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L’imaginaire symboliste ou la remise en question d’une vérité

PARTIE I L'expérience photographique, un art de l'essai

C. L’imaginaire symboliste ou la remise en question d’une vérité

• 1. Construire et révéler

Après avoir examiné ces différentes définitions, il semble maintenant important de se pencher sur ce qu’est l’imaginaire tel que l'entendent les symbolistes, car c’est à travers leurs propres appréhensions que nous pourrons proposer une signification d’imaginaire photographique. Il peut paraître curieux de vouloir légitimer l’existence d’un imaginaire photographique à travers le symbolisme. D’une part parce que le symbolisme est avant tout un mouvement pictural et littéraire apparu vers le XIXe siècle dans une société en proie à un "grand chambardement"71 aussi bien culturel que spirituel. D’autre part parce que la notion même d’imaginaire photographique est particulièrement contemporaine et semble aller à l’encontre de l'esprit du progrès qui traverse le XIXe siècle en Europe. Pourtant, c'est ce déséquilibre du monde moderne qui est à l'origine des concepts symbolistes. De cette angoisse de voir la disparition de la psyché individuelle et collective, d'assister à la perte de l'humanité, né une réaction intellectuelle très vive quant à la volonté de réaliser un nouvel humanisme dont les sources puisent dans l'imaginaire. Pour les symbolistes, « avoir de l'imagination, c'est voir le monde dans sa totalité ; car c'est le pouvoir de montrer ou ce qui demeure réfractaire au concept. On s'explique dès lors la disgrâce et la ruine de l'homme qui "manque d'imagination" : il est coupé de la réalité profonde de la vie et de sa propre âme »72. Avec le développement de la pensée positiviste, les symbolistes déplorent en premier lieu la perte d'imagination du monde et la perte de l'homme lui-même. Comme l’explique Michael Gibson, historien d'art et philosophe, « A la fin du XIXe siècle, en un temps ou le scientisme et le positivisme triomphants annonçaient la venue d’un monde meilleur fondé sur la raison et la technique, d’autres étaient surtout sensibles à la perte d’une qualité, difficile à cerner, mais qu’ils 70 A. Breton cité par J-P Clébert, in Dictionnaire du surréalisme, Paris, Le Seuil, 1996, p. 315.

71 Le Grand Chambardement est le titre donné à un tableau d'Henry de Groux en 1893. Il illustre la ruée du monde agricole pour le monde citadin et les bouleversements spirituels que cette migration entraîne. Le Grand

Chambardement, huile sur toile, 76x98cm, coll. particulière, Paris.

avaient trouvée dans les perspectives de l’ancien système culturel, autrement dit dans les valeurs et le sens signifiés par ce que l’on pourrait appeler son "ordre emblématique" »73. Ce qui est intéressant, c’est que le Symbolisme est un mouvement de pensée fondé sur et réfléchissant à la notion d’imaginaire, ayant pour objectif de « vêtir l’idée d’une forme sensible »74. On a d’ailleurs souvent rapporté que le Symbolisme en était l’art par excellence. Alors que la photographie s’introduit largement, à l’époque, dans le système de raison et de technique qu'est le Positivisme et qui s’attellera à occulter sa capacité imaginative, la notion d’imaginaire telle que l'entendent les symbolistes devient primordiale dans ce contexte spécifique. C’est ici que se constitue le problème central de l’époque opposant deux visions du monde, mais nous y reviendrons plus tard.

Si les dictionnaires spécifiques d’aujourd’hui nous ont permis de déterminer quelle pouvait être la part de fiction en photographie, l’imaginaire reste encore une notion délicate. Alors qu’au XIXe

