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L’impact des modifications covalentes des histones et de l’ADN sur la régulation transcriptionnelle

C. L’épigénétique : une composante indispensable de la régulation transcriptionnelle

II. Impact des modifications épigénétiques sur la régulation transcriptionnelle

3. L’impact des modifications covalentes des histones et de l’ADN sur la régulation transcriptionnelle

a) Modifications des histones et activation transcriptionnelle

Une augmentation de l’acétylation des lysines des histones au niveau des régions promotrices est presque exclusivement associée à une activation de la transcription. Pokholok a par ailleurs récemment démontré chez la levure que le niveau d’acétylation des histones H3 et H4 était proportionnel aux taux de transcription (Pokholok et al., 2005). La présence du groupement acétyl neutralise la charge positive de la lysine et par voie de conséquence la conformation du nucléosome. L’attachement du nucléosome à l’ADN est alors plus lâche et l’accès de la machinerie transcriptionnelle à l’ADN est favorisé (Morales et Richard-Foy, 2000 ; Wang et al., 2000).

Un modèle d’activation transcriptionnelle fait appel à la coordination entre les domaines HAT, kinases et bromodomaines (Marmorstein, 2001). Des protéines activatrices,

Figure 19 : Modèle de coopération entre les HAT, les kinases et les protéines à bromodomaine lors de l’activation transcriptionnelle

Dans un premier temps, une kinase des histones H3 est recrutée au promoteur par un activateur et induit la phosphorylation d’H3Ser10. Un complexe d’HAT est recruté à son tour et acétyle des résidus lysine de l’histone H4. Le complexe Gcn5 induit ensuite l’acétylation des lysines 14 des histones H3. L’ensemble de ces modifications conduit au recrutement de l’ARN Pol II et des facteurs généraux de transcription et à l’activation de la transcription (D’après Marmorstein, 2001).

spécifiques d’une séquence donnée de l’ADN, pourraient ainsi être recrutées à l’ADN puis induire la phosphorylation des H3Ser10 par une histone kinase (Fig. 19). Les HAT Gcn5 et Esa1 seraient ensuite recrutées au promoteur à travers la combinaison d’interactions entre la sous-unité Tra1 du complexe SAGA (auquel appartient Gcn5) et des activateurs, d’une reconnaissance de lysines acétylées sur d’autres histones par le bromodomaine de Gcn5 ou par une interaction entre le domaine HAT de Gcn5 et la phosphosérine 10. La phosphorylation de la Ser10 favoriserait ensuite l’acétylation d’H3K14. L’extrémité de l’histone H3, à la fois phosphorylée et acétylée, induirait alors un réarrangement de la chromatine, résultant dans le recrutement de l’ARN Pol II et de la machinerie de transcription.

Il faut noter par ailleurs que des complexes de remodelage de la chromatine comme le complexe SWI/SNF sont nécessaires au recrutement des complexes HAT (Hassan et al., 2001). La sous-unité Swi2 du complexe SWI/SNF contient ainsi un bromodomaine qui pourrait assurer un lien entre acétylation des histones et remodelage de la chromatine.

Les principaux sites de méthylation associés à une activation transcriptionnelle sont : H3K4, H3K36 et H3K79 (Kouzarides, 2007 ; Martin et Zhang, 2005 ; Vakoc et al., 2006). La méthylation des résidus H3K36 et H3K4 a été directement liée au processus de transcription. Ainsi, chez la levure, H3K4me1 est enrichie dans les régions 3’ des gènes actifs, H3K4me2 est essentiellement trouvée au milieu de la région codante, tandis que la triméthylation de H3K4 est majoritairement présente autour du site d’initiation de la transcription et à l’extrémité 5’ de l’ORF (Fig. 16B) (Pokholok et al., 2005). La méthylation d’H3K4 serait le résultat de l’activité de l’histone méthyltransférase Set1, associée à la forme initiale de l’ARN Pol II (phosphorylée en Ser5) et au complexe PAF. L’accumulation de groupements méthyl à l’extrémité 5’ de l’ORF, au fur et à mesure des transcriptions, expliquerait le gradient de méthylation d’H3K4 observé le long de la région codante, la méthylation d’une histone donnée étant d’autant plus importante que le gène est fréquemment transcrit. Un tel phénomène est également observable chez l’homme, par l’intermédiaire du complexe de méthylation MLL/WDR5 (Wysocka et al., 2005). La méthylation d’H3K4 pourrait servir de signal, définissant le début de la région à transcrire. Si elle n’affecte pas directement l’élongation transcriptionnelle, elle pourrait être reconnue par des facteurs ou des complexes de remodelage de la chromatine comme NURF ou Chd1 (Pray-Grant et al., 2005 ; Sims et

al., 2005b).

