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III. La prise en charge des plaies cutanées

1. L’Histoire du pansement

Cette histoire débute par la découverte d’ossements humains datant du Néolithique, soit 10 000 à 4 000 ans avant notre ère, sur lesquels on pouvait détecter la présence de « stigmates » (63). Ces cicatrices osseuses seraient le témoin d’une forme de traitement par formation de trou par « trépanation » (63) à l’aide d’un morceau de bois et ainsi mise à nu de l’os blessé. Il subsiste néanmoins encore des doutes quant au réel intérêt de cette technique (évacuation des « mauvais esprits » ?). Il est en revanche fortement probable que ces hommes utilisaient des préparations à base de plantes et de graisses à visée cicatrisante.

Plus récemment, un des plus célèbres des écrits médicaux égyptiens fut retrouvé et intitulé le « Papyrus d’Edwin Smith » (datant de 1500 ans avant J.C.). Il permit de mettre en évidence les multiples avancées médicales dont faisaient preuve les égyptiens en leur temps, notamment en termes de traitement des plaies ouvertes. Différents protocoles y étaient décrits : ils comprenaient généralement l’application sur la plaie de viande animale « encore imprégnée de vie » (63) recouverte de miel, de graisses ou encore de cire d’abeille dont les propriétés antiseptiques et adoucissantes étaient déjà reconnues à cette époque. Des bandages en lin permettaient le maintien du pansement et la contention de la plaie.

Mais ce sont les grecs, notamment représentés par l’illustre père de la médecine qu’était Hippocrate (460-356 av J.C.), qui furent à l’origine des avancées les plus spectaculaires avec la

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mise au point de recommandations concernant le traitement des plaies encore d’actualité aujourd’hui telles que le lavage des plaies avec de « l’eau de mer » (63).

Les romains renforcent ces pratiques, 100 ans avant J.C., notamment en préconisant l’arrêt des hémorragies secondaires aux blessures par « compression » ou « cautérisation » (63), associé au nettoyage précautionneux des plaies souillées. De plus, nous devons à Galien au 2e siècle après J.C., la description de la « ligature des vaisseaux » (63) afin de stopper les hémorragies liées aux blessures, ainsi que l’asepsie rigoureuse de ces dernières.

Au Moyen-âge, la médecine arabe apporte un savoir-faire supplémentaire à l’origine de nombreuses avancées telle que la pratique du « méchage » avec l’introduction au sein des plaies profondes ou cavitaires d’ « étoffe trempée dans du blanc d’œuf » (63). Ces nouvelles pratiques permettent la remise en question de la croyance selon laquelle le pus présent au niveau des plaies était salvateur et « nécessaire à la cicatrisation » : « pus bonum et laudabile » (pus bon et louable) (63), qui persistait jusqu’au 7e siècle après J.C.

À La Renaissance, les blessures par balle sont les plus nombreuses avec le développement des armes à feu. Les traitements de l’époque ne sont ainsi plus ou peu appropriés à la prise en charge de ces nouvelles plaies. C’est Ambroise Paré (1509-1590) qui proposa un traitement moins « archaïque » que l’eau bouillante en préférant une préparation composée « de jaune d’œuf, d’huile rose et de térébenthine » (63) pour favoriser la cicatrisation des plaies. C’est également lui qui observa l’action des larves d’insectes sur les plaies résistantes et proposa des préparations à base « de larves bouillies » (63) aux vertus cicatrisantes.

A partir du 17e siècle, la chirurgie, qui était jusqu’alors uniquement réservée aux barbiers, est davantage prise au sérieux et prend tout son sens après la reconnaissance en temps que discipline médicale à part entière. De ce fait, on observe la création d’académies dédiées à la médecine et à la chirurgie dans de nombreuses grandes villes comme Paris, Londres…

L’essor de la chirurgie viendra de la médecine militaire. En effet, au 19e siècle, les chirurgiens amenés au front au cours des nombreuses guerres menées par Napoléon soignaient les militaires blessés directement sur le champ de bataille. La « médecine de l’avant » (63) voit ainsi le jour avec le développement de la médecine ambulatoire. Les pansements imbibés de vin ou vinaigre et composés de fil de toile de lin ou de coton, baptisés à cette époque la « charpie » (63), sont très rapidement remplacés par des morceaux de chiffons, de chemises ou de feuilles aux propriétés absorbantes bien supérieures.

