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La présentation qui vient d’être faite nous paraissait nécessaire pour que le lecteur puisse comprendre où l’enquête nous emmène : autour d’un établissement militaro-industriel chargé d’histoire, encore en mouvement, et entouré de communes qui lui ont longtemps été très liées mais dont la vie a nettement changé au cours des 30 dernières années. Nous pouvons maintenant entrer plus avant dans la recherche de réponses aux questions que nous avons énoncées en introduction : comment décrire la coexistence de l’établissement et des personnes qui le côtoient quasi-quotidiennement ? L’existence d’un secret militaire participe-t-elle à modeler cette relation ? Comment sont abordées les questions liées à la préservation de

148 l’environnement ? Quelle place pour la participation dans et autour de l’établissement ? 3.1 - Comme un point de départ : une première territorialisation

Nous présentons ici ce que nous avons identifié comme premier territoire d’inscription de l’établissement d’Indret. Le mouvement de territorialisation qui l’a constitué découle en grande partie de l’implantation de l’établissement (puis d’autres usines). Nous décrirons ce territoire dans ses grands traits et nous intéresserons plus spécifiquement au mode de coexistence de l’établissement d’Indret avec les autres entités constitutives du territoire. 3.1.1 - La relation d’emploi : un lien fondateur

Nous avons expliqué plus haut que la fonderie royale de canons d’Indret a été créée en 1777, et qu’elle est transformée quelques années plus tard en manufacture royale de machines à vapeur (1828). L’activité de cette manufacture royale nécessite une main d’œuvre nombreuse. Des travailleurs sont recrutés parmi la population locale ; d’autres proviennent d’arsenaux français déjà existants et s’installent dans les parages. Naît une relation d’emploi qui liera longtemps l’établissement à la population des communes qui le bordent (voir plus haut). Cette relation d’emploi nous paraît avoir constitué le moteur d’un premier mouvement de territorialisation de l’établissement. Les communes de La Montagne, Indre, et Saint-Jean de Boiseau, dessinent ainsi les contours de ce premier territoire d’inscription de l’établissement d’Indret. Ce territoire perdure dans ses grandes lignes jusque dans les années… 1980. L’unicité temporelle que nous postulons pourrait être discutée : des mouvements ont à coup sûr eu lieu entre ces deux bornes temporelles (1828-1980). C’est la relative permanence de certaines caractéristiques de la coexistence entre l’établissement d’Indret et les acteurs alentour (identité des acteurs, de la teneur des relations, du périmètre qu’elles définissent…) qui nous incite à parler d’une permanence temporelle de ce territoire. Etre embauché à « Indret » a en effet longtemps constitué un horizon majeur pour beaucoup de jeunes garçons de ces trois communes – des filles étaient embauchées pour certains postes également –, et le cours supérieur pour garçons de La Montagne a un temps préparé ses élèves au concours d’entrée de l’établissement. Les quelques retraités de l’établissement avec qui nous avons pu discuter – embauchés pour les plus anciens après la Libération, et pour les plus jeunes autour de 1970 – l’attestent, et certains parlent également de leur père voire de leur grand-père, qui eux-mêmes résidaient dans une des trois communes et travaillaient à Indret. Une imbrication entre vie hors-travail et vie au travail en résultait. La conséquence visible de cette imbrication est que la vie de l’usine contribuait à rythmer celle des habitants : « Chaque usine avait ses appels avec des sirènes, des cornes… C’était pour l’embauche et la débauche. On savait que c’était à telle, telle et telle heure, on savait que si on avait un bus à prendre il fallait se dépêcher parce que ça venait de sonner » (entretien avec une indraise).