siècle, l’imaginaire restait une notion opposée au réel n’existant uniquement que dans l’esprit, les symbolistes vont voir en elle, à l’inverse, une manière de parvenir au réel, de le comprendre, voire de l’égaler et que les surréalistes définiront : « parfois l'imagination s'impose à nous et paraît nous tromper : ainsi dans l'hallucination, ou le rêve ; parfois elle est l'instrument de notre progrès vers la vérité, ou la maîtrise de nous-même »75. Les symbolistes en interrogeant l'imagination dans son rapport avec le réel lui attribue la double nécessité de construire et de révéler. Ainsi l'imaginaire se trouve amené à sortir des limites qui lui sont ordonnées pour venir se confronter au réel. Le Symbolisme parvient ainsi à un élargissement de la notion de réel à travers le modèle mallarméen, l'idée « d'instrumentalisation verbale s'y déploie dans le prolongement de la suggestion qui veut que la poésie traduise des attitudes, des gestes, des sensations et pensées. Il n'est pas question de fuir le réel mais dans tirer partit »76. Ils interrogent dès lors les différents sens pouvant connecter le réel et la faculté de créer des mondes différents, de concevoir des images mentales intériorisées et structurées pouvant être retranscrites à travers un système de symboles dans le but d’exprimer une idée, c’est-à-dire un sentiment, « antérieurement perçu ou construit par le sujet »77.

L’imaginaire symboliste est, bien avant l’heure, structuré et défini selon un point de vue psychologique. L’imaginaire appartiendrait au domaine de l’imagination créatrice qui selon E. Jalley et R. Doron, « compose des représentations sensibles différentes des objets réels ou des situations vécues »78. La notion d’imaginaire chez les symbolistes renverrait dès lors à un processus

73 M. Gibson, Le Symbolisme, Paris, Taschen, 1994, p. 17.

74 J. Moréas, Manifeste du symbolisme, paru dans Le Figaro, le 18 septembre 1886. [En ligne] : http://www.berlol.net/chrono/chr1886a.htm. Consulté le 25 octobre 2010.

75 F. Alquié, Philosophie du Surréalisme, Paris, Éditions Flammarion, 1955, p.168.

76 M. Draguet, Le Symbolisme en Belgique, Bruxelles, Musée royaux des Beaux-Arts de Belgique, 2010, p.129. 77 J.-P. Bronckart, « Image mentale », in Dictionnaire de psychologie, sous la direction de R. Doron, F. Parot, Paris,

Quadrige/PUF, 2011 pour la présente édition, p. 364 78 E. Jalley, R Doron, « Imaginaire », Ibid., p. 365.

d’identification et représenterait la relation du sujet au monde. Cela désignerait également sa capacité à créer le double d’une image inconsciente ne s’adressant plus au seul sujet mais à l’autre dans sa « fonction symboliste », c’est-à-dire en tant que fonction créatrice de sens. Dès lors, on cerne le lien étroit qui peut s’établir entre l’imaginaire symboliste et l’imaginaire photographique à travers leurs processus : partant de la réalité ils inventent quelque chose de différent et imaginent dès lors un autre réel sur les bases du réel lui-même. Ils sont tous deux des systèmes de production qui prennent sens dans l’image, c’est-à-dire dans la représentation, dans une syntaxe visuelle, un langage autre pour montrer ce qui les animent. Ainsi ce que nous voyons doit nous amener toujours à autre chose. Enfin ils impliquent un système interprétatif très fort pour celui qui les reçoit et font appel à la subjectivité de chacun. Parler d’imaginaire photographique, c’est faire appel à une seule et même chose : la photographie dans sa symbiose entre la conception et la réalisation c'est-à-dire entre la construction de l'image et sa révélation.

