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E- Régulation de l’expression de l’expression génique par les micro-ARN

II- L’HYPOXIE

L’essence même de la vie des organismes aérobies repose sur la consommation d’oxygène. Celui-ci est indispensable au métabolisme énergétique qui va leur permettre de survivre d’une part, et d’autre part d’accroître le nombre et la masse cellulaire. Chez les organismes eucaryotes, c’est dans les mitochondries que l’oxygène participe à l’oxydation du glucose pour aboutir à la synthèse de l’ATP, énergie indispensable au développement et au maintien des organismes multicellulaires.

Bien qu’indispensable, l’utilisation de l’oxygène comme substrat énergétique n’est pas sans risque. Au cours de la chaîne respiratoire, qui a lieu au niveau de la membrane interne des mitochondries, les électrons viennent rencontrer l’oxygène pour former de l’eau ; certains électrons peuvent alors échapper de cette chaîne. Combinés avec l’oxygène (O2) ces derniers engendrent alors des ions superoxyde (O2-), qui sont des radicaux libres oxygénés (ROS). Ces ions très réactifs sont capables d'oxyder les protéines, l'ADN et les membranes des cellules et de ce fait constituer une menace pour la survie cellulaire s'ils deviennent trop nombreux.

Une augmentation ou une diminution de la pression en oxygène, respectivement appelées hyperoxie et hypoxie, conduit à la synthèse excessive de radicaux libres oxygénés (Guzy and Schumacker, 2006). Étant donnée la nécessité de l’oxygène pour la production de l’ATP, l’hypoxie s’accompagne en plus d’un important manque d’énergie qui vient se surajouter aux problèmes engendrés par les radicaux libres oxygénés. Par conséquent, pour assurer la survie cellulaire, les organismes eucaryotes doivent absolument veiller au maintien de l’homéostasie de leur niveau d’oxygène. L’adaptation à l’hypoxie met en œuvre toute une machinerie moléculaire et physiologique qui fera l’objet de cette deuxième partie.

A- HIF

1- Généralités

Toute réponse physiologique à un changement environnemental important implique une modification de l’expression génique.

Ainsi, une des premières réponses physiologiques à l’hypoxie connue, fut l’induction de la synthèse de l’érythropoïétine (EPO) qui stimule la prolifération et la survie des cellules progénitrices des globules rouges. Ces dernières vont pouvoir proliférer et se différencier en érythrocytes, augmenter le nombre de globules rouges dans le sang, et par conséquent le potentiel de captage de l’oxygène sanguin. L’analyse des séquences activatrices en cis requises pour induire la transcription du gène

de l’epo en réponse à l’hypoxie a permis l’identification (Semenza and Wang, 1992), suivie de la purification biochimique (Wang et al., 1995), et enfin le clonage moléculaire (Wang et al., 1995) du facteur de transcription HIF-1 (Hypoxia Inducible Factor-1).

HIF-1 est un facteur exprimé dans tous les types cellulaires et joue le rôle de régulateur majeur de l’expression génique en hypoxie, aussi bien au cours du développement embryonnaire que dans les processus physiologiques postnataux. HIF-1 a été identifié chez tous les métazoaires, depuis Caenorhabditis elegans jusqu’à l’Homo sapiens, ce qui souligne l’importance et l’indispensabilité de ce facteur dans l’adaptation et l’évolution des métazoaires (Semenza, 2004).

2- HIF-1

Le facteur de transcription HIF-1 a été caractérisé en 1995 par l’équipe de Semenza. Depuis, de nombreuses études sont venues appuyer l’importance fondamentale de son rôle au cours de l’hypoxie. Il est alors communément reconnu comme l’acteur majeur dans la réponse à l’hypoxie. HIF-1 appartient la famille des protéines bHLH-PAS (basic helix-loop-helix ; PER-ARNT-SIM), senseurs environnementaux qui lient des séquences canoniques dites HRE (Hypoxia response element 5’ - TACGTGC- 3’) situées dans les promoteurs ou dans les séquences enhancer des gènes cibles qu’ils doivent induire. HIF-1 est un hétérodimère composé de deux sous-unités HIF-1α et HIF-1β (ou ARNT).