La méthylation d’H3K36 représente une autre marque importante. Les H3K36 mono et diméthylées sont enrichies à l’extrémité 3’ de l’ORF et seul le niveau de triméthylation de H3K36 semble être corrélé à la fréquence de transcription (Pokholok et al., 2005 ; Rao et al., 2005). Cette méthylation permet le recrutement de la protéine à chromodomaine Eaf3, une

sous-unité du complexe HDAC Rpd35 (Joshi et Struhl, 2005). Ce complexe enlèverait alors toutes les traces d’acétylation qui auraient pu être mises en place lors du processus de transcription et assurerait le retour de la chromatine dans son état initial.

La méthylation d’H3K79 est due à la protéine Dot1 et à ses homologues (Feng et al., 2002). Cette méthylation est reconnue par la protéine 53BP1, par l’intermédiaire d’un domaine Tudor. 53BP1 intervient dans la réparation de l’ADN mais il n’y a aucune preuve à l’heure actuelle de son implication dans la transcription (Huyen et al., 2004).

b) Modifications des histones et répression transcriptionnelle

La désacétylation des histones est corrélée à une répression transcriptionnelle. Cette modification augmente l’association entre la queue basique des histones et le squelette acide de l’ADN : les activateurs transcriptionnels accèdent alors moins facilement à l’ADN. D’autre part, l’action des HDAC n’est pas restreinte aux histones et la désacétylation des facteurs de transcription ou de l’ARN Pol II peut interférer dans leur fonction (Yang et Seto, 2003). Les HDAC sont, par ailleurs, impliquées dans de multiples voies de signalisation et font partie ou s’associent avec de nombreux complexes répresseurs comme les complexes NuRD, Sin3, CoREST, SMRT ou N-CoR (Li et al., 2000 ; Wade et al., 1998 ; Xue et al., 1998). Elles collaborent également avec les complexes de remodelage de la chromatine. Cette activité fait partie intégrante du complexe NuRD, tandis que les complexes Sin3 et N- CoR/SMRT s’associent avec des composés des complexes SWI/SNF. Elles interagissent avec des Dnmt, ainsi qu’avec des HMT comme celles de la famille Su(var)3.9 (Bai et al., 2005 ; Czermin et al., 2001 ; Fuks et al., 2000 ; Fuks et al., 2001). Enfin, elles coopèrent avec des répresseurs transcriptionnels comme les facteurs Ikaros et Aiolos (Kim et al., 1999 ; Koipally et Georgopoulos, 2002b ; Koipally et al., 1999 ; Caballero et al., 2007).

Trois sites de méthylation des lysines sont associés à une répression transcriptionnelle : H3K9, H3K27 et H4K20 (Kouzarides, 2007 ; Martin et Zhang, 2005). La méthylation des H3K9 des régions promotrices est impliquée dans la répression des gènes de l’euchromatine ainsi que dans la formation de l’hétérochromatine (Bannister et al., 2001). Ce mécanisme de répression ferait intervenir le recrutement, au promoteur des gènes réprimés, d’histones méthyltransférases comme G9a, GLP, SUV39h1 ou SUV39h2 et des protéines à chromodomaine HP1 (α ou β) (Bannister et al., 2001 ; Peters et al., 2003 ; Rea et

al., 2000).