L’extrait d’entretien cité nous indique au passage que ce territoire n’était pas animé par la relation d’habitants à une usine (celle d’Indret), mais plutôt à des usines (dont celle d’Indret). L’importante relation d’emploi qui liait la population des trois communes à l’établissement d’Indret (dans les années 1980 encore l’établissement employait 1800 personnes), était doublée d’équivalentes relations liant la population à d’autres établissements industriels locaux : les Forges de Basse-Indre (les entretiens nous indiquent que l’usine des Forges employait autour de 2500 personnes avant une décrue qui aurait également pour scène les années 1990) et dans une moindre mesure l’usine de production d’engrais de Haute-Indre (un

149 site web indique « environ 300 salariés après la deuxième Guerre Mondiale »97, on sait qu’il en restait quelques dizaines au début des années 2000). La main-d’œuvre requise par cette forte concentration industrielle a longtemps résidé presque intégralement sur place, c’est-à- dire pour bonne partie dans les communes citées. L’établissement d’Indret était donc inscrit dans ce territoire pour partie façonné par sa présence (en ce sens qu’il a été la première industrie à s’installer, et qu’il constituait un gros employeur). L’imbrication de la vie hors travail et au travail, et plus généralement l’imbrication des différents domaines de la vie sociale, contribuaient à une certaine fermeture (hermétisme) de ce territoire envers l’extérieur. Hermétisme constaté par les personnes qui à partir des années 1980 viennent habiter à Indre ou La Montagne (nous n’avons pas d’informations à ce propos pour Saint-Jean de Boiseau) sans y travailler ni y posséder d’attaches familiales : les « locaux » se sont étonnés de cette installation – certains étaient méfiants ou du moins distants – tandis que les nantais ne comprenaient le choix de ces gens de partir habiter dans ces lieux mal réputés. L’hermétisme du territoire a deux conséquences pour ce qui concerne le mode d’existence de l’établissement d’Indret. La première est qu’au sein de ce territoire chacun connaissait cet établissement, soit parce qu’il y travaillait, soit parce qu’il fréquentait quelqu’un qui y travaillait (via des relations familiales, amicales, associatives, politiques…). La seconde est que, passées les limites de ces communes, c’était beaucoup moins vrai ; c’est encore le cas aujourd’hui : « On est quand même à 20 kilomètres de Nantes [note : par la route du Sud Loire, mais 10 kilomètres en traversant par le bac fluvial]. On n’est pas du tout dans la même problématique que les sites de Lorient, Cherbourg, Brest, qui sont vraiment implantés en cœur de ville, et donc sont bien identifiés et cætera. Nous aujourd’hui, c’est vrai qu’il y a cet isolement qui fait que l’on est très peu connus des nantais […] alors qu’on fait partie des grosses entreprises de la région » (entretien avec la responsable du service communication de DCNS Indret).

3.1.2 - L’autonomie peu contestée de l’établissement

Dans ce premier territoire c’est ainsi avant tout comme pourvoyeur d’emplois et comme lieu de travail que l’établissement d’Indret était identifié. C’est comme cela que nous le présentent tous ceux qui ont participé à la vie de ce territoire : retraités de DCN Indret, « anciens » des communes… Les thèmes les plus souvent évoqués sont : les effectifs, le statut des ouvriers d’Etat, les produits fabriqués, l’excellence technique, et parfois les conditions de travail. Cette perception n’était pas uniquement celle des salariés, mais celle de tous les acteurs du territoire : façon de voir partagée, dans ce monde d’interconnaissance.

L’activité de l’établissement d’Indret était-elle perçue comme génératrice de risques ou de nuisances ? Les personnes interrogées répondent par la négative, et précisent que cela valait autant pour DCN Indret que pour les autres établissements industriels locaux. Les phénomènes problématiques n’étaient pourtant pas absents. Exemple : les rejets aériens de l’ancienne usine d’engrais incommodaient notoirement les habitants d’Indre ; pour autant ils étaient considérés comme dommage collatéral d’une activité industrielle qui participait à donner vie au territoire via l’emploi. Hormis contre l’extension d’une décharge à ciel ouvert – dans les années 1980 – ce territoire n’a à notre connaissance pas connu de mobilisations « environnementales » (au sens donné plus haut). L’interconnaissance qui le caractérisait contribuait probablement à asseoir cette façon de voir l’industrie comme source de vie et les nuisances comme dommage collatéral : accuser une usine de polluer, c’eût peut-être été accusé indirectement un voisin, un ami, un beau-frère… qui y travaillait et y gagnait tout ou partie des revenus du ménage. Les nombreuses années de présence de l’établissement d’Indret

