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Et qu’en est-il de L’homme qui murmurait à l’oreille des morts? De mon côté, j’ai surtout cherché à décrier l’abrutissement qui caractérise la société contemporaine. Nous vivons dans l’ère de l’instantané avec l’Internet et toutes

66 Kathi Maio, « Films: Mission Accomplished At The Zombie Jamboree », Fantasy &

les nouvelles technologies. Les gens réfléchissent de moins en moins par eux- mêmes, tombent dans la facilité, gobent tout ce qu’on leur raconte à la télé sans s’interroger ou pousser plus loin ce qui est colporté. La télévision présente des émissions toutes plus insipides les unes que les autres, sous prétexte de vouloir divertir. Les valeurs prônées dans le monde médiatique sont superficielles, sensationnalistes. Dans mon histoire, j’ai mis en scène un personnage pathétique (Léo) qui cherche la solution à ses problèmes et qui, ultimement, pense l’avoir trouvée par le biais du médium cinématographique. Léo n’est pas capable de réfléchir par lui-même pour venir à bout de son problème. Naïvement, il pense qu’il pourra devenir le héros de la situation en recréant une scène d’action qu’il a déjà vu dans un film. Toutes ses tentatives se soldent évidemment par un échec. Par-là, je souhaitais dénoncer l’immobilisme intellectuel dans lequel est plongée la société contemporaine et qui nous empêche d’avancer collectivement. Il faut arrêter de penser que toutes les bonnes choses vont nous arriver comme dans un conte de fées. Il faut faire place aux grands penseurs, se serrer les coudes pour avancer collectivement en se débarrassant de l’individualisme qui nous caractérise. Dans mon scénario, Léo est trop centré sur lui-même et sa propre douleur pour sauver le reste du monde. De plus, lorsqu’il essaie de faire avancer les choses, d’autres personnages lui mettent des bâtons dans les roues (le scepticisme de Ricky, l’arrogance du Dr Lambert, la résistance d’Oleg Yoni). En ce sens, la quête ratée de Léo est pour moi à l’image de nos projets de société qui n’aboutissent pas.

J’ai aussi fait une critique du journalisme par la caricature de Maximus Vandry et de son reportage à bord de l’hélicoptère TV-YA. Le désir d’en mettre plein la vue au spectateur passe souvent avant la qualité et la crédibilité de l’information. Le domaine de l’information est de mon point de vue assez mal en point. Les journalistes sont toujours en quête du fait divers le plus spectaculaire pour faire monter les cotes d’écoute de leur station de télévision ou les ventes de leur quotidien. Sans cesse, on présente des vox-pop insignifiants ou des images choc pour épater la galerie. Nous sommes à l’ère

139 de l’information spectacle, où toute forme de nuance est à proscrire, où les opinions tranchées sont nécessaires pour provoquer, pour faire jaser. Il va donc sans dire que mon scénario est teinté de certaines réflexions et opinions personnelles par rapport au monde des communications.

Conclusion

À la lumière de cette étude, il apparait que la figure du zombie a subi une certaine évolution entre les premiers films où elle a été mise en scène et les films plus récents dans lesquels elle est en vedette. D’abord d’apparence humaine, les zombies se sont peu à peu rapprochés de l’apparence d’un cadavre en décomposition. Aujourd’hui, les effets spéciaux permettent de donner aux créatures un réalisme à couper le souffle. Les réalisateurs font du corps un objet abject, un instrument d’horreur qui symbolise nos pires angoisses. Certains aspects de la figure du zombie de la première vague ont été conservés par les réalisateurs de la seconde. C’est le cas de la démarche erratique du zombie et de ses membres à l’allure raidie. Cependant, avec les années 2000 est apparu le zombie rapide, symptôme d’une société où tout va à la vitesse de l’éclair. Très tôt dans le cinéma zombiesque, le gore occupe une place centrale. Cela ne fera que se confirmer à travers le temps, puisque les films de zombies contemporains recourent abondamment à ce procédé.

