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L’hypoth`ese d’optimisation par l’herbivorie : le grand d´ebat

2.4 Mutualisme plantes-insectes

2.4.3 Un mutualisme sur base antagoniste

2.4.3.2 L’hypoth`ese d’optimisation par l’herbivorie : le grand d´ebat

L’expression de la tol´erance et donc de la compensation peut se d´ecliner en plusieurs niveaux qui se traduisent sur l’´etat final de la plante : impact n´egatif des insectes phyto- phages et donc une biomasse ou une fitness diminu´ee (souscompensation), impact neutre, l’herbivorie est enti`erement compens´ee (compensation compl`ete ou pleine), impact po- sitif (surcompensation). Ce dernier cas revˆet l’aspect d’un mutualisme tr`es particulier. En effet, la plante produirait mieux/plus en pr´esence de ravageurs qu’en leur absence. L’exemple le plus classique de surcompensation est le cas de la Gilia ´ecarlate, Ipomopsis

aggregata [Agrawal,2000,Paige,1999,Paige and Whitham,1986] (voir le focus5) mais

il existe de nombreuses autres exemples : ´etudes sur les grands herbivores et les pˆatures [McNaughton, 1983, Paige and Whitham, 1986], sur les herbac´ees ou les plantes agro-

et al., 2010]. Dyer [1975] met en avant une surcompensation reproductive du mais en

pr´esence d’un oiseau ravageur, le carouge `a ´epaulettes.Poveda et al. [2010] d´emontrent

sur le mod`ele pomme de terre/Tecia solanivora, qu’une faible infestation pouvait presque doubler la production de tubercules alors qu’une forte infestation pouvait la r´eduire de moiti´e.

Figure 2.27: Impact du nombre de tubercules infest´es par Tecia solanivora sur la

Figure 2.28: Inflorescence de Gilia ´ecarlate - Source : Walter Siegmund

Les avantages de l’herbivorie ont ´et´e particuli`erement mis en avant sur la Gilia

´ecarlate. Paige and Whitham [1986] d´emontrent ainsi que si 95% ou plus de la

biomasse foliaire de la Gilia est d´etruite par herbivorie (grands mammif`eres), la production de graines est 2,4 fois plus importante que si la plante n’avait pas ´et´e attaqu´ee.

Figure 2.29:Overcompensation chez la Gilia ´ecarlate - Source : Agrawal[2000]

Cette notion de sur-compensation a ´et´e reprise dans une hypoth`ese ´ecologique impor-

tante : la HOH ou hypoth`ese d’optimisation par l’herbivorie [Dyer,1975,Hilbert et al.,

1981, Paige and Whitham,1986]. Cette hypoth`ese stipule que des niveaux d’herbivorie

bas ou moyen peuvent induire des r´eponses positives chez les plantes.Owen and Wiegert

[1976] ont ´et´e les premiers `a sugg´erer un impact positif des herbivores (ici des grands

mammif`eres) sur les prairies grˆace au renouvellement du cycle des nutriments du sol.

Cette hypoth`ese a ´et´e soutenue par une mod´elisation math´ematique [Stenseth, 1978]

McNaughton,1979,Pearson,1965]. McNaughton[1979] sugg`erent alors que la produc- tion primaire nette peut ˆetre optimis´ee par une certaine intensit´e d’herbivorie (voir Fig.

2.30). Hilbert et al. [1981] a ´egalement mis en ´evidence les relations entre le taux de croissance relative de la plante et son augmentation de production primaire nette.

Figure 2.30:Courbe de l’optimisation de la production primaire nette selon la HOH

- Source :Williamson et al.[1989]

N´eanmoins, l’effet positif des herbivores a longtemps ´et´e source de d´ebat dans la commu-

naut´e scientifique. Ainsi,Belsky[1986] ´etudie de nombreux cas d’herbivorie et d´emontre

qu’il existe tr`es peu de justifications biologiques `a ce potentiel mutualisme entre her-

bivores et plantes. Cette ´etude est ´etay´ee par d’autres auteurs ([Painter and Belsky,

1993] et les r´ef´erences associ´ees) qui tendent `a prouver que la sur-compensation n’est

pas un ph´enom`ene significatif et encore moins g´en´eral des grands pˆaturages. Cependant

les ´etudes men´ees sur la Gilia ´ecarlate parPaige[1999],Paige and Whitham[1986] mais

aussi celles Dyer et al.[1991] sur le brome s’opposent `a ces r´esultats.

