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C. L’épigénétique : une composante indispensable de la régulation transcriptionnelle

I. Des modifications épigénétiques de l’ADN et des histones

2. Des modifications covalentes des histones

Les histones sont de petites protéines basiques (de 11 à 22 kDa) contenant un domaine globulaire de nature hydrophobe, le domaine « histone-fold », impliqué dans la dimérisation des histones (Fig. 16A). De part et d’autre de ce domaine très conservé s’étendent les extrémités amino- et carboxy-terminales qui émergent à la surface du nucléosome. Ces régions, basiques, sont très fortement conservées d’une espèce à l’autre. Certains résidus spécifiques des extrémités amino-terminales, et dans une moindre mesure des extrémités carboxy-terminales et du cœur des histones, sont les cibles privilégiées de nombreuses modifications post-traductionnelles. Les modifications les plus étudiées à

Figure 16 : Le code histone

A. Localisation des principales modifications des histones H2A, H2B, H3 et H4 (D’après Ray-Gallet et al., 2005). B. Profils de distribution des résidus méthylés et/ou acétylés sur les histones H3 situées au niveau du site

l’heure actuelle sont l’acétylation, la méthylation, la phosphorylation et l’ubiquitinylation, mais d’autres modifications ont également été décrites telles que l’ADP-ribosylation, la sumoylation, la glycosylation ou la biotinylation (Fig. 16A) (Ray-Gallet et al., 2005). Toutes ces modifications covalentes ont lieu sur des résidus spécifiques (lysines pour l’acétylation, lysines ou arginines pour la méthylation, sérines ou thréonines pour la phosphorylation), à des degrés parfois variables (entre 1 et 3 groupements méthyl par résidus) et sont catalysées par des enzymes spécifiques (Kouzarides, 2007 ; Li et al., 2007).

Les modifications des histones présentent des profils de distribution distincts. Leur répartition, notamment sur les régions en amont du promoteur, sur le cœur du promoteur, sur les régions 5’ et 3’ du cadre ouvert de lecture (« Open Reading Frame » ou ORF) est étroitement contrôlée et intervient de manière critique dans de nombreux processus nucléaires (Fig. 16B). L’état d’acétylation ou de méthylation d’une histone varie rapidement au cours du temps, en fonction des conditions cellulaires et en particulier des stimulus arrivant à la surface cellulaire. D’autre part, la présence d’un type de modification sur une histone particulière peut influencer, positivement ou négativement, la modification d’un autre site sur cette même histone. Certaines modifications sont, par ailleurs, mutuellement exclusives. Ainsi la Lysine 9 des histones H3 est soit méthylée (H3K9me), soit acétylée (H3K9ace). Ces modifications post-traductionnelles forment ainsi un « code histone », complexe et interconnecté, qui joue notamment un rôle majeur dans l’accessibilité des séquences cibles à leurs facteurs de transcription respectifs et dans l’expression des gène situés sous leur contrôle (Jenuwein et Allis, 2001 ; Strahl et Allis, 2000).

b) L’acétylation des histones

L’acétylation des histones est le résultat du transfert d’un groupement acétyl depuis l’acétyl-coenzyme-A vers un résidu lysine donné d’une histone par une Histone Acetyl Transferase (HAT). Le niveau d’acétylation d’un résidu à un instant donné résulte ensuite d’un équilibre dynamique entre les activités des HAT et des histones désacétylases (HDAC), qui catalysent la réaction inverse.

Il existe deux types d’HAT qui différent par leur localisation cellulaire et leur spécificité de substrat (Sterner et Berger, 2000). Les HAT de type B (HAT1 et HAT2) sont essentiellement localisées dans le cytoplasme et acétylent les histones nouvellement formées. Les HAT de type A sont des enzymes nucléaires qui agissent généralement en tant que régulateurs transcriptionnels. Elles sont divisées en plusieurs sous-groupes dont les familles GCN5/PCAF, MYST, CBP/p300, SRC ou TAFII250. Elles agissent, la plupart du

Tableau 2 : La famille des Histone Acétyltransférases

(D’après Marmorstein, 2001)

HAT

Organisme

Histone

Famille GCN5/PCAF Gcn5 PCAF Levure à Homme Homme H3 Famille MYST Sas2 Sas3 Esa1 Tip60 MOZ HBO1 Levure Levure Levure Homme Homme Homme H4 (H3)

Famille TAFII250 Levure à Homme H3

Famille CBP/p300 Ver à Homme Toutes

Famille SRC SRC-1 ACTR/AIB1/pCIP TRAM-1/RAC3 SRC-3 TIF-2 GRIP1 Souris et Homme H3/H4

temps, sur des résidus localisés sur les queues amino-terminales, plus facilement accessibles, des histones H3 ou H4 (Tableau 2).

En plus de leur domaine acétyltransférase, certaines HAT possèdent des bromodomaines ou des domaines kinase qui modifient leur activité. Les bromodomaines sont des régions d’une centaine d’acides aminés, très conservées chez les eucaryotes, qui définissent une poche à forte affinité pour les lysines acétylées (Dhalluin et al., 1999 ; Marmorstein, 2001). Plusieurs indications montrent, par ailleurs, un lien entre acétylation et phosphorylation. D’une part, ces deux modifications ont lieu sur les mêmes extrémités d’histone. D’autre part, des études réalisées en 2000 par Cheung et al. et par Lo et al. ont montré que l’acétylation des Lysines 14 des histones H4 était augmentée de 5 à 10 fois lorsque ces histones étaient préalablement phosphorylées en Ser10 (Cheung et al., 2000 ; Lo et al., 2000).