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150 n’ont à notre connaissance donné lieu à aucun incident conséquent : c’est du moins ce qui ressort de nos entretiens. L’expression d’une certaine confiance envers l’excellence technique de l’établissement d’Indret pouvait aussi contribuer à écarter l’idée d’une potentielle dangerosité. Le maintien d’une certaine opacité concourrait de manière générale à soustraire les actes de production de l’établissement aux regards publics. Cela passait par des aménagements physiques, des dispositifs organisationnels et même des manières d’être incorporées par les salariés. L’enceinte de l’établissement était hier comme aujourd’hui marquée par la présence de grilles et par le contrôle des entrées (quoique des aménagements aient fait varier la forme de cette enceinte, par exemple au début des années 1970). N’entrait donc pas qui voulait : des retraités de l’établissement nous ont parlé des contraintes (encore valables, nous les avons expérimentées) liées à l’introduction d’une personne extérieure pour un travail ponctuel. L’information était également protégée, grâce des dispositifs de morcellement et à une certaine réserve du personnel. Les propos des retraités de l’établissement que nous avons interrogés reflètent la manière dont était (et est peut-être encore) vécu ce secret par le personnel : comme quelque chose qui n’est pas exceptionnel, voire très banal. L’existence avérée d’une certaine réserve du personnel de l’établissement peut ainsi être interprétée comme une incorporation des exigences de discrétion.

Le secret constituait une figure du rapport avec l’établissement : il est évoqué comme ce qui soustrayait l’établissement au regard public, et le faisait avec une certaine légitimité autant qu’avec une certaine rudesse (beaucoup plus qu’il n’est évoqué comme notion juridique au contenu clairement défini). Les directeurs – et cadres supérieurs – de l’établissement étaient d’ailleurs considérés comme appartenant à un monde à part, plusieurs anecdotes circulent à ce propos. D’autres remarques nous ont amené à penser que les habitants de ce territoire voyaient la direction de l’établissement d’Indret comme peu soucieuse de ce qu’eux-mêmes pouvaient penser ou désirer (la « bonté » du Ministère de la Défense est parfois raillée ironiquement). La relation à l’établissement d’Indret était donc plutôt ambivalente en ce territoire : entre confiance (implantation ancienne, connaissance des travailleurs) et résignation (quasi-impossibilité de rentrer en contact avec les responsables, de faire prendre en compte les désirs des habitants). Notons tout de même que certaines demandes habitantes pouvaient transiter par l’intermédiaire d’un travailleur de l’établissement (la réponse demeurant incertaine). En résumé, disons que l’établissement existait comme acteur industriel et militaire, dont l’autonomie était tant préservée par des dispositifs physiques et organisationnels que socialement acceptée. Les habitants des communes de ce territoire évaluaient les actes de la direction au prisme des questions d’emploi et de salaire, les autres questions n’étaient, d’après ce que nous en savons, pas livrées au débat public. L’autonomie dont bénéficiait l’établissement en ce territoire n’était pas valable que dans l’enceinte de production : elle l’était dans toute la localité d’Indret.

3.1.3 - La localité d’Indret appropriée par l’établissement

Dans les entretiens que nous avons menés « Indret » désigne soit la localité (l’ancienne île et ses prairies), soit l’établissement (« il travaillait à Indret »). Une certaine unité lie la localité et l’établissement : nous avons cherché des traces de cet état de fait dans ce premier territoire d’inscription de l’établissement. Un exemple nous paraît très parlant : l’épisode des travaux de modernisation des installations de l’établissement au début des années 1970. Un nouveau directeur vient à cette époque d’être nommé pour l’établissement d’Indret. Il constate la vétusté de l’immobilier et des équipements, et l’obsolescence de l’organisation du travail. Il propose au Ministère de la Marine, qui l’accepte, un plan de rénovation : plusieurs bâtiments vont être détruits, de nouveaux construits, et l’établissement jusque-là séparé en deux blocs va

