Chapitre 4 – Prise en compte de la variabilité fonctionnelle intraspécifique et
3. Implication dans la modélisation de la dynamique d’un paysage
3.2. L’exemple de Lamos/Biomove
Le workshop intitulé “Simulating the dynamic response of species to environmental change?
Lamos, a hybrid platform”, organisé par W. Thuiller avec entre autres I. Davies (Australian
National University, Australie), G. Midgley (South African National Biodiversity Institute,
Afrique du Sud) & L. Hannah (Conservation International, Etats-Unis), s’est tenu a Grenoble
du 4 au 8 Février 2008. Au cours de celui-ci j’ai participé à la finalisation des aspects
conceptuels d’un couplage entre un modèle de dynamique de succession végétale (FATE) et
de qualité de l’habitat (Modèle d’habitat) nommé Biomove. Le développement de ce modèle
hybride en tant que tel est mené par Ian Davies et est implémenté au sein de la plateforme
de modélisation LAMOS. L’Article 5 est issu de ce workshop.
Fig. 4.10. Diagramme des principales routines de Biomove.
Les flèches verticales indiquent l’ordre d’appel des différentes routines et les flèches horizontales indiquent les
principales entrées et sorties de chacune de ces routines. (Figure issue de l’Article 5)
3.2.1. Lamos, une plateforme de modélisation
Lamos (pour « LAndscape MOdelling Shell ») est une plateforme de modélisation
spatialement et temporellement explicite qui inclut les processus basiques de la dynamique
de végétation résultant des interactions entre PFT ou espèces, des perturbations et des
patrons spatiaux (Lavorel 2001, Fig. 4.10). Cette plateforme propose de décrire la végétation
sous forme de PFT (ou espèces structurantes) et son utilisation suppose que les conditions
abiotiques sont adéquates pour chaque PFT implémenté dans la zone étudiée (ex : pas
d’influence du climat). Au sein de Lamos, le paysage est décrit comme une grille de pixels,
dans laquelle la dynamique de la végétation est modélisée par trois modules
interdépendants (Fig. 4.10): (1) un modèle de succession gouverne la dynamique de la
succession végétale à l’intérieur de chaque pixel et à chaque pas de temps ; (2) un modèle de
dispersion simule la dispersion des graines à travers le paysage. Le patron de distribution
des graines peut suivre (i) une loi exponentielle négative non directionnelle par rapport au
pixel d’origine de la graine, (ii) une distribution locale, les graines restant dans leur pixel
d’origine, ou (iii) une dispersion uniforme dans le paysage. Cette dispersion initiale peut être
couplée à un modèle de dispersion longue distance; une partie limitée des graines est alors
dispersée jusqu’à une distance maximale (L) de manière inversement proportionnelle à la
distance à l’origine. (3) un modèle de perturbation établi à partir des sorties du modèle de
succession et pour chaque PFT en fonction de sa sensibilité, la part de biomasse (abondance)
détruite (mort) ou perturbée (régénération). Il peut s’agir de différents types de perturbations
tels que des feux, de la fauche ou du pâturage.
3.2.2. Biomove : un modèle de succession hybride implémenté dans Lamos.
Biomove a été conçu comme un modèle de succession au sein de la plateforme Lamos. C’est
un modèle novateur qui permet de modéliser simultanément la dynamique des PFT
déterminant la structure de la végétation, et la démographie d’une espèce particulière au sein
de cette végétation. De plus, ces deux dynamiques couplées dépendent de la qualité de
l’habitat pour chaque espèce/PFT impliqué (ex : issue d’un modèle d’habitat), cette qualité
de l’habitat pouvant être spatialement hétérogène et pouvant changer dans le temps. La
manière dont la dynamique de la végétation est implémentée dans Biomove dérive du
modèle de succession FATE (Moore & Noble 1990). Cela donne un modèle de succession
semi-quantitatif reposant sur la compétition pour la lumière et assez simple à paramétrer
avec des connaissances de terrains ou des données bibliographiques ou de bases de données.
Les PFT sont représentés par des cohortes d’âge et d’abondance données. En fonction de son
âge, chaque cohorte se situe dans une strate de hauteur donnée (basse, intermédiaire ou
haute) et en fonction de son abondance, chacune opère une interception partielle de la
lumière, limitant la lumière disponible dans les strates inférieures (niveau de lumière faible,
intermédiaire ou fort). Le recrutement et la survie d’autres cohortes dans les strates
inférieures du même pixel dépendent de la tolérance des différents PFT à l’ombrage.