La monométhylation d’H3K27 est impliquée dans la localisation au niveau de l’HC-PC tandis que sa triméthylation joue un rôle dans la répression transcriptionnelle du gène HOX, dans l’inactivation du chromosome X ou dans le phénomène d’empreinte génomique. Elle

Figure 20 : Mécanismes de répression transcriptionnelle induits par la méthylation de l’ADN

L’ADN méthylé (cercles noirs) peut empêcher directement la fixation des facteurs de transcription à leur séquence cible ou recruter des protéines de liaison à l’ADN méthylé qui permettent à leur tour le recrutement de complexes de désacétylation des histones comme Sin3 ou Mi2β/NuRD (D’après Bird 2002).

fait intervenir des méthylases du groupe Polycomb sous la forme d’un complexe E(Z)/EZH2, contenant au moins la protéine E(Z) (« Set-domain containing protein enhancer of Zeste » ou EZH2 chez l’homme), la protéine ESC (« Extra Sex Combs » ou EED chez l’homme) et la protéine SUZ12 (« suppressor of zeste 12 »). Un modèle de répression a été établi chez D.

melanogaster où la triméthylation des H3K27, induite par le complexe E(Z), serait reconnue

par la protéine à chromodomaine Pc appartenant au complexe répresseur PRC1 (= Polycomb Repressiv Complex 1). Il s’en suivrait l’ubiquitynation de H2A puis une répression par un mécanisme encore indéfini : recrutement d’une protéine effectrice du « silencing » ou blocage d’une étape spécifique de la transcription (Cao et al., 2002).

c) La méthylation de l’ADN : un mécanisme répresseur

La méthylation de l’ADN, en particulier au niveau des îlots CpG, est corrélée à une répression transcriptionnelle (Bird, 2002 ; Siegfried et al., 1999). Cette répression peut être induite par deux mécanismes différents.

La présence des groupements méthyl peut, d’une part, gêner directement la fixation de certains facteurs positifs au promoteur (Fig. 20). La protéine CTCF, impliquée dans les phénomènes d’empreinte génomique au locus H19/Igf2 chez la souris, ne peut se lier au promoteur méthylé du locus paternel alors qu’elle peut se fixer au locus maternel, non méthylé, et réprimer ainsi l’expression d’Igf2 par ce dernier (Hark et al., 2000).

D’autre part, les CpG méthylés peuvent contribuer au recrutement de co-répresseurs transcriptionnels. Cette répression ferait intervenir des protéines de liaison aux CpG méthylés (MBP = Methyl CpG Binding Protein), les plus importantes dans la régulation des gènes des mammifères étant MeCP2, MBD1 et MBD2 (Bird, 2002 ; Klose et Bird, 2006).

MeCP2 est une protéine chromosomique très abondante qui peut lier les CpG symétriquement méthylés. Elle présente une forte activité de répression transcriptionnelle, notamment par l’intermédiaire de l’association de son domaine répresseur (TRD) avec le complexe co-répresseur à activité histone désacétylase Sin3, ainsi que par sa liaison avec l’HMT Su(var)3-9 (Fuks et al., 2003a ; Fuks et al., 2003b ; Nan et al., 1998).

MBD1 a la particularité de posséder, en plus de son domaine MBD, deux à trois copies d’un motif riche en cystéine (CXXC), que l’on trouve également dans Dnmt1. Comme MeCP2, elle possède une intense capacité de répression transcriptionnelle, notamment via le recrutement de HDAC. Elle est également capable d’interagir avec l’HMT Suv39h1 et la protéine à chromodomaine HP1α, ce qui augmente son activité répressive (Fujita et al., 2003).

Le complexe MeCP1 est composé de MBD2 et du complexe de remodelage de la chromatine Mi-2/NuRD (Ng et al., 1999). MBD2 possède des propriétés de liaison à l’ADN similaires à celle de MBD1 mais requiert la présence de plusieurs CpG méthylés pour se lier efficacement.

Les Dnmt participeraient également à la répression transcriptionnelle, soit en bloquant l’initiation de la transcription, soit en réduisant l’activité de l’ARN Pol II et l’accessibilité de la chromatine au cours de l’élongation (Lorincz et al., 2004). Ces enzymes sont en effet capables d’interagir avec des histones méthyltransférases comme SUV39H1 (Fuks et al., 2003a ; Lehnertz et al., 2003), et des histones désacétylases comme HDAC1 et 2 (Bai et al., 2005 ; Fuks et al., 2000 ; Fuks et al., 2001).

III. Implication des mécanismes de régulation épigénétique au cours de la