2-1 HIF-1α

2-1-1 HIF-1α, description

Le gène codant pour HIF-1α a été cloné chez de nombreuses espèces (souris, rat, xénope, drosophile…). Chez l’homme, le gène hif-1α est localisé sur le chromosome 14 (14q21q24) et il est constitué de 15 exons. Chez l’homme comme chez la souris la transcription du gène hif-1α est forte et ubiquitaire dans tous les organes (Wenger et al., 1996; Wiener et al., 1996). Enfin, des isoformes d’épissages alternatifs ont été décrites chez la souris (Wenger et al., 1997), le rat (Luo et al., 1997), puis chez l’homme (Gothie et al., 2000) ; pour autant leurs rôles physiologiques restent à déterminer.

Bien que le gène hif-1α soit constitutivement transcrit, la protéine HIF-1α n’est accumulée qu’en conditions d’hypoxie. En normoxie, l’hydroxylation des prolines 402 et 564 contenues dans le domaine de dégradation dépendant de l’oxygène de HIF-1α [oxygen dependent degradation (ODD)] est assurée par les protéines PHD [prolyl hydroxylase domain proteins (PHD1-3)]. Ces hydroxylations conduisent au recrutement de la protéine pVHL (von Hippel–Lindau protein). Cette

dernière appartient au complexe E3 ubiquitine ligase qui va initier l’ubiquitinylation de la protéine HIF-1α et, de ce fait, l’adresser au protéasome 26S en vue de sa dégradation. En hypoxie, le manque d’oxygène rend l’hydroxylation de la protéine HIF-1α impossible, ce qui permet son accumulation rapide dans la cellule. La voie de régulation dépendante de l’oxygène sera détaillée dans le paragraphe B-1.

La protéine HIF-1α est composée de 826 acides aminés (AA) et possède un poids moléculaire de 120kDa (Figure 11). Elle contient dans sa partie amino-terminale un domaine bHLH (basic-helix loop helix) situé entre les résidus 17 et 31, et deux domaines PAS (PER-ARNT-SIM), respectivement localisés dans des régions comprises entre les acides aminés 85-158 pour le domaine PAS-A, et 228-298 pour le domaine PAS-B. La présence des deux domaines PAS fait de la protéine HIF-1α un membre de la superfamille des protéines contenant ces domaines (AHR, aryl hydrocarbon receptor, SIM, single-minded, PER, period, CYC, cycle…). Le domaine bHLH intervient dans la fixation de la sous-unité HIF-1α à l’ADN, ainsi qu’à sa dimérisation avec HIF- 1β, avec le concours des domaines PAS, pour former le facteur de transcription HIF-1. Les domaines PAS doivent leur dénomination au nom des protéines dans lesquelles ces séquences répétées imparfaites ont initialement été découvertes, c’est-à-dire les protéines PER et SIM chez la drosophile et la protéine ARNT chez les vertébrés.

La protéine HIF-1α contient d’autres domaines importants à sa fonction de régulateur de la transcription au cours de la réponse hypoxique. Il s’agit de deux domaines de transactivation situés dans la partie carboxy-terminale. Le premier domaine NTAD (N-terminal transactivation domain) se situe entre les résidus 531 et 575 et le second CTAD (C-terminal transactivation domain) correspond aux acides aminés 813-826. Ces deux domaines fonctionnent de manière synergique, puisqu’un variant d’épissage privé du domaine CTAD a été décrit comme étant capable de dimériser avec HIF-1β, de lier les séquences HRE et de transactiver les gènes cibles mais avec des efficacités inférieures à celles mesurées avec l’isoforme pleine taille (Gothie et al., 2000).