Ce qui rend Biomove novateur c’est le couplage qu’il propose entre la dynamique des PFT
dominants, déterminant la structure de la végétation, et la démographie d’une espèce
particulière (par ex. une espèce rare à forte valeur patrimoniale ou une espèce menacée). Ce
couplage est unidirectionnel (effet des PFT sur l’espèce) et suppose que l’espèce particulière
reste non dominante et n’affecte pas ou peu son environnement. Il permet d’inclure l’effet
des interactions biotiques sur la dynamique d’une espèce particulière dont on connait la
démographie, sans pour autant mettre en place des modèles démographiques complexes
pour l’ensemble de la végétation. La dynamique de l’espèce est donnée par un modèle
démographique mélangeant les approches par âge et par stade. Les étapes juvéniles sont
décrites par des âges (entre 0 et l’âge de maturité) et les étapes adultes par des stades (par ex.
mature, sénescent), le passage d’un stade à l’autre étant caractérisé dans une matrice de
transition. Paramétrer ce modèle nécessite de connaitre les taux démographiques clés de
l’espèce, ainsi que la durée de vie des individus, l’âge de leur maturité, la réponse des
différents stades à la perturbation et la capacité de dispersion de l’espèce. Il est aussi
nécessaire de connaitre la tolérance à l’ombrage pour différentes étapes de la vie des
individus (germinant, immature, mature), la disponibilité en lumière résultant de la
dynamique du paysage et étant incorporée dans le modèle démographique pour induire de
la compétition pour la lumière. Je ne parlerai plus ci-après de ce couplage qui est assez
éloigné de mon propos.
Ce qui rend Biomove novateur, c’est également son couplage avec un modèle d’habitat, qui
permet de répercuter la qualité de l’habitat sur la performance des cohortes (variabilité
intraspécifique contingente à l’environnement, Chapitre 3 et Fig. 4.1) et donc de simuler
l’influence des changements environnementaux (par ex. réchauffement climatique) sur la
structure de la végétation. La calibration, validation et projection des modèles d’habitat pour
chaque PFT/espèce sur l’aire étudiée, se font de manière indépendante à Lamos, par
exemple à l’aide de Biomod (Thuiller et al. 2009); il est essentiel que l’utilisateur choisisse
sciemment la méthode qu’il utilise (Chapitre 3). L’hétérogénéité de la qualité de l’habitat
dans l’espace est donnée par la projection des modèles d’habitat sur l’ensemble de la zone
traitée dans Biomove. La modification de la qualité de l’habitat dans le temps est donnée par
la projection des modèles d’habitat dans le futur grâce aux scénarii climatiques futurs
disponibles (IPCC 2007). Ces projections peuvent être effectuées de manières annuelles ou
pluriannuelles (ex : tous les dix ans). Une fois importées dans Biomove, les projections des
modèles d’habitat sont utilisées pour pondérer les processus démographiques (recrutement,
fécondité) et ont pour effet d’exclure le recrutement des PFT et de l’espèce dans les habitats
Fig. 4.11. Dynamique de la distribution de Larix decidua dans la vallée de la Guisane.
Les résultats représentent ici l’abondance mature de Larix decidua (niveau de vert). (En haut à gauche) les
conditions initiales en 2000. Puis de gauche à droite les distributions en 2080, 2100 et 2200. De haut en bas les
dynamiques observées lors des simulations sans effet de la qualité de l’habitat (ligne du haut), avec un effet de la
qualité de l’habitat par une fonction de lien binaire (ligne du milieu) et avec un effet de la qualité de l’habitat par
une fonction de lien linéaire croissante (ligne du bas).
l’environnement et les choix des fonctions de lien (Fig. 4.3) entre le modèle d’habitat et les
paramètres doivent être décidés avant de mettre en place les simulations avec Biomove.
