MDDEP Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs MFQ Ministère des Finances du Québec

MRC Municipalité régionale de comté

MRNF Ministère des Ressources naturelles et de la Faune PAFI Plan d’aménagement forestier intégré

PAFIO Plan d’aménagement forestier intégré opérationnel PAFIT Plan d’aménagement forestier intégré tactique PATP Plan d’affectation du territoire publique

PRDIRT Plan régional de développement intégré des ressources naturelles et du territoire

PIB Produit intérieur brut

RADTF Règlement sur l’aménagement durable du territoire forestier

RNI Règlement sur les normes d’intervention dans les forêts du domaine

public

SADF Stratégie d’aménagement durable des forêts SFI Sustainable Forestry Initiative

TVB Trame verte et bleue

UAF Unité d’aménagement forestier

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1

Partie introductive

« I believe there's only one conflict, and that's between

the short-term and the long-term thinking. In the long term, the economy and the environment are the same thing.

If it's unenvironmental it is uneconomical. That is the rule of nature. »

- Mollie BEATTIE, première directrice du U.S. Fish and Wildlife Service1

L’année internationale de la biodiversité était l’année 20102. L’année internationale de la forêt était l’année 20113. Par coïncidence, ce mémoire de maîtrise porte sur la foresterie dans une perspective de protection de la biodiversité. Sans le savoir, le choix du sujet de recherche en janvier 2009 était vraiment dans l’air du temps.

Le point de départ de la recherche a été l’article des biologistes Laurence Bourgeois, Daniel Kneeshaw et Gaétane Boisseau dans lequel ils décrivent les impacts environnementaux, sociaux et économiques des routes forestières au Québec4. Les chercheurs concluent leur analyse par un appel à « faire preuve de bon sens, d’intelligence, de volonté politique; mais surtout d’anticipation et de prévention »5. Leur revendication publiée en 2005 a peut-être été entendue dans le cadre de la refonte du régime forestier de 2010. Et puis, leur étude peut certainement être approfondie au plan juridique.

1 Patrick Parenteau, « She runs with wolves » (1997) 21 Vt. L. Rev. 743, à la p. 747, (HeinOnline).

2 Nations Unies, « 2010, Année internationale de la biodiversité », 19 janvier 2007, 61/203, en ligne : www.un.org <http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/61/203> (consulté le 12 avril 2011).

3 Nations Unies, « 2011, proclamée année internationale de la forêt par l’assemblée générale des Nations Unies », 21 décembre 2006, ENV/DEV/907, en ligne : www.un.org <http://www.un.org/News/fr-press/docs/2006/GA10565.doc.htm> (consulté le 12 avril 2011).

4 Laurence Bourgeois, Daniel Kneeshaw et Gaétane Boisseau, « Les routes forestières au Québec : Les impacts environnementaux, sociaux et économiques » (2005) 6 VertigO 2.

(10)

2 Il est alors intéressant de s’interroger dans le cadre de ce mémoire si le droit applicable au territoire forestier québécois prend en compte de manière appropriée les effets nuisibles des chemins forestiers.

Mise en contexte

Avant de s’attaquer à l’analyse du droit applicable, il est opportun d’effectuer une mise en contexte décrivant la problématique concernant les chemins forestiers au Québec tant sur le plan de leur importance que des répercussions environnementales qu’ils peuvent entraîner. Importance des chemins et de la foresterie

Au départ, les chemins forestiers, c’est avant tout une question d’accès. On peut penser à de nombreuses situations où l’accès au territoire par les chemins forestiers est indispensable : lors de la récolte de matière ligneuse ou d’autres produits forestiers comme les champignons et les bleuets; lors de l’exploitation de mines et d’éoliennes ou pour avoir accès à des tours de communications, des pylônes électriques, des barrages et des chemins de fer; dans le cadre des loisirs tels le vélo, la randonnée, le camping, la chasse, la pêche et la motoneige; pour le contrôle des incendies notamment par la création de pare-feu, la gestion du territoire, la recherche et ses suivis. Les chemins servent également au pâturage et à la restauration écologique. Ils répondent à des besoins essentiels de communautés locales. Parfois, les chemins eux-mêmes ont une valeur culturelle6. Les routes ont aussi l’avantage socio-économique de créer des emplois reliés à leur construction et entretien7. Bref, les chemins forestiers sont nécessaires.

6 É.-U., Department of Agriculture Forest Service, Forest Roads: A Synthesis of Scientific Information, Hermann Gucinski et al. éd., 2000, à la p. 4, en ligne : www.fs.fed.us

<http://www.fs.fed.us/eng/road_mgt/science.pdf> (consulté le 5 janvier 2011) [É.-U., Forest Roads] et Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 29 (8 décembre 2006), en ligne : www.assnat.qc.ca (consulté le 12 juillet 2010) [Ass. Nat., « Débats 8 décembre 2006 »].

(11)

3 C’est à partir des années 1940 que le développement du réseau routier forestier et le transport de la matière ligneuse par camion depuis les chantiers de coupe vers les rampes de déchargement pour le flottage ou encore directement vers les usines ont réellement commencé. Du même coup, cela a engendré des prélèvements beaucoup plus intensifs dans la forêt feuillue tempérée8. Depuis, le réseau routier québécois s’est progressivement développé pour couvrir aujourd’hui une longueur totale de 300 000 km de chemins, dont 30 000 km de chemins numérotés9 et 4 000 ponts10. On estime d’ailleurs qu’il se construit annuellement de 4 000 à 5 000 km de chemins permanents et d’opération dans la province11.

Au Québec, l’accès à la ressource forestière est fondamental. Les forêts couvrent près de la moitié du territoire, soit environ 761 000 km2 des 1 700 000 km2 de la superficie totale de la province. À l’échelle mondiale, le Québec possède 2% des forêts12. De plus, les quelque 8 millions d’habitants13 du Québec sont collectivement propriétaires d’environ 92% du territoire dont plus de la moitié est couvert de forêt à valeur commerciale. En 2006, le secteur forestier représentait 2,7 % du produit intérieur brut (PIB) du Québec, à savoir 7 191,3 M$14. De plus, l’industrie forestière pourvoit de l’emploi à plus de 116 000 personnes15.

8 Frédérik Doyon et Daniel Bouffard, Enjeux écologiques de la forêt feuillue tempérée québécoise, 2009, à la p. 17, en ligne : www.mrnf.gouv.qc.ca <http://www.mrnf.gouv.qc.ca/publications/forets/amenagement/enjeu-foret-feuillue.pdf> (consulté le 7 septembre 2010) [MRNF, Doyon, « Enjeux »].