Les HAT sont par ailleurs associées à des complexes multiprotéiques plus larges qui modulent leur activité. Esa1 (famille MYST) représente la sous-unité catalytique du complexe HAT « H4-specific NuA4 » (Nucleosome Acetyltransferase of histone H4) tandis que Gcn5 appartient aux complexes Ada et SAGA. Gcn5 acétyle préférentiellement H3K14 et, dans une moindre mesure, H4K8 et H4K16. Son association aux complexes Ada et SAGA étend son activité à d’autres résidus des histones H3 et H2B (Marmorstein, 2001).

Les HDAC sont, quant à elles, regroupées en quatre classes (Gregoretti et al., 2004 ; Yang et Seto, 2003). Les HDAC1, 2, 3 et 8 appartiennent à la classe I et sont localisées dans le noyau. Elles sont apparentées à la protéine Rpd3 de la levure et possèdent un domaine catalytique très conservé et de grande taille (près des deux tiers des HDAC1, 2 et 3). HDAC1 et HDAC2 sont regroupés dans deux complexes majeurs de désacétylation, les complexes Sin3 et NuRD/Mi-2β (Wade et al., 1998 ; Xue et al., 1998 ; Zhang et al., 1999). HDAC3 appartient aux complexes corépresseurs SMRT et N-CoR (Li et al., 2000) et est capable, à la différence de HDAC1 et 2, de passer du noyau au cytoplasme.

Les HDAC de la classe II (HDAC4, 5, 6, 7, 9 et 10) ont été identifiées par leur homologie avec l’histone désacétylase Hda1p présente chez la levure. Elles sont plus grandes que les HDAC de classe I et sont présentes à la fois dans le cytoplasme et le noyau. Les HDAC 4 et 5 peuvent être bloquées dans le cytoplasme par la protéine 14.3.3, établissant ainsi à nouveau un lien entre acétylation et phosphorylation des protéines (Grozinger et Schreiber, 2000).

Les HDAC de la classe III (SIRT1 à 7) sont similaires au répresseur transcriptionnel Sir2 de la levure (Silent Information Regulator) et utilisent la coenzyme nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) comme co-facteur. Enfin l’HDAC11 définit la classe IV à elle seule.

Figure 17 : Des histones méthyltransférases et des protéines de liaison aux histones méthylés, spécifiques d’un résidu histone donné

A. Principales HMT, résidus cible et organismes dans lesquels elles ont été découvertes (S.c. : Saccharomyces cerevisiae ; S.p. : Schizosaccharomyces pombe). B. Protéines reconnaissant les histones méthylées et type de

c) La méthylation des histones

La méthylation des histones est une modification covalente au cours de laquelle un groupement méthyl est transféré depuis la SAM vers un atome d’azote d’un résidu lysine ou arginine. Cette méthylation peut être multiple : mono à triméthylation pour les lysines et mono à diméthylation pour les arginines.

Les histones méthyltransférases sont regroupées en trois catégories : la famille PRMT (Protein Arginin Methyltransferase) assure la méthylation des arginines (Krause et al., 2007). La deuxième catégorie est composée des protéines à domaine SET et comprend en particulier les protéines Su(var) ou « Suppressor of variegation » (Martin et Zhang, 2005 ; Rea et al., 2000). Parmi celles-ci, on trouve de nombreuses protéines associées à l’hétérochromatine comme les membres de la famille Su(var)3-9, composées d’un chromodomaine aminoterminal et d’un domaine SET carboxyterminal, à activité méthyltransférase dépendante de la présence de cystéines. Enfin, la troisième famille est composée des protéines DOT1/DOT1L, qui ne possèdent pas de domaine SET (Feng et al., 2002). À la différence des HAT, ces enzymes sont souvent spécifiques d’un résidu donné sur une histone donnée (Fig. 17A). Ainsi, l’activité méthyltransférase des formes humaine SUV39H1 et murine (Suv39h1) de Su(var)3-9 (isolée chez la Drosophile) est spécifique des lysines 9 des histones H3. D’autre part, elle empêche l’acétylation de ce même résidu et inhibe la phosphorylation de Ser10 tout en permettant l’acétylation de Lys14.

Les groupements méthyl représentent des sites potentiels de liaison d’effecteurs aval comme les protéines à chromodomaine (Chd1, HP1 ou Pc), à domaine Tudor (53BP1 ou Crb2) ou à domaine « WD40-repeat » (WDR5), qui sont, là encore, spécifiques d’une modification donnée (Fig. 17B). Ainsi, la triméthylation de H3K9 est reconnue par HP1, celle de H4K20 par Crb2 et celle de H3K27 par Pc (Polycomb) (Martin et Zhang, 2005). L’efficacité de liaison de ces protéines aux lysines méthylées pourrait, par ailleurs, être affectée par la présence d’autres modifications sur des résidus adjacents.

Pendant de nombreuses années, on a pensé que la méthylation des histones, à la différence de l’acétylation, était une modification permanente. La découverte en 2004 par Shi et coll de l’existence d’histones déméthylases a remis cette théorie en question (Shi et al., 2004). LSD1 induit en effet la déméthylation des H3K4 et H3K9, mono et diméthylées. Les déméthylases de type Jumonji assurent quant à elles la déméthylation des H3K4, H3K9 et H3K36 di et triméthylées (Klose et al., 2006). La méthylation des arginines peut d’autre part être retirée par la protéine PADI4 (Protein Arginine Deaminase 4) qui convertit les arginines méthylées en cytrulline (Cuthbert et al., 2004 ; Wang et al., 2004).