3.2.3. Cas d’étude: dynamique de Larix decidua dans la vallée de la Guisane
Principe
Afin d’illustrer le couplage entre modèle de succession et modèle d’habitat dans Biomove,
j’ai mené quelques simulations simples visant à décrire la dynamique de Larix decidua Mill
seul (sans compétition) dans la vallée de la Guisane entre 2000 et 2080. Le mélèze d’Europe
est une espèce arborée sub-alpine pionnière et héliophile, son installation est souvent suivie
de celle d’autres arbres tels que Pinus cembro ou P. uncinata. Les individus de cette espèce
atteignent la maturité vers 20-30 ans et peuvent vivre jusqu’à 400 ans (200 ans dans les
simulations). Les individus matures produisent plusieurs milliers de graines mais pas tous
les ans (~10 ans), c’est le phénomène de masting ; ces graines ont une durée de vie de 3 à 7
ans. Pour simplifier, les arbres produisent ici des graines tous les ans avec une fécondité
maximale de 10
6graines par pixel. Comme modèle de dispersion, j’ai utilisé une loi
exponentielle négative (distance moyenne de dispersion=400 m, elle est exagérée ici et
devrait plutôt être de 200, la largeur des pixels), couplée à une dispersion aléatoire longue
distance (distance max=1,8 km) pour 0,1% des graines. L’ensemble des paramètres de cette
espèce, modélisée dans Biomove comme un PFT est donné dans le Tableau 4.3. J’ai utilisé les
données de couverture végétale (Corine land cover à 200 x 200 m, Tableau 1.1) en Guisane
pour définir la répartition actuelle des arbres dans la vallée et j’ai admis que la grande
majorité des boisements étaient des mélézins. Comme modèle d’habitat j’ai choisi d’utiliser
un modèle linéaire généralisé de famille binomiale (GLM, Encadré 2.2) liant la présence du
mélèze à la Température minimale en hiver (« Température »), selon la formule :
Présence_Mélèze≈Température+Température
2.
Pour simuler un réchauffement climatique entre 2000 et 2080, j’ai augmenté la température
uniformément de 0,5 °C tous les dix ans, soit une augmentation totale de 4°C. J’ai ensuite
projeté le modèle d’habitat sur ces données de température modifiées afin d’obtenir une
carte de qualité de l’habitat tous les dix ans. J’ai ensuite effectué trois types de simulations
(sans inclure de perturbation): (1) sans effet de la qualité de l’habitat ; (2) avec un effet binaire
de la qualité de l’habitat (seuil arbitraire à 0,6, il faudrait par la suite en tester d’autres) sur le
taux de recrutement et (3) avec une fonction de lien linéaire entre qualité de l’habitat et taux
de recrutement (recrutement nul dans les sites non favorables et maximal dans les sites de
qualité de l’habitat maximal). J’ai également regardé l’évolution des simulations jusqu’à 2100
et 2200 (la qualité de l’habitat restant identique à celle de 2070), 2200 étant la date à laquelle
les arbres de la distribution initiale (2000) meurent de mort « naturelle ».
Résultats
La distribution initiale du mélèze est globalement limitée aux altitudes en dessous de 2500 m
avec une abondance moyenne de l’ordre de 500 arbres/ha (Fig. 4.11). L’évolution de la
distribution des arbres diffère fortement entre les trois types de simulations. Dans le cas (1)
où la dynamique n’est pas contrainte par la qualité de l’habitat, la distribution des arbres
s’étend jusqu’à recouvrir des sommets comme le Pic du Combeynot (Nord Ouest de la carte)
à plus de 3000 m d’altitude (Fig. 4.11). Dans les deux autres cas pour lesquels la distribution
est contrainte par la qualité de l’habitat, des nuances d’abondance se créent entre les sites
plus ou moins favorables du fait de l’effet de la qualité de l’habitat sur le recrutement. La
distribution du mélèze ne s’étend pas mais « se déplace » spatialement, jusqu’à former des
peuplements denses (environ 250 arbres/ha) entre 2200 et 2500 m d’altitude et des
peuplements plus lâches (environ 100 arbres/ha) autour. Les aires les plus chaudes (et basses
en altitude) qui étaient peuplées en 2000 ne le sont plus en 2200 (Fig. 4.11). Il y a donc une
influence très forte de la qualité de l’habitat sur la dynamique du mélèze en présence d’un
réchauffement climatique et sans compétition ni perturbation. Il y a également une influence
de la manière dont cette qualité de l’habitat est prise en compte (fonction de lien binaire ou
linéaire).
3.2.4. Discussion sur l’exemple et questions ouvertes
Je n’ai pas cherché ici à montrer des simulations réalistes, ni a prédire une quelconque
dynamique future du mélèze dans la vallée de la Guisane. J’ai plutôt cherché à mettre en
évidence les éléments manquants pour pouvoir faire des prédictions réalistes à l’avenir.