9 C’est-à-dire des chemins de plus grande importance.

10 Diane Morvan et François Trottier, MRNF, « Les rôles et responsabilités des utilisateurs du milieu forestier en 2013 », document présenté dans le cadre du Séminaire de formation continue de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, 14 et 15 avril 2011, Saguenay, en ligne : www.oifq.com

<http://www.oifq.com/fr/membres/formation-continue/formations-passees/seminaire-sur-la-voirie-forestiere/> (consulté le 3 juin 2011).

11 Québec, Rapport de la commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise, Québec, Bibliothèque nationale du Québec, 2004 (Président : Guy Coulombe), en ligne : www.commission-foret.qc.ca http://www.commission-foret.qc.ca/rapportfinal.htm (consulté le 27 décembre 2011), à la p. 80 [Rapport Coulombe].

12 Québec, Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, Chiffres-clés du Québec forestier

2009, Québec, MNRF, 2009 [MRNF, « Chiffres-clés »].

13 Québec, Institut de la statistique, Le bilan démographique du Québec, éd. 2011, en ligne : www.stat.gouv.qc.ca <http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/demograp/pdf2011/bilan2011.pdf> (consulté le 28 décembre 2011), à la p. 11.

14 MRNF, « Chiffres-clés », supra note 12.

15 Québec, Bureau du forestier en chef, Bilan d’aménagement forestier durable au Québec 2000-2008, Roberval, 2010 (Forestier en chef : Pierre Levac), à la p. 185, en ligne :

(12)

4 Dans un autre ordre d’idées, il est nécessaire d’ajouter que cette industrie traverse actuellement une crise très sérieuse où des centaines, voire des milliers d’emplois se sont perdus. Cette crise conjoncturelle et structurelle est complexe. On peut l’attribuer principalement à des facteurs extérieurs comme la baisse de la construction aux États-Unis, la chute de la demande de papier causée par les technologies de l’information, le développement de nouvelles technologies et la fluctuation du dollar canadien16. Afin de mesurer l’ampleur de la crise affectant le secteur forestier, le tableau 1 présente l’évolution des volumes de bois attribués et récoltés et des droits de coupe perçus au cours des années 2005, 2007 et 2009, de même que la variation du taux unitaire moyen des droits de coupe par mètre cube.

Tableau 1: Évolutions des volumes de bois attribués et récoltés et des droits de coupe en 2005, 2007 et 200917

2005 2007 2009

Variation pour la période

2005-2009 Volume attribué (en milliers de m3) 36 527 31 504 28 797 -21 %

Volume récolté (en milliers de m3) 33 585 24 195 16 803 -50 %

Droits de coupe (en milliers de

dollars) 428 334 257 196 140 585 -67 %

Taux unitaire moyen des droits de

coupe par m3 (dollars)* 12,75 10,63 8,37 -34 %

* Le taux unitaire des droits de coupe varie en fonction de la valeur marchande des bois sur pied. Cette valeur est ensuite ajustée en fonction de l’emplacement et de la qualité des bois récoltés.

La foresterie constitue encore un secteur économique considérable au Québec. Le réseau routier en est un des nerfs principaux. On estime qu’il coûte entre 70 000 et 125 000 $/km pour construire un chemin permanent. Pour les chemins d’opérations, leur coût varie de <http://mhs04.com/devbadf/images/stories/Bilan_documents/bilan_2000-2008.pdf> (consulté le 14 juin 2010) [Forestier en chef, « Bilan »].

16 Philippe Toussaint (Février 2010) dans « Surprise boréale » de L’Actualité, p. 18, à la p. 20 (entrevue d’Yves Bergeron).

17 Tableau réalisé à partir du tableau à la p. 5-6 de Renaud Lachance, v.g., Rapport du Vérificateur général du

Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2010-2011, tome II, Québec, 2011, en ligne :

www.vgq.gouv.qc.ca <http://www.vgq.gouv.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2010-2011-T2/fr_Rapport2010-2011-T2.pdf> (consulté le 11 mai 2011). (Il s’agit d’une compilation faite à partir des données produites par le MRNF (données non vérifiées)) [Lachance, « Rapport v.g. 2010-2011 »].

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5 5 000 à 20 000 $/km. Il faut donc constater que la voirie forestière et le transport des bois aux usines représentent une grande part du coût d’approvisionnement des entreprises de ce secteur18.

De manière générale, les transports jouent un rôle déterminant dans notre économie, car ils influencent la compétitivité des entreprises et la croissance des échanges commerciaux. Dans une économie aussi ouverte que celle du Québec, une réglementation restrictive affecte la performance des entreprises sur les marchés internationaux. Elle contrevient à la capacité d’adaptation des entreprises entravant par le fait même leur compétitivité. C’est pourquoi un mouvement de dérèglementation privilégiant le jeu de la concurrence dans l’industrie du transport a eu lieu aux États-Unis, au Canada et au Québec afin de stimuler le commerce extérieur19. Par ailleurs, l’enjeu de la réglementation est particulièrement considérable en foresterie où les entreprises forestières doivent aller de plus en plus loin pour accéder aux ressources20.

Afin d’encadrer cette industrie importante pour la société québécoise, un régime forestier est nécessaire. Nous entendons par régime forestier toutes les normes régissant les activités d’exploitation des ressources forestières, ligneuses ou non. Tout d’abord, sur le plan du droit international, précisons qu’il n’existe pas encore d’entente, convention, traité ou autre instrument véritablement contraignant et spécifique21. Ensuite, il faut préciser que le pouvoir de « l'administration et la vente des terres publiques appartenant à la province, et des bois et forêts qui s'y trouvent » est manifestement et exclusivement provincial22. La principale loi du régime forestier est donc une loi provinciale. Il s’agit de la Loi sur les

18 Rapport Coulombe, supra note 11, à la p. 80.

19 Québec, Ministère du conseil exécutif, « Le parachèvement du plan d’action Simplifier la vie des

entreprises… » (2010) vol. 6, Moins et mieux, no 1, aux pps. 8 et 9, en ligne : www.mce.gouv.qc.ca

<http://www.mce.gouv.qc.ca/allegement/index.htm#outils> (consulté le 16 avril 2011) [MCE, « Parachèvement »].

20 Luc Lebel et Pierre-Serge Tremblay, « Les routes forestières : lien vital entre la ressource et les usines » (2002) 31 (1) Routes et transports 21 (Repères).

21 Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus

mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, 14

août 1992, Organisation des Nations Unies, A/CONF. 151/26 (Vol. III). À noter que la Convention sur la

diversité biologique, 5 juin 1992, 1993 R.T.N.U. 170, est contraignante, mais ne concerne pas spécifiquement

les chemins forestiers.