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Les nombreux décès dus aux infections, notamment nosocomiales, ont permis la découverte des micro-organismes ou « germes », responsables de ce qu’ils dénommaient à l’époque « la pourriture d’hôpital » (63). Ces germes tuaient plus que les pathologies pour lesquelles étaient hospitalisées les personnes malades du fait de l’absence totale de protocole de désinfection que ce soit des instruments chirurgicaux ou des mains, ou encore par le port de vêtements souillés. La mise en place de mesures d’hygiène stricte dans les hôpitaux fut à l’origine d’une diminution importante du nombre de décès par infection, comme l’observa le médecin hongrois Semmelweis (1818-1865) au sein de son établissement. C’est à lui que l’on doit la pratique du nettoyage minutieux des mains et des avant-bras avant tout acte chirurgical, selon un protocole strict.

Les travaux de Louis Pasteur sur les micro-organismes et la fermentation ont permis la découverte en 1865 de l’asepsie des plaies dans la prévention des infections secondaires aux fractures ouvertes par le chirurgien anglais Joseph Lister. Ce dernier utilisa du phénol en désinfection d’abord des plaies puis celle des mains et des instruments de chirurgie.

Le développement des pansements au cours du 19e siècle est associé à la généralisation de l’asepsie dans le milieu médical, et cet « art de panser » sera peu à peu réservé au personnel médical et notamment aux infirmier(e)s.

Vint ensuite le 20e siècle et ses guerres mondiales (GM) dont l’extraordinaire violence justifiait la nécessité d’actualiser les pratiques en termes de chirurgie et de traitement des plaies de guerre. Ces dernières sont d’abord désinfectées au soluté de Dakin puis recouvertes de coton cardé, d’alcool iodé ou encore de pansements au charbon. L’absence de renouvellement régulier des pansements, associée aux conditions de vie particulières liées à la guerre, favorisait le développement d’infections ou d’hémorragies généralement fatales sur un champ de bataille.

L’invention du « tulle gras », pansement vaseliné non adhérent et stérile, est attribuée à l’un des célèbres frères Lumière, Auguste, dont les travaux sur la médecine moderne et la cicatrisation ont contribué à l’élaboration de ce pansement aux propriétés cicatrisantes remarquables en 1915. Il a été estimé que l’utilisation de ce pansement, renouvelé quotidiennement les premiers jours puis toutes les 48 heures en phase d’épidermisation, permettait un gain de 30% sur la durée de cicatrisation des plaies.

Les nombreux blessés de la 1ère GM (1914-1918), dont la plupart étaient victimes d’éclats d’obus et défigurés, furent nommés les « gueules cassées ». Leur prise en charge particulière permit le

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développement sans précédent de la chirurgie réparatrice. L’asticothérapie décrite par Ambroise Paré est largement employée à cette époque, comme elle le fut au 18e siècle au cours de l’expédition de Napoléon Bonaparte en Egypte par le médecin militaire Dominique Larrey (1766-1842). Mais cette pratique est rapidement supplantée par l’arrivée de nouveaux traitements révolutionnant la prise en charge des plaies infectées que sont les antibiotiques : la découverte de la Pénicilline en 1929 par Alexander Fleming (1881-1955) bouleversa comme jamais auparavant la pratique de la médecine.

Quelques temps après la fin de la seconde GM (1939-1945), dans les années 1960, l’étude réalisée par le chercheur anglais G. Winter apporte la preuve que la mise en place d’un pansement occlusif avec notamment la conservation d’un milieu humide permettait la cicatrisation de plus de 90% des plaies cutanées animales. L’extrapolation à l’homme donna des résultats sensiblement comparables.

Les pansements modernes révolutionnant par leur technologie la prise en charge des plaies voient le jour respectivement dans les années 1980 pour les hydrocolloïdes et 1990 pour les hydrocellulaires. Les autres familles de pansements que sont les hydrogels, les hydrofibres ou encore les pansements au charbon seront mis au point par la suite.

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