Suivent quelques points de discussion et des questions encore ouvertes pour atteindre ce
but :
Signification des modèles d’habitat
Nous avons vu au Chapitre 3 que l’utilisation des modèles d’habitat rencontrait encore un
certain nombre de limites techniques et conceptuelles et que le débat était loin d’être clos
quand à la signification des sorties de ces modèles. Tout d’abord, afin que le couplage entre
modèle d’habitat et modèle de succession soit conceptuellement valide, il faudrait être
certain que le modèle d’habitat pris en compte donne une estimation de la niche
fondamentale et non de la niche réalisée. En effet on ne peut pas inclure les effets compétitifs
deux fois : indirectement avec le modèle d’habitat (si celui-ci représente la niche réalisée) et
directement avec le modèle de succession. Ensuite projeter les modèles d’habitat dans le
futur nécessite de faire deux hypothèses fortes: (1) il faut supposer que le modèle d’habitat
donne une estimation de la niche fondamentale de l’espèce. Il faut aussi supposer que sa
distribution présente n’est pas déjà contrainte par des effets compétitifs qui peuvent changer
dans le temps: l’erreur de prédiction dans le futur sera d’autant plus grande que l’espèce
n’occupe pas la totalité de sa niche au temps présent (Thuiller et al. 2004a); (2) il faut
également supposer que la relation entre la présence de l’espèce modélisée et les gradients
environnementaux est invariante dans le temps, c’est-à dire qu’il n’y a pas de plasticité
phénotypique, ni d’adaptation génétique des populations de l’espèce aux nouvelles
conditions environnementales qu’elles subissent (Article 2). Enfin comme nous l’avons vu
dans l’exemple, la forme de la fonction de lien (ex. binaire, linéaire : x, ou d’autres formes
comme x
1/2ou x
3résultats non présentés : Boucher 2008) change considérablement les
résultats pour la dynamique de la distribution d’une espèce seule. Or nous avons montré au
Chapitre 3 qu’il n’était pas évident de déceler une relation entre les sorties des modèles
d’habitat et performance, trait fonctionnel ou paramètre démographique des populations
d’une espèce. Si l’on ne dispose pas de suffisamment d’information pour décider des
fonctions de lien à mettre en place, on peut tester la sensibilité de ces fonctions pour chacun
des PFT/espèce à l’aide de simulations suivant un dispositif factoriel. On peut également
utiliser une approche simplifiée avec des fonctions de lien binaires qui permettent déjà
d’éliminer les zones d’habitat non favorables et de n’autoriser la dynamique de succession
que dans les zones favorables (Article 1). On pourrait supposer qu’en utilisant une fonction
binaire, on introduit moins d’information tout en limitant le biais, cela est à tester. Il faut
rajouter aussi que Biomove ne nécessite pas la mise en œuvre d’un modèle d’habitat et que
les cartes d’habitat (binaire ou continue) peuvent résulter d’autre modèles ou de
connaissance d’experts.
Problème lié au caractère semi-quantitatif de Biomove
Comme décrit ci-dessus, la partie modèle de succession de Biomove est un modèle
semi-quantitatif, c’est-à-dire que les principales grandeurs (hauteur des cohortes, disponibilité en
lumière, taux de recrutement) sont implémentées sous forme de variables catégorielles
ordonnées (faible, intermédiaire, forte). De ce fait, la pondération de certains processus par la
qualité de l’habitat résulte en des « sauts » d’une catégorie à une autre, par exemple pour une
qualité de l’habitat de 0.20 on pourra avoir un taux de recrutement faible et pour une qualité
de l’habitat de 0.21 un recrutement intermédiaire. Pour une espèce/PFT donné, on observe
donc des discontinuités dans la distribution des abondances (Fig. 4.11), conduisant à des
discontinuités dans l’extinction de la lumière par cette espèce/PFT et donc des discontinuités
dans son effet compétitif et dans toute la dynamique qui en résulte. Cela pose problème en
particulier par rapport au choix des fonctions de lien, puisque le changement d’une fonction
donnée à une fonction très légèrement différente peut entrainer un saut dans la répercussion
de la qualité de l’habitat sur les processus. Utiliser une fonction de lien binaire permettrait de
limiter ces discontinuités.