Comme il se veut le reflet de la société dans laquelle il s’inscrit, le zombie est représentatif de l’époque dans laquelle le film voit le jour. L’environnement dans lequel le zombie évolue nous renseigne sur le contexte socioculturel. Si le cadre spatio-temporel des films de zombies s’est modernisé avec le temps, ce n’est que pour suivre son époque. Loin d’être insignifiants, les éléments spatio-temporels donnent de précieuses informations sur la société, puisqu’ils s’en inspirent. Autant dans les films de la première que de la seconde vague, le mort-vivant se présente comme un être qui sort de jour comme de nuit, ce qui en fait un opposant redoutable. Au fil du temps, l’exotisme des lieux présent dans les long-métrages de la première vague a été évincé des films de zombies, tout comme les références au folklore haïtien qui sont graduellement disparues. Dans l’ère moderne, le zombie est devenu un citadin et se retrouve dans des univers apocalyptiques résolument urbains. Avec le film contemporain survient aussi le décloisonnement de l’espace, ce qui dynamise grandement l’action. Les films de la première vague enfermaient la

141 leur survie. Aujourd’hui, les protagonistes sont plus nomades et prennent souvent la route plutôt que de se terrer dans un seul lieu. Le suspense devient encore plus grand, puisque l’avenir des personnages s’avère plus qu’incertain.

Sur le plan comportemental, le mort-vivant cannibale est devenu la norme très rapidement dans l’univers des zombies. Dès le premier film de George Romero, Night of the living dead (1968), le nouveau code est établi et perdure encore à ce jour. Néanmoins, la figure du zombie a subi une certaine évolution à cet égard, car le mort-vivant contemporain se montre beaucoup plus vorace et agressif que dans les films du corpus antérieur. Peut-être est-ce là le résultat d’une société désensibilisée à la violence tant elle est partout et qui éprouve le besoin de la repousser à un second niveau pour être stimulé. Les années 2000 sont également marquées par l’arrivée sur nos écrans du zombie intelligent. Bien que les premières traces d’intelligence soient perceptibles dans les films de la première vague, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’événements isolés et que le zombie s’avère un être sans volonté propre, abruti et mû par des instincts primaires. De manière beaucoup plus affirmée, le zombie contemporain fait preuve de ruse et de stratagèmes, communique avec ses semblables, éprouve de l’empathie pour les siens, sait manier des armes complexes et possède des souvenirs de son ancienne vie. Par contre, le caractère grégaire des zombies et leur tendance à se regrouper pour attaquer leurs victimes n’ont pas changé à travers le temps ; ils puisent leur force de la cohésion du groupe.

Depuis le début, les films de zombies ont été porteurs de messages. Il suffit de s’y attarder quelque peu pour réussir à en dégager une signification et constater qu’il n’est pas toujours question d’un divertissement léger et insipide. Qu’il s’agisse de faire la satire de la société dans laquelle il s’inscrit, de décrier une situation politique, de condamner un mode de vie ou un système économique ou bien de symboliser les angoisses profondes d’une société ébranlée par des événements terribles (catastrophes naturelles, guerres, attaques terroristes, etc.), la figure du zombie permet depuis ses premiers

instants aux réalisateurs de transmettre leur vision du monde. La société change au fil du temps, le zombie s’en fait le reflet et se transforme lui aussi. Voilà pourquoi le « zombie infecté » a envahi nos écrans ces dernières années; les préoccupations sociales ont changé, l’hégémonie de la science a supplanté les croyances. Le zombie est bien plus qu’une simple figure de l’horreur, il est un miroir de la société.

Bref, il apparait que la figure du zombie a subi certaines modifications à travers le temps, autant au niveau physique, spatio-temporel que comportemental. Mais ces changements sont le résultat de l’évolution de notre société moderne. Le zombie nous dépeint dans nos travers, dans nos bons et nos mauvais coups et ce, depuis sa naissance. Le zombie a changé parce que

nous avons changé. Prendre le pouls du zombie, l’examiner sous toutes ses

coutures, c’est prendre le pari de s’examiner soi-même.

Les zombies de L’homme qui murmurait à l’oreille des morts,