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2. L’hypertension

2.2 La génétique de l’hypertension

2.2.2 L’hypertension essentielle

Contrairement à l’hypertension monogénique, l’hypertension essentielle est d’origine multifactorielle et elle représente 95% d’hypertension. Elle résulte de l’interaction entre

plusieurs gènes, et est ainsi appelée hypertension polygénique et dépend aussi de facteurs environnementaux et démographiques.

2.2.2.1 Les facteurs génétiques

Il est bien connu de nos jours que les facteurs génétiques contribuent de 30% à 60% aux variations de PA. Plusieurs études d’agrégation familiale montrent une corrélation entre la similarité de PA et le lien de parenté. En effet, même s’ils sont séparés, les membres apparentés d’une famille conservent une fréquence similaire de cas d’hypertension. Ceci est attribué non seulement à l’héritabilité génétique, mais aussi à un mode de vie semblable. Cependant, il a aussi été remarqué que les conjoints et les cas d’adoption, qui partagent le même environnement mais dont le patrimoine génétique est différent, n’ont pas une tendance plus grande à développer la maladie. Plus encore, des études sur des jumeaux montrent une très grande corrélation parmi les jumeaux monozygotes, qui est moindre lorsqu’il s’agit de jumeaux dizygotes [1, 2, 61, 62].

2.2.2.2 Les facteurs environnementaux

L’apparition de l’hypertension essentielle est étroitement liée à des facteurs démographiques et des habitudes vie. En effet, il a été démontré que la prévalence de l’hypertension est plus importante dans les pays développés. Ceci est vrai entre les populations urbaines comparées aux populations rurales.

De plus, des facteurs comme l’âge, le niveau d’activité physique, le régime, le stress, la consommation d’alcool et le tabagisme sont aussi reliés à l’apparition de l’hypertension [1, 2, 44, 61, 63].

2.2.2.3 Les interactions gènes-environnement

Comme discuté dans la section 1.2.3, le sodium joue un rôle prépondérant dans l’homéostasie de la PA. En effet, plusieurs études ont montré une corrélation entre l’apport exogène en sodium et l’hypertension. Plus encore, l’importance des facteurs démographiques et ethniques jouent un rôle important dans l’apparition de la pathologie. Ainsi, certains haplotypes reliés au RAS seraient liés à l’hypertension dans les familles de descendance

africaine [46, 63]. Du point de vue évolutif, la sensibilité au sel dériverait de variantes génétiques prédisposant les populations vivant dans les climats chauds et arides à une rétention accrue en eau et en sodium, ce qui expliquerait une fréquence plus importante de ce phénotype chez les individus de descendance africaine [44]. De plus, il a été stipulé que les oestrogènes auraient un effet protécteur sur la sensibilité au sel chez les femmes et ce en augmentant la production de NO et en contrant l’activité du RAAS; plus encore, il a été démontré que la prévalence de l’hypertension sensible au sel chez les femmes est plus importante après la ménopause [64].

Par ailleurs, les apports nutritionnels ont une influence très marquée dans le développement de l’hypertension [38]. À titre d’exemple, une consommation riche en réglisse mime les symptômes du syndrome AME, puisqu’il inhibe l’enzyme 11HSD.

L’obésité, la résistance à l’insuline et le syndrome métabolique sont impliqués dans la pathogénèse de l’hypertension. Tous ces facteurs activent le RAAS. À noter qu’une la prévalence de l’hypertension chez les patients diabétiques de type II est de l’ordre de 80%. Plus encore, l’hypertension et le diabète sont les principales causes d’insuffisance rénale [65, 66]. En effet, des régimes riches en glucides (fructose et glucose) induisent une élévation de la PA et des symptômes du syndrome métabolique. Une des bases génétiques de cette observation seraient des variantes d’épissage du gène codant pour le transporteur de l’acide urique et du glucose/fructose GLUT9 associées à un niveau élevé d’acide urique sérique qui inhibe, entre autres la production de NO. De plus, l’insuline et des hauts niveaux de glucose sanguins activent le système sympathique provoquant une activation du RAAS et des récepteurs mineralocorticoïdes par le cortisol qui aboutit à une hausse de la PA [38, 44, 63, 65-67].

D’un autre côté, la théorie du «Thrifty phenotype» [68] propose que la programmation intra-utérine du génome, par l’intermédiaire de modifications épigénétiques, serait aussi à la base d’une prédisposition du nouveau-né à développer ou résister certaines pathologies. À titre d’exemple, une contrainte dans la croissance in utero causerait des anomalies dans le nombre et la taille des glomérules et donc dans le mécanisme de pression-natriurèse. Plus encore, il a

été démontré qu’il existe une corrélation inverse entre le poids à la naissance et l’incidence de maladies cardiovasculaires à l’âge adulte.

Les modifications épigénétiques (La méthylation de l’ADN, la modification des histones, les inactivations chromosomiques) ainsi que des facteurs comme les ARN interférence et les microARNs régulent l’expression des gènes sans changer la séquence d’ADN tout en étant stables et héritables [63]. Il a récemment été démontré que le niveau de méthylation de la séquence des gènes 11HSD, ACE, ADD1, ADRB1 et ENaC, candidats à l’hypertension, corrèle de façon directe avec l’incidence de la maladie [69-72]. De plus, il a été suggéré qu’un régime riche en sel déclenche la suppression par l’intermédiaire des récepteurs -adrénergiques de l’expression du gène de WNK4 au niveau du rein. Cette régulation négative est due à la modulation du promoteur du gène par l’acétylation des histones dépendante de cAMP [73]. Actuellement, l’attention est portée sur la régulation de l’expression génétique par les microARNs, et il s’avère que plusieurs de ces molécules agissent sur des gènes impliqués dans le contrôle de la PA. À titre d’exemple, les microARN miR-584, -31, -181a et -663 sont impliqués dans la régulation de l’expression de certaines composantes du RAS. La voie de maturation des microARN implique les protéines Drosha, Dicer et RNAse III; des études sur des modèles murins démontrent que les souris knock-out pour la protéine Dicer spécifique au muscles lisses ont une PAS plus basse que les contrôles qui ont, eux, une contractilité vasculaire diminuée [45, 63, 74].

Le caractère polygénique et l’existence des interactions à la base de l’hypertension essentielle en font une maladie complexe. Ceci, ajouté à l’hétérogénéité génétique et de mode de vie des populations humaines, pose un défi majeur dans l’étude et la compréhension de l’étiologie de l’hypertension. Ainsi, l’utilisation de modèles animaux pour l’identification des composantes génétiques de cette pathologie est une stratégie de choix.