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6

forêts23 qui sera entièrement remplacée prochainement par la Loi sur l’aménagement

durable du territoire forestier24 (LADTF). Il s’agit d’une véritable réforme puisque plusieurs changements majeurs auront lieu. Le nouveau régime forestier instaure notamment un marché concurrentiel des bois par la mise à l’enchère. Il remplace les contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF)25 par des garanties d’approvisionnement26. La gouvernance des forêts misera sur une gestion intégrée des ressources en regroupant autour d’une table l’ensemble des acteurs concernés27. Une stratégie d’aménagement durable des forêts voit le jour28. De plus, la mise en place de l’aménagement écosystémique des ressources constitue aussi une nouveauté29.

Cette refonte de la principale loi du régime forestier est l’aboutissement d’une évolution du droit forestier né au temps des colonies. Antérieurement à 1986, les régimes forestiers visaient presque uniquement la récolte de la matière ligneuse déjà sur pied, autrement dit les arbres déjà poussés, plutôt que la croissance forestière dans la stratégie de récolte industrielle30. La Loi sur les forêts de 1986 a introduit la dynamique des forêts dans la détermination de la possibilité de récolte31. Graduellement, des valeurs dites environnementales se sont implantées chez les gestionnaires forestiers. En 1992, le Canada a adhéré à la Convention sur la diversité biologique32. Puis en 1994, la Stratégie sur la

protection des forêts est mise en œuvre et le maintien de la diversité biologique de la forêt

dans le but d’accroître sa résistance fait désormais partie des principes d’aménagement forestier33. Depuis 1996, la Loi sur les forêts favorise l’aménagement durable des forêts34.

23 Loi sur les forêts, L.R.Q. c. F-4.1.

24 Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, L.R.Q. c. A-18.1. [LADTF] 25 Loi sur les forêts, supra note 23, art. 36 et s.

26 LADTF, supra note 24, art. 88 et s. 27 Ibid., art. 54 et s.

28 Ibid., art. 11 et s.

29 Ibid., art. 1(1), 4(2), 12, 53 et 58.

30 Luc Bouthillier, Brève histoire du régime forestier québécois, 1998, à la p. 3. [fourni par le professeur Luc Bouthillier dans le cadre du cours de Problématique forestière FOR-7015, Faculté de foresterie et de géomatique, Université Laval, hiver 2010] et Québec, Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, « Le régime forestier québécois », en ligne : www.mrnf.gouv.qc.ca

<http://www.mrnf.gouv.qc.ca/forets/comprendre/comprendre-regime.jsp> (consulté le 5 janvier 2012). 31 Bouthillier, ibid.

32 Convention sur la diversité biologique, supra note 21.

33 Québec, Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, « La Stratégie de protection des forêts », en ligne : www.mrnf.gouv.qc.ca <http://www.mrnf.gouv.qc.ca/forets/protection/protection-strategie.jsp> (consulté le 20 janvier 2011).

(15)

7 La conscience populaire, tout comme celle des forestiers d’ailleurs, est néanmoins secouée en 1999 par le film d’auteur L’erreur boréale de Richard Desjardins et Robert Monderie35. En 2004, le rapport de la Commission d’étude sur la gestion publique de la forêt publique québécoise, présidée par Guy Coulombe, a contribué ensuite à l’amélioration de la gestion forestière grâce à ses 81 recommandations36. Et nous voilà maintenant à l’aube d’un régime d’aménagement durable du territoire forestier qui entrera pleinement en vigueur le 1er avril 2013 37.

Répercussions environnementales

Dans un autre ordre d’idées, il faut savoir que les routes, dont les chemins forestiers font partie, causent de nombreux problèmes environnementaux. On peut même dire qu’il affectent la biodiversité, autrement appelée la « diversité biologique », dont la définition la plus reconnue est tirée de la Convention sur la diversité biologique :

Diversité biologique : Variabilité des organismes vivants de toute origine y

compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes38.

On associe particulièrement la construction et l’entretien des routes à des effets négatifs sur la qualité et la quantité de l’eau et sur l’intégrité des sols39. Or, les routes altèrent les écosystèmes terrestres et aquatiques de différentes manières que ce soit en affectant l’habitat lui-même, les animaux, les végétaux ou par les humains qui voient leur accès au territoire facilité. Il en résulte une atteinte à la biodiversité. Rappelons que la biodiversité apporte beaucoup de bienfaits mais elle est surtout essentielle parce qu’elle est corrélée avec la capacité de résilience des écosystèmes. En d’autres mots, toutes les espèces de tous les habitats sont importantes parce que lorsqu’il y a une perturbation naturelle majeure qui 34 Rapport Coulombe, supra note 11.

35 Richard Desjardins et Robert Monderie, « L’Erreur boréale », FILM, ACPAV Inc., 1999. 36 Rapport Coulombe, supra note 11.

37 P.L. 57 (réimpression), Loi de l’aménagement durable du territoire forestier, 1re sess., 39e lég., Québec, 2009, art. 372 [P.L. 57].

38 Convention sur la diversité biologique, supra note 21.

39 Canada, Conseil canadien des ministres des forêts, Critères et indicateurs de l’aménagement forestier

durable au Canada. Bilan national 2005, Ottawa, à la p. 81, en ligne : ccfm.org

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8 survient dans l’écosystème, il y a plus de probabilités qu’un individu de chacune des espèces possède une caractéristique génétique pour y survivre et que l’équilibre de l’écosystème soit ainsi plus rapidement rétabli. Un écosystème avec un faible taux de biodiversité serait donc moins résistant aux perturbations40.

À vrai dire, la destruction des habitats41 constitue une des répercussions des routes les plus évidentes. Un chemin forestier engendre nécessairement une perte d’habitat forestier restreignant également le volume de bois récoltable42. Les routes perturbent aussi l’habitat du poisson, en particulier les rivières à saumons. Les routes et, plus particulièrement les chemins forestiers, peuvent affecter les rivières de migration ou les plans d’eau servant à leur reproduction, et ce, à plusieurs égards, notamment :

a. Par l’augmentation et/ou la diminution des crues de pointe lors des tempêtes; b. Par la concentration de sédiments dans les cours d’eau;

c. Par l’étendue de sédiments fins qui couvrent et/ou étouffent la gravelle essentielle à la fraie;

d. Par l’altération des effets bénéfiques de la végétation de bordure des cours d’eau;

e. Par les impacts des glissements de terrain dus au chemin;

f. Par le blocage des ponts, ponceaux et fossés mal conçus et/ou mal entretenus; 43

g. Par les abats-poussières et stabilisateurs de route pouvant modifier le pH de l’eau de ruissellement 44 .

