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z L’IMPORTANCE DE LA CONVIVIALITÉ

– certains jeunes ont tendance à changer régulièrement d’objet d’investissement sans pour autant abandonner leur idée de projet ;

– certains jeunes peuvent paraître investis dans une activité ou un autre support d’investis- sement sans pour autant être dans une démarche de projet. C’est notamment le cas de ceux dont les activités sont limitées à des fins de pure consommation.

L’injonction à l’innovation ou à l’originalité : une contradiction avec la tendance au mimétisme des jeunes

La course à l’innovation qui ne fait pas sens pour les jeunes

Les décideurs politiques sont souvent friands de « nouvelles solutions » et de « nouvelles mesures » à prendre pour pallier les défaillances d’une société qui ne cesse d’évoluer et sur laquelle ils peuvent avoir l’impression de ne plus avoir prise. L’innovation rassure car elle est porteuse d’un signe de distinction donnant l’illusion à ceux qui l’exigent d’avoir opéré une rupture avec leur prédécesseur et d’avoir ainsi marqué leur temps. Les mécanismes de reproduction, quant à eux, ont ceci d’angoissant qu’ils peuvent donner l’impression aux accompagnateurs de stagner dans leur démarche éducative.

« Y a un groupe de filles très présent qui ne s’inscrit pas dans les activités mais qui n’a rien à proposer non plus, si ce n’est quelque chose que d’autres ont déjà fait. » (Julie, éducatrice dans un service de prévention en zone urbaine.)

L’entrée dans une culture de l’initiative par le mimétisme

C’est lors d’un groupe d’échange d’expériences, qui réunissait des jeunes de quartiers po- pulaires et des jeunes résidant en zone rurale, que ce phénomène de mimétisme est le plus clairement apparu. Cette initiative, s’étant déroulée en Haute-Normandie, avait pour objec- tif de réunir des jeunes à des stades différents dans la réalisation de leur projet (certains au stade de l’émergence de l’envie et d’autres déjà lauréats Envie d’agir). Ces jeunes avaient connu pour la plupart des parcours de vie difficiles (foyers de l’aide sociale à l’enfance – ASE –, mesure d’action éducative en milieu ouvert, maladies lourdes) ou rencontré un évé- nement douloureux. La trace de ces parcours problématiques était repérable jusque dans le fil conducteur de leur projet. Dans ce groupe, Éric, 30 ans, fit part de son désir de réaliser un projet de prévention auprès des plus jeunes contre le virus du sida, dont il était atteint. Au démarrage de l’espace de discussion, il disait ne pas savoir concrètement quelle forme donner à son projet, à l’issue de celui-ci, il pensait réaliser, comme bon nombre des autres porteurs de projets réunis dans ce groupe, un premier film de prévention.

Leurs confrontations à des mécanismes néfastes sur le terrain

Le sabotage des opportunités de l’environnement

Les freins psychologiques à la prise d’initiative ne sont pas que le fruit de fantasmes et puisent leur source dans un environnement peu favorable qui influe sur les possibilités que peuvent avoir les jeunes à appréhender leur devenir en ces lieux. Karine, une éducatrice du service de prévention d’une ville située en zone rurale, rend compte de ses difficultés en mettant en avant l’aspect conditionnant du milieu.

« Dans l’inconscient et le discours des gens, tout est amené à fermer ici, donc y a rien qui est pé- renne. Quand y a quelque chose qui ouvre, les jeunes font tout pour le provoquer et le fermer. » (Karine, éducatrice dans un service de prévention en zone urbaine.)

Cette réflexion attire l’attention sur ce qui pourrait constituer un premier mécanisme de résistance des jeunes aux initiatives impulsées dans le milieu : celui de mettre en échec les projets qui n’émaneraient pas d’eux ou qui n’auraient pas reçu leur « validation ».

Le sabotage des projets des jeunes entre eux

« Y a beaucoup de règles imaginaires, y a pas de charte mais c’est incrusté au fond de toi. » (Maudui, 28 ans, demandeur d’emploi, porteur d’un projet de création d’activité économique, habite en zone urbaine.)

Les mécanismes de sabotage qui semblent les plus difficiles à appréhender pour les indi- vidus eux-mêmes et leurs accompagnateurs restent les mécanismes qui sont pris dans des enjeux collectifs.

« Avec l’entourage, si t’écoutes les gens, tu te retrouves au fond mais moi je suis pas encore à la surface. » (Léonie, 21 ans, demandeuse d’emploi, porteuse d’un projet de récit autobiographique, habite en zone rurale.)

« Les gens » sont, dans le discours des jeunes les plus fragilisés, quasi omniprésents quand on aborde avec eux la question des freins qu’ils pourraient rencontrer dans la construction de leur projet. Ces « gens », ce sont d’autres jeunes de leur entourage. Ils ne prendraient d’ailleurs pas autant de place si ce n’était pas des personnes qui comptaient à leurs yeux. Pour ces jeunes, pouvoir trouver des interlocuteurs fiables pour les accompagner dans leur projet est d’autant plus sensible que la place de l’adulte est presque bannie de leur territoire de vie. Si, dans la logique du lien intergénérationnel, l’adulte doit pouvoir préparer la future génération à trouver sa place, il n’en est rien pour les jeunes auxquels l’expérimentation s’est adressée. Le lien « intragénérationnel » construit avec le groupe de pairs ne leur permet pas de vivre leur accès à l’autonomie. Il génère au contraire une confusion des places qui entraîne une lutte de pouvoir au sein d’une même génération et les amène à se « mettre des bâtons dans les roues mutuellement ».

Le sabotage du lien d’accompagnement

Ces mécanismes de sabotage ou d’autosabotage sont d’autant plus pénibles à vivre pour les accompagnateurs qu’ils leur sont directement adressés, lorsque le jeune s’attaque au lien ou au cadre qu’ils avaient construit ensemble.

« Parfois, on veut tout mettre en l’air pour se donner des excuses, on sabote nous-mêmes ce qu’on a construit, ça évite de se décevoir soi-même et de décevoir ceux qui ont cru en nous. » (Bridget, 26 ans, demandeuse d’emploi, porteuse d’un projet de création théâtrale, habite en zone rurale.) Lorsqu’un individu construit un projet, il s’inscrit dans une histoire de liens avec des per- sonnes ressources qui vont l’aiguiller et qui vont croire en ses capacités à porter son projet. Il peut se trouver que le lien soit fortement compromis par réalisme ou par méfiance de la part de l’adulte vis-à-vis du projet lui-même ou de la capacité du jeune à le mener à bien. Ces liens peuvent générer des réactions paradoxales comme un désir de montrer à l’adulte incrédule qu’il a eu tort. Le cas le plus courant étant celui d’un jeune qui rêve de retourner dans son ancien établissement scolaire pour mettre son diplôme sous les yeux d’un professeur qui n’avait pas misé sur sa réussite. Ce jeune se fait une promesse et en fait une aux autres dont il ne connaît pas toujours le sens. À l’inverse, les jeunes qui renoncent à leur projet montrent aussi une forme de renoncement à leurs responsabilités, c’est-à-dire à soutenir la promesse qui leur avait été faite par leurs accompagnateurs. C’est en tout cas ce que confirme le propos d’un animateur rencontré lors de l’expérimentation qui pointe des stratégies de repli chez certains jeunes :

« Il préfère faire le choix d’être seul plutôt que de prendre le risque de subir cette solitude. » (Hamedy, animateur dans un centre de loisirs en zone urbaine.)

L’accompagnement, l’évaluation