Ces imaginaires, qu’ils soient symbolistes ou photographiques, trouvent leur existence à travers l’interprétation. Loin d’être dogmatiques, ils s’incarnent en une unité créatrice ayant deux fonctions. Celle permettant au créateur d’extérioriser en langage-symbolique l’Idée et de l’adresser à l’imaginaire de chacun, de manière universelle en laissant place à l’interprétation individuelle. Le critique G.-Albert Aurier, auteur du Symbolisme en peinture décrit cet étrange parallèle existant chez les symbolistes : « Le drame cesse d’être un drame spécial, pour devenir un drame humain, purement intellectuel, passionnant symbole des rêves douloureux d’une âme d’artiste »79. L’imaginaire symboliste doit donc être réfléchi et intellectualisé pour exprimer l’être dans son essence, c’est-à-dire dans ce qu’il a d’essentiel, le monde des Idées prenant le dessus sur celui des objets, ces derniers ne pouvant apparaître essentiellement que comme signes. Les objets en tant qu’apparences, receleurs d'idées et de contenus latents, sont à nos yeux humains difficiles à discerner : « à nos yeux d’hommes, c’est-à-dire à nos yeux d’orgueilleuses ombres d’êtres purs, d’ombres vivant dans l’inconscience de leur état illusoire et dans l’aimée duperie du spectacle des fallacieuses tangibilités, il n’en est pas moins vrai qu’à nos myopes yeux les objets apparaissent le plus souvent comme objets, rien que comme objets, indépendamment de leur symbolique signification »80. Nos yeux sont donc trompeur et se plaisent à nous laisser croire en une quelconque objectivité. Il ne s’agit pas, pour les symbolistes, de créer un champ de significations lisibles et claires, mais d’exprimer une vision individuelle, une subjectivité à travers un champ d’action libre puisque la forme, la ligne, la couleur peuvent être déformées, atténuées, accentuées pour exprimer l’Idée, en d’autres termes pour laisser place à l’imaginaire créateur d’une pensée à exprimer, d’un 79 G-A Aurier, Le Symbolisme en peinture, Van Gogh, Gauguin et quelques autres, textes réunis et présentés par P-L

Mathieu, Caen, L’échoppe, 1991, p. 76. 80 Ibid., p. 24

réel à réinventer dans cette réalité opaque. Ainsi comme le précise Georges Didi-Huberman quant à la réalité photographique, « cela nommerait donc un ancrage de la photographie dans la fiction ? — C’est pire que cela en vérité. Et voici le pire : l’appareil photographique n’est au fond qu’un appareil subjectif, un appareil de la subjectivité »81.

L’imaginaire est pourtant bien souvent une notion à connotation péjorative, associé à la fausseté, maîtresse d’erreurs, tel un reflet déformé du réel et n’ayant pour ainsi dire aucune existence. En ce sens, parler d’imaginaire photographique implique une contradiction dans la mesure où la photographie serait capable de nous rendre un reflet exemplaire de la réalité, ou elle apparaîtrait encore plus vraie que la réalité elle-même. Mais si l’on prend cette dernière dans une définition symboliste, elle, qui est conçue comme le mode par excellence de ressemblance au visible, serait en fait productrice ou re-productrice de réel. Plus vrai que le réel, elle le sur-réaliserait82. Cela explique que le Symbolisme ne renvoie pas uniquement à de vieilles croyances sur lesquelles il faudrait revenir, ni même à l’unique expression de l’inconscient mais plus profondément à un trouble inhérent aux deux notions même de réalité et de vérité qui requièrent une réflexion très sérieuse sur celle d’existence.

• 2. Dépasser la réalité

La réflexion du Symbolisme par rapport à la notion de croyance au réel est primordiale en photographie et renvoi à celle qu’établit François Soulages. Croire en l’image photographique, la considérer comme quelque chose de vrai suppose que la vie est indestructible, nous place dans un plaisir éternel de l’existence. Croire en la vérité nous console. Dans son ouverture à l'Esthétique de

la photographie, François Soulages pose la problématique suivante : « Pourquoi ce besoin de

croyance en une preuve, en un témoin, en une existence ? Que signifie ce besoin de croyance en la vérité ? »83. Si nous la considérons d’un point de vue symboliste, la photographie ne donnerait pas la réalité, mieux elle permettrait de la remettre en cause. Une photographie comme telle n’est pas tributaire d'un sens direct, et c’est parce qu’elle n’a pas de sens direct que l’on peut l’investir de sens multiple et ce de manière totalement subjective. En ce sens la photographie est une image "ouverte". L’image photographique sera donc investie culturellement, historiquement, 81 G. Didi-Huberman, Invention de l’hystérie, Charcot et l’iconographie photographique de la Salpétrière, Paris,

éditions Macula, 1982, p. 65.