151 être unifié. La mise en œuvre de ce plan conduit à la démolition (en 1973) d’une grande partie des maisons et commerces qui existaient alors à Indret. Ces démolitions (et la construction de nouveaux bâtiments) n’ont d’après nos sources (entretien, archives) pas généré de contestation. C’est pourtant d’un changement radical qu’il s’agit : le village d’Indret, « petit bourg de 200 à 300 habitants » (entretien avec le maire d’Indre de 1977 à 1983), est en grande partie rasé. Aucun acteur des trois communes n’a protesté contre ce réaménagement. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour comprendre cette acceptation. D’une part, les terrains et les bâtiments étaient (et sont encore) propriété de la DCN et/ou du Ministère. D’autre part, les habitants des maisons d’Indret étaient des salariés de l’établissement (ceux qui restent aujourd’hui le sont encore) : la contestation pouvait s’en trouver difficile (mais ce n’est pas évident : les démolitions auraient également pu être considérées comme remise en cause d’une rémunération indirecte). Enfin, la légitimité du réaménagement tenait à ce que l’établissement œuvrait là pour la préservation et le développement de l’outil industriel, ce qui était tout à fait acceptable pour les autres acteurs du territoire. Nous avons évoqué cet épisode avec le Maire d’alors (qui était employé de l’établissement). Il nous a dit que les opérations réalisées par DCN Indret ne nécessitaient pas l’obtention d’un accord de la municipalité, et que son action en tant que Maire a été de tenter de s’assurer de la légalité des opérations de construction et de démolition. « Tenter » car il semble qu’il n’a pas été facile pour lui d’obtenir des responsables de l’établissement la présentation des permis de construire et de démolir. Gros employeur, service du Ministère de la Défense, l’établissement se révélait peu sensible aux demandes qui lui étaient faites par les autorités municipales.

La localité d’Indret était – en résumé – considérée comme une composante du domaine de l’établissement, où celui-ci pouvait agir selon la logique qui lui était propre (logique industrielle et militaire) ; les autres acteurs du territoire n’avaient pas à formuler de préoccupations à ce propos. L’épisode de la restructuration des années 1970 nous dévoile une situation que certains de nos interlocuteurs ont pu caractériser par l’expression « Etat dans l’Etat ». Nous préfèrerons quant à nous parler d’appropriation d’une portion d’espace du territoire par l’établissement. La localité d’Indret n’est cependant pas contrôlée comme l’enceinte de l’établissement, tout un chacun pouvait y marcher, s’y promener (c’est encore le cas aujourd’hui) : c’était comme un droit de passage, bien distinct du droit de décider, qui revenait à DCN Indret. Une simple réplique nous permet de mieux comprendre les représentations et les pratiques à l’œuvre à propos d’Indret (la localité et l’établissement). Elle a été prononcée lors d’un débat qui a suivi une réunion publique dans le cadre d’une révision simplifiée du Plan Local d’Urbanisme (PLU) d’Indret (2011). Le directeur de cabinet du maire précise, avec humour, suite à une question : « Sur la partie Indret, la commune ne possède que quatre parcelles [au cadastre]. A l’intérieur des grilles, c’est un secteur protégé. Le reste appartient quand même à la DCNS mais le public y est toléré. Toléré. Mais ils ne vous mettent pas en prison si vous y allez [rires de la salle] ». La mise en ordre qui prévalait pour ce premier territoire identifié perdure ainsi par certains de ses aspects. Mais la révision du PLU que nous venons d’évoquer renvoie aussi à des mouvements de déterritorialisation / reterritorialisation qui ont contribué à façonner l’actuel territoire d’inscription de DCNS Indret. Il nous faut donc continuer notre travail de sondage quasi-géologique : décrire le mouvement de territorialisation suivant, la prochaine strate.

3.2 - Après 1980 : le protéiforme mouvement de métropolisation

Nous avons évoqué plus haut l’intégration métropolitaine des trois communes (Indre, La Montagne, Saint-Jean de Boiseau), dont les habitants datent les premiers effets visibles au

152 début des années 1980. Ce processus a contribué à mettre en mouvement le territoire dans lequel s’inscrivait jusque-là l’établissement d’Indret. Une explicitation des caractéristiques de la métropolisation nantaise permettra de mieux comprendre deux épisodes singuliers y ont pris source. Ces épisodes, en même temps qu’ils donnent à voir certaines caractéristiques du premier territoire évoqué, ont contribué renouveler l’inscription territoriale de l’établissement. 3.2.1 - Figures de la métropolisation