Ces deux domaines sont séparés par un domaine inhibiteur de la transcription, localisé entre les résidus 576 et 785, dont la délétion progressive dans des protéines de fusion s’accompagne d’une augmentation proportionnelle de l’activité transcriptionnelle testée en normoxie (Jiang et al., 1997). De plus, HIF-1α contient deux séquences de localisation nucléaires (NLS, Nuclear Localization Signal). La première, située dans le domaine bHLH, a une structure bipartite (17RRKEKSRDAARSRRSKE33) similaire à celle de la nucléoplasmine. Elle est réprimée par le domaine PAS-B, ce qui conduit à une rétention cytoplasmique de la protéine HIF-1α. La nucléarisation de cette dernière au cours de l’hypoxie est assurée grâce à la seconde séquence RKRK comprise entre les résidus 718 et 721. Cette dernière est apparentée aux NLS de l’antigène grand-T de SV-40 (Kallio et al., 1998).

2-1-2 Le KO de HIF-1α

Le KO (knockout) de HIF-1α réalisé chez la souris entraîne une létalité embryonnaire qui survient entre les stades E8 et E9 de la gestation. L’analyse des embryons révèle des malformations cardiovasculaires, des défauts dans la formation des tubes neuraux, une absence complète de la vascularisation cérébrale, une réduction du nombre de somites et, enfin, une augmentation de l’hypoxie tissulaire [(Iyer et al., 1998), (Ryan et al., 1998)]. Ces résultats démontrent le rôle essentiel de la sous-unité HIF-1α dans le contrôle de l’embryogenèse en réponse aux variations microenvironnementales en oxygène.

2-2 HIF-1β

2-2-1 HIF-1β, description

Comme pour HIF-1α, le gène codant pour HIF-1β (ARNT1, arylhydrocarbon-receptor nuclear translocator) a été cloné chez de nombreuses espèces (souris, rat, xénope, drosophile…). Chez l’homme, le gène hif-1β/arnt1 est localisé sur le chromosome 1 (1q21) et il est constitué de 22 exons. Trois isoformes issues d’épissages alternatifs ont été décrites chez l’homme, mais aucune fonction propre ne leur a été encore attribuée.

Tandis que l’expression de la sous-unité HIF-1α est induite en hypoxie, celle de la sous-unité HIF- 1β est constitutive tant au niveau de son messager qu’au niveau de la protéine. Son niveau d’expression n’étant pas régulé au cours de l’hypoxie, l’étude de HIF-1β a probablement suscité moins d’intérêt comme l’atteste le nombre assez modeste de publications directement relatives à l’étude de ce facteur.

HIF-1α, elle contient dans sa partie amino-terminale un domaine bHLH (basic-helix loop helix) qui s’étend des acides aminés 103 à 143 et deux domaines PAS (PER-ARNT-SIM) localisés dans des régions comprises entre les acides aminés 161-235 pour le domaine PAS-A, et 349-419 pour le domaine PAS-B. Ces domaines confèrent à la protéine HIF-1β les mêmes propriétés que celles qui ont été précédemment citées pour HIF-1α.

La sous-unité HIF-1β contient aussi un domaine TAD (terminal transactivation domain) dans sa partie carboxy-terminale (plus précisément entre les résidus 756 et 789), mais ce dernier n’intervient pas dans la transactivation en réponse à l’hypoxie.

2-2-2 Le KO de HIF-1β

Le KO de HIF-1β entraîne aussi une létalité embryonnaire qui survient entre E9 et E10 environ. De nombreuses anomalies précèdent cette létalité, comme un défaut de fermeture de tube neuronal, des hyperplasies du néocortex, et une angiogenèse défectueuse ((Kozak et al., 1997), (Maltepe et al., 1997)).

3- HIF-2 et HIF-3

3-1 HIF-2α et HIF-3α

La famille des facteurs de transcription HIF à laquelle appartient HIF-1α compte deux autres membres que sont HIF-2α (ou EPAS1, Endothelial PAS domain protein 1) et HIF-3α (ou IPAS, Inhibitory PAS domain protein) qui ont été découverts plus tardivement [(Tian et al., 1997) ; (Makino et al., 2001)].

Chez l’homme le gène hif-2α/epas1 est localisé sur le chromosome 2 (2p21-p16) et il est constitué de 16 exons. Comme pour HIF-1α, le gène hif-2α/epas1 est transcrit de manière constitutive, et seule la protéine HIF-2α est accumulée en hypoxie. Seulement, contrairement à HIF-1α, HIF-2α n’est pas exprimée de façon ubiquitaire. C’est ainsi qu’on ne la retrouve que dans l’endothélium, le foie, le cœur, les poumons, et dans quelques types cellulaires du système nerveux central [(Tian et al., 1997) ; (Wiesener et al., 2003) ; (Ema et al., 1997)].