82 Cette idée de « surréel » opposé au réel renvoi à la fameuse formule de Guillaume Apollinaire inventé pour qualifier ce qui se situe au-delà du réel.

techniquement, mais elle sera surtout liée à l’imaginaire du récepteur : « C’est parce que la photo, dans son essence même, est vidée du sens que la réalité pouvait avoir, que le récepteur, une fois passé le temps du désarroi, peut l’investir de sens nouveaux liés à sa subjectivité et à son imaginaire : une photo de quelque chose permet toujours d’imaginer autre chose »84. La photographie ne saisira jamais " la" réalité, mais saisira d’autres réalités permettant ainsi une mise à distance avec "notre" réalité. « La fiction est peut-être le meilleur moyen pour comprendre la réalité »85. C’est pour cela que François Soulages complète le « ça-a-été » de Roland Barthes, par un « ça a été joué : " La photographie doit être non seulement mise en scène et jeu, elle doit être invention" »86. La photographie nous révèle un point de vue sur le monde : « c’est d’ailleurs ce qui fait l’intérêt d’une photographie : elle permet d’apprendre non pas à voir, mais recevoir autrement une image visuelle »87.

Le Symbolisme, qui voit dans l’imaginaire le moyen de parvenir aux sens de la vie intérieure recherchait, à partir des éléments quotidiens, une manière d'en percer à jour la réalité par le truchement de différents moyens d’expressions, dans le but d'approcher leur nature profonde, leur résonance dans l'être, c’est-à-dire leur nature intérieure, celle invisible à l’œil nu. L’imaginaire, indissociable d’une vie en gestation perpétuelle, génère des images formées à partir d’un détail, est en ébullition permanente. Ainsi le but de cet imaginaire est bien de faire travailler notre imagination sur un autre mode, un autre régime pour « secouer la torpeur de nos facultés imaginatives, de stimuler notre cerveau, d’évoquer des mondes ou de réveiller des souvenirs »88. En cela, l’imaginaire symboliste se rapproche d’un imaginaire photographique. Il devient le double tangible de l’idée de réalité. Il fait entrer dans son moyen d’expression l’interprétation et est synonyme d’invention. Il permet ainsi de donner de l’existence et du sens à ce qui n’en trouve pas dans la réalité. Il devient fonction de connaissance, expérience essentielle de l’ouverture, de l’évasion, de la nouveauté.

L’imaginaire photographique aurait donc une fonction sans cesse renouvelée et renouvelable, autant qu'il y a d'opérateurs et de récepteurs. C’est cet imaginaire même qui accorde son caractère "magique"89 aux aspects scientifiques et mécaniques du médium photographique. Il nous met sous

84 Ibid., p. 67. 85 Ibid., p. 67. 86 Ibid., p. 67. 87 Ibid., p. 73.

88 L. Bénédite, L'idéalisme en France et Angleterre, Gustave Moreau et E. Burne-Jones, La Rochelle, Éditions Rumeurs des Ages, 1998, p. 12.

89 Ici « magique » est utilisé dans sa définition philosophique et psychologique, à savoir : Qui est irrationnel, qui n'a pas de références logiques; qui n'est pas adapté au réel et qui tente de le modifier en le niant ou en agissant sur lui, in

les yeux notre méconnaissance de l’être et de l'univers qui l'entoure, nous renvoie à notre ignorance, à notre inexistence. D’un point de vue symboliste, l’homme, psychiquement incomplet n’a pas accès au réel. L’imaginaire, lieu de tous les possibles est un espace de liberté et d’enrichissement d'une existence amplifiée. Uni à la photographie l’imaginaire n’aurait pas une fonction irréelle mais incarnerait le plein régime de la fonction du réel.

Dès lors, attribuer le terme d’imaginaire à la photographie reviendrait à remettre en cause sa capacité à nous restituer une image fidèle de la réalité et son aptitude à nous dire ce qui est vrai. Il ne s’agit pas d’abandonner le réel pour lui préférer l’imaginaire, mais de considérer la photographie à travers l’ensemble de ses potentialités et particulièrement dans le domaine de l’imaginaire et donc de la fiction par opposition à l'apparente authenticité, dont les discours, dès son invention affublent. En effet, la photographie, entretient encore ce désir utopique d’obtenir une parfaite adéquation entre « la vision de l’image et celle des objets dans l’espace »90. Admettre la photographie dans le domaine de l’imaginaire sous-entendrait alors que l’on se serve du pouvoir de la photographie dans son rapport étroit avec le réel pour se placer au service du symbolisme et atteindre une force et une densité telles que la fiction photographique dépasserait la réalité, qu’elle serait « plus vraie que le réel »91.