De plus, il ne faut pas oublier que la construction des routes nécessite l’apport de matériel granulaire qui est souvent extrait à proximité de la route nouvellement construite. Ces sites

40 F. Stuart Chapin III et al., « Consequences of changing biodiversity » (2000) 405 Nature 234, à la p. 238. 41 Bourgeois, supra note 4.

42 Forestier en chef, « Bilan », supra note 15, aux pps. 10 et 112.

43 Richard T., T. Forman et al., Road Ecology – Science and Solutions, Washington, Island Press, 2003, à la p. 340.

44 Pascale Pierre et Sylvain Juneau, « Performance des routes forestières non revêtues traitées à l’aide de produits abat-poussière ou stabilisées en contexte nordique – Étude de terrain », Congrès forestier mondial, 2009.

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9 d’extraction du gravier, ou bancs d’emprunts, peuvent représenter jusqu’à 40 % des perturbations associées à la construction de routes45 .

En plus de l’effet de la poussière dans les lacs qui est considérable46, l’altération de l’environnement physique par les chemins se fait parce qu’une plus grande quantité de lumière peut atteindre le sol favorisant ainsi la croissance des espèces végétales héliophiles47. Un exemple concret de cette répercussion sont les semis de Kalmia qui s’installent surtout aux endroits mis à nu lors des opérations forestières, plus précisément par exemple, dans les chemins de débardages, pour autant que la densité apparente du sol ne soit pas devenue un obstacle à la suite de la compaction. Le Kalmia peut, par la suite, influencer négativement la germination de nouveaux semis de conifères48. La conséquence de l’altération physique de l’habitat par les chemins peut donc avoir des effets sur la succession végétale après la coupe ou lorsque le chemin se referme.

De même, les animaux sont directement touchés par les chemins. Leur comportement peut être modifié : par exemple, les routes peu fréquentées facilitent les déplacements des prédateurs comme le loup et augmentent ainsi l’efficacité de leur chasse49. Ou pire, la mortalité animale peut carrément augmenter due aux collisions avec les véhicules, par exemple les nombreux amphibiens et reptiles près des milieux humides50.

De surcroît, les chemins forestiers facilitent la propagation d’espèces exotiques. L’exemple le plus commun est celui des spores d’un champignon pathogène pouvant s’attacher aux roues des camions de bois et ainsi se répandre51. Au Québec, les espèces de bord de chemin comme l’alliaire officinale, le genêt à balai et le pin sylvestre constituent des menaces pour

45 Lawrence A. Johnson, « Management of northern gravel sites for successful reclamation: a review » (1987) 19 (4) Arctic and Alpine Research 530.

46 Forman, supra note 43, à la p. 231.

47 Bourgeois, supra note 4 et Forman, supra note 43, à la p. 339.

48 Pierre Grondin et Agathe Cimon, Les enjeux de biodiversité relatifs à la composition forestière, Québec, Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, 2003, à la p. 129.

49 Marion Houle et al., « Cumulative effects of forestry on habitat use by gray wolf (Canis lupus) in the boreal forest » (2010) 25 Landscape Ecology 419.

50 Bourgeois, supra note 4 et Forman, supra note 43, à la p. 339. 51 Ibid.

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10 l’intégrité des écosystèmes forestiers52. De plus, les chemins forestiers nouvellement construits sont la porte d’entrée du peuplier faux-tremble. Il existe d’ailleurs une relation entre les anciens chemins forestiers et la présence du peuplier à l’intérieur de nombreuses aires de coupe53. Encore plus étonnant, l’étalement du réseau routier a contribué à l’invasion par les lombrics exotiques, mieux connus par l’appellation de vers de terre54.

De plus, l’utilisation anthropique croissante du territoire est une répercussion souvent sous-estimée55. En effet, les routes servent aux exploitants de la forêt, mais aussi aux motoneigistes,56 aux chasseurs légitimes de même qu’aux braconniers57. De nombreuses études démontrent une relation entre la fréquentation anthropique d’un habitat et les populations animales. Par exemple, sur les territoires facilement accessibles, les cerfs de Virginie atteignent rarement la taille de « trophée »58. Ou encore, la mortalité non naturelle des ours noirs est généralement causée par l’homme. Plus la densité du réseau routier59 est importante moins il y a d’ours sur le territoire. Les décès peuvent être principalement attribués à la chasse et au braconnage, mais aussi aux collisions avec des automobiles, des trains ou encore à l’électrocution60. De plus, en Norvège, on a observé une corrélation entre la diminution des observations des ours bruns (Ursus arctos) et l’augmentation de la densité du réseau routier. En Amérique du Nord, on observe la même corrélation avec les loups (Canis lupus), le cougar (Felis concolor), l’orignal (Alces alces) et le cerf de Virginie (Odocoileus virginianus)61. Somme toute, de manière générale, et ce, à travers le monde, on a dénoté une sensibilité des grands mammifères à l’accès au territoire par les routes.

52 Conseil canadien, supra note 39, à la p. 49. 53 Grondin, supra note 48, à la p. 168.

54 MRNF, Doyon, « Enjeux », supra note 8, à la p. 36. 55 Bourgeois, supra note 4.

56 Commission d’économie et du travail (CET), « Journal des débats de la CET » (1er septembre 2009), audition de la Fédération des clubs motoneigistes du Québec (FCMQ), en ligne : www.assnat.qc.ca <http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/cet-39-1/journal-debats/CET-090901.html>. 57 Forman, supra note 43, à la p. 339.

58 R. H. Brocke, J.P. O’Pezio et K.A. Gustafson, « A forest management scheme mitigating impact of road networks on sensitive wildlife species » dans Richard M. DeGraaf et William M Healy, dir., Is Forest

Fragmentation a Management Issue in the Northeast?, USDA Forest Service, Northeastern Forest

FExperiment Station, Rochester, 1988, à la p. 13, en ligne : www.treesearch.fs.fed.us <http://www.treesearch.fs.fed.us/pubs/4191> (consulté le 2 février 2011).

59 La densité des routes comprend les autoroutes, les routes gravelées et tout autre chemin forestier. 60 Brocke, supra note 58.

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11 Comme on peut voir, les chemins forestiers modifient largement leur environnement. Les effets plus directs sont ceux sur la qualité du milieu aquatique et sur l’intégrité des sols, mais la perte de biodiversité causée par la modification des conditions environnementales et indirectement des espèces animales n’est pas à négliger non plus. Lorsqu’on réalise que le gouvernement autorise la construction de 4 000 à 5 000 kilomètres de chemins par année, il y a lieu de se demander si cette menace à la biodiversité est prise en compte de manière appropriée.

Cadre conceptuel du mémoire

Afin de compléter la partie introductive, il est nécessaire d’établir le cadre conceptuel du mémoire soit les principaux lois et règlements, la définition de « chemin forestier », la question de recherche, l’hypothèse et la méthodologie employée.

