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Le programme culturel fait partie intégrante du projet politique du Front national et de sa stratégie de communication. Le F.N. a parfaitement saisi que la communication politique nécessite la définition d’objectifs et de programmes afin d’influencer les comportements des citoyens, le plus souvent en vue d’une échéance électorale. La rédaction même du programme a suivi cette logique de cohésion entre les revendications, les promesses, les mots et les idées. L’un des axes prioritaires du programme culturel du F.N. est l’objectif de développer « une culture populaire et enracinée », pour ce faire, il rejette l'orientation « cosmopolite » et « politiquement correcte » de la culture, dans laquelle on veut « dissoudre l'âme du citoyen français », et est déjà passé à la contre-offensive pour « rendre la culture aux français »353. L’expression « dissoudre l'âme du citoyen français » traduit une forme d’extermination de la culture nationale face à laquelle combat le Front national dans sa politique de « guerre

culturelle »354, symbolisée notamment par la figure de la restitution qu’exprime le terme

« rendre ».

La partie « Liberté » du programme de 1993 dans laquelle sont présentées quinze propositions en matière culturelle, développe brièvement quatre « fondements » autour desquels la

« culture nationale » doit s’articuler : « Le Beau, le Bien, le Vrai »355 ; « l’Enracinement » ;

« l’Universel » ; « Le rôle du politique ».

Ces quatre « fondements » seront appliqués grâce à trois principes sur lesquels se fondent les quinze propositions : « Enraciner l'avenir. Se libérer du conformisme totalitaire culturel », « Promouvoir et défendre la langue française » et « Libérer la création ».

1 – « Enraciner l'avenir. Se libérer du conformisme totalitaire culturel »

Le Front national préconise la réalisation des quatre missions suivantes afin de permettre le « ré-enracinement du peuple » :

• - « Restaurer la liberté d’expression et de création »

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GOLLNISCH, « Culture et patrimoine, Promouvoir le Beau en défendant nos racines »

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Cette expression a été développée par Bruno MEGRET, lors d’une conférence, organisée le 21 novembre 1987, intitulée, « Le combat culturel. La culture comme colonne vertébrale de la nation».

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Nous souhaitons rappeler que les trois termes qui forment l’expression « Le Beau, le Bien, le Vrai » ont déjà été utilisé par Victor COUSIN, philosophe spiritualiste et homme politique français (1792-1867), pour le titre de son ouvrage Du vrai, du beau, du bien, paru en 1853.

• - « Refuser la colonisation culturelle »

• - « Valoriser le patrimoine national et les beaux-arts » • - « Préserver les patrimoines culturels privés »

Selon les perspectives gouvernementales frontistes, le critère qui déterminera le choix des autorités politiques lorsqu'elles interviendront en matière culturelle sera la référence à « un art enraciné dans les cités et dans le peuple ». Il s’agit-là d’une mise en valeur du patrimoine français, tant d’un point de vue national et régional, que d’un point de vue local. Le Front national souhaite remettre au goût du jour, dans les écoles, les langues régionales afin de sensibiliser les générations futures qui seraient universellement dopées à la culture « made in USA ». « L'identité culturelle de la France et celles de ses multiples provinces recevront de cette manière les moyens d'affirmer leurs particularités face aux tenants du melting-pot mondial. »

En réponse au constat établi par le F.N. d’une « colonisation culturelle », le parti précise que c'est uniquement par « l'affirmation de l’identité nationale que le peuple pourra lutter contre l'invasion culturelle que tentent d’imposer les USA ». En effet, pour résister au « déracinement culturel », les Français doivent, selon lui, connaître leur propre culture et en être fiers.

En revalorisant la culture française, le F.N. souhaite aussi mettre un terme au monopole culturel américain, qui aurait investi aussi bien la mode, que la musique, le cinéma, et la télévision. Le projet de revalorisation de la culture française est certes louable et défendable ; ce qui pose problème dans le cadre des politiques culturelles du F.N., c’est la conception fermée et la dimension autoritaire de son discours. Ainsi, au-delà du champ culturel, c’est la société elle-même qui serait menacée par l’hégémonisme américain. « Nous programmons nos soirées télévisées sur Dallas et Dynasty, nous buvons du Coca-Cola, nous nous nourrissons dans les fast-food et les jeans sont devenus notre uniforme »356. L'anti-américanisme constitue un point d'ancrage dans le programme du F.N. La culture américaine mènerait à l'aliénation du peuple français : elle nous transmettrait « le goût du confort et de la quantité, la révolution sexuelle, le féminisme, la frénésie beatnik et hippie, le chewing-gum et la drogue »357. Aussi, le parti s'est lancé dans une politique culturelle dont les actions ont pour

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MEGRET, in FRONT NATIONAL (1987), p.105

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objectif de défendre le patrimoine national et de promouvoir une culture plus identitaire auprès des jeunes. Un remaniement de l'éducation nationale, par l’élaboration de nouveaux programmes plus centrés sur l'histoire, la littérature et l’histoire de l’art, est « proposé ». La lutte contre l’« hégémonisme américain » est soutenue par plusieurs actions : « [t]oute mesure visant à valoriser le patrimoine national sera largement amplifiée (quotas quantitatifs dans les médias mais également meilleure surveillance de la qualité par le CSA en matière de programmation audiovisuelle, particulièrement en ce qui concerne les programmes destinés à la jeunesse) »358. Le peuple français doit ainsi retrouver la fierté de son identité nationale et ne plus être victime d’une culture « cosmopolite » imposée par la « domination des puissances d’argent »359.

Ce premier principe du programme de 1993 exprime parfaitement la pratique de l’amalgame qui caractérise le Front national, notamment lorsqu’il met sur le même plan la lutte contre les Etats-Unis et la censure. En effet, ce que le F.N. nomme l’« hégémonisme américain » serait à l’origine d’une censure exercée, en France, contre les œuvres artistiques et les produits culturels français. Le discours du F.N. suggère également qu’il serait le seul à lutter et à pouvoir lutter contre l’hégémonisme américain. À ce titre, le F.N. souhaite, par exemple, mettre en oeuvre un plan culturel pluriannuel qui accorderait des moyens à la préservation du patrimoine monumental, architectural et naturel national. Ainsi, « les moyens budgétaires nécessaires seront-ils dégagés pour la restauration, l’entretien et l’embellissement du patrimoine monumental et architectural français, ainsi que pour la préservation des sites naturels. Les richesses archéologiques et historiques de notre pays seront mises en valeur de façon que le plus grand nombre de Français puisse y accéder. » Face aux différents textes

accompagnant les politiques culturelles360 et qui s’accordent sur la nécessité de l’accès à la

culture au plus grand nombre, le Front national se distingue par une forme de clôture de patrimoine, en s’adressant uniquement aux français.

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FRONT NATIONAL (1997)

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FRONT NATIONAL (1993), « Le Beau, Le Bien, Le Vrai »

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