La métropolisation peut être appréhendée comme d’une part mutation des institutions politiques et administratives, et d’autre part modification du profil des habitants et des façons d’habiter. Le site web de Nantes Métropole présente un court récit de la construction institutionnelle de l’intercommunalité nantaise. Les prémisses sont rapportés aux années 1920 et 1930 : « 1925 : Projet de syndicat de communes de l’agglomération nantaise. 1931 : Première réalisation intercommunale : transfert des abattoirs de Talensac à Nantes vers Pont- Rousseau à Rezé, sur un terrain […] qui deviendra territoire nantais »98. Le mouvement s’accélère à partir des années 1960 et 1970 avec la mise en place de plusieurs structures intercommunales, qui prennent en main un nombre croissant de compétences jusque-là communales. En 1992 est créé le District de l’agglomération nantaise, qui regroupe 20 communes (21 à partir de 1995). En 2001, le District devient Communauté Urbaine de Nantes (CUN), qui rassemble 21 puis 24 communes. C’est en 2004 que la CUN devient Nantes Métropole. Des centres de décision et des services administratifs métropolitains vont ainsi peu à peu se substituer aux municipalités dans certains domaines. Les compétences de Nantes Métropole sont actuellement au nombre de onze : aménagement urbain / transports et déplacements / espaces publics, voirie, propreté et éclairage public / déchets / environnement et énergie / eau et assainissement / logement et habitat / développement économique / enseignement supérieur, recherche et innovation / emploi / Europe et attractivité internationale. L’hermétisme du premier territoire d’inscription de l’établissement d’Indret est détricoté par cette recomposition institutionnelle. Les communes qui le constituaient sont de plus en plus prises dans ce territoire qui les dépasse : un territoire métropolitain alors en voie de composition.

Pour ce qui concerne la population des trois communes, la métropolisation se traduit – on l’a montré plus haut – par un changement de sa composition socioprofessionnelle (montée en puissance des catégories « professions intermédiaires » et « cadres et professions intellectuelles supérieures ») et par une déconnection du lieu de vie et du lieu de travail. L’arrivée des nouveaux habitants a pu relever de plusieurs motivations : le prix du logement et ce qui est identifié comme « la qualité de vie » semblent avoir été déterminants. Le goût qu’ont ces nouveaux habitants pour les communes concernées n’est à cette époque pas toujours partagé par leurs proches (« Mon père m’a dit : “Basse-Indre c’est épouvantable, qu’est-ce que vous allez faire là-bas ?” »). La dimension esthétique du bâti et la qualité de vie ne sont pas non plus perçues comme telles par les habitants plus anciens. Les personnes qui s’installent amènent donc une nouvelle perception des éléments du territoire… et la diffusent peu à peu. Le rapport à l’environnement naturel est également en jeu. Certains des habitants arrivés dans les années 1980 portent des préoccupations écologistes, qui les mettent en porte- à-faux avec ce qu’ils considèrent comme la « mentalité locale ». Le fond de l’affaire n’est pas nécessairement une « mentalité ouvrière » qui se confronterait à cette époque à une « mentalité classe moyenne ou CSP + » : rien ne nous permet de réduire ce que nous avons vu à ce déterminisme porteur d’une vision uniquement verticale des sociétés indexée aux CSP.

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153 Ce que nous pouvons dire c’est qu’une mise en ordre territoriale est bousculée par l’arrivée d’habitants porteurs d’une ou plusieurs autres façons d’appréhender et d’investir leur lieu de vie. L’arrivée de nouveaux habitants questionne également le devenir de l’interconnaissance qui marquait auparavant tant la vie locale. L’intégration n’est en effet pas toujours aisée (c’est que nous ont permis de constater des récits d’installation des habitants arrivés à l’époque). Cela n’est pas sans conséquence pour les questions qui nous intéressent : on ne retrouve plus ces réseaux de parentèle et de sociabilité par lesquels tout un chacun était lié à l’établissement d’Indret. La distance ainsi générée contribue à rendre l’établissement plus discret… mais peut-être provoquera-t-elle un jour de l’inquiétude : difficile de donner des prédictions.