Définition, catégorisation et classification de chemin forestier

La première loi à laquelle nous songeons en droit de l’environnement québécois est la Loi

sur la qualité de l’environnement62 (LQE). En effet, au Québec, depuis 1972, il existe une protection générale de l’environnement grâce à la LQE. Cependant, la LQE prévoit que tous les chemins forestiers faisant partie d’un plan d’aménagement forestier sont obligatoirement soustraits au processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement et le milieu social63. La seule exception de la LQE à cet égard concerne les projets de construction des « grandes routes d’accès » c’est-à-dire celles d’une longueur d’au moins 25 km et d’une durée d’utilisation d’au moins 15 ans. Ces grandes routes sont

62 Loi sur la qualité de l’environnement, L.R.Q. c. Q-2 [LQE].

63 LQE, ibid., Annexe B : h) toute exploitation forestière faisant partie des plans prévus à la Loi sur les forêts (chapitre F-4.1) pourvu que, lorsqu'ils sont applicables au territoire visé à l'article 133 de la présente loi [au nord du 55e parallèle], les plans régis par la section IV du chapitre III du titre I de la Loi sur les forêts aient fait l'objet, avant d'être approuvés ou arrêtés par le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, d'une consultation qui, dans le cas d'un plan général, a eu lieu auprès du Conseil Cris-Québec sur la foresterie, ainsi qu'il est prévu aux deuxième et troisième alinéas de l'article 95.20 de cette loi, et, dans le cas d'un plan annuel, auprès du groupe de travail conjoint concerné, ainsi qu'il est prévu aux articles 37 et 39 de la partie IV (C-4) de l'annexe C de l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du

Québec. Comparer : Northwest Environmental Defense Center v. Brown, 2011 W.L. 1844060 (9th Cir. May 17, 2011) (Cette décision américaine de mai 2011 conclut que les systèmes de collecte des eaux de ruissellement (fossés, canaux, ponceaux, etc.) des chemins forestiers sont des sources de pollution définies pour lesquelles des permis en vertu du Clean Water Act’s National Discharge Elimination System (CWA’s NPDES) est requis.).

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12 alors obligatoirement assujetties à la procédure d’évaluation et d’examen telle que requise par la LQE64. Cela rend donc notre étude du droit directement applicable aux chemins forestiers dans une perspective de la protection de la biodiversité encore plus pertinente.

À l’égard de la protection de la biodiversité, il existe des aires protégées, que nous étudierons plus en détail au début de la première partie du mémoire, et des lois et règlements visant la protection d’espèces animales et végétales dont la situation est jugée précaire. Ces dernières sont légalement protégées par le régime juridique fédéral et/ou son pendant provincial65. Quelques-unes des espèces ainsi protégées habitent le territoire forestier66. Le droit applicable aux chemins forestiers s’en trouve donc indirectement concerné. Par ailleurs, une protection fédérale particulière existe également pour l’habitat du poisson en vertu de la Loi sur les pêches stipulant qu’il est : « interdit d’exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson », sauf dans des circonstances autorisées par le ministre67. Un permis est donc nécessaire pour un chemin forestier traversant un cours d’eau. Il en va de même lorsqu’il est question « de déranger, de détruire ou de prendre un nid, un abri à nid, un abri à eider, une cabane à canard ou un œuf d’un oiseau migrateur »68.

Puis, les lois auxquelles nous pensons en étudiant le droit applicable aux chemins forestiers sont la Loi sur les forêts et sa remplaçante, la LADTF. Elles constituent d’ailleurs une part importante de notre étude. Il est pertinent de s’attarder aux définitions légales de « chemin forestier ». La définition de « chemin multiusages » dans le nouveau régime est

64 LQE, ibid., annexe A : toute route ou tronçon d'une telle route d'une longueur d'au moins 25 km et dont la durée d'utilisation est prévue pour au moins 15 ans à des fins d'exploitation forestière. Voir également : Grand

Council of the Crees (Eyou Istchee) c. Québec (P.G.)64, 2009 QCCA 810, [2009] 4 C.N.L.R. 78 (QL) (pour son application).

65 Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C., c. 22 [Loi sur les oiseaux

migrateurs], Règlement sur les oiseaux migrateurs, C.R.C., c. 1034, Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002,

c. 29, Règlement sur les espèces fauniques menacées ou vulnérables et leurs habitats, R.R.Q. 1981, c. E-12.01, r. 0.2.4, Règlement sur les espèces floristiques menacées ou vulnérables et leurs habitats, R.R.Q. 1981, c. E-12.01, r. 0.4, Arrêté ministériel concernant la publication d'une liste d'espèces de la flore vasculaire

menacées ou vulnérables susceptibles d'être ainsi désignées et concernant la publication d'une liste des espèces de la faune menacées ou vulnérables susceptibles d'être ainsi désignées, A.M. 1993, G.O.Q. II, 4227.

66 Forestier en chef, « Bilan », supra note 15. 67 Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, c. F-14, art. 35.

68 Règlement sur les oiseaux migrateurs, supra note 65, art. 6.1 (a). Voir également : Loi sur les oiseaux

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13 plus large que celle de « chemin forestier » dans la Loi sur les forêts. En effet, un « chemin multiusages » est « un chemin en milieu forestier, autre qu'un chemin minier, construit ou utilisé en vue de permettre l'accès au territoire forestier et à ses multiples ressources69 » tandis qu’un « chemin forestier » est un « chemin construit ou utilisé sur une terre du domaine de l'État en vue de réaliser des activités d'aménagement forestier en vertu de la présente Loi sur les forêts70 » [nos soulignements]. On remarque alors que le nouveau

régime forestier concernera un plus grand nombre de chemins parce qu’il couvrira plus d’espaces et d’objets. En effet, le milieu forestier recouvre un plus vaste territoire que les terres du domaine de l’État. De plus, permettre l’accès au territoire est plus élémentaire que de faire une activité d’aménagement. Puisque la définition de « chemin multiusages » est plus intégrale que celle de « chemin forestier », il s’agit de celle que nous utiliserons dans le cadre de notre mémoire.

Il faut spécifier que nous n’allons pas étudier le droit applicable aux chemins miniers. L’exclusion des chemins miniers de notre étude n’est pas justifiable d’un point de vue écocentrique puisque les dommages susceptibles d’être causés à la biodiversité sont sensiblement les mêmes dans un milieu forestier que dans un autre habitat comme la toundra. Cependant, d’un point de vue juridique, nous entrons dans un autre régime où intervient une autre multitude de lois, règlements et politiques également en mutation71.

