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L’impact des représentations sur l’appréhension de la religion et de la religiosité par les

SECTION I : RESULTATS DE LA RECHERCHE

I. L’impact des représentations sur l’appréhension de la religion et de la religiosité par les

Un des premiers enseignements que l’on peut déduire de cette recherche concerne le rapport même des individus au concept de religiosité. Comme nous avons pu le voir Saroglou (2003) constatait que la spiritualité moderne, dans une société moderne est sécularisée, correspondait à une forme de religion traditionnelle.

Pouvoir faire ce constat demande bien évidemment de définir de façon précise les concepts de religion et spiritualité. Notre recherche, en ce sens, a permis d’illustrer la difficulté d’appréhension de ces deux concepts par nos répondants. Les dichotomies dans les réponses auraient pu nous faire penser qu’il serait délicat d’en tirer un enseignement. Toutefois, lorsque l’on analyse les éléments exposés dans la description des résultats, et les différentes retranscriptions, on peut se rendre compte que cela vient confirmer l’analyse de Saroglou. Le principe de laïcité ayant le rôle de modérateur, les répondants véhiculent une représentation de leur rapport à l’organisation dans laquelle la religion n’a pas de place. Ainsi, ces derniers se devant de respecter le principe de séparation des Eglises et de l’Etat se doivent d’être neutre, et donc de ne pas exprimer leur religiosité. Cela est tellement ancré chez eux, que le simple fait d’imaginer ou de penser ce rapport religiosité-organisation les rend mal à l’aise. Or comme le fait remarquer Caroline, chrétienne d’origine indienne, se forcer à intérioriser et à « neutraliser » sa religiosité, lorsque l’on est croyant et/ou pratiquant, n’est pas facile. On se retrouve ainsi en opposition avec nous-mêmes…ce qui peut créer chez nous une situation de dissonance cognitive (Festinger, 1957).

Il en résulte tout d’abord une définition beaucoup plus stricte et limitée du concept de religion. Cette dernière étant essentiellement vue comme une relation, une croyance à une (ou plusieurs) divinité(s) ainsi qu’un ensemble de pratiques et de règles, la notion de transcendance n’est abordé que partiellement. Comme cela a été évoqué lorsque nous avons discuté ce concept au regard de la littérature, ce rapport à la transcendance ne peut pas être perçu uniquement comme un rapport à Dieu. Il s’agit d’un rapport à quelque chose qui transcende l’être humain.

En tout état de cause, chez les répondants marqués par la culture française, on peut observer une difficulté à aborder cette question…au point de chercher à identifier d’autres facteurs explicatifs des comportements des individus. Ainsi les comportements mettant en œuvre une certaine éthique seraient admis et légitimes lorsqu’ils font appels à des valeurs

112 humaines, résultant de leur humanité ou de leur spiritualité. Dans cette posture, il ne faudrait en aucun cas assimiler religion-spiritualité-humanité. On rejoint ainsi en partie l’analyse de Voynet-Fourboul (2011). On peut en effet observer que dans une société où la rationalité est maîtresse, la religion est effectivement vue comme un tabou dans l’organisation126. Elle n’aurait pas à y entrer. On se retrouve ici dans la même incohérence que celle remarquée par Hick (2001) concernant les travaux de Mitroff et Denton (1999). Les répondants croyants exprimant un besoin de tolérance et un souhait à pouvoir être eux même, se retrouvent dans la situation à devoir nier une partie d’eux même. L’attitude de Sarah et Manal127 est à ce titre intéressante. Alors qu’elles sont toutes les deux de confession musulmane, on peut se rendre compte que contrairement à Mouznat, également musulmane128, elles n’expriment aucune gêne à faire le lien entre leur religiosité et leurs choix et comportements, et cela quelque soit le lieu ou la situation. Il ne s’agit donc pas ici d’un problème strict de religion ça va au delà, même si Caroline exprime le sentiment que l’attitude des croyants exposés longuement à la culture française change. Il pourrait, en ce sens, y avoir une différence au niveau de l’expression et de l’intensité dans la pratique et la croyance religieuse, entre les croyants qui viennent d’arriver en France et ceux qui ont intégré la culture française129. La différence se situe donc bien au niveau de la religiosité, et non de la religion, en raison notamment de l’impact de la culture nationale.

Il résulte de cela que l’on peut estimer qu’effectivement la culture française, à travers la rationalisation et la laïcité130, influence les représentations des individus. Ceci

semble expliquer pourquoi les répondants privilégient la dimension humaine comme facteur explicatif alors que pour eux la spiritualité et l’éthique semblent importantes.

Ainsi si on se cantonne à une analyse triviale, on pourrait estimer que la religiosité est un sujet inopportun pour un sujet de recherche en sciences de gestion… Toutefois, si on pousse un peu plus l’analyse, on peut se rendre compte que les répondants font référence à la spiritualité, aux valeurs humaines en lieu et place de la religiosité. La culture nationale rendant taboue les références au religieux131, en dehors de la sphère privée, ces derniers, comme le suggère Saroglou (2003) préfère s’orienter vers la spiritualité moderne132. Or cette dernière correspond à une forme de religion.

Par ailleurs, la recherche a montré une dualité dans l’appréhension de la relation religiosité- organisation. En dehors de l’aspect déjà évoqué qui voudrait d’une part que l’individu et l’organisation soient neutres, les répondants estiment qu’un leader doit faire preuve de tolérance et être ouvert sur les autres, être à leur écoute. Il doit donc tenir compte de leur

126 On peut observer à cet effet que les répondants croyants parlent volontairement et aisément de la religion

dans la phase des murs d’images, mais expriment des réticences lorsque le cadre est l’organisation. Ainsi ils parlent facilement de leur religiosité lorsqu’il s’agit d’un cadre privé, mais bloquent sur le sujet lorsqu’il s’agit de l’organisation.

127 Elles sont nées et ont grandi au Maroc 128 Qui de son côté est née et a grandi en France

129 A ce titre deux des personnes interrogées, mais non retranscrites, parlent d’intégration à la société française

alors qu’elles sont nées en France. Elles parlent comme si elles étaient étrangères. On peut noter que Rudy parle aussi d’intégration lorsqu’il évoque son éducation et ses parents.

130 Que nous avons réduit en « sécularisation dans le modèle conceptuel d’origine ».

131 On peut à ce titre observer les pondérations données par les 3 croyants, nés et ayant grandis en France, à la

valeur « Religieux » (voir p 87 de ce mémoire)

113 religiosité…alors que ni l’organisation ni le follower n’est sensé en exprimer une. Cette contradiction illustre bien la situation de dissonance cognitive de ces salariés.

Ils expriment en outre une difficulté à dissocier les valeurs humaines – ou en d’autres mots les valeurs personnelles – des valeurs religieuses. Ceci confirme également ce qui est présent dans la littérature en psychologie. A travers ses travaux sur les valeurs religieuses, Schwartz, à ce titre, a identifié que la religion ne véhicule pas de valeurs particulières. Il s’agit bien des mêmes valeurs de base communes à chaque individu. Elle ne joue en fait que sur l’activation et la hiérarchisation entre ces valeurs.

II. L’impact de la religiosité sur les attentes des followers et la mise en place d’un

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