Bord de progression et bord de traine (« leading» et « trailing edges »)
Introduire de la variabilité intraspécifique dans un modèle de dynamique de végétation
permet en particulier de distinguer les zones d’habitat favorable, dans lesquelles les cohortes
ont les paramètres optimaux (taux de fécondité, de recrutement… maximaux), des zones
d’habitat moins favorable, dans lesquelles les cohortes sont dotées de paramètres
«sub-optimaux» (taux de fécondité, de recrutement… restreints). Dans les zones d’habitat moins
favorables ont distingue en particulier : (1) les zones qui n’étaient pas favorables et sont en
train de le devenir (bord de progression), ces zones sont potentiellement colonisables par
l’espèce si sa fécondité, sa capacité de dispersion et ses interactions avec les autres espèces le
permettent et (2) les zones qui étaient favorables et sont en train de devenir non-favorables
(bord de traine), les populations qui y sont présentes vont potentiellement s’éteindre, sauf si
elles deviennent des puits, fournis en propagules par des populations viables. Modéliser la
dynamique de ces deux « bords » de la distribution de l’espèce est l’un des enjeux majeurs
du moment (Article 2). Cependant le bord de traine demeure peu étudié (Hampe & Petit
2005). Modéliser la dynamique du bord de traine soulève des questions importantes quand à
la mortalité des populations (Hampe & Petit 2005). Les populations présentes dans le bord
de traine doivent-elles s’éteindre dès que l’habitat devient non-favorable ?
Progressivement avec une diminution de la durée de vie? Ou doivent-elles persister et
mourir de « mort naturelle » à la fin de la durée de vie maximale? On pourrait par exemple
s’attendre à ce que les espèces les plus longévives et en particulier les arbres soient moins
rapidement affectées par une diminution de la qualité de l’habitat.
Des interactions complexes
Dans l’exemple présenté ci-dessus tout a été simplifié au maximum, mais on pourrait ajouter
d’autres espèces/PFT et de la perturbation. Aux modifications de la distribution dues aux
changements climatiques s’ajouteraient alors des modifications dues à des changements de
perturbation (changement d’utilisation des terres) et des modifications dues à la compétition
et à la modification de la distribution des espèces/PFT compétiteurs, également soumis à
tout ces changements. Nous avons vu que modéliser une espèce seule soumise à une
contrainte unique n’était déjà pas trivial. Ajouter d’autres processus complique encore les
choses, d’autant plus que les effets de l’ensemble des processus ne s’additionnent pas
linéairement mais interagissent pour façonner la distribution finale de chaque espèce/PFT
(résultats non présentés : Boucher 2008). Ainsi les résultats obtenus au final pourraient être
assez éloignés de ce que l’on aurait pu prévoir connaissant les effets de chaque processus
séparément. Je ne présente aucun résultat ici n’étant pour le moment pas à même de les
expliquer. Comprendre et prédire la nature et les effets des interactions possibles entre
démographie, compétition, dispersion, perturbation (ou modification du régime de
perturbation) et changement « climatiques » (qui pourraient aussi bien être d’autres types de
modification de l’habitat) est l’un des enjeux de demain.
4. Conclusion
L’objectif de ce chapitre était de tester la prise en compte de la variabilité fonctionnelle
intraspécifique dans deux cas d’étude très différents. Cet objectif nous a d’abord amené à
soulever des questions génériques sur la manière de prendre en compte cette variabilité. Et
en particulier comment la prendre en compte sans la mesurer, mais simplement en la
simulant dans des jeux de données réels (semi-virtuel). Nous avons ensuite utilisé ce cadre
conceptuel et l’ensemble des résultats des Chapitres 2 & 3 pour tester la prise en compte de
la variabilité fonctionnelle intraspécifique dans deux grands champs d’application des traits
fonctionnels: l’évaluation de la diversité fonctionnelle et la modélisation de la dynamique de
végétation. Dans chacun des cas d’étude nous avons montré que la prise en compte de la
variabilité fonctionnelle intraspécifique pouvait avoir un impact fort sur les résultats
obtenus. Les questions et perspectives soulevées ont été différentes dans les deux cas et
laissent penser que l’inclusion de la variabilité intraspécifique doit être considérée en détail
dans chaque champ d’utilisation des traits fonctionnels.
Ce Chapitre dans son ensemble montre que malgré notre contribution (Chapitre 2 & 3) pour
améliorer la connaissance quantitative sur la variabilité intraspécifique, il manque encore un
certain nombre d’informations et d’ordres de grandeurs pour pouvoir inclure tous ses
Dans le document
Variabilité fonctionnelle intraspécifique: quantification in situ et implications dans une vallée alpine
(Page 172-200)