Dans un autre ordre d’idées, à nos yeux, la distinction entre la dénomination de « chemin multiusages » et de « chemin forestier » est également importante au plan conceptuel. En appelant une route dans la forêt « multiusages », on met en évidence la multiplicité des acteurs concernés par la planification du réseau routier. Cela s’inscrit dans l’esprit des nouvelles tables de gestion intégrée que nous étudierons plus loin. Cependant, nous trouvons plus approprié dans le cadre de notre analyse de continuer à utiliser le terme

69 LADTF, supra note 24, art. 41 al. 2.

70 Loi sur les forêts, supra note 23, art. 31 al. 3.

71 Voir : Loi sur les mines, L.R.Q. c. M-13.1; Québec, Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, « Plan nord », en ligne : www.plannord.gouv.qc.ca <http://www.plannord.gouv.qc.ca/index.asp> (consulté le 11 avril 2011); Comité Consultatif de l’environnement Kativik (CCEK), « Avis sur le développement actuel et futur des infrastructures de transport au Nunavik », 2007, en ligne : www.keac-ccek.ca <http://www.keac-www.keac-ccek.ca/documents/memoires-avis/Avis-Routes-2007-f.pdf> (consulté le 9 mars 2011).

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14 « chemin forestier », mais avec le sens plus large de « chemin multiusages ». Cette nuance est importante dans une perspective de protection de la biodiversité. En effet, les chemins donnant accès aux multiusages du milieu de l’écosystème forestier sont essentiels, mais ils sont susceptibles de causer de nombreux dommages à l’environnement. De notre point de vue, il devient alors plus pertinent de miser sur l’appellation de « chemin forestier » pour souligner son emplacement plutôt que celle mettant en valeur son usage.

La distinction entre « chemin multiusages » et « chemin forestier » est, par ailleurs, notable sur le plan administratif afin de savoir quel type d’autorisation est requise pour construire, améliorer ou fermer un chemin dans la forêt. Les détenteurs de permis d’intervention en milieu forestier doivent y être spécialement autorisés72. Une autre sorte d’autorisation est nécessaire pour construire ou améliorer des chemins autres que « forestiers73 ». Les municipalités doivent aussi se conformer à une autorisation obtenue du ministre pour voir à l'entretien et à la réfection, sur leur territoire, de tout ou en partie d'un chemin forestier74. Par ailleurs, les modalités d’obtention d’une autorisation en vertu de la LADTF ne sont pas encore connues, mais une autorisation devra aussi être délivrée pour « exécuter des travaux de construction, d'amélioration ou de fermeture d'un chemin multiusages »75. En somme, il faut savoir qu’une autorisation du ministre est requise pour construire, améliorer ou fermer un chemin forestier ou multiusages et que les permis d’intervention76 ou contrats et ententes conclues en vertu de la loi77 qui incluent une telle autorisation doivent la mentionner spécifiquement.

En outre, il est opportun de préciser qu’il existe une catégorisation et une classification des chemins forestiers. Il y a cinq grandes catégories de chemins. Les principales distinctions entre les catégories se résument ainsi :

72 Loi sur les forêts, supra note 23, art. 32.

73 Ibid., art. 31 al. 1 et Québec, Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, « Autorisation de construire ou d’améliorer un chemin autre qu’un chemin forestier », en ligne : www.mrnf.gouv.qc.ca <http://www.mrnf.gouv.qc.ca/forets/entreprises/entreprises-permis-chemin.jsp> (consulté le 14 mars 2011). 74 Loi sur les forêts, ibid., art. 32.1 et Loi sur les terres du domaine de l’État, L.R.Q. c. T-8.1, art. 58.1. 75 LADTF, supra note 24, art. 41 (en vigueur à partir du 1er avril 2013).

76 Loi sur les forêts, supra note 23, art. 32.

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15 1- Chemins primaires (chemin principal d’accès ou maître-chemin ou chemin de pénétration) : Leur point de départ est généralement du réseau public ou d’une usine de transformation et ils forment l’axe principal d’accès au territoire. Ils ont le plus haut degré de permanence, une durée de vie de plus de 10 ans pour une utilisation annuelle. La vitesse réglementaire de circulation permise est 70 km/h, mais en voie de devenir 90 km/h78. Ils possèdent le plus haut degré de conception;

2- Chemins secondaires : Ils constituent un embranchement du réseau primaire et donnent accès à de grands secteurs d’approvisionnement. Ils sont utilisés 12 mois par année et ont une durée de vie de 3 à 10 ans. Ils possèdent un haut degré de conception.79 ;

3- Chemins tertiaires : Ils forment les extrémités des ramifications du réseau routier et donnent accès à des blocs forestiers d’importance. Ils sont moins utilisés et ont une durée de vie moindre80;

4- Chemins d’exploitation : Ils donnent accès à des secteurs d’intervention annuelle. Ils ont une durée de vie limitée, mais surtout ils constituent le plus grand nombre de chemins construits annuellement81;

5- Chemins d’hiver ou chemins temporaires (qui s’appelleront désormais des « chemins sans mise en forme »82) : La composition de leur surface de roulement

78 Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, René Doucet et Marc Côté, dir., Manuel de foresterie, 2e éd., Québec, Éditions MultiMondes, 2009, à la p. 1191 [OIFQ, Manuel] et Serge Leblanc, « La responsabilité professionnelle de l’ingénieur forestier dans la planification d’un réseau routier forestier », document présenté dans le cadre du Séminaire de formation continue de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, 14 et 15 avril 2011, Saguenay, en ligne : www.oifq.com <http://www.oifq.com/fr/membres/formation-continue/formations-passees/seminaire-sur-la-voirie-forestiere/> (consulté le 3 juin 2011).

79 Ibid. 80 Ibid.

81 Leblanc, ibid.

82 Québec, Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, Conséquences des modalités

proposées pour le futur règlement sur l’aménagement durable des forêts, Direction de l’environnement et de

la protection des forêts, 2010, à la p. 84, en ligne : consultation-adf.mrnf.gouv.qc.ca <http://consultation-adf.mrnf.gouv.qc.ca/pdf/consequences_modalites_radf.pdf> (consulté le 6 mars 2011) [MRNF, Conséquences

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16 limite leur utilisation normale uniquement à la période durant laquelle le sol est gelé à une profondeur d'au moins 35 cm83.

Cette catégorisation des chemins est nécessaire parce que comme nous allons le voir la planification, la conception, le coût et l’importance des impacts environnementaux ne sont pas les mêmes pour chaque catégorie. Par exemple, le tracé des chemins primaires et secondaires devrait être planifié à grande échelle. Ils sont assurément conçus par des ingénieurs et ils coûtent plus cher et ont des impacts environnementaux plus grands. Les chemins tertiaires et d’exploitation ne sont pas à négliger non plus puisque ce sont eux qui sont construits en plus grand nombre. Juridiquement, cela a pour conséquence que la responsabilisation des différents acteurs impliqués se fait à différentes échelles et donc au sein de différents véhicules normatifs. C’est du moins ce que nous allons démontrer tout au long de ce mémoire.

