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2. L’Epo stimule la réponse à l’hypoxie du tronc cérébral isolé in vitro

2.7. L’expression d’EpoR serait modulée par l’Epo

Comme c’est le cas pour de nombreux autres ligands, l’Epo pourrait moduler l’expression de son récepteur. Différentes études montrent en effet que l’Epo induit une augmentation de l’expression de son récepteur, par exemple dans des cardiomyocytes de rats (Salisch et al., 2011), dans le système vasculaire (Beleslin-Cokic et al., 2004) ou dans le CNS (Hellewell et al., 2013). Par ailleurs, il est connu que l’expression d’EpoR diminue durant le développement fœtal de la souris (Liu et al., 1997). Cependant, aucune étude ne se penche sur l’effet de l’Epo sur l’expression de son récepteur dans le CNS chez le nouveau-né. Au vu des quantifications d’Epo et de l’ARNm d’EpoR dans le tronc cérébral des souris Tg21 nouveau-nés, qui montrent une surexpression d’Epo et une diminution de l’expression de l’ARNm d’EpoR, il est possible de supposer qu’une surexposition chronique à l’Epo induise une régulation négative de l’expression d’EpoR. En effet, l’effet stimulateur de l’Epo, présent à P0 et P3 sur le tronc cérébral isolé, et à P21 sur l’animal entier, n’est pas présent à P15, quand la quantification de l’ARNm d’EpoR montre une diminution de son expression. Cependant, l’expression de l’ARNm n’est pas forcément représentative de l’expression de la protéine, car la traduction est soumise à d’autres régulations que la transcription, et l’expression du récepteur à la membrane est lui aussi contrôlé. L’analyse de l’ARNm donne toutefois un indice important de la modulation de l’expression d’EpoR chez les souris Tg21. Cette donnée serait à prendre en compte dans l’étude de l’effet chronique de l’Epo, car dans l’idée d’une application clinique chez le nouveau-né, une diminution de l’efficacité de la stimulation à l’Epo pourrait apparaitre si le

145 traitement lui-même induit une diminution de l’expression du récepteur. Cependant, cette régulation négative de la ventilation n’est ni étudiée, ni mentionnée dans l’étude de Tempera et collaborateurs (Tempera et al., 2011), qui montre un effet bénéfique de l’Epo sur l’autonomie respiratoire de nouveau-nés humains prématurés. La diminution de l’expression d’ARNm d’EpoR pourrait être spécifique aux souris Tg21, ou encore n’apparaître chez l’humain qu’à des âges qui n’ont pas été étudiés par Tempera et collaborateurs. Le dosage d’EpoR, chez les nouveau-nés souris comme humains, pourrait apporter des éléments de réponse intéressants à ces questions.

Ainsi, il est important de garder en tête lors de l’interprétation des données expérimentales, qu’un modèle animal transgénique peut toujours subir d’autres changements phénotypiques que celui désiré, qui ne seraient pas forcément visibles « à l’œil nu ». La surexpression d’Epo semble induire de cette manière une diminution de l’expression de l’ARNm d’EpoR, ce qui est une donnée importante à prendre en compte dans l’interprétation des résultats. Cela pourrait être vérifié tout d’abord en dosage EpoR dans le cerveau des souris Tg21, mais aussi en dosant EpoR dans le cerveau de souris contrôle injectées de manière chronique avec de l’Epo dans le système nerveux central. Cela permettrait de savoir si la variation de l’expression d’EpoR provient bien de la surexpression chronique d’Epo, et non d’un problème génétique de la lignée de souris Tg21. Ainsi, l’impact de la stimulation chronique d’Epo sur le système nerveux respiratoire sera plus précisément cerné, et les mécanismes mis en jeu mieux compris.