Belsky et al.[1993] d´enonce ´egalement la confusion possible entre la compensation des plantes apr`es une attaque (qu’elle soit biotique ou non) et un mutualisme entre plantes et herbivores. Ainsi, le processus de regain de croissance est un ph´enom`ene qui n’est pas

exclusivement li´e `a l’herbivorie et il y a peu de raisons pour que celle-ci ait d´evelopp´e

une co-´evolution sp´ecifique dans le cadre d’un mutualisme plantes-insectes. De plus, les auteurs mettent en avant trois d´efaillances dans les hypoth`eses de la HOH. La premi`ere est que l’herbivorie doit ˆetre ponctuelle et ne pas survenir dans la phase de regain de croissance (ou de fitness) de la plante. La seconde est qu’une plante plus grande ou avec

plus de graines est forc´ement un avantage face aux autres plantes. Or,Belsky et al.[1993]

rappelle qu’une plante plus haute peut ˆetre plus expos´ee `a des attaques biotiques ou

les insectes consid´er´es. Dans cette partie, nous en avons ´evoqu´e trois dont deux ”clas- siques” reposant sur une relation positive pour les deux compartiments (pollinisation

et relation plante-fourmi). La troisi`eme est `a la base une relation antagoniste qui par

le biais de la tol´erance des plantes aux ravageurs peut devenir selon les conditions, une relation tant positive pour la plante (cas de surcompensation) que pour les insectes.

Le tableau 2.3 d´ecrit ces trois mutualismes et rappelle leur avantages pour chacun des

compartiments. Type de mutua-

lisme Cons´equence pour la plante

Cons´equence pour

l’insecte

Pollinisation Am´elioration de la reproduction Alimentation

Fourmis/Plante

Protection contre les ravageurs, Pollinisa- tion, Dispersion des graines, Apport nu- tritif

Protection et Ali-

mentation

Sur base antagoniste Am´elioration de la production v´eg´etale

et/ou reproductive Alimentation

Table 2.3: Les diff´erents types de mutualisme entre plante et insectes et leurs

Mod´elisation des plantes, des

insectes et de leur interactions

Une d´efinition de ce qu’est un mod`ele est propos´ee par [Coquillard and Hill,1997] : ”Un

mod`ele est une abstraction qui simplifie le syst`eme r´eel ´etudi´e en ignorant de nombreuses caract´eristiques du syst`eme r´eel ´etudi´e, pour se focaliser sur les aspects qui int´eressent le mod´elisateur et qui d´efinissent la probl´ematique du mod`ele.” Un mod`ele est donc une repr´esentation id´ealis´ee et simplifi´ee d’un syst`eme biologique complexe. Il se restreint `a quelques aspects essentiels de son objet d’´etude afin de r´epondre `a un questionnement pr´ecis. La d´emarche de mod´elisation passe ainsi par tout d’abord, la d´etermination d’un objet d’´etude, puis la formalisation d’une probl´ematique, la d´efinition des hypoth`eses ainsi que de l’´echelle de mod´elisation, l’´evaluation des processus internes, la simulation de l’´evolution du syst`eme puis sa validation par comparaison aux donn´ees exp´erimentales

ou aux th´eories [Davi et al.].

La mod´elisation est un outil tr`es performant dans le domaine de l’agronomie ou de l’´ecologie. Elle remplit de nombreux objectifs : de simplification, de quantification, de test d’hypoth`eses, de d´etermination de param`etres, d’´etudes de syst`emes ainsi que de comparaison et de g´en´eralisation mais aussi de pr´evision. En agriculture par exemple, la mod´elisation peut fournir des informations quantitatives sur la p´eriode de culture, l’irrigation, la fertilisation, la lutte contre les ravageurs, et le climat.

Selon l’objet d’´etude et la probl´ematique choisie, il existe de multiples mod`eles. Cepen-

dant, leur classification n’est pas une chose ais´ee. Marcelis et al. [1998], par exemple,

s´eparent la mod´elisation en deux groupes distincts : les mod`eles descriptifs et les mod`eles

certains des processus intrins`eques au syst`eme et au moins un niveau hi´erarchique de plus que le processus d´ecrit (la photosynth`ese pour d´ecrire la croissance d’une plante par exemple). Ils sont souvent utilis´es pour tester des hypoth`eses, synth´etiser des connais-

sances ou encore faciliter la compr´ehension de syst`emes complexes [Marcelis et al.,1998].

Pourtant, cette s´eparation est fragile car certains mod`eles explicatifs pris `a leur niveau hi´erarchique le plus bas redeviennent des mod`eles descriptifs. Dans ce chapitre, nous avons donc d´ecid´e de pr´esenter la diversit´e de la mod´elisation des syst`emes plantes- insectes selon un autre d´ecoupage. Nous pr´esenterons avant tout les diff´erentes notions de temps (continu et discret) puis les notions de d´eterminisme et stochasticit´e. Dans une seconde partie, nous pr´esenterons des mod´elisations dites ”simples” bas´ees sur une unique ´equation et centr´ees sur un unique objet d’´etude. Puis nous analyserons des mod´elisations plus d´etaill´ees mettant en jeu plusieurs ´equations afin de d´ecrire tou- jours, un seul objet d’´etude (mod´elisation de la structure des plantes, mod`eles compar- timentaux, mod`eles de m´etapopulation,...). Enfin, nous d´evelopperons le couplage de ces mod`eles pour d´ecrire la mod´elisation des interactions entre objets (entre populations d’insectes, de plantes ou entre plante et insecte).

3.1

Des hypoth`eses g´en´erales de mod´elisations

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