Il existe, de plus, une classification des chemins. Les classes de chemins proposées par le MRNF se distinguent notamment par des paramètres généraux (vitesse maximale, nombre de voies, densité de la circulation, etc.), des paramètres structuraux (largeur de la couche de roulement sans accotement, épaisseur de la chaussée, etc.), des paramètres géométriques (courbure, pente adverse, etc.) et par les matériaux utilisés pour la fondation et la couche de roulement84. Ces classes servent aux appels d’offres du gouvernement et à la détermination des prix de la construction des routes par les entrepreneurs.

Question de recherche

La notion de chemin forestier étant défini, son rôle croissant pour la société québécoise ainsi que les répercussions environnementales qu’il cause étant circonscrites, la question de savoir si le régime forestier en pleine mutation prend en compte de manière appropriée la protection de la biodiversité à l’égard des chemins s’impose.

83 Règlement sur les normes d’intervention dans les forêts du domaine public, R.R.Q. 1981, c. F-4.1, r. 7, art. 1 [RNI].

84 Québec, Ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, « Grille sommaire 2008 des classes de chemins forestiers », en ligne : www.mrnf.gouv.qc.ca

<http://www.mrnf.gouv.qc.ca/publications/forets/entreprises/grille_sommaire.pdf> (consulté le 31 mars 2011) et Leblanc, supra note 78.

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17 Notre question de recherche est la suivante :

Le droit applicable au territoire forestier québécois prend-il en compte de manière appropriée les effets nuisibles des chemins forestiers à la biodiversité ?

Hypothèse

À l’instar des biologistes Bourgeois, Kneeshaw et Boisseau, nous supposons que le droit applicable au territoire forestier québécois concernant les chemins forestiers entraîne une construction anarchique des routes sans aucun souci des répercussions écologiques, voire socio-économiques85.

Afin d’évaluer la manière appropriée de prendre en compte les effets nuisibles des chemins forestiers à la biodiversité, nous utiliserons trois des quatre stratégies et solutions proposées par Bourgeois, Kneeshaw et Boisseau86 :

1) Réduction significative de la construction des routes; 2) Limitation d’accès, fermeture et reboisement des routes; 3) Mesures d’atténuation des impacts liés aux routes.

La quatrième stratégie proposée étant composée des programmes de recherche, de suivi et d’éducation, nous jugeons qu’elle est très importante, mais elle découle trop de la volonté politique pour être réellement évaluée juridiquement. Nous la mettons ainsi de côté dans le cadre de notre analyse.

Méthodologie

Pour mener notre analyse, nous avons effectué une recherche documentaire dans les sources traditionnelles du droit soit dans l’ordre, les lois et règlements appropriés. Bien sûr,

85 Bourgeois, supra note 4. 86 Ibid.

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18 nous avons également fouillé les jugements et la doctrine. Cependant, ce type de sources est très limité tant en ce qui concerne les chemins qu’en ce qui concerne la foresterie québécoise. Par contre, la documentation émanant de l’administration publique est plutôt abondante, bien qu’insuffisante à elle seule. Nous avons donc également répertorié des thèses et des mémoires, des présentations de congrès et colloques de même que de nombreux articles scientifiques d’autres disciplines telles que le génie forestier et la biologie. De plus, notre réflexion sur le droit québécois a été à l’occasion enrichie par quelques éléments de droit comparé.

Pour chaque élément du droit québécois applicable aux chemins forestiers, nous avons appréhendé dans quelle mesure il applique les trois stratégies précédemment proposées. Notre analyse juridique se fait donc par une description de l’état du droit suivi d’un examen de cet état du droit par rapport aux trois stratégies identifiées. Pour ce faire, nous vous présentons les normes susceptibles de concerner les chemins forestiers en deux parties. Les parties de ce mémoire ont été divisées en fonction de l’approche normative : classique ou innovatrice. Il s’agit d’une distinction qui s’impose naturellement par le sujet traité. En effet, le droit de l’environnement propose un vaste éventail de normes allant des traditionnels lois et règlements contraignants imposés par l’État aux mesures volontaires prises par divers acteurs. La même grille d’analyse s’applique à chacune des parties.

Précisons que le projet de mémoire a cheminé avant même l’avènement de la nouvelle loi, changeant l’idée de critiquer le système en fonction de certains critères et recommandations vers l’idée de soumettre le nouveau cadre juridique à un examen critique.

La partie 1 présente les normes issues de l’approche normative classique. La loi, au sens traditionnel, est désormais acceptée comme un outil de taille pour la protection de l’environnement, parce qu’elle a la possibilité de créer des normes contraignantes et des procédures de décisions (command and control) pour la planification de l’aménagement du territoire, le contrôle de la pollution et la conservation de la nature87. L’exemple typique

87 Benjamin, J. Richardson et Stephan Wood, dir., Environmental Law for Sustainability: A reader, Portland (OR), Hart Pub., 2006, à la p.2.

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19 d’une norme classique est celui d’une loi imposée par l’État entraînant des sanctions pénales en cas de contravention. Dans le cadre de notre étude, nous examinerons d’abord l’apport du réseau d’aires protégées à la conservation des territoires forestiers encore intacts puisqu’il s’agit, à l’évidence, de la meilleure façon de suivre la première stratégie qui est de réduire significativement la construction de chemins. Puis, nous étudierons les principaux lois et règlements du régime forestier soit la Loi sur les forêts et la LADTF déjà partiellement en vigueur, le RNI et le futur RADTF qui en constituent des éléments clés pour l’opérationnalisation. Puis, nous traiterons de l’aménagement écosystémique. Enfin, nous décrirons le pouvoir municipal en environnement et plus particulièrement en matière d’aménagement durable du territoire forestier.

La deuxième partie du mémoire traite des normes issues d’une approche normative innovatrice. Il s’agit de nouveaux modes de gouvernance qui sont de plus en plus indépendants de l’État. L’exemple extrême est celui des certifications forestières où les normes sont reconnues volontairement et établies entièrement par des particuliers et non l’État et surveillées par une société civile tierce. Nous commencerons donc la partie 2 par l’étude du processus de planification forestière. Nous évaluerons ensuite de quelle manière les ingénieurs forestiers, et leur ordre professionnel, à l’intérieur du cadre juridique qui les régit, peuvent jouer un rôle important dans la protection de la biodiversité. Pour conclure, nous traiterons de mesures issues de l’allègement réglementaire.