La protéine HIF-2α est composée de 870 AA et possède un poids moléculaire de 120kDa. Son organisation est très semblable à celle de HIF-1α, avec dans sa partie amino-terminale un domaine bHLH (28-68) suivi de deux domaines PAS (PAS-A : 84-154 ; PAS-B : 230-300), ainsi que deux domaines de transactivation NTAD (496-542) et CTAD (830-870).

Ces domaines permettent à la protéine HIF-2α de dimériser avec HIF-1β et de lier les mêmes séquences HRE que HIF-1α. Parmi les gènes régulés par HIF-1 et HIF-2, certains sont communs, alors que d’autres se distinguent en fonction du type cellulaire (Cf D 1-2).

En normoxie, HIF-2α est aussi régulée par l’hydroxylation de ses prolines 405 et 531 (aussi assurée par les protéines PHD) qui vont permettre le recrutement de la protéine E3 ubiquitine ligase VHL, l’ubiquitinylation et la dégradation consécutive de HIF-2α par le prétasome 26S.

Le KO de HIF-2α a été réalisé par quatre équipes différentes. Elles constatent une létalité embryonnaire aux alentours des stades E10, ou périnatale. Ces équipes ont observé des défauts vasculaires, de maturation pulmonaire et des brachicardies [(Compernolle et al., 2002) ; (Scortegagna et al., 2003) ; (Tian et al., 1998), (Peng et al., 2000)].

Chez l’homme, le gène hif-3/ipas est localisé sur le chromosome 19 (19q13.32) et il est constitué de 17 exons. Un épissage alternatif de HIF-3α génère six isoformes parmi lesquelles une conduit à la synthèse d’une protéine tronquée des domaines TAD qui inhibe l’activité transcativatrice de HIF-1 en hypoxie. Cette isoforme, HIF-3α-2, inhibe donc la réponse cellulaire à l’hypoxie en formant des hétérodimères avec HIF-1α, ce qui lui a valu l’appellation IPAS pour Inhibitory PAS domain protein [(Makino et al., 2001) ; (Maynard et al., 2003)]. Un autre variant, HIF-3α-4, est capable d’hétérodimériser avec HIF-2α, et d’inhiber son activité transcriptionnelle sur les mêmes bases structurales que l’IPAS (Maynard et al., 2007). Enfin, il a été démontré que les isoformes HIF-3α-1-3 sont hydroxylables au niveau de leur proline 490, ce qui conduit à leur reconnaissance par la protéine VHL suivie de leur polyubiquitinylation sur les résidus lysines 465 et 568 et leur dégradation consécutive par le protéasome26S.

De nos jours, on ne dispose pas encore de données sur un KO réalisé pour HIF-3α. 3-2 HIF-2β, HIF-3β et HIF4β

A l’image de HIF-2α pour HIF-1α, d’autres gènes codent pour des homologues de la sou-unité HIF-1β.

Le gène hif-2β/ARNT2 localisé sur le chromosome 15 (15q24), permet la synthèse la protéine HIF-2β (ou ARNT2) dans le foie, le cerveau et le rein. Cette isoforme est capable de dimériser avec les sous-unités HIF-α et de jouer un rôle, là où il est exprimé, dans des conditions d’hypoxie (Maltepe et al., 2000). Son KO a été réalisé, et l’on observe une létalité périnatale associée à un défaut de développement de l’hypothalamus ce qui corrobore son expression circonscrite (Keith et al., 2001).

Enfin les deux derniers, HIF-3β (ARNT3 ou encore appelé MOP3, bMAL1 et ARNTL1) et HIF4β (lui aussi retrouvé sous l’appellation de bMAL2 ou ARNTL2), ne sont pas impliqués dans la réponse hypoxique, bien que HIF-3β ait été retrouvé capable d’hétérodimériser avec HIF-1α (Hogenesch et al., 2000).

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