Les différentes manifestations de l'originalité et de la personnalité de l’individu ou d’un groupe uni par une communauté de pensée conduisent vers des formes narratives complexes qui oscillent entre autobiographie et différentes formes de fictions. L’imaginaire photographique n’est pas sans rapport avec la mise en récit dans laquelle le sujet pose, volontairement ou non, des questions concernant les rapports du réel et de la fiction. Ce genre d’imaginaire semble participer d’une mémoire et d’une tentative de définition identitaire. Photographier, c’est montrer qu’il existe un monde dans lequelle nous vivons et qui comprend toujours de multiples réalités. La photographie est donc à la fois Empreinte et Fiction, elle « permet d’intégrer les moindres circonstances de la vie, de la réalité quotidienne, elle assure aussi l’amorce de la fiction par divers moyens »92.

Le Symbolisme et la photographie pourraient donc mener de concert une réflexion sur l’imaginaire. Étrangement, ils se révèlent tous deux proches de la littérature et de la narration dès lors qu’on leur applique les notions d’imaginaire et de fiction. Il est clair que chez les symbolistes, le système de représentation est narratif. Exprimer l'Idée par des moyens figuratifs signifie bien qu'il faille raconter quelque chose de lisible, d'identifiable à travers divers moyens d'expressions. De plus, nous 90 F. Soulages, op. cit., p. 67.

91 E. Souriau, op. cit., p. 1209.

92 J-P. Mourey, « images et mise en récit », in Traces photographiques, traces autobiographiques, Saint Étienne,Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2004, p. 63.

le verrons plus loin, les œuvres symbolistes sont bien souvent liées à un récit, un mythe, des écrits personnels ou des événements d'actualités. A travers l'écriture de symboles en un certain ordre arrangés, les œuvres symbolistes racontent tantôt sur le mode onirique et fantastique, tantôt dans un registre cynique et ironique un récit poétique. Les symbolistes ne sont pas en manque de moyens d'expressions pour parvenir à exprimer l'Idée. Cette Idée découle en générale d'un fait réel directement interprété et intégré à l’œuvre. Ainsi, « incertaine quant à son devenir, la forme ne peut plus recouvrir un sens univoque ? Prise comme récit, l'image ne se satisfait plus de la simple narration objective de l'action classique. Au contraire. Elle se construit selon une syntaxe qui vise à élargir les possibilités de la connaissance »93. Mais peut-être cela est-il moins simple en photographie ?

L’écriture est avant tout la représentation graphique d'une langue orale. L'écriture d'une fiction se présente donc comme l'exposition d'une action, d'un phénomène relevant de l'imagination, prenant comme support la réalité pour fabriquer autre chose, généralement un univers où s’enchaînent des faits imaginés et retranscrits graphiquement sur un support. Or, le sens étymologique du mot « photographie » ne renvoie-t-il pas étymologiquement à "écriture de la lumière"? Utilisé en France dans le langage scientifique au cours des années 1830, proposé en 1839 en Grande-Bretagne par le scientifique John Herschel, ce terme marque la photographie à la fois dans sa spécificité d’enregistrement technique et aussi dans son sens plus littéraire. En effet les suffixes -graphie, -graphique, du grec graphein, renvoient à "écrire". -Graphie entre dans la composition de substantifs désignant des procédés d’enregistrements94. La photographie est donc bien écriture de lumière et enregistrement de cette lumière même. Pour "écriture", Le Grand Robert donne des définitions particulièrement intéressantes ; ainsi, « l’écriture est un système de représentation de la parole et de la pensée par des signes conventionnels tracés et destinés à durer »95. La photographie pourrait donc être une représentation de la parole et de la pensée grâce à la sélection d’objets et de sujets « dans le réel et exposés à la lumière »96. La photographie, comme l’écriture relèvent également du fait, de l’action, de la création d’un langage (spécifique) et relèvent d’un système de production. Production d’un langage relevant de l’image et donc fabriquant du sens pour la photographie et production d’un langage de signes codés créant du sens pour l’écriture. Les deux termes sont donc à même de produire du sens et, d’un point de vue didactique, de produire du