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1. Approche normative classique

Cette première partie du mémoire présente cinq secteurs du droit québécois que nous qualifions de classique parce que c’est l’État qui veille à l’application des lois et des règlements en question. L’analyse de l’état du droit porte donc sur les lois concernant le réseau d’aires protégées québécois, le Règlement sur les normes d’interventions (RNI) et le futur Règlement sur l’aménagement durable des forêts (RADTF), les conséquences probables de l’aménagement écosystémique sur le réseau routier et le rôle des municipalités auprès des propriétaires terriens.

1.1 Le réseau d’aires protégées

La première approche normative classique étudiée est celle se rapportant au réseau d’aires protégées. Il est aisé de concevoir que la création d’aires protégées est un moyen souvent efficace de construire significativement moins de routes forestières et de limiter l’accès au territoire. Par ailleurs, l’établissement d’aires protégées se fait déjà depuis plus d’une centaine d’années88. Il s’agit, aussi, d’une certaine forme de « command and control » puisque c’est le gouvernement qui en établit les limites.

Il faut comprendre qu’aussi performant soit le régime d’exploitation des ressources naturelles au plan de la mitigation des impacts sur la biodiversité, il doit exister sur le territoire des aires de conservation de qualité. En effet, ces aires servent principalement à préserver la biodiversité. Il ne faut pas oublier que les preuves scientifiques démontrent une perte de biodiversité actuelle, irrémédiable, considérable et rapide89. Cette perte de biodiversité est susceptible d’entraîner des changements écologiques et sociaux majeurs que des mesures d’atténuation ne suffiront pas à arranger90. Les territoires « intacts » ou du moins protégés, servent de refuge à de nombreux êtres vivants, dont certains en situation précaire. Ils constituent, par ailleurs, le meilleur rempart contre les espèces envahissantes

88 Richard O. Brooks, Ross Jones et Ross A. Virginia, Law and Ecology – The rise of the ecosystem regime, Burlington, Ashgate, 2002. voir p. 193 et s.

89 Chapin III, supra note 40, à la p. 241. 90 Ibid.

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22 non-indigènes en plus de favoriser la protection de paysages naturels91. Ces aires protégées fournissent également de nombreux services écologiques tel le maintien de source d’eau potable de qualité ou de ressources génétiques ou encore la séquestration du carbone92. Les aires protégées contribuent aussi au développement socio-économique des régions grâce au tourisme93. Par ailleurs, elles constituent des indicateurs essentiels pour la mesure de l’aménagement forestier durable en vertu des normes de certification CSA et FSC que nous étudierons à la dernière section de la partie 294. Le plus exempt de perturbations d’origine anthropique possible, les aires protégées peuvent servir de témoin pour suivre l’évolution naturelle des écosystèmes. Ces témoins sont particulièrement utiles dans le cadre d’une gestion avec aménagement écosystémique dont nous traiterons plus loin dans la section 1.495. Essentiellement, il est important qu’il y ait des aires protégées.

Nous allons donc définir en quoi consiste un réseau d’aires protégées, décrire le réseau s’instaurant au Québec et enfin analyser si ce réseau tient compte de manière appropriée des effets potentiellement nuisibles des chemins forestiers à la biodiversité.

En premier lieu, nous définissons le concept de réseau d’aires protégées à l’aide de la documentation de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)96. Dans sa documentation, l’UICN définit une aire protégée comme « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés »97. Afin de créer un réseau d’aires protégées, il doit y avoir entre les aires des corridors verts ou corridors biologiques. Un corridor biologique est « une aire d’habitat approprié ou d’habitat en voie de

91 Special Areas; Roadless Area Conservation, 36 C.F.R. § 294 (2001). (RÈGLEMENT) [Special Areas]et Forestier en chef, « Bilan », supra note 15, à la p. 59.

92 Ibid.

93 Forestier en chef, « Bilan », ibid., à la p. 60. 94 Ibid.

95 Special Areas; Roadless Area Conservation, 36 C.F.R. § 294 (2001). (RÈGLEMENT) [Special Areas]et Forestier en chef, « Bilan », supra note 15, à la p. 59.

96 Fondée en 1948, l’UICN rassemble des États, des organismes publics et un large éventail d’organisations non gouvernementales au sein d’une alliance mondiale de plus de 1 000 membres de quelque 160 pays. Voir : Nigel Dudley, éd., Lignes directrices pour l’application des catégories de gestion aux aires protégées, Gland, Suisse, UICN, 2008, partie préliminaire.

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23 restauration, reliant deux ou plusieurs aires protégées (ou des habitats importants non protégés) pour permettre les mouvements et migrations d’espèces, les échanges génétiques, etc. » 98. Comme il est impossible d’établir des corridors biologiques continus, des « étape-relais écologique », soit des aires d’habitat situées entre deux aires protégées sont aussi fort utiles 99.

L’UICN encourage la préservation de la biodiversité notamment en proposant des catégories de gestion d’aires protégées100. Il existe six principales catégories d’aires protégées, dont la première est divisée en deux. Entre parenthèses se trouvent les désignations des catégories UICN de 1994, nécessaires pour la lecture du tableau 2. Les catégories UICN sont les suivantes :

Ia : Réserve naturelle intégrale

Ib : Zone de nature sauvage (cette catégorie n’existait pas en 1994) II : Parc national

III : Monument ou élément naturel (III : Monument naturel/élément naturel marquant) IV : Aire de gestion des habitats ou des espèces (IV : Aire gérée pour l’habitat et les

espèces)

V : Paysage terrestre ou marin protégé

VI : Aire protégée avec utilisation durable des ressources naturelles (VI : Aire protégée de ressources naturelles gérées) 101

Chaque catégorie a ses propres approches de gestion102. « Les catégories n’impliquent pas une hiérarchie simple en termes de qualité, d’importance ou de préservation du naturel. » 103 En fait, les aires des catégories Ia et Ib se rapprochent le plus de l’état naturel, puis suivent

ex aequo les catégories II et III et celles des catégories IV et VI. Ce sont les aires des

98 Ibid., à la p. 63.

99 Ibid.

100 Ibid., à la p. 6.

101 Ibid., chapitre 2 et Forestier en chef, « Bilan », supra note 15, à la p. 61. 102 Dudley, ibid., à la p. 15.

Figure

Tableau 1: Évolutions des volumes de bois attribués et récoltés et des droits de coupe  en 2005, 2007 et 2009 17
Figure 2 : Schéma d'une bonne planification d'un réseau routier forestier prévoyant les  besoins immédiats dans 5, 10 et 15 ans
Tableau 6 : Définitions des appellations des aires protégées au Québec

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