Par ailleurs, d’autres éléments concernant EpoR méritent d’être mentionnés ici, même s’ils ne sont pas directement en rapport avec les résultats obtenus dans cette étude. Il s’agit des problèmes de spécificité des anticorps anti-EpoR présents sur le marché. Il est maintenant bien démontré que la majorité des anticorps anti-EpoR disponibles ne sont pas spécifiques à EpoR (Brown et al., 2007; Elliott et al., 2006; Kirkeby et al., 2007; Sturiale et al., 2007). Ces études remettent donc profondément en question les travaux précédents utilisant ces anticorps pour caractériser l’expression d’EpoR. Les nombreuses études qui démontrent un effet physiologique de l’Epo dans le CNS soutiennent très fortement qu’EpoR est un minimum exprimé dans le CNS, mais donnent peu de précisions supplémentaires. En utilisant des techniques plus efficaces (RIA) et un anticorps plus spécifique, une étude récente a montré qu’EpoR n’est que très peu ou pas exprimé dans des cultures de lignées de cellules neuronales (SH-SY5Y et PC12) (Sinclair et al., 2010). L’Epo dans le CNS serait donc exprimé par la glie, comme déjà suspecté (Bernaudin et

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al., 2000). Ainsi, la localisation exacte de la surexpression d’Epo dans le CNS des souris Tg21 post-natales, ainsi que le type cellulaire qui en est responsable (neuronal ou glial) reste à confirmer. Par ailleurs, l’injection chronique d’Epo dans le CNS de souris nouveau- nés permettrait de déterminer si la diminution d’expression d’EpoR dans le tronc cérébral des souris Tg21 est une conséquence de la surexpression chronique d’Epo, ou au contraire provient d’une autre modification génétique non-reconnue.

Un autre important acteur à prendre en compte dans ce schéma est sEpoR. L’expression de sEpoR, un antagoniste naturel de l’Epo, pourrait en effet être modifiée par l’Epo tout comme l’est EpoR. Il a déjà été mentionné en introduction que l’effet de l’Epo sanguine doit prendre en compte aussi bien la concentration sanguine d’Epo que la concentration sanguine de sEpoR, dans les cas d’érythrocytose excessive et de mal chronique des montagnes. Ainsi, la quantification de sEpoR dans le tronc cérébral des souris nouveau- nées pourrait se révéler très instructive dans la compréhension des mécanismes d’action de l’Epo dans la commande centrale respiratoire. Des variations de l’expression de sEpoR pourraient notamment expliquer la dépression respiratoire observée à P15 chez les souris Tg21, ou bien l’absence de diminution de l’expression d’EpoR à P21 chez les souris Tg21, selon l’âge ou l’expression de sEpoR est la plus importante dans le tronc cérébral.

Enfin, tel que mentionné en introduction, l’Epo est également capable de fixer un récepteur hétérodimérique formé d’une sous-unité RCβ et d’une sous-unité d’EpoR (Jubinsky et al., 1997). Le RCβ n’a jamais été étudié dans le contexte de l’implication de l’Epo dans la physiologie respiratoire. Son éventuelle implication dans la commande centrale respiratoire est à ce jour inconnue, et mériterait d’être investiguée. Dans le CNS, l’expression du RCβ est augmentée lors du traitement à l’Epo de lésions de la moelle épinère chez le rat, tout comme l’expression d’EpoR qui soutient l’action neuroprotectrice de l’Epo au site de lésion (King et al., 2007). Cependant, RCβ colocaliserait seulement faiblement avec EpoR (Sanchez et al., 2009), et l’effet neuroprotecteur de l’Epo a été montré dans des cellules où RCβ n’a pas été détecté (Nadam et al., 2007; Um et al., 2007). L’implication du RCβ dans l’effet de l’Epo au niveau du CNS reste donc encore un sujet de controverse, dont l’importance n’est cependant pas remise en question. RCβ pourrait être impliqué dans l’effet neurostimulateur de la respiration de l’Epo, comme il l’est pour son effet neuroprotecteur, et mériterait ainsi d’être étudié dans ce contexte.

147 En conclusion, la question de l’implication du récepteur à l’Epo dans la commande centrale respiratoire reste à explorer et permettra de mieux comprendre le schéma selon lequel l’Epo agit pour moduler la ventilation, même si d’importantes limites expérimentales sont aujourd’hui présentes.

3. La surexpression chronique d’Epo stimule la RVH in vivo uniquement aux âges